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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'enfant examine le rapport du Burkina Faso

13 Janvier 2010

Le Comité des droits de l'enfant a examiné aujourd'hui le rapport périodique du Burkina Faso sur les mesures prises par ce pays pour appliquer les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport, M. Kamel Filali, a estimé que le Burkina Faso était engagé dans la bonne direction, que des efforts sont déployés et qu'il existe dans le pays une volonté politique de mettre en œuvre la Convention. Le Burkina Faso travaille dans un contexte difficile qui se résume à un mot: la pauvreté, dont les conséquences sur les enfants sont importantes, a relevé M. Filali. Le rapporteur a relevé des recommandations faites précédemment par le Comité ont été suivies d'effet, mais d'autres pas, notamment s'agissant des mariages précoces, des mauvais traitements dans les commissariats de police ou encore de l'exploitation économique des enfants. La loi coutumière continue de constituer une entrave à la promotion d'une approche basée sur la protection des droits de l'enfant, a-t-il déclaré. Il a aussi relevé une discrimination de fait à l'encontre d'enfants appartenant à des groupes vulnérables tels que les enfants handicapés et ceux vivant dans les zones rurales. Le nombre d'enfants des rues est en hausse, s'est-il également inquiété. Au cours des échanges, le rapporteur a par ailleurs jugé «inconcevable» qu'un enfant puisse être condamné à vingt ans d'emprisonnement, comme le permettent les dispositions légales burkinaises.

Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport du Burkina Faso, qu'il rendra publiques à la fin de la session, le vendredi 29 janvier prochain.

Présentant le rapport de son pays, Mme Pascaline Tamini, Ministre de l'action sociale et de la solidarité nationale du Burkina Faso, a attiré l'attention sur les efforts qui ont permis d'accroître le taux moyen d'enregistrement des enfants, de réduire les taux de mortalité maternelle et infantile et d'accroître les taux de scolarisation. Mme Tamini a également attiré l'attention sur la création des juridictions pour mineurs et a indiqué que l'État envisageait la mise en place de cadres adaptés pour la garde à vue des femmes et des mineurs dans les commissariats et les gendarmeries. La lutte contre la traite et les pires formes de travail des enfants s'est renforcée avec l'adoption de la loi de mai 2008 portant Code du travail, qui a fait passer l'âge minimum d'admission à tout type de travail de 15 à 16 ans, a d'autre part souligné la Ministre. Elle a attiré l'attention sur les nombreux défis qui restent à relever face à la persistance de la pauvreté, à l'insuffisance des ressources nationales, aux difficultés de mobilisation des ressources internationales, aux difficultés d'application des dispositions juridiques, à la persistance des pesanteurs socioculturelles, notamment.

La délégation du Burkina Faso était également composée du Représentant permanent auprès des Nations Unies à Genève, M. Prosper Vokouma, ainsi que de la Directrice du développement de l'enseignement de base et de l'alphabétisation et de représentants du Ministère de l'action sociale et de la solidarité nationale, du Ministère de la promotion des droits humains, du Ministère de la justice et du Ministère de la santé.

La délégation burkinaise a apporté des réponses aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de l'enregistrement des naissances, de la lutte contre les «pesanteurs sociologiques», du respect de l'intérêt supérieur de l'enfant, de la justice pour mineurs, de l'interdiction des châtiments corporels, de l'abandon d'enfant et des grossesses non désirées, des questions de santé et d'éducation, de la situation des enfants handicapés ou encore de la lutte contre la traite de personnes et le travail des enfants.
Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Cameroun (CRC/C/CMR/2) dans la salle du rez-de-chaussée du Palais Wilson (rappelons que l'examen du rapport de la Sierra Leone, également prévu pour demain, a été reporté à la prochaine session du Comité).

 

Présentation du rapport

MME PASCALINE TAMINI, Ministre de l'action sociale et de la solidarité nationale du Burkina Faso, a affirmé que depuis la présentation de son précédent rapport en septembre 2002, le pays avait poursuivi ses efforts pour améliorer de façon considérable la situation des enfants. Au niveau des mesures d'application générale, la Ministre a fait part de la ratification de plusieurs conventions, de la signature d'accords et de l'adoption de lois en faveur de l'enfant, citant notamment les deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention que le Burkina Faso a ratifiés, le cadre d'orientation stratégique pour la promotion de l'enfant pour la période 2008-2017 que le pays a adopté ainsi que la loi portant institution d'une Commission nationale des droits humains que le pays a adoptée en décembre dernier.

Mme Tamini a par ailleurs fait part des mesures prises en faveur de la diffusion de la Convention à travers, notamment, l'organisation de conférences et d'une formation à l'intention des chefs religieux et coutumiers, des autorités administratives et politiques au niveau local, des membres des associations, des personnels de garde d'enfants, des magistrats et des stagiaires des écoles professionnelles de santé. Elle a également attiré l'attention sur l'enseignement des droits de l'enfant dispensé dans les écoles de formation professionnelle de policiers, gendarmes et travailleurs sociaux depuis la rentrée scolaire 2006-2007.

En matière de droits et libertés civils, la Ministre de l'action sociale et de la solidarité nationale a fait observer que les différents efforts consentis en matière d'enregistrement des naissances ont permis d'atteindre en 2008 un taux moyen d'enregistrement des enfants de 0 à 18 ans estimé à 67,5%. L'année 2009 a été déclarée année d'enregistrement gratuit des naissances et la campagne de délivrance massive et gratuite d'actes de naissances pour les enfants a commencé en avril, a ajouté Mme Tamini.

Pour ce qui est des questions ayant trait au milieu familial de protection, la Ministre a attiré l'attention sur la création d'une direction du placement et des adoptions et d'une direction de l'éducation spécialisée au Ministère de l'action sociale et de la solidarité nationale; l'adoption en 2008 et 2009 de textes réglementant la création, l'ouverture et la gestion des structures d'encadrement et de formation des enfants en difficulté; ainsi que l'adoption de la loi de 2007 portant loi d'orientation de l'éducation, qui interdit toute violence à l'égard des élèves dans les établissements scolaires.

Dans le domaine de la santé, les mesures prises ont permis de faire passer le taux de mortalité maternelle de 484 pour 100 000 naissances vivantes en 1998 à 307,3 en 2006 et celui de la mortalité infantile de 103 pour mille en 1998 à 81 pour mille en 2003, a poursuivi Mme Tamini. Elle a notamment fait état de l'élargissement du programme de vaccination à d'autres vaccins tels que celui contre l'hépatite B et l'haemophilus influenzae de type B, ainsi que du renforcement de la lutte contre le paludisme chez les enfants de moins de 5 ans. La Ministre a par ailleurs attiré l'attention sur la mise en œuvre de la politique nationale de réadaptation et d'égalisation des chances des personnes handicapées, à travers l'adoption d'un plan d'action s'inspirant du programme mondial pour les personnes handicapées. Pour lutter contre les pratiques traditionnelles dangereuses pour la santé de l'enfant et de la femme, un plan d'action de «tolérance zéro à la mutilation génitale féminine» couvrant la période 2009-2013 a été adopté.

En matière d'éducation, a en outre indiqué Mme Tamini, le renforcement des capacités institutionnelles et techniques des structures d'encadrement de la petite enfance a fait passer le taux de préscolarisation de 0,72% en 2000 à 2,8% en 2006-2007 pour atteindre 5,73% en 2010. Au primaire, les efforts ont permis de faire passer le taux brut de scolarisation de 41,3% en 1999-2000 à 72,5% en 2007-2008. Au niveau du secondaire, il est de 20,7% en 2007-2008, dont 24,2% pour les garçons et 17,2% pour les filles. L'éducation de la fille et de la femme occupe une place de choix dans la politique éducative du Burkina Faso, a fait valoir la Ministre.

Dans le cadre des mesures de protection spéciale, Mme Tamini a attiré l'attention sur la création des juridictions pour mineurs par la loi du 8 septembre 2004. À cet effet, les magistrats et les greffiers sont déjà nommés et installés dans les cours d'appel de Bobo et de Ouagadougou, a-t-elle précisé, ajoutant qu'un juge des enfants a été nommé à Ouagadougou et un à Bobo-Dioulasso. Le processus de création de tribunaux et de nomination de juges des enfants dans les autres juridictions est en cours, a-t-elle souligné. L'État envisage la construction, dans les commissariats et les gendarmeries, de cadres adaptés pour la garde à vue des femmes et des mineurs, a par ailleurs indiqué la Ministre. Dans les maisons d'arrêt, a-t-elle poursuivi, on assiste à la construction progressive des quartiers pour mineurs et pour femmes.

La lutte contre la traite et les pires formes de travail des enfants au Burkina Faso s'est renforcée avec l'adoption de la loi de mai 2008 sur le Code du travail, qui a fait passer l'âge minimum d'admission à tout type de travail de 15 à 16 ans, a en outre souligné Mme Tamini, attirant par ailleurs l'attention sur le décret du 28 mai 2009 portant détermination de la liste des travaux dangereux interdits aux enfants et sur la loi du 15 mai 2008 portant lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées.

Toutes ces mesures d'ordre général et spécifiques ont certes permis d'enregistrer des progrès importants dans le domaine de la protection des droits de l'enfant au Burkina Faso, a déclaré Mme Tamini. Cependant, a-t-elle reconnu, de nombreux défis restent à relever face aux difficultés multiformes qui sont encore à surmonter et au nombre desquelles figurent en particulier la persistance de la pauvreté; l'insuffisance des ressources nationales; les difficultés de mobilisation des ressources internationales; les difficultés d'application des dispositions juridiques; les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des mesures réglementaires; la persistance des pesanteurs socioculturelles; ou encore l'insuffisance de données ventilées sur la situation des enfants. En vue d'une protection durable de l'enfant, a conclu Mme Tamini, il faudra que la communauté internationale apporte au Burkina Faso une assistance technique et financière plus structurante afin de lui permettre de renforcer ses acquis dans les domaines de la santé, de la justice pour mineurs, de l'éducation et de la lutte contre les violences sur les enfants.

Le rapport du Burkina Faso (document CRC/C/BFA/3-4 regroupant les troisième et quatrième rapports périodiques) souligne qu'en dépit de ses moyens limités, le Burkina Faso a déployé beaucoup d'efforts pour promouvoir les droits de l'enfant. Au cours de la période 1996-2006, indique-t-il, des actions ont été entreprises dans tous les domaines dans le sens d'un meilleur respect des droits de l'enfant. Dans le domaine de l'éducation, précise-t-il, on observe une augmentation sensible en quelques années du taux de scolarisation, surtout en milieu rural, ainsi que de l'implication des communautés de base dans la gestion du système éducatif. En ce qui concerne les enfants ayant besoin de mesures spéciales de protection, l'accent a été mis sur la prise en charge des orphelins et autres enfants vulnérables et la lutte contre la traite des enfants, poursuit le rapport. Au niveau de la santé, le rapport fait notamment valoir la baisse du taux de prévalence du VIH/sida, l'augmentation du taux de couverture vaccinale et la baisse du taux de mortalité infantile.

Dans le domaine de la législation, poursuit le rapport, un travail d'harmonisation reste encore à faire pour tenir compte des différents engagements pris aux plans international et régional. Les juridictions pour enfants sont jeunes et manquent d'expériences; pour les actions futures, l'accent sera mis sur le renforcement de compétences des acteurs de ces juridictions, indique le rapport.

Malgré les efforts accomplis, des difficultés spécifiques subsistent quant à la mise en œuvre des droits de l'enfant, difficultés qui n'ont pas encore trouvé de réponses adéquates, poursuit le rapport. Ce sont notamment l'application insuffisante des textes de loi, l'apparition de nouveaux types de violences tels que la pédophilie, la traite transfrontalière des enfants ou encore la prolifération des vidéoclubs, précise le rapport. De façon générale, conclut-il, les obstacles à la promotion des droits de l'enfant sont d'ordre socioculturels. En effet, explique-t-il, les droits de l'enfant tels que prévus dans la Convention sont contraires aux concepts coutumiers et traditionnels de l'enfant qui n'a pas de point de vue à donner. Il s'agira de poursuivre les activités d'information, de formation et de sensibilisation des populations pour un changement de mentalité. L'implication des enfants eux-mêmes à travers le parlement des enfants est un atout inestimable, souligne le rapport.

Examen du rapport

Questions des membres du Comité

M. KAMEL FILALI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Burkina Faso, a relevé que ce rapport faisait ressortir certains des obstacles auxquels se heurte la mise en œuvre de la Convention dans le pays. Des progrès ont certes été réalisés, en particulier du point de vue législatif, a poursuivi M. Filali, avant de se réjouir de la récente création d'une commission nationale des droits humains. L'expert s'est également félicité que le Burkina Faso ait ratifié les deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention ainsi que d'autres instruments internationaux, au nombre desquels le Traité de Rome portant création de la Cour pénale internationale.

Néanmoins, un certain nombre de domaines méritent de bénéficier d'éclairages complémentaires de la part de la délégation, a estimé M. Filali. Il a notamment souhaité en savoir davantage au sujet de la stratégie de croissance accélérée évoquée dans la présentation orale du rapport. Certaines des observations finales du Comité ont été suivies d'effet alors que d'autres pas, en particulier celles qui concernaient la définition de l'enfant, la distribution des ressources, les mariages précoces, les mauvais traitements dans les commissariats de police ou encore l'exploitation économique des enfants.

M. Filali a relevé que le projet de code de l'enfant soumis au parlement burkinais concerne uniquement les enfants en conflit avec la loi. La loi coutumière continue de constituer une entrave pour la promotion au Burkina Faso d'une approche basée sur la protection des droits de l'enfant, a en outre déclaré le rapporteur.

S'agissant de la coordination de l'action en faveur de l'enfance, M. Filali a jugé insuffisant le budget alloué au comité national de suivi et d'évaluation du Plan d'action national pour l'enfance, au regard des missions qui incombent à cette institution. Il a par ailleurs relevé une discrimination de fait à l'encontre d'enfants appartenant à des groupes vulnérables tels que les enfants handicapés et ceux vivant dans les zones rurales. Évoquant à cet égard le poids de la tradition, M. Filali a déclaré qu'il est temps, selon lui, de dire que les enfants sont des sujets de droits. L'expert a salué les efforts déployés par le Burkina Faso en matière de promotion de l'enregistrement des naissances, mais a relevé qu'une partie de la population reste, de ce point de vue, juridiquement invisible. Évoquant par ailleurs les conditions de détention des enfants dans les locaux de la gendarmerie et les observations déjà faites par le Comité à ce sujet, M. Filali a insisté sur la nécessité de faire en sorte que le personnel chargé de l'application des lois ait une culture des droits de l'enfant.

M. Filali a par ailleurs relevé les taux élevés de mariages précoces et de grossesses précoces et non désirées et s'est enquis des mesures prises pour remédier à ces problèmes.

Le rapporteur a par ailleurs jugé insuffisantes les mesures de soutien pour accompagner le rapatriement d'enfants en provenance de Côte d'Ivoire, en particulier pour ce qui est des mesures d'accompagnement psychologique.

Près de la moitié des enfants âgés de 5 à 14 ans travaillent dans le secteur agricole, s'est en outre inquiété M. Filali. Il y a aussi un trafic d'enfants en vue de l'exploitation de leur travail, notamment dans des fermes de coton où ils sont de surcroît exposés aux pesticides dangereux, a-t-il ajouté. Des enfants travaillent également dans des mines d'or et comme domestiques – autant de situations où ils sont particulièrement exposés à des risques d'abus, a poursuivi l'expert.

Le nombre d'enfants des rues est en hausse, s'est par ailleurs inquiété M. Filali, ajoutant que souvent, ils ne sont pas enregistrés à l'état civil et sont victimes de violences policières ainsi que d'exploitation économique et d'abus sexuels. L'expert s'est également intéressé aux enfants garibous et aux mesures prises par les autorités pour empêcher que les maîtres religieux qui en ont la charge ne les exploite.

Des enfants continuent d'être jugés par des tribunaux pour adultes, s'est également inquiété M. Filali. Des enfants peuvent rester placés en détention pendant des semaines entre les mains de la police, qui plus est avec des adultes, a-t-il fait observer. Nombre d'enfants placés en détention perdent le contact avec leurs familles, a-t-il ajouté.

Un autre membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur les mesures prises au Burkina Faso pour mettre un terme aux violences familiales, notamment à l'encontre des enfants. Il convient notamment de prendre des mesures de prévention ciblant les auteurs d'abus, a rappelé cet expert.

S'agissant des mesures prises par le Burkina Faso depuis 2002 suite aux observations du Comité, un autre expert a notamment souhaité savoir ce qui a été fait pour établir un système permanent de recueil des données et ce qui est envisagé par les autorités dans ce domaine. S'agissant de l'enregistrement des naissances – et tout en se félicitant de ce qui a déjà été fait dans ce domaine – l'expert s'est dit surpris de constater qu'une montant de 600 francs CFA, soit environ 1 euro, soit exigé pour procéder à l'enregistrement, alors qu'il s'agit d'une somme supérieure au revenu moyen quotidien de la population. En outre, le droit de l'enfant d'être entendu doit être garanti par la loi, a rappelé l'expert, avant de s'inquiéter de ne trouver dans la législation du pays aucune loi de ce type.

Un expert s'est inquiété d'informations selon lesquelles la police mettrait parfois en danger la vie d'enfants. Relevant des informations selon lesquelles des mères jettent parfois leurs enfants aux ordures à leur naissance, il a souhaité en savoir davantage au sujet des pratiques d'abandon d'enfants à la naissance.

Tout en saluant l'interdiction des châtiments corporels à l'école, une experte a pour sa part relevé que les punitions corporelles semblent être encore légales au sein de la famille et dans les foyers d'accueil ainsi que dans le cadre professionnel; aussi, s'est-elle enquise des mesures prises ou envisagées pour assurer l'interdiction totale des châtiments corporels dans tous les contextes.

La présence de la loi coutumière rend la situation relativement difficile – et incertaine pour les principaux bénéficiaires – pour ce qui est de l'application de la Convention, a souligné un autre expert.

Le fait de confier des enfants à des proches ou à des tiers sans garanties expose ces enfants à divers risques d'exploitation, a souligné un membre du Comité.

Réponses de la délégation aux questions soulevées par les experts

Répondant aux questions soulevées par les membres du Comité, la délégation a notamment indiqué que dans leur écrasante majorité, les enfants scolarisés sont aujourd'hui enregistrés à l'état civil et a assuré qu'en tout état de cause, l'enregistrement des naissances n'est plus un frein à la scolarisation des enfants, quitte à procéder a posteriori à la régularisation de l'enregistrement de l'enfant scolarisé. Revenant cet après-midi sur les questions d'état civil, la délégation a fait part de l'objectif des autorités du Burkina Faso de parvenir à un taux de 100% d'enfants enregistrés d'ici 2012. L'acte d'enregistrement lui-même est gratuit. Les 600 francs CFA mentionnés par un membre du Comité se rapportent aux frais de timbre, a précisé la délégation. La campagne d'enregistrement universel et gratuit des actes de naissance a été lancée en avril 2009 et seulement quatre mois plus tard, au mois d'août suivant, 233 112 actes avaient déjà été délivrés, a-t-elle fait valoir.

Les enfants, notamment à travers le Parlement des enfants, peuvent aujourd'hui s'exprimer, a par ailleurs souligné la délégation.

En ce qui concerne la stratégie de croissance accélérée adoptée par le pays, la délégation a expliqué que le Burkina Faso a choisi d'aller au-delà de la simple stratégie de lutte contre la pauvreté pour se diriger vers une stratégie de croissance accélérée, étant en effet persuadé qu'aujourd'hui, pour lutter contre la pauvreté, il faut promouvoir la croissance, de manière à disposer de ressources supplémentaires qui pourront alors être distribuées de manière plus efficace et équitable, en permettant notamment aux plus pauvres d'y accéder. Le Burkina Faso compte encore près de 41% de pauvres, a rappelé la délégation.

Pour ce qui est de la lutte contre les pesanteurs sociologiques qui constituent un frein à la mise en œuvre de la Convention, la délégation a reconnu que la tradition reste très forte au Burkina Faso. Il n'en demeure pas moins que des efforts sont désormais déployés qui devraient contribuer à changer les mentalités, comme en témoigne l'implication croissante des meneurs d'opinion – des chefs religieux et coutumiers – dans la mise en œuvre des politiques à destination des enfants, a fait valoir la délégation. Aujourd'hui, au Burkina Faso, on ne parle plus de loi traditionnelle; la loi traditionnelle n'a plus aucune valeur, a déclaré la délégation. Certaines pratiques sont certes toujours dominantes, mais elles sont réprimées si leur interdiction est inscrite dans des textes juridiques, a-t-elle ajouté.

Pour ce qui est du projet de code de l'enfant, la délégation a indiqué qu'il est en cours de finalisation et que l'on attend encore les derniers amendements qui doivent y être apportés avant que ne puisse être enclenché le processus formel de son adoption.

C'est toujours l'intérêt supérieur de l'enfant qui guide le juge burkinais, a assuré la délégation. Le placement du mineur en détention reste toujours une mesure exceptionnelle de dernier recours, a-t-elle notamment indiqué. Elle a également expliqué que les parents ne peuvent pas céder les biens immobiliers d'un mineur sans l'autorisation du juge de tutelle.

La peine de mort, qui existe au Burkina Faso pour les adultes, n'est absolument pas applicable aux mineurs, a par ailleurs fait valoir la délégation, qui a précisé que la peine maximale encourue par un mineur dans le pays est de vingt années d'emprisonnement.

Les châtiments corporels sont sanctionnés par le Code pénal de 1996 où qu'ils se produisent, y compris dans le milieu domestique, a d'autre part fait savoir la délégation.

Répondant aux questions sur les cas d'abandon d'enfants, la délégation a expliqué qu'il s'agit d'une infraction qui est poursuivie en justice. Pour éviter les grossesses non désirées, le Burkina Faso dispose d'une politique de planification familiale prise en charge par une direction spéciale du Ministère de la santé.

S'agissant des questions de santé, la délégation a notamment indiqué que les antirétroviraux sont gratuits depuis le 1er janvier 2010. Le Burkina Faso dispose d'un service hospitalier spécial de prise en charge des enfants nés avec le VIH/sida, a-t-elle en outre fait valoir.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Burkina Faso dispose d'un programme d'adduction d'eau pour ses villes moyennes. La couverture globale pour ce qui est de l'eau potable atteint les 80%, a-t-elle ajouté.

Les autorités du Burkina Faso sont favorables à l'allaitement maternel qu'elles privilégient et s'efforcent de promouvoir auprès des populations. En milieu rural, il n'existe d'ailleurs généralement pas d'alternative à l'allaitement maternel, a souligné la délégation.

En ce qui concerne les avortements clandestins, la délégation a rappelé qu'au Burkina Faso, l'avortement est interdit, par conséquent, tout avortement ne concerner que des pratiques clandestines dont les auteurs sont traduits en justice. Toutefois, a par la suite précisé la délégation, une disposition existe qui permet de pratiquer un avortement si la vie de la mère est en danger et en cas de viol. Un membre du Comité ayant souhaité savoir si le pays envisageait de légaliser l'avortement, la délégation a déclaré que la légalisation de l'avortement n'est pas à l'ordre du jour au Burkina Faso, ce qui n'empêche pas qu'une discussion sur la question puisse éventuellement être menée.

S'agissant des questions relatives à l'éducation, la délégation a indiqué que depuis 2007, la gratuité des manuels scolaires pour le primaire a été instaurée et aucun frais d'inscription n'est plus demandé aux parents pour la scolarisation de leurs enfants au niveau du primaire. L'objectif que se sont fixé les autorités est de faire en sorte que d'ici cinq ans, chaque village dispose d'une école, tout au moins pour le niveau d'enseignement primaire, a poursuivi la délégation. Chaque année, le Burkina Faso recrute près de 3000 enseignants pour le primaire, avec l'aide de près de 1000 volontaires, a-t-elle ajouté. Le ratio actuel est d'un enseignant pour 52 élèves, a-t-elle précisé.

Interrogée sur les éventuels coûts cachés de la scolarité, la délégation a indiqué que les autorités ont effectivement connaissance du phénomène des «cotisations de parents d'élèves» - que la délégation a qualifiées de «mesures d'accompagnement» pour favoriser l'efficacité de la vie scolaire et peut-être aussi pour faire en sorte que les parents se sentent concernés par la scolarité de leurs enfants. Néanmoins, la position officielle des autorités à ce sujet est que cela reste facultatif pour les parents «et que l'État n'a en tout cas rien à voir avec cela», a ajouté la délégation.

Aujourd'hui, le taux de scolarisation au niveau du primaire atteint les 70% au Burkina Faso et il est certain que des efforts restent à déployer à destination des 30% restants afin de faire en sorte que le pays atteigne d'ici 2015 l'objectif du Millénaire pour le développement fixé dans ce domaine, à savoir une couverture de 100%.

Il n'existe pas au Burkina Faso de régime de protection sociale au sens où l'entendent les pays développés, a par ailleurs déclaré la délégation, rappelant que la sécurité sociale est un volet de la protection sociale au sens large. Un tel système n'est pas opérationnel pour l'instant, a-t-elle insisté. Une telle protection sociale ne devrait d'ailleurs pas, dans le contexte du Burkina Faso, s'adresser uniquement aux salariés compte tenu de la faible proportion de la population burkinaise qui est salariée, a souligné la délégation. On réfléchit actuellement aux moyens de faire en sorte que l'ensemble de la population du Burkina Faso puisse bénéficier d'un système de protection sociale, en particulier du point de vue sanitaire, a-t-elle indiqué.

Il n'en demeure pas moins que des actions sont menées en faveur des personnes les plus démunies, a poursuivi la délégation. Dans le domaine de la santé, a-t-elle précisé, des mesures sont en effet prises en faveur des personnes indigentes, 25 millions de francs CFA ayant été injectés cette année pour la prise en charge de ces personnes en matière de santé.

En ce qui concerne les enfants handicapés, la délégation a assuré que le problème du handicap préoccupe le Gouvernement. Le pays s'est doté d'une commission nationale en matière de handicap qui regroupe non seulement des partenaires financiers mais aussi des représentants des départements ministériels concernés. En outre, le Burkina Faso a adopté il y a deux mois, en Conseil des ministres, un projet de loi portant protection des personnes handicapées qui devrait être soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale lors de la prochaine session parlementaire, a indiqué la délégation. Une stratégie et un plan d'action devraient dans la foulée être soumis à l'approbation du Conseil des ministres au premier semestre 2010, a-t-elle précisé. La délégation a notamment fait part des mesures envisagées en faveur de la promotion de l'éducation inclusive des enfants handicapés.

La délégation du Burkina Faso a par ailleurs attiré l'attention sur le Programme régional de lutte contre la traite de personnes mis en place entre tous les membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et du projet de directive régionale sur la protection des témoins élaboré et qui sera incessamment soumis à la Conférence des chefs d'État pour adoption. Dans le cadre de la lutte contre les réseaux de traite de personnes, les autorités ont procédé à l'interpellation de 110 personnes dont 37 ont été jugées et condamnées, a ajouté la délégation.

En ce qui concerne le travail des enfants, la délégation a notamment indiqué que la plupart des mines dans lesquelles des enfants travaillent sont des mines artisanales, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas de mines modernes. Les autorités sont en train de procéder au recensement des enfants qui travaillent dans ce type de mines afin de mettre en place, avec l'aide de partenaires tels que le Bureau international du travail et l'UNICEF, des programmes de prise en charge de ces enfants qui pourront alors bénéficier d'une formation professionnelle. L'Inspection du travail est opérationnelle et dispose d'antennes régionales qui, il est vrai, méritent encore d'être étoffées, a ajouté la délégation.

La Commission nationale des droits humains a un rôle consultatif, c'est un organe indépendant et doté d'une autonomie de gestion en ce sens que ce sont ses membres qui vont directement défendre leur budget devant l'Assemblée nationale, a par ailleurs expliqué la délégation.

Le rapporteur ayant jugé «inconcevable dans l'optique des droits de l'homme» qu'un enfant soit condamné à vingt ans d'emprisonnement, la délégation a indiqué que le code de l'enfant en cours d'adoption envisage de réduire à dix ans la peine maximale d'emprisonnement encourue par un délinquant mineur. Pour l'heure, l'action éducative en milieu ouvert relève du Ministère de l'action sociale et de la solidarité nationale, lequel est particulièrement décentralisé; il s'agit d'une mesure administrative et non pas judiciaire, à laquelle on a notamment recours pour «récupérer» les enfants de la rue, a expliqué la délégation.

Observations préliminaires

M. KAMEL FILALI, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport, a remercié la délégation pour les réponses qu'elle a apportées aux questions des experts. L'échange d'informations de cette journée et les précisions apportées par la délégation permettent de dire que le pays est engagé dans la bonne direction, que des efforts sont déployés et qu'il existe au Burkina Faso une volonté politique de mettre en œuvre la Convention. Le Burkina Faso est en transition et il est bon que le pays se soit fixé des échéances, notamment pour 2012 et 2015 – deux dates qui sont souvent revenues dans la discussion. Le dialogue de ce jour a été franc et constructif, ce qui permet de réitérer ce qui a déjà été dit, à savoir que l'espoir existe, a poursuivi M. Filali. Le Burkina Faso travaille dans un contexte difficile qui se résume à un mot: la pauvreté, pauvreté dont les conséquences sur les enfants sont importantes, qu'il s'agisse des maladies, de la violence – notamment domestique – ou encore de la délinquance. Les recommandations que le Comité adoptera sur le rapport du Burkina Faso devraient porter sur diverses questions, au nombre desquelles figurent l'enregistrement des naissances, les mutilations génitales ou encore le code de l'enfant, a précisé le rapporteur.

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