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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture entame l'examen du rapport de l'Autriche

05 Mai 2010

MATIN
 
5 mai 2010
 

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport de l'Autriche détaillant les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Helmut Tichy, Ambassadeur au Ministère fédéral des affaires européennes et internationales de l'Autriche, a indiqué que dans le cadre des engagements qu'elle a pris dans le cadre lors de sa candidature au Conseil des droits de l'homme pour la période 2011-2014, l'Autriche s'était engagée à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et à inclure une disposition pénale spécifique relative à la torture dans son code pénal. Le programme de travail du Gouvernement se réfère de manière explicite aux recommandations du Comité et envisage d'apporter des amendements au Code pénal tenant compte des dispositions de la Convention, a souligné M. Tichy. Il a par ailleurs attiré l'attention sur un amendement au Code de procédure pénale entré en vigueur en 2008 qui a permis d'améliorer la transparence et l'indépendance des enquêtes pour les allégations de mauvais traitements commis par les agents chargés de l'application des lois. En outre, une nouvelle autorité indépendante, créée par une loi sur la lutte contre la corruption, est habilitée à mener ses propres enquêtes.

L'imposante délégation autrichienne était également composée de représentants du Ministère de la justice, du Ministère de l'intérieur, de la Chancellerie fédérale et de la Mission autrichienne auprès des Nations Unies à Genève.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Autriche, M. Luis Gallegos Chiriboga, s'est tout particulièrement préoccupé des violences commises à l'encontre des femmes, de la traite des êtres humains et du trafic d'enfants. Il a fait référence à l'affaire «Josef Fritzl» qui, selon lui, devrait encourager tous les pays à consentir davantage d'efforts pour éviter que ce genre d'affaires ne se reproduise à l'avenir. Le rapporteur a posé des questions s'agissant des pratiques d'enlèvement, de torture et de détention au secret dans des pays tiers dans le contexte de procédures spéciales d'extradition. Le corapporteur, M. Claudio Grossman, s'est pour sa part étonné du taux élevé de suicides en prison. Tout en reconnaissant les efforts consentis par l'Autriche pour lutter contre ce problème, il s'est enquis des services médicaux et programmes d'appui psychologique mis à disposition des détenus. Il a par ailleurs souhaité connaître les mesures prises pour lutter contre les violences en prison. Enfin, il a demandé si l'Autriche prévoyait de créer un organe chargé de recevoir des plaintes individuelles pour les abus commis par les forces de l'ordre.

Le Comité entendra demain matin, à 10 heures, les réponses de la délégation autrichienne. Cet après-midi, à 15 heures, il entendra les réponses de la délégation du Liechtenstein aux questions posées hier matin par les experts du Comité.

Présentation du rapport de l'Autriche

M. HELMUT TICHY, du Ministère fédéral des affaires européennes et internationales, a affirmé que son gouvernement attachait une grande importance au respect de ses obligations internationales en matière de droits de l'homme, et en particulier de l'interdiction absolue de la torture et des traitements cruels et inhumains. Les dispositions juridiques relatives à l'interdiction de la torture font partie du droit constitutionnel, pénal et administratif autrichien. Des mécanismes de surveillance ont été mis en place pour évaluer le respect des obligations du pays en matière de droits de l'homme. Plus récemment, dans le cadre des engagements qu'elle a consentis lors de sa candidature au Conseil des droits de l'homme pour la période 2011-2014, l'Autriche s'est, entre autres, engagée à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, ainsi que la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Elle s'est aussi engagée à inclure une disposition pénale spécifique relative à la torture dans le code pénal autrichien.

M. Tichy a également précisé que l'interdiction absolue de la torture est reflétée dans la manière dont le pays mène la lutte contre le terrorisme. L'Autriche est en effet convaincue que les efforts de lutte antiterroriste doivent être déployés en pleine conformité avec les normes des droits de l'homme et l'état de droit. Le pays soutient en outre les initiatives internationales de lutte contre la torture et, en particulier, le mandat du Rapporteur spécial sur la torture. Les procédures spéciales font d'ailleurs l'objet d'une invitation permanente. Enfin, l'Autriche coopère pleinement avec les mécanismes de surveillance internationaux et régionaux, comme par exemple le Comité européen pour la prévention de la torture et la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance. Ces deux organes ont d'ailleurs effectué une visite en Autriche l'an dernier, a précisé le représentant. Leurs rapports ont été publiés en mars 2010.

En ce qui concerne les faits récents intéressant les travaux du Comité, le délégué autrichien a expliqué que le programme de travail du Gouvernement se référait de manière explicite aux recommandations du Comité et envisageait d'apporter au Code pénal un certain nombre d'amendements pertinents tenant compte des dispositions de la Convention. Un mécanisme national de prévention sera également établi, conformément aux dispositions du Protocole facultatif à la Convention. S'agissant des centres de détention, le chef de la délégation a annoncé que des améliorations importantes ont été apportées, notamment en vue d'assurer une stricte séparation des personnes attendant d'être transférées de celles purgeant une peine. Un centre de «prédétention» sera construit au printemps 2011; il devrait pouvoir accueillir 220 personnes.

S'agissant du traitement des allégations de mauvais traitements commis par des agents chargés de l'application des lois, M. Tichy a rappelé que l'Autriche a toujours eu une attitude de tolérance zéro à l'égard de ces pratiques. En dépit des efforts, il existe malheureusement des cas individuels de mauvais traitements, a-t-il déploré. Il a assuré que toute allégation d'abus doit faire l'objet d'enquêtes promptes et impartiales. Un amendement au Code de procédure pénale entré en vigueur en 2008 a permis d'améliorer la transparence et l'indépendance des enquêtes, a ajouté le représentant. Enfin, une nouvelle autorité a été créée par la loi sur l'établissement et l'organisation du Bureau fédéral de lutte contre la corruption, entrée en vigueur le 1er janvier 2010: cet organe est indépendant des structures traditionnelles chargées de l'application de la loi et mène ses propres enquêtes en collaboration avec les procureurs.

Des cours de formation s'adressant aux agents de police, aux juges, aux procureurs et au personnel pénitentiaire en matière de torture sont assurés depuis de nombreuses années, a poursuivi le chef de la délégation. Ces cours constituent une composante obligatoire des cours de base du personnel de police; ils n'ont jamais cessé d'être améliorés, conformément aux recommandations du Comité contre la torture et du Comité européen pour la prévention de la torture. Il a ajouté que plusieurs cours et séminaires facultatifs sur les droits de l'homme et la non-discrimination étaient dispensés.

Le rapport périodique de l'Autriche (CAT/C/AUT/4-5, réunissant les quatrième et cinquième rapports) indique que le Gouvernement a pris certains engagements, qui correspondent aux obligations qui incombent à l'Autriche au titre de la Convention, et notamment: d'accroître la proportion de femmes dans la Police nationale; d'accroître la proportion de fonctionnaires issus de l'immigration dans la Police nationale; d'améliorer la prise en charge et la surveillance dans les prisons, en particulier des jeunes détenus; de modifier le Code pénal et y incorporer des obligations découlant du Statut de Rome de la Cour pénale internationale concernant les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre; d'inclure dans le Code pénal une définition de la torture et de modifier les dispositions concernant la protection pénale contre la torture, en application d'une recommandation du Comité contre la torture.

La nouvelle codification de la loi autrichienne relative à l'asile, dans le cadre des modifications apportées en 2005 aux lois sur les étrangers a entraîné des changements considérables. Les étrangers nécessitant une protection se voient octroyer l'asile ou une protection subsidiaire dans les meilleurs délais; de même, les étrangers qui ne peuvent prétendre à une telle protection sont rapidement informés de leur situation juridique. En ce qui concerne l'interdiction du refoulement des personnes qui risquent d'être soumises à la torture, énoncée par l'article 3 de la Convention, le rapport souligne que les dispositions de tout instrument international ratifié par l'Autriche sont réputées faire partie du droit autrichien et sont donc directement applicables.

Le rapport souligne également qu'en application de l'article 19 de la loi sur l'extradition et l'entraide judiciaire, le tribunal compétent examine s'il existe un risque que la personne dont l'extradition est demandée soit soumise à la torture. Il doit ensuite décider s'il y a lieu ou non d'accepter la demande d'extradition. Ces dernières années, l'Autriche a souvent rejeté des demandes d'extradition en raison d'éléments précis laissant soupçonner une violation de l'article 3 de la Convention. En 2004, les tribunaux autrichiens ont rejeté une demande d'extradition présentée par le Brésil et une autre présentée par l'Ouzbékistan; en 2005, ils ont rejeté 2 demandes d'extradition présentées par la Géorgie; en 2007, une demande présentée par l'Azerbaïdjan, 6 présentées par le Kazakhstan, 2 par le Bélarus et, en 2008 (à la date de rédaction du présent rapport), une par la Fédération de Russie, une autre par la Serbie et une autre encore par le Bélarus.

En ce qui concerne l'utilisation du pistolet paralysant Taser X26 par les agents de la force publique, le rapport indique qu'à la mi-mars 2008, le Ministre fédéral de la justice a décidé, momentanément, de mettre un terme à l'utilisation de ce dispositif. Actuellement, un groupe d'experts du Ministère fédéral de la justice s'interroge sur le point de savoir si le pistolet paralysant Taser X26 pourrait être réintroduit dans le cadre du système pénitentiaire. Le groupe présentera les conclusions de ses travaux en soumettant plusieurs recommandations au ministre concerné.

Examen du rapport

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Autriche, constatant que le pays compte adopter une disposition relative à la torture, a souhaité savoir si cette disposition contiendra tous les éléments de l'article 1er de la Convention, qui porte définition des actes de torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants. Il s'est également enquis des mesures qui seront prises pour mieux sanctionner ces pratiques.

En ce qui concerne les droits des détenus, le rapporteur a souhaité savoir si l'accès à un avocat était garanti pour les personnes en garde à vue. Il a aussi souhaité connaître les mesures prises pour assurer que les détenus mineurs ne sont pas soumis à un interrogatoire sans la présence d'un avocat.

M. Gallegos Chiriboga a par ailleurs pris note des efforts consentis par l'Autriche pour améliorer la parité au sein de la police, les femmes comptant pour 12% des agents. Il a souhaité savoir si le pays procédait à une évaluation de l'impact des mesures prises pour améliorer la composition du personnel de la police.

L'expert s'est ensuite interrogé sur le système d'inspection mis en place pour les établissements psychiatriques. Il a souhaité savoir ce qui est fait pour éviter le confinement forcé pour raisons psychologiques.

Le rapporteur s'est par ailleurs inquiété des violences commises à l'encontre des femmes, de la traite des êtres humains et du trafic d'enfants. Il a fait référence à l'affaire «Josef Fritzl» qui, selon lui, devrait encourager tous les pays à consentir davantage d'efforts pour éviter que ce genre d'affaires ne se reproduise à l'avenir.

M. Gallegos Chiriboga s'est également enquis de la suite donnée par l'Autriche à une recommandation du Comité des droits de l'enfant visant à lancer un plan complet contre la vente d'enfants et la prostitution infantile. Il a aussi souhaité connaître les mesures prises par le pays en matière de sensibilisation aux méfaits du tourisme sexuel.

Davantage de détails ont également été demandés par le rapporteur s'agissant du projet de loi qui incorporera les dispositions du Statut de Rome; des sanctions appliquées pour les actes racistes et xénophobes; des mesures prises pour éradiquer les violences sexuelles dans les centres de détention; et de la garantie de l'accès des demandeurs d'asile à une assistance juridique.

Enfin, l'expert a souhaité connaître l'opinion de la délégation s'agissant des pratiques d'enlèvement, de torture et de détention au secret via des pays tiers, dont Human Rights Watch, notamment, s'est fait l'écho. Il a notamment fait référence à des cas d'extradition et de détention au secret de personnes en Pologne et en Roumanie avant leur transfert à Guantánamo.

M. CLAUDIO GROSSMAN, corapporteur du Comité pour l'examen de ce rapport, a demandé des informations supplémentaires sur le droit des requérants d'asile à avoir accès à un avocat. Les services d'assistance juridique sont-ils offerts à tous, a-t-il demandé? Quels critères sont-ils appliqués pour décider de l'opportunité de donner accès à un avocat? Notant que le système autrichien prévoit la présence d'un avocat lors des interrogatoires, sauf pour éviter toute ingérence et corruption des éléments de l'enquête, il a souhaité savoir qui détermine qu'il y a «ingérence» et «corruption».

Constatant que des formations aux droits de l'homme et à l'interdiction de la torture existent depuis longtemps en Autriche, le corapporteur s'est interrogé sur le contenu de ces cours obligatoires, ainsi que sur les mesures prises pour encourager le personnel chargé de l'application de la loi à suivre les autres séminaires facultatifs relatifs aux droits de l'homme.

S'étonnant du taux élevé de suicide en prison et tout en reconnaissant les efforts consentis par l'Autriche pour lutter contre ce problème, M. Grossman s'est enquis des services médicaux et programmes d'appui psychologique mis à disposition des détenus. Il a également demandé des informations sur des cas de décès survenus en prison, et notamment celui d'une femme de 59 ans tombée de la fenêtre et d'un homme de 84 ans qui a reçu une balle dans la tête. Plus généralement, il a souhaité connaître les mesures prises pour lutter contre les violences en prison.

D'autres questions du corapporteur ont porté, entre autres, sur les mesures prises pour éradiquer les attitudes discriminatoires de la part de la police; sur le recours à l'enregistrement vidéo lors des interrogatoires; et sur les mesures alternatives à la détention pour les enfants.

L'expert a demandé si l'Autriche prévoyait de créer un organe, extérieur au système judiciaire, chargé de recevoir des plaintes individuelles pour les abus commis par les forces de l'ordre. Il a suggéré que le Conseil consultatif des droits de l'homme pourrait assumer ce rôle.

M. Grossman a également requis davantage de précisions sur la définition de la torture en vigueur en Autriche. Présentant des cas allégués de traitements cruels et de violences, il a souhaité savoir si de tels actes sont considérés ou non comme des actes de torture.

La délégation a par ailleurs été invitée à fournir des informations sur les garanties prévues pour assurer que personne ne sera refoulé vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture, ainsi que sur les critères utilisés pour déterminer ce risque.

S'inquiétant des conditions de vie au sein des hôpitaux psychiatriques, un membre du Comité a souhaité savoir si l'Autriche envisageait de renoncer à utiliser les lits à barreaux, appelés «lits-cages».

Plusieurs experts se sont enquis de la décision des autorités d'utiliser ou non le pistolet à impulsion électrique, le rapport autrichien expliquant que le Ministère de la justice avait décidé de cesser provisoirement l'utilisation du «Taser» et que des études étaient en cours. Un expert a souligné que le Comité recommande de ne pas recourir à ce type d'arme, alors qu'une autre a rappelé que l'utilisation du «Taser» touche au droit à la vie.

Une autre question a porté sur le statut de l'apatridie en Autriche, un expert s'enquérant du statut des demandeurs d'asile qui ne peuvent pas être renvoyés dans leur pays d'origine parce qu'on ne le connaît pas. Il a souhaité savoir si ces personnes peuvent, à terme, obtenir un permis de séjour.

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