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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE L'UKRAINE

09 août 2001



CERD
59ème session
9 août 2001
Après-midi


Il adopte un projet de déclaration à
l'intention du Comité préparatoire de la Conférence de Durban


Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen du rapport de l'Ukraine sur l'application dans ce pays des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M. Hrygoriy Sereda, Directeur du Département d'État pour les questions de nationalité et de migration, a déclaré que le Gouvernement ukrainien reste attaché à une politique visant à promouvoir l'entente entre toutes les minorités nationales sur le territoire ukrainien. Il a indiqué que, prenant en compte le recensement de 1989 montrant que l'Ukraine compte plus de 110 minorités nationales, le Gouvernement ukrainien a mis en place un ensemble de lois visant à garantir leurs droits. Un travail de remaniement des institutions d'État a également été entrepris pour tenir compte de la nécessité de protéger toutes les minorités nationales contre toute forme de discrimination.

La délégation ukrainienne est également composée de M. Raoul Chilachava, Directeur adjoint du Département d'État pour les questions de nationalité et de migration, de M. Mykola Novychenko, Président adjoint de la Commission nationale sur les questions religieuses, de trois autres représentants des ministères du travail et de la politique sociale, de l'intérieur et des affaires étrangères et de deux membres de la Mission permanente de l'Ukraine auprès des Nations Unies à Genève.

L'experte du Comité chargée de l'examen du rapport de l'Ukraine, Mme Gay McDougall, s'est félicitée de ce que l'Ukraine a adopté une Constitution tournée vers le futur et de nombreuses mesures et lois positives dans le domaine de la protection des droits de l'homme de ses citoyens. Récemment, l'Ukraine a aboli la peine de mort, ce qui constitue une étape très importante, a-t-elle estimé. Elle a toutefois déploré le traitement discriminatoire appliqué à la minorité rom en Ukraine. Elle a également soulevé les problèmes de l'antisémitisme persistant dans le pays et des pratiques très préoccupantes de la police ukrainienne

Les experts suivants du Comité sont également intervenus: M. Régis de Gouttes, M. Yuri A. Rechetov, M. Ion Diaconu, Mme Gabriele Britz, M. Raghavan Vasudevan Pillai, M. Patrick Thornberry, M. Agha Shahi, M. Mahmoud Aboul-Nasr, M. Marc Bossuyt, M. Tang Chengyuan et M. Michael E.Sherifis.

En fin de séance, le Comité a adopté un projet de déclaration soumis par M. Luis Valencia Rodríguez, devant être présenté à la Commission préparatoire de la Conférence mondiale sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée par le Groupe de contact du Comité.

Le Comité achèvera son examen du rapport de l'Ukraine demain, vendredi 10 août, à partir de 10 heures.


Présentation du rapport de l'Ukraine

Présentant le rapport de son pays, M. Hrygoriy Sereda, Directeur du Département d'État pour les questions de nationalité et de migration, a évoqué les progrès économiques récents intervenus en Ukraine, qui se sont notamment traduits par une baisse du niveau de chômage et une augmentation du produit intérieur brut. L'Ukraine adopte constamment des mesures permettant de réformer l'appareil d'État pour une meilleure protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a déclaré le représentant. L'appareil judiciaire est également soumis à des réformes. Dans ce cadre, un projet de loi est actuellement à l'étude devant le Parlement. M. Sereda a évoqué un décret du Président de l'Ukraine datant de 2001 qui a modifié le processus de l'octroi de permis de résidence et de travail. Le Parlement est également saisi d'un projet de loi sur le droit des réfugiés, des étrangers et des apatrides. Les lois adoptées constituent les prémisses nécessaires à la mise en conformité de la législation ukrainienne avec les instruments internationaux.

M. Sereda a indiqué que le recensement de 1989 a montré que l'Ukraine compte plus de 110 minorités nationales. C'est pourquoi l'Ukraine s'est dotée d'un ensemble de lois pour garantir les droits de ces minorités. Un travail de remaniement des institutions d'État a également été entrepris dans cet esprit. Le représentant a indiqué que 431 organisations représentant des minorités nationales ont été dénombrées cette année en Ukraine. Des commissions ont été créées en collaboration avec les pays limitrophes afin de travailler en commun au développement culturel de ces minorités. Les médias en langues minoritaires sont encouragés, qu'il s'agisse des nombreux journaux ou des programmes de radio et de télévision diffusés dans les langues des minorités nationales.

M. Sereda a évoqué le difficile problème de la réinstallation des personnes qui ont été déportées. Il s'agit de rapatrier des personnes et leurs biens et de les aider à percevoir un salaire minimal pour chaque membre des familles concernées. À ce jour, 300 lieux d'accueil reçoivent ces personnes, dont la majorité sont des Tatars de Crimée. Un programme de réinstallation des personnes déportées qui doit se dérouler entre 2001 et 2005 a été lancé pour établir un cadre juridique aux efforts déployés par le gouvernement en faveur de ces citoyens déportés. Le représentant a souligné que les organisations humanitaires qui apportent une aide aux rapatriés reçoivent un appui inconditionnel du Gouvernement de l'Ukraine.

Le représentant a évoqué le statut du peuple rom en Ukraine et a indiqué que cette communauté représente environ 47 000 personnes. Des écoles tziganes ont été créées, ainsi que des musées de la culture et de l'histoire des Roms. De même, le gouvernement a pris les mesures nécessaires pour permettre le respect de la liberté religieuse en Ukraine. Il œuvre ainsi activement au rétablissement de certains sites religieux.

Au sujet du grand nombre de réfugiés récemment arrivés en Ukraine, le représentant a indiqué qu'un nouveau centre a été ouvert cette année près d'Odessa pour permettre l'accueil des réfugiés et leur répartition sur le territoire. Un mécanisme de soutien financier et d'aide à l'installation pour les réfugiés a en outre été mis en place en 2001 par le gouvernement.

Le représentant a fait état de la modification du code pénal ukrainien, conformément aux recommandations du Comité suite à l'examen, par le Comité, de la situation en Ukraine en ce qui concerne la mise en oeuvre des dispositions de la Convention. Dans le cadre la lutte contre toute manifestation de haine raciale, M. Sereda a indiqué que le Gouvernement ukrainien reste attaché à une politique visant à promouvoir l'entente entre toutes les minorités nationales sur le territoire ukrainien.

Le rapport de l'Ukraine (CERD/C/384/Add.2) réunit en un seul document les quinzième et seizième rapports périodiques. Il indique qu'à la suite de la proclamation de son indépendance, l'Ukraine, devenue souveraine, a amorcé un processus d'édification de son État, avec un accent particulier sur l'élaboration et la concrétisation d'une politique spécifique tournée vers les différents groupes nationaux qui peuplent son territoire. En Ukraine comme dans la plupart des pays en transition, le processus d'édification de l'État et la refonte du système économique s'est accompagné de problèmes sociaux dont la résolution requiert à la fois du temps et certaines conditions préalables objectives.

Le rapport indique également que la situation sociale et démographique en Ukraine se caractérise par les phénomènes suivants: vieillissement progressif de la population, baisse de la natalité et stabilisation relative de la mortalité à un niveau élevé, détérioration de l'état de santé (génésique notamment) de la population, aggravation des problèmes touchant à la famille, à la mère et à l'enfant, émigration importante, principalement dans les groupes de personnes en âge de travailler, et situation écologique défavorable. Parmi les mesures visant à mettre fin à ces tendances négatives, il convient de mentionner en tout premier lieu le Plan spécial d'action élaboré par le Gouvernement ukrainien, qui doit contribuer à améliorer la situation démographique du pays.

Le rapport indique que la législation ukrainienne interdit toute manifestation ou d'apologie de la discrimination raciale. Dans ses interventions, le Président de l'Ukraine a exhorté tous les citoyens, tous les partis politiques et toutes les organisations à faire front contre les comportements antisémites. Il a souligné que les actes visant à attiser les haines interethniques étaient particulièrement regrettables, au vu du travail considérable accompli ces dernières années par l'État ukrainien pour préserver, promouvoir et développer l'identité nationale des minorités polonaise, juive, hongroise, roumaine et autres. Le rapport précise que les représentants des minorités nationales élaborent et prennent ensemble les décisions qui les concernent au sein d'un organe consultatif appelé Conseil des représentants des associations des minorités nationales.


Examen du rapport de l'Ukraine

L'experte du Comité chargée de l'examen du rapport de l'Ukraine, Mme Gay McDougall, a noté que l'Ukraine a adopté une constitution tournée vers l'avenir et que de nombreuses mesures et lois positives dans le domaine de la protection des droits de l'homme de ses citoyens. Récemment, l'Ukraine a aboli la peine de mort, ce qui constitue une étape très importante, a-t-elle déclaré.

Mme McDougall a toutefois regretté que l'Ukraine ne cite ni ne fournisse de statistiques concernant de nombreux groupes ethniques de faible importance vivant sur son territoire, tels que les Arméniens. La situation du groupe le plus persécuté en Ukraine, les Roms, ne figure pas non plus dans le rapport. Fournir des statistiques actualisées a donc paru nécessaire afin de permettre de mesurer l'ampleur des changements démographiques et d'obtenir une image plus complète de la composition de la population ukrainienne. Des précisions ont été en outre demandées sur la définition du terme de «minorité nationale». Un expert a souhaité savoir si les Tatars de Crimée sont considérés comme des autochtones en Ukraine.

Un expert a rappelé que le Comité avait recommandé au Gouvernement ukrainien de continuer à prendre les mesures nécessaires pour rétablir dans tous leurs droits les membres rapatriés des minorités, notamment les Tatars de Crimée qui rencontraient des difficultés pour acquérir la citoyenneté ukrainienne. En effet, le rapport indique que le processus de retour des Tatars de Crimée déportés s'est considérablement accéléré dans les années 90 et que plus de 25 000 d'entre eux résident à titre permanent dans la seule République autonome de Crimée. L'expert s'est interrogé sur les conséquences de la crise dont souffre l'Ukraine sur la politique du gouvernement pour promouvoir les droits fondamentaux économiques, sociaux et culturels des minorités rapatriées.

Mme McDougall a relevé les dispositions relatives aux minorités nationales prises par le Gouvernement ukrainien, qui montrent les efforts accomplis en matière législative. Elle a également noté les mesures prises dans le domaine de la langue et de la culture visant à construire une société multiculturelle fondée sur le respect mutuel et la diversité. Toutefois, elle a regretté l'absence de législation détaillée visant à interdire la discrimination raciale à tous les niveaux de la vie publique. Elle a en outre remarqué que le rapport de l'Ukraine montre une mauvaise interprétation de l'article 3 de la Convention au titre duquel les États parties condamnent spécialement la ségrégation raciale et l'apartheid. Le rapport présente à ce titre les lois visant à qualifier de crime la violence raciale ou ethnique, ce qui n'est pas approprié.

L'experte a souhaité recevoir de plus amples informations en ce qui concerne les condamnations prévues en cas d'infraction de l'interdiction des organisations qui s'inspirent d'idées fondées sur l'idée de la supériorité d'une race. Elle a déploré l'existence en Ukraine de messages d'intolérance à l'intention de Russes ou de juifs. Étant donné que le gouvernement reconnaît lui-même l'existence de 260 publications antisémites recensées en Ukraine, l'experte a demandé quelles mesures il compte prendre pour mettre fin à leur publication et à leur diffusion. Elle a souhaité savoir si les auteurs de ces textes ont été poursuivis en vertu de la législation pénale.

Mme McDougall a évoqué le sort de la minorité rom en Ukraine. À cet égard, elle a évoqué les nombreux rapports relatant des faits de violations des droits de l'homme des membres de cette minorité par les forces de police, y compris des faits de torture, de travail forcé et de détention illégale. De plus, le nombre des rapports relatant des violences motivées par le racisme à l'égard de personnes d'origine africaine ou asiatique augmente de manière inquiétante. Mme McDougall a déploré que les Roms soient souvent soumis à des détentions non justifiées, dans le cadre de mesures dites «prophylactiques» entraînant l'arrestation de larges groupes de Roms pour un seul crime, afin d'obtenir des confessions. Lorsqu'un Rom a été détenu, son nom est ajouté à une liste pour une période de trois ans, au cours desquels il est périodiquement harcelé et emprisonné à chaque fois qu'un crime a été commis par un Rom. Bien que de nombreux rapports indiquent que les abus de la police sont fréquents de façon générale en Ukraine, il semble que les Roms soient particulièrement concernés par ces pratiques. L'experte s'est interrogée sur les poursuites engagées contre les membres de la police qui se rendent coupables de telles exactions. Elle a en outre demandé quelle formation en matière de droits de l'homme est prévue pour les fonctionnaires de police. Elle a demandé des informations supplémentaires concernant les problèmes particuliers des Roms, dans le cadre du système des cartes d'identité nationales et concernant leur capacité réelle à exercer leurs droits sociaux et politiques notamment.

Des experts se sont interrogés sur l'absence de plaintes concernant des actes de discrimination. Mme McDougall a pour sa part demandé se des poursuites ou de mesures disciplinaires ont été engagées pour des actes motivés par la haine raciale. Tout en se félicitant de l'institution en 1998 d'un Médiateur pour les droits de l'homme, elle a souhaité recevoir des informations sur les activités de ce Médiateur, sur les moyens dont il dispose pour faire respecter les droits de l'homme. Il a en effet paru remarquable qu'aucun cas de discrimination raciale n'ait été présenté devant les tribunaux ukrainiens, alors que le Médiateur a reçu plus de 100 000 lettres depuis sa création et que 13 000 recours ont été déposés devant la Cour européenne des droits de l'homme. Il semble en outre que les autorités locales ukrainiennes refusent de recevoir les plaintes émanant de membres des minorités ethniques, en l'absence de principes directeurs pour la mise en oeuvre des lois.

Mme McDougall a pris bonne note des mesures prises par le Gouvernement ukrainien pour encourager la tolérance ethnique et raciale par le biais d'activités culturelles. Le Ministère de l'éducation a créé des équipes pour aider les écoles à assurer une éducation multiculturelle et à encourager la tolérance entre les groupes ethniques. Dans ce cadre, la faible scolarisation des Roms, en raison des vexations qu'ils subissent dans les écoles, a été déplorée. L'utilisation des langues des minorités nationales mériterait plus de renseignements: un expert s'est interrogé sur le fait que le roumain, par exemple, ne soit pas mentionné dans le rapport. Mme McDougall a regretté que, bien que le gouvernement ait mis en place un système scolaire visant à réduire l'antisémitisme, un grand nombre des héros de la nation célébrés aujourd'hui ont participé à l'arrestation et à la déportation de juifs dans les camps de concentration allemands. Elle a estimé que l'Ukraine doit intensifier ses efforts pour éduquer le public concernant les persécutions subies par les Juifs ukrainiens et les Roms et encourager des attitudes plus tolérantes et respectueuses à l'égard de ces groupes.


Préparation de la Conférence mondiale

Dans le cadre de la participation du Comité à la préparation de la Conférence mondiale sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, le Comité a adopté sans vote un projet de déclaration soumis par M. Luis Valencia Rodríguez, devant être présenté à la Commission préparatoire de la Conférence de Durban par le Groupe de contact du Comité. Certains experts ont déclaré qu'ils se seraient abstenus si l'adoption du projet avait été soumise au vote.


Aux termes de ce projet, la Conférence mondiale, réaffirmant les principes de dignité et d'égalité inhérents à tous les êtres humains qui méritent une protection égale par la loi contre toute discrimination et contre tout encouragement à la discrimination, reconnaît les conséquences négatives de l'esclavage, du colonialisme, de l'apartheid, de l'occupation étrangère et de toute autre forme de servitude, sur la jouissance des droits de l'homme. La Conférence mondiale, tenant compte des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, encourage les États à promouvoir et à mettre en oeuvre des mesures sociales, économiques, culturelles et autres mesures de réparation et de correction des conséquences négatives de ces pratiques sur les victimes qui continuent d'entre être affectées, dans le but de leur assurer développement adéquat et protection.


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