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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la Torture éxamine le rapport de l'Espagne

13 novembre 2009

13 novembre 2009
 
Le Comité contre la torture a procédé, hier après-midi et ce matin, à l'examen du cinquième rapport périodique de l'Espagne concernant les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
 
Mme Maria Luisa García, Avocate représentant les intérêts de l'État devant le Tribunal constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme, du Ministère de la justice de l'Espagne, a annoncé que les fonctions de mécanisme national de prévention de la torture prévu par le Protocole facultatif à la Convention ont été confiées au Défenseur du peuple. Elle a également souligné que par sa jurisprudence, le Tribunal constitutionnel espagnol a établi toutes les mesures préventives possibles afin d'éviter tout mauvais traitement à l'encontre des détenus soumis au régime de détention au secret. Les locaux de police sont par ailleurs en train de se doter d'équipements techniques permettant d'enregistrer sur support vidéo toute détention au secret, a-t-elle souligné. En ce qui concerne les droits des détenus, des efforts considérables sont déployés pour la formation de la police et des médecins légistes dans le but de renforcer leur vigilance face à d'éventuels cas de mauvais traitements, a ajouté Mme García.
 
La délégation espagnole était composée de M. Javier Garrigues, Représentant permanent de l'Espagne auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère des affaires extérieures et de la coopération ; du Ministère de l'Intérieur ; du Ministère de la Présidence ; du Ministère de la santé et de la politique sociale ; du Ministère de l'égalité ; et de la Mission permanente de l'Espagne auprès des Nations Unies à Genève.
 
La délégation a fourni des compléments d'information s'agissant de l'applicabilité de la Convention en droit interne; des mesures prises pour lutter contre la surpopulation carcérale ; des progrès réalisés en matière de promotion de la santé des détenus ; des mesures d'assistance et de protection pour les mineurs étrangers non accompagnés arrivant en Espagne ; ou encore des mesures de protection contre la violence sexuelle.
 
La question de la détention au secret a été source de préoccupations pour un grand nombre de membres du Comité, un expert insistant à cet égard sur l'incompatibilité de cette pratique avec la prévention de la torture. La délégation espagnole a assuré que la détention au secret est assortie de garanties. Les détenus sont sous le contrôle permanent et direct du juge qui a décidé de leur placement en détention sous ce régime, a-t-elle notamment fait valoir. La détention au secret ne peut dépasser les 72 heures, délai prorogeable de 48 heures - sur décision du juge - pour les personnes appartenant à des bandes organisées ou des groupes terroristes, a-t-elle ajouté. L'Espagne est un pays gravement touché par le terrorisme, a par ailleurs rappelé la délégation. Les mesures de prévention prises en la matière s'inscrivent dans une réalité, mais n'ont, pour autant, jamais justifié - ni ne le permettront jamais - que soit pratiquée la torture, a-t-elle souligné. En fin de réunion, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Espagne, M. Claudio Grossman, a dit rester préoccupé par les insuffisances qui persistent en Espagne en ce qui concerne l'accès aux examens médicaux pour les personnes détenues au secret. Le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport espagnol, M. Abdoulaye Gaye, a quant à lui fait part de sa préoccupation face au nombre de décès survenus en prison - soit 678 pendant la période couverte par le rapport.
 
Les conclusions et recommandations du Comité sur le rapport espagnol seront rendues publiques à l'issue de la session, le vendredi 20 novembre. Il s'agit du dernier pays dont le rapport était examiné à cette session.
 
Lundi prochain, 16 novembre, à 10 heures, le Comité discutera de la question du suivi des articles 19 et 22 de la Convention portant, respectivement, sur la présentation des rapports et sur la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications.
 

Présentation du rapport de l'Espagne
 
Présentant le rapport de son pays, M. JAVIER GARRIGUES, Représentant permanent de l'Espagne auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué qu'en application des dispositions du Protocole facultatif à la Convention contre la torture, l'Espagne a mis en place un mécanisme national de prévention de la torture, en la personne du Défenseur du peuple. Il a par ailleurs rappelé que son pays figure parmi les principaux contributeurs au Haut Commissariat aux droits de l'homme, ainsi que parmi les principaux donateurs du Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture.
 
MME MARIA LUISA GARCÍA, Avocate représentant les intérêts de l'État devant le Tribunal constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme, du Ministère de la justice de l'Espagne, a annoncé que son pays s'est doté, en décembre 2008, d'un plan pour les droits de l'homme, rejoignant ainsi le groupe restreint de pays disposant d'un tel plan. Il ne s'agit pas d'une simple déclaration de principes, mais bien d'un engagement politique concret qui se traduit par un ensemble de mesures que le Gouvernement veut engager et mener à bien, a-t-elle précisé. D'autre part, a-t-elle souligné à l'instar du Représentant permanent de l'Espagne auprès des Nations Unies à Genève, le Parlement espagnol a récemment instauré le mécanisme national de prévention de la torture en application des dispositions du Protocole facultatif à la Convention. La responsabilité de ce nouveau mécanisme a été légalement confiée au Défenseur du peuple, organe indépendant du pouvoir exécutif et souverain dans l'exercice de ses fonctions.
 
Mme García a également attiré l'attention sur l'adoption, en 2004, de la loi organique sur les mesures de protection intégrale contre la violence sexuelle et l'adoption, en 2007, de la loi organique pour l'égalité effective entre hommes et femmes. Elle a fait valoir que l'Espagne se situe ainsi à l'avant-garde en matière de lutte contre la violence sexuelle et de promotion de l'égalité réelle des femmes. Elle a aussi souligné que le Gouvernement espagnol a ratifié cette année la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et qu'un Plan intégral de lutte contre la traite aux fins d'exploitation sexuelle a été mis en œuvre. Ce Plan donnera lieu à des modifications du Code pénal, de la loi sur le statut des étrangers et du Code de procédure pénale, a précisé la magistrate. Elle a en outre signalé que certains éléments nouveaux apparaissent d'ores et déjà dans la loi sur le droit d'asile et la protection subsidiaire adoptée le mois dernier où une disposition régit spécifiquement la situation particulièrement vulnérable des requérants d'asile ayant subi des tortures ou d'autres formes de violence.
 
En ce qui concerne les droits des détenus, Mme García a souligné que l'Espagne déploie des efforts considérables pour la formation des corps de police et des médecins légistes dans le but de renforcer leur vigilance face à d'éventuels cas de mauvais traitements. En outre, il est prévu d'organiser des journées d'information à l'intention des forces et des corps de sécurité de l'État afin de leur faire connaître le fonctionnement et les sphères de compétence des organes internationaux de défense des droits de l'homme, tels que le Comité contre la torture. S'agissant du droit du détenu à être assisté d'un avocat, Mme Garcia a indiqué que le Gouvernement espagnol s'est engagé à réviser le Code de procédure pénale afin de réduire l'actuel délai maximal de huit heures au terme duquel ce droit doit avoir été exercé. Par ailleurs, le Tribunal constitutionnel, par sa jurisprudence, a établi toutes les mesures préventives possibles afin d'éviter tout mauvais traitement à l'encontre de détenus soumis au régime de détention au secret, a ajouté Mme García. Les locaux de police sont en train de se doter d'équipements techniques permettant d'enregistrer sur support vidéo tout détenu au secret. En outre, le Gouvernement espagnol s'est engagé à promouvoir les réformes visant à garantir qu'au cours de sa mise au secret, le détenu soit examiné non seulement par le médecin légiste, mais aussi par un autre médecin du système public de santé, librement désigné par le mécanisme national de prévention de la torture.
 
S'agissant des questions d'immigration, Mme García a fait part de l'adoption d'un Plan stratégique pour la citoyenneté et l'intégration (2007-2010). Elle a tout particulièrement attiré l'attention sur le Fonds de soutien pour l'accueil, l'intégration et l'aide à l'éducation des migrants, inclus dans ce plan et inscrit au budget de l'État. Le Plan pour les droits de l'homme prévoit, quant à lui, la mise en œuvre d'instruments permettant de renforcer la condition des migrants, a ajouté Mme García, citant notamment la Loi intégrale sur l'égalité de traitement et la non-discrimination et la Stratégie nationale de lutte contre le racisme et la xénophobie. Elle a en outre souligné que la réforme de la Loi organique relative au statut des étrangers se trouve à un stade avancé de la procédure parlementaire. Cette réforme a pour but d'adapter le contenu de cette Loi à la jurisprudence du Tribunal constitutionnel qui tend à placer les ressortissants nationaux et étrangers sur un pied d'égalité en ce qui concerne la jouissance de la quasi-totalité des droits civils.
 
Enfin, Mme García a indiqué que l'Espagne avait souscrit des accords bilatéraux relatifs au rapatriement assisté des mineurs, afin de faciliter et d'améliorer la recherche d'informations sur la situation du mineur dans son pays d'origine. De tels accords ont été conclus avec le Sénégal en 2006 et avec le Maroc en 2007 - l'accord avec ce dernier pays devant encore être ratifié par le Parlement marocain. S'agissant de la situation des mineurs étrangers non accompagnés arrivant sur les côtes des îles Canaries, Mme García a affirmé que des efforts importants ont été fournis depuis 2006, grâce à une augmentation de la contribution financière destinée à l'amélioration des installations sur cet archipel.
 
Le cinquième rapport périodique de l'Espagne (CAT/C/ESP/5) fait notamment part de l'adoption, en 2003, d'une loi portant création du Conseil pour la promotion de l'égalité de traitement et de l'interdiction de la discrimination fondée sur l'origine raciale ou ethnique. Compte tenu de l'évolution récente du phénomène migratoire en Espagne, une loi relative aux droits et libertés des étrangers en Espagne a été adoptée et a porté création de l'Observatoire espagnol du racisme et de la xénophobie, qui est chargé d'étudier et de surveiller les phénomènes racistes et de recommander des politiques pour les combattre. Le rapport indique aussi que la définition de l'infraction de torture a été modifiée. Les mots «ou pour toute raison fondée sur une discrimination» ont été ajoutés, de façon à rendre la définition de l'infraction de torture en droit espagnol pleinement conforme aux dispositions de la Convention contre la torture.
 
Parmi les avancées, le rapport souligne notamment l'adoption, en 2004, d'une loi qui prévoit des mesures de protection intégrale contre la violence à l'égard des femmes et traite des mesures pénales qui doivent être prises pour réprimer ces manifestations de violence. Sur le plan institutionnel, le rapport signale la création de 400 tribunaux et d'un parquet spécialisés dans les affaires de violence à l'égard des femmes, d'une délégation spéciale du Gouvernement pour la lutte contre la violence à l'égard des femmes et d'un observatoire national de la violence à l'égard des femmes. D'autre part, une loi de 2003 relative aux mesures concrètes concernant la sécurité des citoyens, la violence dans la famille et l'intégration sociale des étrangers, a été adoptée en vue notamment de lutter contre la traite des êtres humains et de protéger les victimes, à la fois en prévoyant, dans certains cas précis, des peines plus lourdes et en qualifiant pénalement certains actes qui jusque-là ne tombaient pas sous le coup de la loi pénale, comme les mutilations génitales féminines.
 
Pour ce qui est des relations entre les forces de police et les citoyens, la loi organique relative aux forces de police et de sécurité définit les principes que doivent suivre les policiers dans l'exercice de leurs fonctions et impose aux agents de l'État l'obligation d'empêcher toute pratique abusive ou discriminatoire qui entraîne des violences, et de toujours faire un usage approprié et proportionné des moyens à leur disposition. Le rapport précise que le nombre de cas de torture ou de mauvais traitements recensés a sensiblement diminué : le rapport du Défenseur du peuple pour 2005 ne signale que deux cas supposés de mauvais traitements et deux de comportement inapproprié de la part d'agents des forces de police et de sécurité ; le rapport pour l'année 2006 fait état d'une seule plainte pour mauvais traitements et aucune pour comportement inapproprié. Le rapport signale en outre que le Ministère de l'intérieur dispose d'un organe chargé de l'inspection et de l'évaluation de tous les actes accomplis par les forces de l'ordre. Des ONG participent également activement à la surveillance des pratiques de la police.
 
Le rapport mentionne également que le Secrétariat d'État à la sécurité a fait paraître différentes instructions dont une relative au registre des mineurs détenus, permettant d'avoir connaissance de manière fiable et documentée, grâce à un registre strictement confidentiel, des incidents qui se produisent pendant toute la durée de la garde à vue des mineurs. D'autres instructions portent sur les modalités de fouille corporelle ; le traitement des plaintes formulées par les citoyens (afin d'améliorer la procédure de traitement des réclamations concernant toute question relative aux activités des forces de police) ; et le port du matricule par les membres des forces de police et de sécurité (afin d'améliorer les garanties en donnant aux citoyens la possibilité d'identifier à tout moment les fonctionnaires de police et en évitant ainsi les comportements inappropriés que pourrait encourager l'anonymat).
 

Examen du rapport
 
Observations et questions des membres du Comité
 
M. CLAUDIO GROSSMAN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Espagne, s'est félicité de la modification apportée à l'article du Code pénal traitant de la torture afin d'y inclure un élément très important de la définition de la torture telle qu'énoncée dans la Convention, à savoir la discrimination en tant que motivation de l'acte de torture. Il a souhaité savoir si cet article tel que modifié a déjà utilisé devant la justice et, le cas échéant, quels motifs de discrimination étaient alors en invoqués. M. Grossman a en outre souhaité en savoir davantage sur les distinctions qu'opère cet article selon la gravité de l'atteinte.
 
Le rapporteur a par ailleurs souhaité savoir si la Convention pouvait être directement invoquée devant les tribunaux espagnols. Il s'est également enquis de ce qu'il est en est de l'imprescriptibilité du crime de torture dans le système de justice espagnol.
 
Une autre source de préoccupation du rapporteur a trait à la question de la détention au secret en Espagne. À cet égard, M. Grossman a rappelé que le Comité estime qu'il y a incompatibilité entre la détention au secret et la prévention de la torture et que les préoccupations à ce sujet sont partagées par d'autres instances de droits de l'homme. Faisant référence à des informations qui lui sont parvenues, le rapporteur a fait observer que 70% des personnes détenues au secret au Pays basque espagnol se seraient plaints de mauvais traitements ou de torture.
 
S'agissant de la possibilité pour un détenu de choisir son propre médecin, M. Grossman a souhaité connaître les raisons pour lesquelles un détenu ne peut pas bénéficier d'un examen médical effectué par un médecin indépendant. Y a-t-il des accusations de collusion entre l'accusé et le corps médical dans les cas de maltraitance, a-t-il demandé ? M. Grossman s'est également enquis de la possibilité pour les détenus de faire appel à l'avocat de leur choix. Le simple fait qu'un avocat ait, dans une affaire, collaboré avec des terroristes ne saurait justifier que l'on déprécie l'ensemble de cette profession, a-t-il souligné.
 
La délégation espagnole a par ailleurs été invitée à fournir des renseignements complémentaires sur la procédure de renvoi des migrants. À cet égard, M. Grossman a attiré l'attention sur l'expulsion de citoyens du Sénégal depuis les îles Canaries : personne ne sait où ont été déportés ces citoyens sénégalais, qui auraient été soumis à des actes de torture, et aucune enquête ne semble avoir été effectuée sur cette affaire, s'est-il inquiété. Le rapporteur a aussi demandé des détails sur la teneur des accords pour le rapatriement assisté des mineurs que l'Espagne a signés avec le Sénégal et le Maroc.
 
Intervenant également sur la question de l'immigration, M. ABDOULAYE GAYE, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport espagnol, a préconisé que des mesures soient prises pour améliorer les conditions d'existence des migrants mineurs dans les centres de rétention espagnols. D'une manière générale, tout en se félicitant des améliorations apportées dans ces centres, il a estimé que des efforts supplémentaires restent nécessaires, notamment en termes d'encadrement et d'amélioration de la qualité de vie.
 
S'agissant du traitement des mineurs délinquants, M. Gaye a déploré que l'Espagne ne semble pas avoir pour pratique d'appliquer des mesures alternatives à la détention. À cet égard, il a insisté sur l'importance qu'il y a à favoriser la réinsertion sociale de ces mineurs.
 
Le corapporteur s'est par ailleurs dit frappé par le nombre de suicides et de décès en prison, le nombre de cas s'élevant à 678 pour la période 2003-2008. Il s'est étonné qu'aucune sanction pénale n'ait été prononcée pour ces affaires et s'est inquiété que ces chiffres trahissent un certain climat d'impunité. M. Gaye s'est par ailleurs enquis du suivi des plaintes pour torture et mauvais traitements concernant des personnes arrêtées dans le cadre des enquêtes consécutives aux événements du 11 mars 2004. Il a ajouté que selon des informations qui lui sont parvenues, il semblerait que ces plaintes n'aient pu être instruites faute de preuves.
 
Une experte du Comité a pour sa part insisté sur l'importance de respecter le principe de présomption d'innocence. À l'instar du rapporteur, elle a regretté que les détenus ne puissent choisir leur avocat. Relevant qu'un médecin du système public de santé est désigné par le mécanisme de prévention de la torture pour procéder aux examens médicaux des personnes détenues au secret, l'experte a constaté qu'ici non plus, le détenu ne peut choisir le médecin de son choix.
 
D'une manière générale, la plupart des membres du Comité se sont inquiétés du respect des droits des personnes détenues au secret en Espagne. Ces détenus ont-ils les mêmes droits que les autres détenus, a-t-il été demandé ? Une experte a jugé insuffisante, de ce point de vue, la garantie que peut constituer l'enregistrement vidéo de ces détenus, comme cela a été décidé en Espagne.
 
S'agissant de la lutte contre la violence à l'encontre des femmes, un membre du Comité a déploré la lenteur avec laquelle les plaintes des victimes semblent être examinées. Cette experte s'est en outre dite préoccupée au vu des chiffres transmis par la délégation : 112 000 demandes de protection ont été présentées ces trois dernières années, dont 26 000 ont été refusées. En 2007, un quart des femmes auxquelles la protection avait été refusée ont été assassinées par leur partenaire ou ex-partenaire, s'est alarmée l'experte.
 
La délégation a également été invitée à s'exprimer, entre autres, sur les actions de sensibilisation menées à l'intention des forces de police, notamment celles participant aux enquêtes qui impliquent des personnes détenues au secret ; sur le respect des dispositions de la Convention dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ; sur les mesures prises pour protéger les femmes détenues contre les violences qu'elles pourraient subir en prison ; et sur l'abolition de la peine de mort.
 
Renseignements complémentaires fournis par la délégation
 
En ce qui concerne le nombre de condamnations pour actes de torture, la délégation espagnole a indiqué que le Tribunal suprême a, entre 2002 et 2009, instruit 34 affaires ayant trait à ce type d'actes. Le nombre de condamnations prononcées à l'encontre des agents de police et gardiens de prisons, pour cette même période, a dépassé 250, a-t-elle précisé, estimant que ce chiffre témoigne de la volonté ferme de l'Espagne de lutter contre la torture. La délégation s'est par conséquent dite surprise par les chiffres annoncés hier par les experts, qui faisaient état de deux condamnations seulement prononcées entre 2003 et 2008 pour de tels actes. Quant aux distinctions opérées en fonction de la gravité de la torture, la délégation a expliqué qu'elles servent à atténuer ou aggraver la peine selon le cas. Quoi qu'il en soit, tous les types de torture et de mauvais traitements sont considérés comme graves, a assuré la délégation.
 
Un expert s'étant enquis de l'harmonisation de la législation espagnole avec la Convention, la délégation a jugé la définition de la torture et les autres dispositions du Code pénal espagnol respectueuses de la Convention. Par autorités publiques ou officielles, le Code pénal entend non seulement les agents de l'État, mais également toute personne agissant de façon officielle, ce qui satisfait les visées de la Convention, a souligné la délégation. La question de la complicité est également couverte par le Code pénal, a-t-elle ajouté.
 
Pour ce qui est de l'applicabilité de la Convention en droit interne, la délégation a assuré que les tribunaux espagnols utilisent la Convention pour interpréter les éléments concrets des délits auxquels ils sont confrontés.
 
En ce qui concerne la détention au secret, au sujet de laquelle de nombreux membres du Comité ont fait part de leurs préoccupations, la délégation a affirmé que les enquêtes se rapportant à des personnes détenues au secret sont particulièrement complexes et minutieuses. Le régime de placement en détention au secret qui est appliqué en Espagne a été jugé, par la Cour constitutionnelle, conforme aux instruments internationaux auxquels le pays a souscrit, a fait valoir la délégation, ajoutant que ce régime permet à l'État de respecter son devoir constitutionnel consistant à garantir la sécurité des citoyens. Les personnes détenues au secret sont sous le contrôle permanent et direct du juge qui a décidé de leur placement en détention sous ce régime, a par ailleurs souligné la délégation.
 
En Espagne, la détention préventive ne peut durer plus que le temps nécessaire pour la réalisation des enquêtes et ne peut, en tout état de cause, dépasser les 72 heures, a poursuivi la délégation. Pour les personnes appartenant à des bandes organisées ou des groupes terroristes, un délai supplémentaire de 48 heures peut être accordé, pour autant que la demande en ait été faite au juge, a-t-elle ajouté. En 2009, il n'y a eu aucune détention au secret de plus de cinq jours, a déclaré la délégation.
 
En réponse à une question portant sur la durée maximale de détention en attendant que le statut du détenu soit déterminé, la délégation a indiqué qu'une décision doit être prise par le juge dans les 24 heures qui suivent la demande de placement en détention au secret déposée par la police.
 
La délégation a par ailleurs indiqué que le Plan gouvernemental sur les droits de l'homme prévoit des mesures pour donner suite aux recommandations des organes internationaux de droits de l'homme, s'agissant notamment de la surveillance vidéo permanente des personnes placées en détention au secret. Aujourd'hui, la moitié des centres de détention relevant du Ministère de la Sécurité publique disposent de tels équipements.
 
Quant aux questions relatives à l'assistance aux personnes placées en détention au secret, la délégation a indiqué que ces personnes ont, dans un premier temps, uniquement accès à un avocat commis d'office, cette limitation s'expliquant par le caractère éminemment organisé des bandes terroristes en Espagne. Par cette mesure, a insisté la délégation, on évite que les autres membres de l'organisation terroriste à laquelle appartient le détenu puissent lui transmettre un message. À la fin de la période de détention au secret, en revanche, le détenu peut alors choisir l'avocat de son choix. La délégation a reconnu que cette disposition de la loi suscite une certaine méfiance. La présence d'un avocat dès les premiers instants de la détention a néanmoins pour objectif premier d'assurer la garantie des droits du détenu, a souligné la délégation. L'avocat commis d'office intervient au même titre qu'un avocat qui aurait été librement choisi par le détenu, a-t-elle insisté. Le service d'avocats commis d'office est géré par des corporations d'avocats qui sont totalement indépendantes des pouvoirs publics et les avocats commis d'office doivent avoir un minimum de dix ans d'expérience professionnelle, a précisé la délégation. Pour elle, ces dispositions sont parfaitement respectueuses de la Convention puisqu'elles permettent de prévenir la torture autant que l'aurait fait un avocat choisi par le détenu. Cette réglementation correspond aussi à un double besoin : éviter de faire connaître l'état d'avancement de l'enquête aux autres membres du groupe terroriste en question et protéger l'avocat commis d'office.
 
L'Espagne est un pays gravement touché par le terrorisme, a poursuivi la délégation. Elle a souligné que les mesures de prévention prises en la matière s'inscrivent dans une réalité, mais n'ont, pour autant, jamais justifié - ni ne le permettront jamais - que soit pratiquée la torture. La lutte contre la torture ne saurait être amoindrie par la lutte contre le terrorisme que mène l'Espagne, a insisté la délégation. La détention au secret est assortie de garanties, a-t-elle de nouveau rappelé. La délégation a fait remarquer que le système espagnol est d'ailleurs moins restrictif, s'agissant de ces questions, que ne le sont les systèmes appliqués dans d'autres pays de l'Union européenne où certains ne limitent pas, par exemple, la durée de la détention au secret alors que d'autres autorisent un policer à décider du placement d'un prévenu en détention au secret sans en informer immédiatement un juge.
 
La délégation a d'autre part assuré que les médecins légistes sont des professionnels, compétents pour déceler les signes de mauvais traitements. Ils aident certes l'administration de la justice, mais ni le juge, ni les autorités ne peuvent choisir le médecin qui viendra en aide au détenu. Ces médecins sont soumis aux normes déontologiques de la médecine et ne reçoivent aucune instruction de la part du juge ou des autorités. En outre, ils appliquent scrupuleusement les dispositions du Protocole d'Istanbul, a insisté la délégation. Elle a précisé que les détenus au secret qui ne sont pas satisfaits de l'examen du médecin légiste ont la possibilité de demander un deuxième examen médical. Il est également prévu que ces détenus puissent avoir accès à un autre médecin du système public de santé, librement désigné par le mécanisme national de prévention de la torture, a souligné la délégation.
 
S'agissant des mesures prises pour lutter contre la surpopulation carcérale, la délégation a fait remarquer que l'ouverture de nouveaux centres a permis de réduire le taux d'occupation des prisons, qui est ainsi passé de 175% à 141%. Depuis juin 2004, a-t-elle précisé, quatre nouveaux centres pénitentiaires ont été construits ; des établissements existants ont été élargis ; et 21 nouveaux centres d'intégration sociale ont été créés, pour un total de 2106 cellules. En outre, la somme allouée aux prisons dans le budget de 2010 devrait croître de 5,39% par rapport au budget précédent. Ces informations, a souligné la délégation, témoignent de l'engagement du Gouvernement espagnol dans ce domaine.
 
La délégation a par ailleurs fait part des progrès réalisés en matière de promotion de la santé des détenus, insistant notamment sur les progrès enregistrés dans l'éradication de la tuberculose. La consommation de drogues parmi les détenus a également baissé, a-t-elle fait valoir. Grâce à des mesures préventives, les taux d'infection par le VIH/sida et l'hépatite ont aussi pu être réduits, a-t-elle ajouté. Un programme de prévention du suicide a par ailleurs permis de réduire de moitié le taux de suicide parmi les détenus. Enfin, la mise en place d'un nouveau régime de visite privée a entraîné une diminution de la violence sexuelle.
 
Interrogée sur l'utilisation des armes TASER, la délégation a d'emblée souligné que les forces de police et de sécurité de l'État n'utilisent pas ce type d'armes. Ces armes sont également interdites d'utilisation pour les particuliers. Elles peuvent toutefois être utilisées par des fonctionnaires ayant compétence pour cela. La délégation a rappelé sur ce point que la police locale ou municipale est autonome, conformément aux principes de la Constitution relatifs à l'autonomie des différentes régions du pays.
 
Réagissant aux allégations selon lesquelles certains aéroports espagnols auraient pu servir au transfert de prisonniers dans des conditions dites de restitution extraordinaire, la délégation a indiqué que le Gouvernement espagnol n'a pas été en mesure de confirmer ces allégations. Aucun vol militaire américain n'a utilisé les bases militaires espagnoles à des fins de restitution extraordinaire, a-t-elle déclaré. Aucune escale pour un quelconque vol clandestin destiné au transfert de prisonniers n'a été autorisée, a-t-elle ajouté. La délégation a précisé que le Gouvernement a mené une enquête sur ces allégations et a transmis toutes les informations à sa disposition aux autorités judiciaires compétentes, les résultats ayant en outre été présentés au public. Les enquêtes ont confirmé que les aéroports et les bases militaires espagnols n'ont jamais été utilisés pour de tels transferts de prisonniers, a souligné la délégation.
 
En ce qui concerne la procédure d'asile, la délégation a attiré l'attention sur la nouvelle loi sur le droit d'asile et la protection subsidiaire adoptée le mois dernier. Cette loi prévoit tout un arsenal de garanties s'agissant des demandes d'asile aux postes frontières; une assistance juridique gratuite est offerte, ainsi que des services d'interprétariat, a précisé la délégation. Le demandeur d'asile peut à tout moment être informé de l'évolution de son dossier, a-t-elle ajouté. La délégation a indiqué que cette nouvelle loi envisage la possibilité de rejeter la demande d'asile à la frontière; un délai de deux jours est alors fixé pour notifier à l'intéressé le rejet de sa demande, ce dernier disposant alors de deux jours supplémentaires pour déposer une demande de réexamen de sa requête.
 
S'agissant des mesures d'assistance et de protection pour les mineurs étrangers non accompagnés, la délégation a rappelé que l'Espagne a signé des accords avec le Maroc et le Sénégal. Ces accords, a-t-elle précisé, complètent le cadre légal espagnol qui est déjà favorable aux garanties en la matière et vise à assurer les meilleures conditions de retour pour les mineurs concernés. La signature de tels accords avec les deux pays susmentionnés s'explique par la recrudescence du nombre d'arrivées de mineurs marocains et sénégalais sur le territoire espagnol. En ce qui concerne le Maroc, aucun rapatriement de mineur marocain vers son pays d'origine n'a eu lieu entre 2008 et 2009, a précisé la délégation, ajoutant qu'il y en avait eu 13 en 2007.
 
Une experte s'étant étonnée que des centres de rétention pour mineurs soient gérés par des entreprises privées, la délégation a expliqué que la législation permet en effet à des organismes privés de gérer ces centres, qui restent néanmoins sous le contrôle du Procureur pour les mineurs.
 
Depuis l'adoption de la loi organique sur les mesures de protection intégrale contre la violence sexuelle, de nombreuses mesures ont été prises pour protéger les femmes, a par ailleurs souligné la délégation. Elle a précisé que 31,7% des femmes qui ont bénéficié d'une protection judiciaire active au titre de cette loi sont étrangères et que 22,8% des femmes qui bénéficient d'une aide à la réinsertion sont étrangères. Au regard des 113 500 femmes qui ont bénéficié de protection à ce stade, la législation actuelle semble appropriée, a fait observer la délégation. La plupart du temps, lorsque la protection n'est finalement pas accordée, cela est dû au fait que la femme concernée a décidé de retirer sa demande de protection, a souligné la délégation. Il n'en demeure pas moins que des progrès peuvent toujours être réalisés, a-t-elle admis. Elle a fait part de la mise en place, par les Ministères de l'égalité, de l'intérieur et de la justice, d'un système électronique novateur de contrôle des mesures d'éloignement. Enfin, la délégation a souligné que l'une des réussites de la loi de protection intégrale contre la violence sexuelle réside dans la collecte des données sur la violence sexospécifique qu'elle a permis d'effectuer et qui s'avère un outil essentiel pour lutter contre ce fléau social.
 
Pour ce qui est de la prévention des actes racistes et de la discrimination, la délégation a attiré l'attention sur la lutte menée par le Gouvernement espagnol afin de surveiller et démanteler les groupes de jeunes violents et racistes.
 
La peine de mort a été abolie en Espagne, dans tous les cas de figure, a par ailleurs rappelé la délégation. Elle a également attiré l'attention sur l'engagement de l'Espagne, au niveau international, en faveur d'un monde exempt de peine capitale et - en attendant l'avènement d'un tel monde - en faveur d'un moratoire universel sur les exécutions capitales.
 
Observations complémentaires des membres du Comité
 
M. CLAUDIO GROSSMAN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Espagne, a apprécié que l'Espagne mette un point d'honneur à faire en sorte que la lutte contre la torture ne soit pas amoindrie par la lutte contre le terrorisme, tant il est vrai que la torture ne saurait jamais être justifiée, en quelque circonstance que ce soit.
 
Le rapporteur a par ailleurs dit rester préoccupé par les insuffisances qui persistent en Espagne en ce qui concerne l'accès aux examens médicaux pour les personnes détenues au secret. En effet, a-t-il constaté, il semble que les examens soient effectués à des heures irrégulières, tôt le matin ou tard le soir, et qu'ils ne puissent être effectués que sur autorisation d'un juge. M. Grossman a de nouveau souligné que la possibilité de choisir son médecin et son avocat est, pour la personne placée en détention, un rempart important contre la torture.
 
M. ABDOULAYE GAYE, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport espagnol, a pour sa part insisté sur la nécessité de déployer des efforts supplémentaires pour améliorer les conditions de vie des migrants mineurs, ainsi que de mettre l'accent sur leur réinsertion sociale. Il a de nouveau fait part de sa préoccupation face au nombre de décès survenus en prison - soit 678 pendant la période couverte par le rapport, a-t-il rappelé.
 
Enfin, une experte a invité l'Espagne à recourir au Protocole d'Istanbul également dans le cadre des procédures d'asile, afin de déceler les éventuels signes de torture sur des réfugiés.
 
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