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Communiqués de presse Organe subsidiaire du Conseil des droits de l'homme

L'EXPERTE INDÉPENDANTE SUR LES MINORITÉS DEMANDE UN FERME ENGAGEMENT DE LA FRANCE POUR PROMOUVOIR LA NON-DISCRIMINATION ET LA DIVERSITÉ

01 octobre 2007


1er octobre 2007

Au cours de sa visite officielle en France, Mme Gay J. McDougall, experte indépendante des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités, a constaté que les membres de communautés minoritaires en France font l'objet d'une grave discrimination et a appelé le Gouvernement français à réagir par des politiques de lutte contre une discrimination répandue, enracinée et institutionnalisée dans la société française. «Le racisme est vivant, pernicieux et il cible clairement les minorités «visibles» issues de l'immigration qui sont pour la plupart des citoyens français», a-t-elle affirmé.

«Les espoirs et les rêves des jeunes sont ignorés; ils ne voient aucune possibilité de promotion sociale en raison de la couleur de leur peau, de leur religion, de leur nom de famille ou de leur adresse (dans ce que l'on appelle les banlieues sensibles). Des personnes qui ont beaucoup travaillé, qui ont respecté toutes les règles du jeu et qui croient sincèrement aux principes de la République Française se retrouvent piégées dans des ghettos urbains géographiquement et socialement isolés où le taux de chômage dans certains cas peut dépasser les 40%. Ils se sentent discriminés et rejetés par une conception rigide de l'identité nationale française qui ne leur correspond pas», a expliqué d'experte indépendante.

L'experte indépendante s'est dite préoccupée par des déclarations faites par des acteurs politiques et des candidats aux élections qui ont été perçues, au mieux, comme inhospitalières et au pire comme racistes. Elle a déclaré que les messages émanant des plus hauts représentants de l'État doivent transmettre, sans aucune ambiguïté, un véritable attachement à la promotion de l'égalité et de la diversité au quotidien.

«La promesse de l'égalité contenue dans la Constitution est une vision et non pas la réalité de la France moderne. Les dirigeants de la France doivent remplir cette promesse», a déclaré l'experte indépendante.

Mme McDougall a visité la France du 19 au 28 septembre. Elle s'est rendue à Paris, Marseille et Strasbourg où elle eu des entretiens avec des Ministres et d'autres hauts fonctionnaires du Gouvernement, des organisations non gouvernementales et des groupes de la société civile, des chefs religieux, des universitaires et d'autres personnalités travaillant sur les questions de minorités, discrimination, racisme et parité hommes-femmes. Mme McDougall a fait des déplacements dans les banlieues de Paris et de Marseille, notamment à Bobigny et à la Courneuve, particulièrement touchées par les violences urbaines de 2005, pour s'entretenir directement avec les habitants sur leur vie et entendre leurs témoignages et leurs préoccupations. Elle a également organisé des réunions avec des femmes issues des minorités. Elle en a conclu que les problèmes particuliers rencontrés par les habitants des ghettos sont une conséquence directe de la discrimination raciale et qu'il faut pour cette raison la mise en place de politiques visant leur situation particulière.

Historiquement, la France a toujours rejeté la notion de droit des minorités et a toujours considéré que ces droits sont incompatibles avec la Constitution française et les principes de la République qui mettent en valeur les droits individuels, l'égalité, l'unité et l'universalisme. L'experte indépendante s'est félicitée des initiatives récentes contre la discrimination, notamment la loi de 2005 contre la discrimination et la création de la Haute autorité de lutte contre la discrimination et pour l'égalité (HALDE), organe indépendant ayant un pouvoir de médiation ou de renvoyer devant les tribunaux des cas de discrimination, ainsi que de réaliser des études et promouvoir des activités en matière de non-discrimination. Tout en se félicitant du rôle de la HALDE et des associations qui peuvent saisir la justice au cas par cas, elle a insisté sur la nécessité d'une approche plus globale et plus ferme. Les sanctions imposées en cas de discrimination doivent être suffisamment sévères pour dissuader de toute nouvelle violation. «À l'heure actuelle, les amendes imposées semblent amoindrir l'importance de la lutte contre la discrimination», a expliqué l'experte.

Mme McDougall en appelle à la promotion de l'égalité par des politiques vigoureuses d'action positive. «La non-discrimination n'est que la premier pas sur la voie de l'égalité», a-t-elle souligné. Ainsi, dans le domaine de l'emploi, elle estime que l'on doit - et que l'on peut aisément - faire davantage pour donner ses chances à tout le monde et pour changer la composition de la fonction publique, de la police et d'autres institutions publiques afin de refléter la grande diversité de la société française.

L'experte indépendante a estimé que «plutôt que d'être considérées comme une violation de la Constitution française, ces mesures doivent être vues comme essentielles pour réaliser une vision véritable de la devise "Liberté, Égalité, Fraternité". La reconnaissance de l'origine ethnique, de la religion et de l'héritage de chacun ne doit pas être perçue comme une menace pour les principes de l'unité et de l'égalité sur lesquels repose la société française».

L'experte indépendante salue l'initiative prise par le Président Nicolas Sarkozy de lancer un débat public sur les politiques d'action positive. Elle regrette cependant que les termes utilisés aient envoyé un message ambigu sur un véritable attachement à ces politiques. «Lorsque des dirigeants politiques parlent de «discrimination positive» cela ressemble à un message codé de rejet de cette notion; ce terme de «discrimination positive» colporte la perception erronée que des privilèges sont accordés à des personnes de certaines origines», a dit l'experte.

Elle ajoute à ce propos: «Il reste encore beaucoup à faire pour que la diversité culturelle soit acceptée. À ce jour les communautés de nouvelles minorités ont le sentiment largement partagé qu'il ne suffit pas d'être un citoyen français pour être pleinement accepté, que cette acceptation va de pair avec une assimilation totale qui les oblige à renoncer à des pans entiers de leur identité. Ce n'est que lorsqu'ils parviendront à changer la couleur de leur peau, cacher les manifestations de leur religion ou les traditions de leurs ancêtres, et alors seulement, qu'ils seront acceptés comme français à part entière. Le message implicite dans l'appellation du nouveau Ministère de l'immigration de l'identité nationale de l'intégration et du co-développement semble leur indiquer que la présence et le nombre croissant de personnes issues de l'immigration menacent l'identité nationale de la France et constituent un problème qui doit être résolu.»

L'experte indépendante a reçu, de diverses sources, des informations sur la situation d'autres groupes de la société française, notamment les Roms, les Bretons et la communauté juive. Leur situation sera traitée dans le rapport intégral de la mission qui sera présenté au Conseil des droits de l'homme des nations unies. Elle s'est plus particulièrement concentrée sur les expériences de citoyens français issus de l'immigration, de populations stabilisées en France souvent décrites comme «nouvelles minorités» en particulier les populations d'origine nord-africaine, d'Afrique sub-saharienne, musulmanes et originaires des départements et territoires d'Outre-Mer.

Les visites réalisées auprès de communautés de minorités où l'experte indépendante a organisé des réunions à leur intention ont fait apparaître des sentiments de frustration parmi de nombreux citoyens français issus de l'immigration du fait qu'en dépit de leur grand attachement au principe d'égalité et aux valeurs de la France, ils restent des citoyens de seconde classe qui n'ont pas accès aux mêmes opportunités que les autres, ils sont accusés de communautarisme alors qu'en réalité ils n'ont d'autre choix que celui de vivre dans des ghettos isolés de logements sociaux. Des préoccupations ont également été portées à l'attention de l'experte indépendante à propos du débat actuel sur l'immigration qui porte, entre autres, sur les questions des contingents d'expulsions et des tests ADN. Ce débat crée un climat général de suspicion et de rejet envers les populations issues de l'immigration.

Le mandat de l'Experte Indépendante des Nations Unies a été créé en 2005 pour promouvoir la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques. Mme Gay McDougall, première experte indépendante sur les questions relatives aux minorités, est un ancien membre du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale et de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Elle était Directeur exécutif de l'organisation non gouvernementale Global Rights entre 1994 et 2006, et est actuellement affiliée à l'Université américaine à Washington. Pour plus d'information sur les fonctions de l'experte indépendante, voir: http://www.ohchr.org/english/issues/minorities/expert/index.htm.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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