Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture entend les réponses de la délégation de l'Autriche

06 Mai 2010

MATIN

6 mai 2010

Le Comité contre la torture a entendu, ce matin, les réponses de la délégation de l'Autriche aux questions qui lui ont été adressées hier matin par les membres du Comité s'agissant des mesures prises par le pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dirigée par M. Helmut Tichy, ambassadeur au Ministère fédéral des affaires européennes et internationales de l'Autriche, la délégation a notamment assuré qu'il ne peut être procédé à une extradition si la personne refoulée risque la torture. La délégation a aussi rappelé que l'Autriche n'avait pas participé à des affaires de transferts spéciaux de prisonniers (ou «remises extraordinaires»), et n'a d'ailleurs pas été citée dans le rapport de l'enquête du Conseil de l'Europe sur les cas de transferts illégaux et de détentions secrètes en Europe. Interrogée sur l'usage de pistolets à impulsion électrique de type Taser, la délégation a indiqué que son utilisation avait été réintroduite en juin 2009 après qu'une étude ait conclu que cette arme pouvait être utilisée et a assuré qu'aucun problème n'est survenu depuis.

Les autres questions auxquelles la délégation a répondu portaient notamment sur les mesures de sensibilisation à l'interdiction de la prostitution infantile et du tourisme sexuel; l'utilisation de lits-cages dans les établissements psychiatriques et dans les prisons; les mesures prises pour prévenir les violences entre détenus; les mécanismes de protection prévus pour les femmes victimes de violence; et le droit des détenus de demander la présence d'un avocat lors d'un interrogatoire.

Sur ce point, M. Claudio Grossman, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Autriche, a rappelé qu'il était indispensable que des avocats soient présents lors des interrogatoires et a demandé des précisions sur les affaires pour lesquelles le droit à la présence d'un avocat peut être levé. Le rapporteur, M. Luis Gallegos Chiriboga, s'est pour sa part inquiété de la montée du racisme, de la xénophobie et de la discrimination raciale en Autriche. Il est impératif que les idées racistes ne soient pas utilisées pour promouvoir la violence qui pourrait se solder par un traitement dégradant, voire la torture, a-t-il insisté. D'autres experts ont mis en garde contre l'utilisation des pistolets à impulsion électrique et ont invité l'Autriche à réfléchir à cette question. En outre, des précisions ont été demandées sur la nature des plaintes et les sanctions appliquées pour les 445 allégations d'abus commis par des policiers en 2009.

Le Comité adoptera en séance privée ses observations finales sur le rapport de l'Autriche avant de les rendre publiques à l'issue de la session, le vendredi 14 mai prochain.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité a entendra la présentation, par le Yémen, des réponses aux questions que le Comité lui avait adressées à l'issue de sa dernière session, lorsqu'il avait examiné le rapport du pays en l'absence de délégation.

Réponses de la délégation de l'Autriche

En réponse aux questions posées par les membres du Comité, la délégation autrichienne a fourni des précisions s'agissant des garanties diplomatiques. Elle a certifié que les garanties diplomatiques ne sont en aucun cas prises en compte lorsqu'il y a un risque que la personne extradée soit torturée. L'extradition ne peut en aucun cas être décidée si la personne refoulée risque d'être torturée, a poursuivi la délégation. Chaque cas est étudié. Par ailleurs, la délégation a assuré que l'Autriche se conforme aux normes internationales de droits de l'homme et au droit international. Elle a fait valoir à cet égard que le pays n'a pas été cité dans le rapports du Conseil de l'Europe sur les cas de transferts illégaux et de détentions secrètes en Europe; il n'a pas participé à des affaires de «remise extraordinaire» de prisonniers; et il a pris part aux efforts visant à faire toute la lumière sur ces pratiques.

Invitée à donner des détails sur le plan d'action autrichien pour la lutte contre la traite des êtres humains, la délégation a souligné que ce plan met aussi l'accent sur la traite des enfants et la question du tourisme sexuel. Un centre de crise apporte une assistance aux victimes de la traite et un groupe de travail a chargé d'organiser des campagnes de sensibilisation à l'interdiction de la prostitution infantile et du tourisme sexuel.

En réponse à la question d'un expert, la délégation a affirmé que l'Autriche continuera de contribuer au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

Un expert ayant regretté que les organisations non gouvernementales autrichiennes n'aient pas utilisé la possibilité de s'entretenir avec le Comité avant la présentation du rapport autrichien, la délégation a assuré que les autorités ont de bons contacts avec les ONG. Ces organisations ont d'ailleurs participé à la rédaction du rapport destiné à être présenté lors de l'Examen périodique universel de l'Autriche, a-t-elle souligné.

La délégation a rappelé que le Gouvernement avait décidé d'amender le Code pénal autrichien en y introduisant une définition de la torture. Un projet de loi sera bientôt présenté devant le Parlement. Le texte prévoit en outre que les sanctions seront proportionnelles à la gravité des faits; elles stipuleront l'interdiction absolue de telles pratiques. En outre, la délégation a fait part d'un projet de loi adopté par le Gouvernement autrichien en avril dernier, amendant le code pénal de sorte à prévoir une sanction en cas d'acte raciste hostile.

Parmi les autres progrès législatifs, la délégation a notamment indiqué qu'un projet de loi sur la prévention du terrorisme fait actuellement l'objet de discussions. Ce projet transpose les obligations découlant des accords internationaux; il prévoit d'englober les questions de la participation à des camps de formation terroristes, du financement, de l'incitation au terrorisme et du recrutement.

En ce qui concerne les droits des détenus, la délégation a souligné que les suspects ont accès à un conseil juridique avant leur interrogatoire. Le détenu a le droit de refuser de parler avant l'arrivée de son avocat; celui-ci peut être présent pendant l'interrogatoire; le contact du suspect avec son avocat a lieu sans restriction aucune, sauf en cas de nécessité pour l'enquête ou pour rassembler des preuves; enfin, le détenu peut contester le choix de l'avocat commis d'office.

Les détenus mineurs bénéficient d'une protection particulière, a poursuivi la délégation. Le droit à la présence d'un conseil juridique ne souffre aucune restriction; en outre, une personne de confiance est systématiquement présente lors des interrogatoires de mineurs, à moins qu'un avocat ne soit présent. Des experts s'étant enquis du nombre de jeunes en prison et ayant relevé l'importance de recourir à des mesures alternatives à la détention, la délégation a assuré que la détention était une mesure de dernier recours. Alors que 20% des crimes sont commis par des jeunes, seuls 5% des détenus sont des jeunes, a-t-elle précisé.

S'agissant des mesures prises pour lutter contre les violences faites aux femmes, la délégation a expliqué qu'une première loi de protection, datant de 1997, a été suivie, en 2009, d'une deuxième mesure qui étoffe le mécanisme de protection déjà mis en place. Ce système de protection permet aux victimes de garder leur logement alors que l'auteur des violences doit le quitter. Une assistance juridique gratuite est offerte aux victimes. Un soutien psychologique est également prévu. La délégation a précisé que des centres d'intervention ont vu le jour dans toutes les provinces du pays.

Interrogée sur la réaction de l'Autriche face aux manifestations de racisme et de discrimination raciale, la délégation a rappelé que l'incitation aux activités nazies est interdite et que le déni des crimes commis par le régime nazi et de l'holocauste est puni. La loi s'attaque à l'idéologie nazie et à ses manifestations actuelles comme le néonazisme, a-t-elle précisé. Elle a cité quelques cas et notamment la récente condamnation d'un politicien autrichien pour instigation à la haine raciale et dégradation de symboles religieux.

Réagissant aux allégations prétendant que l'Autriche rechigne à poursuivre les criminels de guerre, la délégation a fait remarquer qu'entre 1945 et 1955, 2000 personnes ont été accusées de crime de guerre en Autriche. Il a précisé que 341 d'entre elles ont écopé de longues peines de prison et 29 d'une sanction de prison à perpétuité; 43 ont été condamnées à mort.

La délégation a par ailleurs reconnu qu'il existe des lits-cages dans les établissements psychiatriques. Elle a toutefois assuré que le nombre de ces lits était en diminution; ils ne sont aussi utilisés qu'en dernier recours lorsque aucune autre mesure n'a pu être prise pour maîtriser le patient. Les lits-cages sont par contre interdits en prison.

Les violences entre les détenus ne peuvent pas être totalement éliminées, a fait remarquer la délégation en réponse à une autre question. Elle a toutefois attiré l'attention sur les mesures prises pour prévenir cette violence. Elle a notamment expliqué que les détenus particulièrement violents sont isolés. Dans les cellules collectives, les autorités carcérales essaient de placer les détenus de manière à éviter les conflits. Elles veillent, par exemple, à séparer les membres d'un groupe ethnique de ceux d'un autre groupe avec lesquels ils pourraient être en conflit. La délégation a par ailleurs indiqué que le nombre de cas de violences entre détenus s'est monté à 153 en 2009, contre 216 en 2008.

La surpopulation carcérale ne pose heureusement pas de problème en Autriche, a poursuivi la délégation. Avec 8500 prisonniers, l'Autriche a un taux d'occupation inférieur à 100%. Elle a toutefois concédé que les institutions de détention provisoire peuvent parfois connaître un problème de surpopulation. Les autorités avaient prévu de construire un établissement supplémentaire à Vienne; elles ont toutefois dû y renoncer en raison de restrictions budgétaires.

Revenant sur des cas de décès en prison qui avaient suscité l'interrogation des experts, une représentante a indiqué que la détenue tombée d'une fenêtre s'était en fait évadée et s'est défenestrée de chez elle. Quant au détenu écrasé par un train, il s'est en fait suicidé en se jetant sous un train lors de sa tentative d'évasion. Pour ce qui est du cas d'étouffement relevé par les experts, la déléguée a expliqué qu'il s'agit d'un détenu qui s'est étouffé en se mettant un sac plastique sur la tête, attaché avec de l'adhésif. Quant au détenu mort par noyade dans une institution psychiatrique, il s'agit d'un détenu qui s'est noyé lors de son bain à cause de problèmes de circulation.

Pour ce qui est de l'usage de pistolets à impulsion électrique (Taser), la délégation a indiqué que leur utilisation avait été suspendue en 2008, suite à des affaires et des problèmes liés à l'usage de cette arme survenus à l'étranger, notamment au Canada. Une étude a ensuite démontré que cette arme pouvait être utilisée et, en juin 2009, le «Taser» a-t-il été réintroduit. Aucun problème n'est survenu depuis, a assuré la délégation. Elle a également indiqué que des ressources importantes ont été allouées pour la formation à l'utilisation de ces armes; le «Taser» est également équipé d'une caméra qui permet d'enregistrer son utilisation.

En matière d'asile, la délégation a précisé que la politique d'asile autrichienne se fonde sur les meilleures pratiques identifiées par le Haut-Commissariat pour les réfugiés. Elle a indiqué qu'en 2008, l'Autriche a reçu 12 841 demandes d'asile; 706 cas concernaient des mineurs non accompagnés. Par ailleurs, la délégation a assuré que les requérants d'asile ont accès à un médecin dans les centres d'accueil; lorsque certains prétendent avoir été victimes de torture, il est fait appel à des médecins spéciaux. Enfin, elle a indiqué qu'une quinzaine de cas a, ces dernières années, concerné l'octroi d'asile à des femmes menacées de mutilations génitales féminines et de mariage forcé.

Questions et observations supplémentaires des membres du Comité

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Autriche, s'est inquiété de la montée du racisme, de la xénophobie et de la discrimination raciale, et notamment de la récupération politique de certaines idées racistes. Pour l'expert, ces questions doivent impliquer toute la société et pas uniquement le gouvernement. Il est impératif que les idées racistes ne soient pas utilisées pour promouvoir la violence qui pourrait se solder par un traitement dégradant, voire de la torture.

Le rapporteur a requis davantage d'informations sur une affaire relayée par une organisation non gouvernementale: il s'agit d'un enseignant afro-américain frappé dans le métro par des agents de police qui le prenaient pour un trafiquant de drogue. Il a souhaité connaître les mesures disciplinaires envisagées suite à cette affaire.

Enfin, l'expert a demandé à la délégation de fournir de plus amples informations sur le système d'indemnisations et de réparation prévu pour les victimes de torture.

M. CLAUDIO GROSSMAN, corapporteur pour l'examen de ce rapport, a rappelé qu'il est indispensable que des avocats soient présents lors des interrogatoires. Il a demandé des précisions sur les affaires pour lesquelles le droit à la présence d'un avocat peut être levé.

Une autre experte du Comité a mis en garde contre l'utilisation des pistolets à impulsion électrique et a invité l'Autriche à réfléchir à cette question. Elle a fait remarquer que l'incorporation d'une caméra ne changera rien au fait qu'une personne puisse être blessée.

La délégation a par ailleurs été invitée à donner des détails sur la politique que compte suivre l'Autriche s'agissant de l'enregistrement des interrogatoires.

Des précisions ont été demandées sur le contenu des plaintes et les sanctions appliquées pour les 445 allégations d'abus commis par des policiers en 2009.

Réponses complémentaires de la délégation

Revenant sur l'affaire qui a fait l'objet d'un article dans le New York Times,concernant l'arrestation d'un Afro-Américain dans le métro, la délégation a expliqué qu'il s'agit d'une confusion malheureuse: une personne a été interpellée à la place d'une autre pour suspicion de trafic de drogue. Comme elle n'a pas coopéré, la police a recouru à la force. Suite à cette affaire, les agents de police concernés ont été accusés de coups et blessures par négligence, a précisé la délégation. Dans une autre affaire, quatre agents des forces de l'ordre ont eu un recours excessif à la force; tous ont été inculpés et condamnés.

La délégation a indiqué qu'il est possible de procéder à l'enregistrement des interrogatoires; des dispositifs existent et devraient être rapidement distribués dans le pays; il s'agit en outre de former les policiers à ces nouvelles technologies.

__________

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

VOIR CETTE PAGE EN :