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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

LA SOUS-COMMISSION DE LA PROMOTION ET DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME POURSUIT SON DÉBAT SUR L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

03 août 2001



Sous-Commission de la promotion et
de la protection des droits de l'homme
53ème session
3août 2001
Après-midi




La peine de mort et les états d'urgence retiennent
l'attention des experts, ainsi qu'un projet de résolution
sur la question des réparations



La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a poursuivi, cet après-midi, son débat sur l'administration de la justice en entendant les déclarations de plusieurs de ses membres ainsi que de certains pays et organisations non gouvernementales. Les membres du Comité ont abordé la question de la peine de mort et se sont exprimés sur la question des droits de l'homme dans les situations d'état d'urgence, notamment.

M. Rajendra Kalidas Wimala Goonesekere a invité chacun à réfléchir aux conditions de détention des personnes condamnées à perpétuité. M. Vladimir Kartashkin a notamment souligné que le danger de la peine de mort, outre son caractère inhumain, réside dans le risque d'une erreur judiciaire qui serait révélée seulement après l'exécution d'un innocent que l'on a cru coupable.

Mme Françoise Jane Hampson a relevé que certains pays appliquent l'état d'urgence de manière très prolongée, comme en témoignent les cas de l'Égypte et de la Syrie. Il serait judicieux que la Commission des droits de l'homme traite de manière plus systématique de cette question des droits de l'homme dans les situations d'états d'urgence. Mme Erica-Irene Daes a estimé que, plutôt que de revenir sur ce sujet ayant déjà fait l'objet de travaux, la Sous-Commission ferait mieux de mener une étude sur la situation des États se trouvant en situation de conflits armés. M. Asbjørn Eide a également fait une déclaration.

Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes sont intervenus:

Libération, Fondation de recherches et d'etudes culturelles himalayennes, Ain O Salish Kendra Law and Meditation Centre, International Work Group for Indigenous Affairs

Plusieurs intervenants ont insisté sur la nécessité de lutter contre l'impunité si l'on veut progresser sur la voie d'une bonne administration de la justice.

Ont également pris la parole les représentants de la Tunisie, de la Fédération de Russie et de l'Italie. Les représentants de la Mauritanie, du Bahreïn et de la République de Corée ont exercé leur droit de réponse.

En fin de séance, la Sous-Commission a examiné un projet de résolution sur «les violations flagrantes et massives des droits de l'homme en tant que crimes contre l'humanité qui se sont produites durant la période de l'esclavage et de la colonisation». Selon ce projet de texte, la Sous-Commission, si elle l'adoptait, estimerait que la responsabilité historique des puissances en cause vis-à-vis des peuples qu'elles ont colonisés ou réduits à l'esclavage doit faire l'objet d'une reconnaissance formelle et officielle (..) qui doit inclure un aspect concret et matériel tel que la réhabilitation des peuples affectés, la coopération active au développement, l'annulation de la dette, le transfert de technologies (..) et la restitution progressive des biens culturels.


La Sous-Commission poursuivra ce débat lundi 6 août 2001, à 10 heures.


Suite du débat sur l'administration de la justice

MME MARGARET BOWDEN (Libération, au nom également de la Conférence asiatique des bouddhistes pour la paix), a soulevé la question de la violation des droits de l'homme concernant les populations autochtones des Chittagong Hill Tracts au Bangladesh et ce, malgré la signature d'un accord de paix. La représentante de Libération a dénoncé les violations de cet accord. Une des raisons de cet échec est la présence des camps militaires dans la région. Mme Bowden a également exprimé sa préoccupation en ce qui concerne l'administration de la justice en Malaisie, où le nombre de détentions arbitraires est en nette augmentation depuis la promulgation de la loi sur la sécurité intérieure. Mme Bodwen a également fait part de son inquiétude concernant la situation au Jammu-et-Cachemire, aux Moluques et dans l'État indien d'Assam. Sur toutes ces questions, la représentante a demandé la vigilance de la communauté internationale.

M. R. PUNJABI (Fondation de recherches et d'etudes culturelles himalayennes) a déclaré avoir de plus en plus l'impression que même lorsque l'administration de la justice dans un État donné est organisée de manière à respecter les nobles idéaux des droits de l'homme universels, le système judiciaire ne peut pas garantir une défense adéquate contre la violation de ces nobles principes. Cela s'explique notamment par la paralysie dont souffre le système judiciaire dans de nombreux pays. Récemment, la relation voire le lien entre les pouvoirs exécutif et judiciaire a jeté le doute sur les processus de sélection et de formation du personnel de justice ainsi que sur la manière dont est rendue la justice dans de nombreux pays. Dans un État d'Asie du Sud, il a récemment été révélé que l'exécutif a imposé au judiciaire ses décisions concernant le jugement d'un ancien Premier ministre. Certains pays, en particulier en Asie du Sud, ont choisi de ne pas répondre aux demandes qui leur ont été adressées par le Rapporteur spécial sur l'indépendance de la justice en ce qui concerne des cas bien documentés de déni de justice. Il existe un lien indissociable entre démocratie et justice, a souligné le représentant.

M. RAJENDRA KALIDAS WIMALA GOONESEKERE, expert de la Sous-Commission, a mentionné le cas, dans son pays, d'un homme condamné à vingt ans de prison pour assassinat et libéré grâce aux remises de peine après six ans de détention a été tué par les membres de la famille de sa victime à sa sortie de prison. Cet exemple illustre les difficultés rencontrées en matière d'administration de la justice dans une société donnée.
Concernant la question de l'impunité, M. Goonesekere a souligné que les personnes accusées de violer les droits de l'homme doivent jouir des mêmes droits que celles soupçonnées de délits de droit commun. À cet égard, un homme ne devrait pas être condamné si le doute subsiste quant à sa culpabilité. M. Goonesekere a expliqué qu'un sentiment d'impunité des bourreaux pouvait naître chez les victimes mais que, pour l'instant, aucun texte international n'apporte de réponse au problème. La question reste entière de savoir s'il valait mieux prendre le risque de condamner un innocent plutôt que de libérer un coupable.

L'expert a afirmé son opposition à la peine de mort, tout en soulignant que la question du devenir des personnes condamnées à de longues peines reste en suspens. Quel système pénitentiaire doit être mis en place, que faire des individus socialement irrécupérables, a demandé l'expert. Une question qui selon lui mérite d'être posée dans le cadre du débat sur la suppression de la peine de mort afin de respecter également les droits des prisonniers condamnés à de longues peines. Il a évoqué à ce sujet le choix inhabituel d'un détenu, aux États-Unis, ayant préféré l'exécution à la détention à perpétuité.

M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert de la Sous-Commission, a indiqué qu'il n'était absolument pas d'accord avec certains des propos tenus cet après_midi par M. Goonesekere. M. Kartashkin a fait observer qu'il existe actuellement une tendance dans l'opinion publique de certains pays à prôner la réintroduction de la peine de mort alors que les analyses prouvent que l'application de la peine capitale dans un pays ne s'accompagne pas d'une réduction du nombre de crimes graves ni des crimes avec préméditation. Les gouvernants doivent prendre conscience qu'il ne faut pas toujours qu'ils se rallient à l'opinion publique. Le danger de la peine de mort, outre son caractère inhumain, réside dans le risque d'une erreur judiciaire qui serait révélée seulement après l'exécution d'un innocent que l'on a cru coupable. M. Kartashkin a indiqué que son pays, la Fédération de Russie, prévoit la peine de mort, mais le Président russe a imposé un moratoire car il s'oppose à cette sanction. Le Parlement russe s'est opposé à la proposition du Président russe visant à signer le 6ème protocole facultatif à la Convention européenne sur la protection des droits de l'homme, ce qui aurait entraîné l'abolition de la peine de mort.

Pour protéger les droits de l'homme, a souligné M. Kartashkin, il est essentiel de renforcer les mécanismes autres que les mécanismes judiciaires, à savoir par exemple les ombudsmen (ou médiateurs) et les commissions de droits de l'homme.

M. A. ZIAUDDIN (Ain O Salish Kendra Law and Meditation Centre - ASK - au nom également du Parti radical transnational) a mis l'accent sur l'importance de la reconnaissance des violations des droits de l'homme commises dans le passé pour que ceux-ci soient respectés aujourd'hui. Le représentant de l'ASK a dénoncé la situation en Afghanistan où les droits de l'homme sont régulièrement violés. Il a dénoncé l'implication du Pakistan dans le conflit actuel par le soutien apporté par le gouvernement de ce pays aux Taliban. Il a également souligné la responsabilité du Pakistan lors du génocide commis au Bangladesh en 1971. Il a demandé la création d'un tribunal international afin d'enquêter sur ces questions ainsi qu'une reconnaissance par le gouvernement actuel du Pakistan de ses responsabilités pour les crimes passés.

M. Z. KALIMBA (International Work Group for Indigenous Affairs) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur la situation des Batwas du Rwanda que l'on évalue à 20 000, soit 0,4% de la population, et des Batwas du Burundi, qui représentent environ 1% de la population de ce pays. Parler d'administration de la justice pour les Batwas relève du rêve, a-t-il affirmé avant de mettre l'accent sur la marginalisation, la déconsidération et la non-reconnaissance dont pâtissent les Batwas dans toutes les sphères de la vie de leur pays. Il convient de rappeler qu'il a été décidé dans le cadre des accords de paix d'Arusha que 50% de Hutus et 50% de Tutsis vont être intégrés dans l'armée nationale, ce qui témoigne de la discrimination dont souffrent les Batwas. Dans le cadre de ces mêmes accords, il a été décidé que les postes clefs seront occupés par les Hutus et les Tutsis. En outre, on ne parle jamais des Batwas qui sont morts pendant le génocide rwandais. Beaucoup de Batwas accusés d'avoir participé aux massacres croupissent dans des cachots et des prisons, sans aucune assistance juridique. En 1995-96, le International Work Group avait dénombré trois mille Batwas emprisonnés. Mais le recensement récent fait par l'Association pour le développement global des Batwas du Rwanda révèle qu'ils ne sont plus que 700. Étant donné que les 2 300 autres n'ont pas été libérés, on est en droit de se demander où ils sont passés.

M. RIDHA KHEMAKHEM (Tunisie), a attiré l'attention de la Sous-Commission sur le travail important effectué par son pays pour œuvrer à la consolidation des droits de l'homme et des libertés fondamentales depuis 1987. Il a insisté sur le renforcement des garanties légales au justiciable par la promulgation de différentes lois. La justice tunisienne s'est également penchée sur des cas de mauvais traitements dont ont pu faire l'objet certains prévenus, soulignant que ceux-ci avaient été dédommagés et les coupables punis. Le représentant de la Tunisie a rappelé que la suspension du juge Mokhtar Yahyaoui s'était faite dans le cadre des limites découlant de l'obligation de réserve à laquelle est tenue tout magistrat tunisien. Il a également rappelé que ces mesures ont été prises par le Conseil supérieur de la magistrature et non par l'Inspection générale de son pays.

M. VLADIMIR DOLGOBORODOV (Fédération de Russie) a commenté le rapport de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur la liste des États qui ont proclamé ou prorogé un état d'exception en se disant surpris par le fait que ce rapport fasse état de la situation d'urgence déclarée pendant 30 jours à partir du 16 août 1995 pour «faire face à un conflit militaire de plus en plus intense». L'insertion d'un tel paragraphe dans un document officiel des Nations Unies ne peut être considérée que comme une remise en cause de la souveraineté territoriale d'un État membre des Nations Unies, a estimé le représentant russe. La Constitution de la Fédération de Russie prévoit que l'instauration de l'état d'urgence ne relève que de la seule compétence du Président de la Fédération de Russie qui est tenu d'en informer immédiatement la Douma.

M. MASSIMO LEGGERI (Italie), s'est exprimé sur les événements qui se sont déroulés lors du Sommet du G-8 à Gênes. Il a rappelé que le nombre des manifestants lors de ce sommet était de l'ordre de 200 000, ce qui était sans précédent. Il a ajouté que le but affiché par certains de ces manifestants était d'empêcher et de perturber la tenue du Sommet et ce, au mépris des habitants de la ville qui ont souffert de très importants dommages. Le représentant italien a souligné que des enquêtes de la magistrature sont en cours et que les conclusions de ces enquêtes serviront à faire toute la lumière sur les événements qui ont eu lieu et à déterminer les responsabilités au sein des forces de l'ordre pour les abus ayant pu survenir lors de leurs interventions. Il a rappelé qu'une commission d'enquête parlementaire a en outre été nommée sur ces événements. Des mesures disciplinaires importantes ont déjà été prises par le chef du Gouvernement italien, a-t-il souligné. En conclusion il a déploré que des mouvements pacifiques soient discrédités par des actions violentes, comme lors des événements de Gênes.

MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a abordé la question des droits de l'homme dans les situations d'état urgence en relevant que certains pays appliquent l'état d'urgence de manière très prolongée, comme en témoignent les cas de l'Égypte - où l'état d'urgence est en vigueur depuis 1991 - et de la Syrie - où il est en vigueur depuis 1963. Il serait judicieux que la Commission des droits de l'homme traite de manière plus systématique de cette question des droits de l'homme dans les situations d'état d'urgence.
MME ERICA-IRENE DAES, experte de la Sous-Commission, a rappelé qu'elle était à l'origine de la première étude sur les états d'urgence. Plutôt que de revenir sur l'examen de cette question elle a proposé que la Sous-Commission mène des études sur la situation des États se trouvant en situation de conflits armés.

M. ASBJØRN EIDE, expert de la Sous-Commission, a jugé erroné le point de vue d'une organisation non gouvernementale qui a soutenu que tout ce qui est fait dans le sens de la libération est légitime et tout ce qui est fait dans le sens de la répression est illégitime. Tout dépend des moyens employés et des méthodes, a estimé l'expert. Il est en outre important de réfléchir non pas aux normes mais aux mécanismes de recours contre l'utilisation de méthodes disproportionnées.


Droit de réponse

Le représentant de la Mauritanie a répondu aux allégations d'arrestations arbitraires et de détention au secret faites ce matin par une organisation non gouvernementale en affirmant que ces informations sont totalement infondées et inexactes. Si cette ONG fait référence aux procès qui se sont déroulés dans deux des plus grandes villes du pays, ces procès étaient publics et ne se sont pas tenus en secret, a assuré le représentant mauritanien. Des représentants de la presse indépendante ont même couvert ces procès. Il s'agit de procès ordinaires, publics et de droit commun.

Le représentant de Bahreïn a remercié M. Louis Joinet pour les commentaires concernant Bahreïn qu'il a faits ce matin. Il a néanmoins attiré l'attention sur les informations de l'agence Reuters en février 2001 qui affirmaient que Bahreïn avait libéré tous les prisonniers politiques.

M. JOINET, réagissant à ce droit de réponse, a donné acte au Bahreïn que tous les prisonniers politiques sont actuellement libérés et a admis que sa déclaration de ce matin devait être modifiée en ce sens.

Le représentant de la République de Corée a répondu aux allégations de la Confédération internationale des syndicats libres qui mettaient en cause son pays, réaffirmant l'attachement de son pays au droit syndical dans la mesure ou le droit était respecté par les syndicats eux-mêmes.

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