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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT D'EL SALVADOR

05 Novembre 2009

5 novembre 2009
 
Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du deuxième rapport périodique d'El Salvador sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention.
 
Présentant le rapport de son pays, M. Byron Fernando Larlos López, Représentant permanent d'El Salvador auprès des Nations Unies à Genève, accompagné d'un autre membre de la Mission permanente, a d'emblée certifié au Comité que le nouveau Gouvernement, qui a pris ses fonctions en juin dernier, était pleinement engagé en faveur de l'application de la loi et du respect des droits de l'homme. Il a expliqué que la définition de la torture telle qu'elle figure dans la Convention avait été incorporée dans l'ordre juridique interne et que de tels actes étaient sanctionnés par des peines allant de trois à six ans de prison. La loi pénitentiaire interdit le recours à la torture et la loi sur la police nationale stipule expressément qu'aucun membre de l'institution ne peut infliger, inciter ou tolérer la torture. Enfin, il existe en El Salvador un Procureur pour la défense des droits de l'homme qui reçoit des plaintes pour cas de torture, de mauvais traitement ou de recours disproportionné à la force.
 
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport, M. Luis Gallegos Chiriboga, s'est notamment inquiété du niveau élevé d'abus de la force publique, des pratiques de détention provisoire prolongée, de la violence et de l'absence de contrôle dans les centres de détention, ainsi que des cas non réglés de disparitions forcées. Il a également relevé l'importance, dans les efforts déployés pour renforcer la paix et la réconciliation en El Salvador, de lutter aussi contre l'impunité. La corapporteuse, Mme Essadia Belmir, a pour sa part regretté le manque d'efficacité des services du Procureur pour la défense des droits de l'homme, notamment lorsqu'ils doivent répondre aux exactions commises par la police et les membres du personnel pénitentiaire. Elle a en outre demandé davantage d'informations sur les mesures prises pour protéger les personnes les plus vulnérables en détention et pour lutter contre la surpopulation carcérale.
Outre les conditions de détention qui ont mobilisé l'attention des experts, la question des maras a également été abordée, plusieurs experts s'inquiétant tant des violences commises par ces bandes de jeunes délinquants que du bien fondé des mesures prises par le Gouvernement pour y mettre fin, notamment au regard des principes de droits de l'homme. Plusieurs membres du Comité se sont par ailleurs enquis de l'indépendance effective du système judiciaire et policier, alors qu'il n'existe aucune autorité indépendante chargée d'examiner les décisions et les mesures prises par la magistrature, ni aucun organe indépendant chargé de contrôler la police.
 

La délégation salvadorienne répondra demain, à 10 heures, aux questions posées par les experts.
 

Présentation du rapport d'El Salvador
 
M. BYRON FERNANDO LARLOS LÓPEZ, Représentant permanent d'El Salvador auprès des Nations Unies à Genève, a sollicité la compréhension du Comité s'agissant de la taille de la délégation présente aujourd'hui, le pays n'ayant pas été en mesure d'envoyer une délégation depuis la capitale en raison des nombreux problèmes qu'il doit affronter, dont la crise économique qui frappe avec sévérité nombre de pays en développement. Il a certifié au Comité que le nouveau gouvernement, qui a pris ses fonctions en juin dernier, était pleinement engagé en faveur de l'application de la loi et du respect des libertés fondamentales et des droits de l'homme. Le Gouvernement, a-t-il poursuivi, souhaite œuvrer à l'édification d'une société où prévalent justice, solidarité, ordre juridique et respect des droits de l'homme.
 
Le représentant salvadorien a rappelé que son pays était partie aux principaux instruments internationaux de droits de l'homme et prend des mesures pour donner effet à ces instruments. Au niveau interne, la Constitution consacre les droits concernant la vie, l'intégrité physique et morale, la liberté, et le travail. La définition de la torture telle qu'elle figure dans la Convention est incorporée dans l'ordre interne et de tels actes sont sanctionnés par des peines allant de trois à six ans de prison. La loi pénitentiaire interdit le recours à la torture. Quant à la loi de la police nationale, elle stipule expressément qu'aucun membre de l'institution ne peut infliger, inciter ou tolérer la torture ou tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant. M. Larlos López a souligné que face à des cas de torture, les autorités compétentes devaient enquêter, déterminer les responsabilités, et, le cas échéant, appliquer des sanctions administratives et pénales. Pour sa part, le Procureur pour la défense des droits de l'homme reçoit des plaintes pour cas de torture, de mauvais traitement ou d'usage disproportionné de la force. Le Représentant permanent a également tenu à souligner le rôle de l'Inspection générale de la police nationale qui applique le règlement disciplinaire de la police et sanctionne les agents qui commettent des infractions.
 
Au nombre des défis que doit affronter le pays aujourd'hui figure notamment la situation du système pénitentiaire. Le représentant salvadorien a précisé qu'en dépit des efforts déployés pour améliorer ce système, des carences subsistent.
 
Depuis juin 2009, a poursuivi M. Larlos López, El Salvador a amorcé une nouvelle page de son histoire en entamant la mise en œuvre d'un nouveau projet de développement basé sur l'inclusion sociale, la valorisation de la production, la modernisation des institutions et la garantie des libertés démocratiques. Le Gouvernement s'est doté d'une nouvelle vision, d'une nouvelle ligne stratégique intitulée «justice, réparation et vérité». Il prévoit notamment d'adopter une politique intégrale de réparations pour les victimes de violations des droits de l'homme. Enfin, le représentant a indiqué que le Gouvernement salvadorien entendait s'atteler à une possible levée des réserves aux traités internationaux. Dans un premier temps, il compte établir un groupe de travail chargé d'évaluer les moyens de mettre en pratique cet objectif.
 
Le deuxième rapport périodique d'El Salvador (CAT/C/SLV/2) indique que ces dernières années, l'État a entrepris de procéder aux ajustements structurels nécessaires, principalement en réformant l'autorité judiciaire, les services du Procureur général de la République et la Police nationale civile, pour combattre la violence qui touche l'ensemble de la société et qui exige des mesures appropriées. Depuis la signature des accords de paix en 1992, les principales mesures mises en œuvre ont porté sur les règles de conduite et l'évaluation du comportement des agents de l'État, l'action des autorités compétentes pour sensibiliser à l'interdiction de la torture et à la nécessité de punir les auteurs d'actes de torture, et la rectification des irrégularités administratives pour éviter les détentions arbitraires ou les mauvais traitements. À partir de 1999, la Police nationale civile a pris des mesures pour évaluer le comportement de ses membres sur la base du règlement disciplinaire. En 2000, une commission d'épuration de la Police nationale civile a été créée dans ce même but. Dans les deux années qui ont suivi la création de la Commission, des actions disciplinaires pour violation des droits de l'homme ont été engagées contre 42 membres de la police, dont 14 ont été démis de leurs fonctions et 28 suspendus sans traitement pour avoir abusé de leurs fonctions et infligé des traitements inhumains, dégradants et discriminatoires. La Police nationale civile a une unité des droits de l'homme composée de trois départements: un chargé de promouvoir ou de diffuser les règles des droits de l'homme qui s'appliquent aux membres de la police; un chargé de surveiller l'application des normes en vigueur en matière de droits de l'homme; et un chargé des activités administratives et logistiques et de leur coordination. Enfin, le programme des cours de l'institution qui assure la formation de base des policiers fait une place à l'enseignement des instruments internationaux qui touchent au travail de la police, parmi lesquels la Convention contre la torture.
 
Le rapport salvadorien souligne que des actes de violence et des mutineries ont eu lieu dans un certain nombre d'établissements pénitentiaires. La surpopulation, l'entassement, le manque de moyens financiers, l'oisiveté, la cohabitation de différentes catégories de détenus sont à l'origine de ces phénomènes. La présence de la police a pour objet de faire régner l'ordre dans les établissements et de protéger la vie et l'intégrité physique des détenus. Le rapport précise que la réforme de la loi pénitentiaire a été adoptée en juillet 2006. Le nouveau texte prévoit le renforcement des mesures de sécurité dans les prisons et vise à empêcher la diffusion de renseignements et la circulation d'objets susceptibles de servir à organiser des actes délictueux.
 
La Fiscalía General, la Cour suprême de justice et la Direction générale des migrations et des étrangers n'ont signalé aucun cas d'expulsion, de renvoi ou d'extradition de personnes vers un autre État où il y aurait eu des motifs sérieux de croire qu'elles risquaient d'être soumises à la torture. El Salvador a aussi adopté en juillet 2002 une loi relative à la détermination du statut de réfugié, qui porte création de la Commission de détermination du statut de réfugié (CODER), composée de représentants du Ministère des relations extérieures et du Ministère de l'intérieur.
 
En ce qui concerne l'incrimination de la torture dans la législation salvadorienne, le rapport indique que selon le code pénal, le fonctionnaire ou agent public qui, dans l'exercice de ses fonctions, fait subir des tortures physiques ou psychiques ou n'empêche pas qu'un tel acte soit commis alors qu'il a la faculté de le faire encourt un emprisonnement de trois à six ans assorti d'une interdiction de fonctions de même durée. En matière de détention, la Constitution prévoit, dès l'arrestation, un ensemble de garanties destinées à protéger le droit du suspect à la dignité en tant que personne, en lui garantissant une procédure régulière conformément aux lois de la République. Enfin, la Constitution prévoit que les déclarations obtenues par la force ou la tromperie n'ont aucune valeur légale, et ne peuvent pas être utilisées comme preuves dans un procès ou toute autre procédure judiciaire. Quiconque obtient des aveux de cette manière, de même que le juge ou le fonctionnaire qui les déclare admissibles, commet un délit.
 

Observations et questions des membres du Comité
 
M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport d'El Salvador, a attiré l'attention sur les domaines principaux qui devraient être considérés par le Gouvernement. Il a notamment fait référence au degré élevé d'actes de violences commis par des bandes, notamment à l'encontre des groupes vulnérables, comme les femmes, les enfants, les personnes handicapées, les minorités et les migrants. Il s'est aussi inquiété de cas de détention arbitraire, du niveau élevé d'abus de la force publique et de pratiques de détention provisoire prolongée. Il a déploré la violence et l'absence de contrôle dans les centres de détention, ainsi que les conditions de vie difficiles dans les prisons. Enfin, il s'est enquis des cas non réglés de disparitions forcées et des mesures prises dans la lutte contre l'impunité.
 
Plus particulièrement, le rapporteur a fait part de sa préoccupation face à la façon dont est désigné le Directeur du Bureau de l'inspection. Celui-ci étant choisi par le Directeur de la police, M. Chiriboga a relevé les conséquences que cette procédure peut avoir pour l'autonomie de cet organe.
 
D'autre part, il a souhaité davantage d'informations sur le fonctionnement de la Commission interinstitutions pour la recherche des enfants disparus pendant le conflit armé en El Salvador qui a récemment été mise en place, ainsi que ses résultats, les méthodes utilisées et les indemnisations qui auraient pu être accordées.
 
Le rapporteur s'est également enquis des mesures de protection prises pour protéger les victimes de violences commises par les fonctionnaires de l'État, dans le cadre des enquêtes sur des violations des droits de l'homme. Il a à cet égard fait référence à une affaire particulière, l'affaire Velásquez Rodríguez, qui a été instruite par la Cour interaméricaine des droits de l'homme.
 
Enfin, M. Chiriboga a noté que le pays avait adopté une loi d'amnistie générale pour le renforcement de la paix. Tout en reconnaissant l'importance de renforcer la paix et la réconciliation, il a souligné la nécessité de lutter également contre l'impunité.
 
MME ESSADIA BELMIR, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport salvadorien, a demandé des éclaircissements sur les informations contenues dans le rapport selon lesquelles les services du Procureur pour la défense des droits de l'homme n'auraient pas participé à l'élaboration du rapport, bien qu'ils aient été invités à le faire.
 
La corapporteuse a ensuite noté qu'il existait deux catégories de centres pénitentiaires en El Salvador: des centres de prévention et des centres d'exécution des peines. Or, face au problème de surpeuplement carcéral, les prévenus et les condamnés sont détenus dans le même endroit, a remarqué Mme Belmir, avant de mettre en garde contre les conséquences de telles pratiques. Elle s'est par ailleurs enquise des conditions de détention des femmes, et notamment des mesures prises pour les protéger contre les dangers auxquelles elles font face en prison. D'une manière générale, elle a souhaité savoir comment l'État agissait pour protéger les droits des plus vulnérables dans le cadre carcéral.
 
Revenant sur les services du Procureur pour la défense des droits de l'homme, elle a estimé qu'ils souffrent d'un déficit de ressources et d'efficacité, notamment lorsqu'ils doivent répondre aux exactions commises par la police et les membres du personnel pénitentiaire. Elle a estimé que cet organe devrait bénéficier d'une plus grande attention de la part des autorités.
 
Mme Belmir a relevé que les Concernant les exécutions extrajudiciaires semblent toucher un grand nombre de catégories de personnes, notamment les femmes. Elle a invité la délégation à fournir des informations sur le phénomène d'assassinats de femmes en El Salvador, en particulier entre 15 et 20 ans.
 
Un expert s'est pour sa part interrogé sur les attributions du Fiscal General. Il a en effet observé que ce dernier était chargé non seulement d'entamer des poursuites, mais également de nommer et de révoquer les juges. Il s'est inquiété de ce principe selon lequel un même organe engage des actions sur lesquelles les juges qu'il a nommés vont statuer, faisant valoir qu'il déroge au principe traditionnel de séparations des responsabilités de poursuite et de jugement. D'autres experts ont également regretté l'absence d'une autorité indépendante chargée d'examiner les décisions et les mesures prises par la magistrature, ainsi que d'un organe indépendant chargé de contrôler la police.
 
L'attention a en outre été portée sur la surpopulation carcérale, une situation qualifiée de «souvent explosive» par un expert. Il a été suggéré que l'une des causes de cette surpopulation tiendrait à l'inertie du système judiciaire. En effet, si les détenus ne sont pas jugés dans un délai raisonnable, la situation devient vite ingérable, a-t-il été noté. D'une manière générale, un expert a estimé que les agents de l'administration pénitentiaire ne semblaient pas bénéficier d'une formation qui leur permet d'encadrer efficacement les détenus.
 
La délégation a par ailleurs été invitée à donner des informations sur les mesures prises par le Gouvernement pour garantir l'accès au territoire salvadorien pour les demandeurs d'asile. Un membre du Comité a en effet estimé que la connaissance des principes fondamentaux liés aux droits des réfugiés semblait peu répandue.
 
Les autres questions posées par les membres du Comité ont porté, notamment, sur l'imprescriptibilité du crime de torture; l'interdiction des châtiments corporels; la protection des victimes de la violence des bandes de jeunes délinquants appelées maras et la compatibilité de la lutte contre ces bandes organisées avec certaines principes de droits de l'homme, dont les droits de l'enfant; le faible taux de poursuites et de condamnations pour les actes de torture; et l'existence d'une formation spécifique à l'intention de la police sur la façon de traiter de la question de la violence à l'encontre des femmes.
 

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