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Communiqués de presse Organes conventionnels

COMITÉ CONTRE LA TORTURE: LA DÉLÉGATION D'EL SALVADOR RÉPOND AUX QUESTIONS DES EXPERTS

06 Novembre 2009

6 novembre 2009
 
Le Comité contre la torture a entendu, ce matin, les réponses apportées par la délégation salvadorienne aux questions que lui avaient posées hier matin les experts s'agissant des mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
 
La délégation salvadorienne dirigée par M. Byron Fernando Larlos López, Représentant permanent d'auprès des Nations Unies, a notamment répondu aux experts qui ont exprimé hier leur préoccupation s'agissant de nombreux cas de meurtres de femmes, reconnaissant que le nombre de meurtres avait augmenté de 195 cas en 1999 à 348 en 2008. Face à ce problème, le Gouvernement envisage actuellement l'adoption d'une loi de lutte contre la violence à l'égard des femmes et qui prévoit notamment un délit de «féminicide». Pour ce qui est de la disparition de jeunes pendant le conflit armé, la délégation a rappelé qu'une Commission d'enquête avait été mise en place et que, sur les 212 cas présentés, 70 affaires ont été résolues, dont 51 résultaient directement du conflit armé. Si aucun programme de réparation n'a été mis sur pied, une attention particulière est toutefois accordée aux besoins psychologiques et sociaux des jeunes et de leur famille. Le Gouvernement travaille en outre à restructurer et redéfinir les fonctions de la Commission. Au cours des discussions de la matinée, la délégation a par ailleurs fourni des renseignements complémentaires s'agissant notamment de l'éventuelle ratification du Protocole facultatif; des formations en droits de l'homme offertes aux membres de la police nationale; des mesures de réinsertion des jeunes membres de bandes organisées (maras); et de la situation s'agissant des châtiments corporels.
 
Plusieurs experts se sont de nouveau dits alarmés du nombre de meurtres de femmes, dont la proportion a doublé entre 1999 et 2006. Ils ont recommandé au Gouvernement de tout faire pour y remédier.
 
En fin de séance, le rapporteur chargé de l'examen du rapport salvadorien a réitéré sa préoccupation s'agissant de la loi d'amnistie générale. L'impunité n'est pas admissible, a-t-il insisté, et aucune disposition ne devrait permettre que l'impunité règne. Les types de crimes qui relèvent de la Convention ne devraient être ni autorisés ni prescriptibles.
 
Le Comité adoptera en séance privée ses conclusions et recommandations sur le rapport salvadorien avant de les rendre publiques à l'issue de la session, le vendredi 20 novembre prochain.
 
Lundi prochain, 9 novembre à 15 heures, le Comité entamera l'examen du troisième rapport périodique de l'Azerbaïdjan (CAT/C/AZE/3).
 

Réponses de la délégation d'El Salvador
 
S'agissant des établissements pénitentiaires pour les jeunes délinquants, la délégation a expliqué que l'Institut salvadorien pour le développement complet des enfants et des adolescents (ISNA), l'organe chargé de la protection des jeunes, s'occupe de quatre centres de détention qui assurent protection, formation professionnelle et réinsertion des mineurs. Il existe également un centre pour les femmes et enfants victimes de violences domestique, a-t-elle par ailleurs indiqué. Des visites sont effectuées dans ces centres, notamment par la Procureur pour la défense des droits de l'homme et par des représentants du département de droits de l'homme de la Direction générale des centres de détention, a assuré la délégation.
 
Face aux allégations dénonçant des mauvaises conditions de détention, le chef de la délégation a tenu à souligner qu'en dépit des problèmes qui se posent, les détenus reçoivent des vivres. Quant à l'interdiction des visites, elle n'intervient que dans des circonstances particulières, a-t-il précisé.
 
Pour ce qui est de l'éventuelle ratification du Protocole facultatif par El Salvador, la délégation a indiqué que le Gouvernement a envisagé de lancer des consultations dans le but d'adopter cet instrument.
 
Invitée à donner des informations supplémentaires sur les nombreux meurtres de femmes que connaît le pays, la délégation a reconnu que leur nombre avait augmenté, passant de 195 cas en 1999 à 348 en 2008. Elle a précisé que les victimes étaient surtout des jeunes femmes âgées de 10 à 39 ans. La majorité de ces meurtres se sont produits dans la rue; les motifs restent peu clairs, mais ces meurtres sont souvent le fait des maras ou se produisent dans un contexte de violence domestique. Face à ce problème, le Gouvernement envisage actuellement l'adoption d'une loi visant à lutter contre la violence à l'égard des femmes et qui prévoit notamment un délit de «féminicide», a indiqué la délégation.
 
Pour ce qui est de la disparition de jeunes pendant le conflit armé, la délégation salvadorienne a rappelé qu'une Commission interinstitutions a été mise en place pour enquêter sur ces disparitions. La Commission s'est réunie pendant quatre ans et coopère avec les institutions publiques chargées de la protection de l'enfance, afin de retrouver ces enfants et de les réintégrer dans leur famille en tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. Sur 212 cas portés à l'attention de la Commission, 70 affaires ont été résolues, dont 51 résultaient directement du conflit armé. La délégation a précisé que les enquêtes ont été menées sur la base d'entrevues avec des particuliers et des membres de l'armée, et avec l'aide d'institutions particulières comme l'Institut salvadorien pour le développement complet des enfants et des adolescents, la Croix-Rouge et les orphelinats. Elle a précisé qu'il n'existe pas de programme de réparations. Toutefois, une attention particulière est accordée aux besoins psychologiques et sociaux des jeunes et de leur famille. Le chef de la délégation souligné qu'avec l'avènement du nouveau Gouvernement, l'accent a été mis sur la recherche des personnes disparues. Il cherche aujourd'hui à restructurer et redéfinir les fonctions de la Commission, sur la base d'une nouvelle vision visant à accroître la participation de la société civile et de tenir compte des conseils fournis par la Cour interaméricaine des droits de l'homme dans sa décision sur l'affaire Serrano Cruz contre El Salvador.
 
S'agissant du processus de désignation des juges, des informations supplémentaires seront envoyées ultérieurement au Comité. La délégation a toutefois précisé que la désignation se fait par le biais du Secrétariat de la Cour suprême de justice. Il ne s'agit pas d'une attribution du Fiscal General. Celui-ci n'a pas non plus la possibilité de révoquer des juges de son propre chef.
 
Interrogée sur les recours offerts aux femmes policières victimes de violence, la délégation a expliqué qu'il existe un mécanisme de dénonciation particulier au sein de la police nationale civile pour les actes commis par son personnel. Ce mécanisme permet l'anonymat, a-t-elle précisé. Pour ce qui est du suivi des plaintes, les femmes peuvent porter plainte devant le Fiscal General tout comme devant le Procureur pour la défense des droits de l'homme. Une fois que toutes les voies de recours internes sont épuisées, elles peuvent porter l'affaire devant la Cour interaméricaine de droits de l'homme.
 
S'agissant de la formation en droits de l'homme des agents de police, la délégation a rappelé que le code de conduite de la police nationale civile stipule que qu'aucun fonctionnaire ne peut infliger, susciter ou tolérer un acte de torture ou traitement cruel, inhumain ou dégradant, ni ne peut invoquer un ordre de ses supérieurs ou des circonstances exceptionnelles telles qu'un état de guerre ou l'instabilité politique, pour justifier la torture. Chaque année, sont organisées des journées de formation en droits de l'homme dans les différents départements de la police. Entre 2005 et 2008, différentes journées de formation ont été organisées à l'intention des membres de la police et portant, notamment sur: l'égalité entre les sexes, les droits et devoirs de la femme policière, les groupes vulnérables, l'éthique et les valeurs des agents de la police, les droits de l'enfant, les règles nationales et internationales des droits de l'homme et le droit international humanitaire.
 
Interrogée sur les mesures prises en vue de la réinsertion des jeunes membres des bandes, , la délégation a fait part de la mise sur pied, en 2005, d'un projet à l'intention de ces jeunes qui prévoit des activités agricoles, de jardinage, d'apprentissage technique. Le Conseil national de la sécurité publique, qui a mis au point ce projet, recherche d'autres ressources pour développer cette approche. De même, il prévoit de mettre en œuvre des programmes de prévention afin de prendre en main davantage de jeunes délinquants et d'éviter les récidives.
 
En matière d'asile, la délégation a assuré que les étrangers se trouvant sur le territoire salvadorien reçoivent un traitement égal aux citoyens nationaux, à l'exception des droits politiques. Quelle que soit leur situation, ils ont accès à des soins de santé et à l'éducation. Les normes du pays pour déterminer le statut de réfugié se basent sur la Convention de 1951 et le Protocole de 1967.
 
Un expert s'étant enquis de l'interdiction des châtiments corporels dans les centres de soins et établissements scolaires, la délégation a souligné qu'il n'y avait pas, à sa connaissance, de recours aux châtiments corporels dans ces établissements.
 

Questions supplémentaires des membres du Comité
 
M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport d'El Salvador, a regretté que de nombreuses questions du Comité ne trouveront réponse qu'ultérieurement, ainsi que l'a annoncé la délégation. Il a rappelé le rôle fondamental d'échange qu'offre cette réunion avec le Comité. Il a reconnu qu'El Salvador affronte de nombreux obstacles qui entravent son développement. Il a relevé l'importance de mettre l'accent sur les groupes vulnérables.
 
D'autre part, il s'est enquis de la récente loi de lutte contre le terrorisme, observant qu'à chaque fois que cette loi a été mise en œuvre, il y a eu des plaintes. Il a par conséquent demandé des informations sur cette loi et sur la manière dont elle est appliquée.
 
Le rapporteur s'est également étonné que certaines enquêtes sollicitées pour des affaires de recours excessif à la force n'aient pas été effectuées et a souhaité avoir des détails sur ce fait.
 
Enfin, il a répété sa préoccupation à l'égard de la loi d'amnistie générale. L'impunité n'est pas admissible, a-t-il insisté, et aucune disposition ne devrait permettre que l'impunité règne. Les types de crimes qui relèvent de la Convention ne devraient être ni autorisés ni prescriptibles. À cet égard, une experte a souhaité savoir si le Gouvernement, qui envisage de mettre en place une politique de poursuite des délits et de réparations, entend y ajouter une mention explicite rendant nulles et non avenues les dispositions d'amnistie.
 
MME ESSADIA BELMIR, corapporteuse pour le rapport salvadorien, a réitéré que la violence contre les femmes devait faire l'objet d'une attention particulière de la part du Gouvernement. Cette violence freine le développement, a-t-elle rappelé. Elle s'est tout particulièrement inquiétée des chiffres fournis par la délégation, et notamment qu'entre 2005 et 2008 244 femmes aient été tuées au sein de leur foyer. Elle a rappelé qu'il incombe au Gouvernement d'agir et de prévenir la violence conjugale, ainsi que d'intervenir à temps pour éviter que davantage de femmes soient tuées.
 
Ce phénomène a soulevé la préoccupation d'autres experts, l'une d'eux faisant observer qu'entre 1999 et 2006, la proportion de ces meurtres de femmes avait doublé, le ratio passant de 6,22 à 12,37 pour 100 000 habitants. Pourquoi tant de femmes sont elles victimes de meurtres, a demandé un membre du Comité, recommandant au Gouvernement de tout faire pour «supprimer ce cancer».
 
Un autre membre du Comité a requis un complément d'information sur l'assassinat de prêtres jésuites en 1989, s'étonnant que seul l'un des auteurs de ces actes ait effectivement purgé une peine de prison. Il a relevé le rôle capital de la Commission de la vérité, et a espéré que le nouveau Gouvernement mettra en œuvre les recommandations de cette Commission afin de traduire les coupables en justice et de mettre fin à l'impunité.
 

Déclaration de clôture
 
M. BYRON FERNANDO LARLOS LÓPEZ, Représentant permanent d'El Salvador auprès des Nations Unies, a reconnu la gravité et le sérieux du sujet dont le Comité et la délégation discutent aujourd'hui. Il a relevé le rôle primordial que joue le Comité pour aider les États à mieux mettre en œuvre les droits de l'homme et les respecter. El Salvador, a-t-il poursuivi, est imbibé de question de la mémoire et souhaite agir pour changer la situation. Le Gouvernement est très attaché à l'amélioration de tous les points abordés dans le cadre de ces réunions avec le Comité.
 
M. Larlos López a par ailleurs fait valoir qu'entre la présentation du premier rapport et le rapport soumis à cette session, la situation à El Salvador s'était améliorée. Il s'est dit persuadé que la situation se sera de nouveau améliorée à la présentation du troisième rapport. Il a assuré que son pays répondra par écrit aux différentes inquiétudes du Comité. Ces demandes sont sérieuses et le Gouvernement entend y répondre de la même façon, a-t-il souligné. Enfin, il a reconnu qu'il importe, ainsi que l'a souligné un membre du Comité, de mettre l'accent sur les secteurs les plus vulnérables de la population.
 

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