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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

LA SOUS-COMMISSION DE LA PROMOTION ET DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME SE PENCHE SUR LA SITUATION DES PERSONNES APPARTENANT À DES MINORITÉS

18 août 1999

MATIN

HR/SC/99/19
18 août 1999


Les experts soulignent l'importance d'établir le dialogue entre l'État et les minorités


La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a poursuivi, ce matin, son débat sur la discrimination à l'égard des minorités et sur la protection des minorités.

Plusieurs experts de la Sous-Commission ont pris part au débat : M.Sang Yong Park, M.Ahmad Khalifa, M.Fan Guoxiang, M.Oleg Shamshur, M.Miguel Alfonso Martínez, MmeDeepika Udagama, MmeErica-Irene Daes, M.ElHadji Guissé, M.David Weissbrodt, M.José Bengoa, MmeFrançoise Jane Hampson et M.Asbjørn Eide, qui est également Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les minorités.

Les experts ont mis l'accent sur la nécessité du dialogue avec les minorités. Il est important qu'elles puissent disposer d'un espace d'expression, car pour que le dialogue contribue à l'objectif escompté, il doit se dérouler dans un cadre légal. Les experts ont reconnu que les activités politiques des minorités peuvent être source de tensions. Il a par ailleurs été souligné que le respect des droits minoritaires n'est pas lié au sécessionnisme ou au séparatisme. Des experts ont suggéré que le Groupe de travail sur les minorités élabore une étude sur la définition de la notion de minorité. D'autres ont estimé qu'il n'était pas nécessaire de définir cette notion. Il a par ailleurs été proposé que l'on porte davantage attention à la situation des Roms et autres populations nomades. Des membres de la Sous-Commission ont proposé la création d'une base de données sur les minorités.

Les organisations non gouvernementales suivantes ont également pris part au débat : Minority Rights Group, European Union of Public Relations, Institut international de la paix, Indian Council of Education, Fédération mondiale syndicale, Caucasians United for Reparations and Emancipation, Interfaith International, Conseil consultatif d'organisations juives, World Evangelical Fellowship, Fédération internationale des journalistes libres et Fondation de recherches et d'études culturelles himalayennes. Certaines organisations ont souligné que le respect des droits des minorités passe par l'instauration d'un processus démocratique. D'autres ont condamné la violence terroriste qui frappe certaines minorités religieuses et entrave la réalisation de leurs droits.

Plusieurs experts ayant exprimé leurs condoléances à la Turquie suite au tremblement de terre qui a frappé le pays hier matin, le représentant de la Turquie a remercié les membres de la Sous-Commission et a exprimé sa gratitude à la communauté internationale pour l'aide apportée aux victimes.

La Sous-Commission achèvera, cet après-midi, son débat sur la discrimination à l'égard des minorités et la protection des minorités. Elle se penchera ensuite sur ses méthodes de travail. Elle procédera, demain après-midi, à l'examen de projets de résolution et de décision, initialement prévu pour cet après-midi.


Suite du débat sur les droits des personnes appartenant à des minorités

M.ALAN PHILLIPS (Minority Rights Group) a stigmatisé les organisations politiques qui se cachent derrière des mouvements de libération nationale pour agir en violation des droits de l'homme ou des libertés fondamentales. Il a informé dans ce contexte, que M. Neelan Thiruchelvam, président de Minority Rights Group, a été victime d'un lâche attentat à la bombe le 29juilletdernier, estimant qu'il a été tué parce qu'il était trop dévoué à la cause de la réconciliation nationale et parce qu'il militait pour une politique qui permette de surmonter les haines anciennes à Sri Lanka. Le représentant a rappelé que son organisation avait recommandé à la Sous-Commission, dans son rapport de 1996 sur Sri Lanka, de mettre en application le droit humanitaire, d'encourager les réformes constitutionnelles et législatives et de mettre fin à l'impunité des responsables de violations des droits de l'homme. Il a appelé la Sous-Commission à encourager les parties en présence à Sri Lanka à s'acheminer vers une résolution démocratique du conflit et à envisager la participation neutre d'une tierce partie. Soulignant le caractère exceptionnel de la vie et de l'oeuvre de M.Tiruchelvam, il a demandé à la Sous-Commission de trouver une manière d'honorer sa mémoire.

MME LUDOVICA VERZEGNAZZI (European Union of Public Relations) a rappelé que l'égalité de tous devant la loi sans considération de religion, de croyance, de couleur ou de sexe reste le principe essentiel de la démocratie. Lorsque ce principe est respecté, les minorités sont protégées et leurs droits assurés. Mais il en va bien autrement lorsqu'une nation se prétend démocratique et met en place une structure dont l'objet est de perpétuer la discrimination et l'oppression. À cet égard, il convient de se pencher sur la situation au Pakistan où les Ahmediyas ont été déclarés non musulmans, en vertu de la loi, ce qui a entraîné des destructions de leurs lieux de culte. Au Pakistan également, les Zikris, qui font partie d'une secte de l'Islam, sont eux aussi constamment la cible d'attaques alors que les Hindous voient leurs temples détruits et leurs femmes être forcées de se convertir à l'Islam. Quant à la loi sur le blasphème, elle vise essentiellement les chrétiens. La représentante a dénoncé la «talibanisation» du Pakistan.

MME TATIANA SHAUMIAN (Institut international de la paix) a déclaré que l'adoption par l'Assemblée générale, en 1992, de la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales, ethniques, religieuses et linguistiques n'a pas abouti à la disparition des problèmes entre les minorités et les gouvernements. MmeShaumian a souligné que la tolérance et le pluralisme sont des éléments indissociables de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Elle a regretté que la diversité humaine provoque aujourd'hui des conflits graves dans différentes parties du monde. Il est devenu habituel d'entendre qu'un Africain a été tué au Portugal, que des familles turques, kurdes ou sri-lankaises ont été brûlées en Allemagne, ou encore que des familles asiatiques luttent contre la discrimination en Grande-Bretagne. L'antisémitisme renaît également, a-t-elle ajouté. MmeShaumian a souligné que la notion d'«incompatibilité des cultures» n'est qu'un prétexte invoqué pour faire prévaloir le mode de vie d'un seul groupe de la société. Elle a ensuite condamné la préférence accordée aux musulmans jusque dans les lois, au Pakistan. Elle a dénoncé la politique d'oppression que subissent les chrétiens dans ce pays. MmeShaumian a par ailleurs condamné l'activité des groupes de mercenaires au Cachemire, au Rwanda, en Afghanistan, dans l'ancienne Yougoslavie, en Tchétchénie et au Daghestan. Leurs activités entravent le libre exercice du droit à l'autodétermination des minorités, a-t-elle déclaré.

M. ASHOK BHAN(Indian Council of Education) a souligné que, de plus en plus fréquemment, ce sont les structures établies par les États-nations qui sont devenues l'instrument de l'oppression des minorités. Les communautés majoritaires, cherchant à maintenir le pouvoir entre leurs mains, mettent en place un cadre général à l'intérieur duquel, au bout d'un certain temps, les minorités se voient privées de leurs droits de l'homme fondamentaux sur la base de la religion, de l'appartenance ethnique ou de la langue. Dans certains pays d'Asie du Sud, les minorités souffrent d'oppressions de toutes sortes et sont traitées comme des citoyens de seconde catégorie. La violence terroriste, appuyée par un pays d'Asie du Sud, prend essentiellement pour cible les minorités. Près de 450000 membres de la minorité hindoue dans l'État indien du Jammu-et-Cachemire ont dû fuir leurs foyers en raison du terrorisme. En mai dernier, la minorité chiite du Cachemire a été victime de déplacements massifs, de meurtres et de violations massives de droits de l'homme

M.SANG YONG PARK, expert de la Sous-Commission, s'exprimant au sujet du séisme dévastateur qu'a connu la Turquie hier matin, a souligné que la communauté internationale et les organisations non gouvernementales doivent apporter une aide accrue sur le terrain. Il a exprimé l'espoir que la Turquie saura se remettre de cette tragédie. L'expert a souligné que les problèmes que doit affronter la population turque sont étroitement liés à la question de la réalisation des droits de l'homme, et particulièrement à la réalisation du droit à l'alimentation, à un accès à l'eau potable, à un abri, à des vêtements et à la santé.

M.AHMAD KHALIFA, expert de la Sous-Commission, s'est dit impressionné par le travail accompli par le Groupe de travail sur les minorités. Il a estimé que le fond du problème en ce qui concerne les minorités réside en fait dans la discrimination, qui s'accompagne de nombreuses injustices. D'autres facteurs, tels que la manipulation de l'étranger, n'ont fait que jeter de l'huile sur le feu. Les petites minorités n'ont pas besoin qu'on les encourage davantage à la sécession. Elles ont simplement besoin qu'on les aide à atteindre l'égalité dans le cadre des frontières existantes. Il faut tout faire pour que soit stabilisée pour un temps la carte politique du monde telle qu'elle existe actuellement, a estimé M.Khalifa, précisant qu'il ne parle pas ici des minorités de grande taille qui sont victimes d'injustices intolérables depuis longtemps.

Toute revendication émanant d'une minorité a des dimensions politiques, a reconnu M.Khalifa. Mais le Groupe de travail ne doit pas s'engager dans la voie de déclarations voire de jugements politiques. Si l'on veut qu'il s'acquitte de sa tâche comme il convient, il faut respecter les tabous politiques.

M.FAN GUOXIANG, expert de la Sous-Commission, a souligné que le rapport du Groupe de travail sur les minorités a permis de brosser un tableau historique des droits des minorités. Le Groupe de travail a adopté une position dynamique tout en faisant preuve de prudence et s'est concentré sur des résultats concrets, afin de jeter les bases d'une solution utile sur les problèmes des minorités. Il a toutefois regretté que les conclusions du Groupe de travail n'aient pas été distribuées. M.Fan a par ailleurs estimé qu'il faut garantir les droits de toutes les minorités de la société et les intégrer pleinement dans une société démocratique, il faut également assurer la paix au sein des États et entre les États.

Les minorités doivent se considérer comme faisant partie de l'État, et doivent jouir d'une participation active au sein de cet État. En ce qui concerne la participation active des minorités au niveau international, M.Fan a cependant estimé qu'elle relève au premier chef de l'État et qu'on ne saurait placer les minorités sur un pied d'égalité avec les pays. L'expert a exprimé le sentiment que les minorités doivent participer à l'échelle locale et régionale mais aussi au niveau central du pays. Il a souligné qu'un représentant d'une région autonome chinoise peut avoir une autorité au niveau ministériel. M.Fan a cependant condamné le recours à la violence de la part de membres de minorités, et il a souligné que le dialogue entre les minorités et l'État doit se faire dans le cadre de la loi. L'expert a fait valoir qu'on ne peut pas accepter un dialogue sans condition tout en considérant que la région ne fait pas ou plus partie du pays. Il faut reconnaître l'unité de la société et encourager le dialogue, a-t-il insisté. M.Fan a condamné la démarche consistant à rechercher la confrontation à tout prix et a appelé au dialogue.

M.OLEG SHAMSHUR, expert de la Sous-Commission, a jugé que les recommandations du Groupe de travail sur les minorités sont équilibrées, en particulier en ce qui concerne la nécessité de promouvoir un enseignement multiculturel et interculturel devant aboutir à l'instauration d'une meilleure compréhension et d'un meilleur dialogue entre les cultures. Soulignant que la question de la définition des minorités est en principe hautement controversée, il a indiqué qu'il pouvait accepter l'idée figurant dans le rapport du Groupe de travail selon laquelle il n'est pas indispensable de disposer d'une définition. Les pays bénéficieraient néanmoins grandement, pour l'élaboration de leurs politiques à l'égard des minorités, de l'existence d'une telle définition de référence de ce qu'est une minorité.

M.Shamshur a par ailleurs estimé que le Groupe de travail sur les minorités n'est peut-être pas l'organe approprié pour traiter de la question de la double citoyenneté. Les États devraient être encouragés à fournir des informations sur les meilleures pratiques en matière de promotion et de protection des droits des minorités, a déclaré l'expert.

M.MIGUEL ALFONSO MARTÍNEZ, expert de la Sous-Commission, a souligné que les questions sur l'autodétermination des minorités, sur la double citoyenneté et sur leur statut en général doivent conserver toute l'attention de la Sous-Commission. Il a proposé d'effectuer un suivi pratique de la définition des buts ultimes des minorités, et plus particulièrement la garantie de l'égalité entre tous les membres de la société. L'expert a également mis l'accent sur la volonté légitime de préserver l'identité des minorités. M.Alfonso Martínez a par ailleurs souligné que toutes les questions ayant trait aux minorités doivent être résolues par des moyens pacifiques et que tout recours à la force représente une violation des principes de la Charte des NationsUnies et un danger pour la paix et la sécurité internationales. L'expert a en outre insisté sur l'importance de diffuser au sein du public et des minorités des informations sur les droits des minorités et sur le débat qui se déroule aux NationsUnies sur ce thème.

MME DEEPIKA UDAGAMA, experte de la Sous-Commission, a souligné que la plupart des conflits armés à travers le monde concernent désormais des conflits entre des communautés minoritaires et les communautés majoritaires. Elle a apporté son soutien à l'idée, proposée par le Groupe de travail sur les minorités, d'élaborer un manuel contenant notamment une analyse des principes énoncés dans la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques. On sait en effet qu'en dépit du grand nombre d'instruments et de mécanismes internationaux existants dans le domaine des droits de l'homme, la connaissance générale qu'en a le public reste minime. Il faut donc espérer que ce manuel sera traduit dans grand nombre de langues.

Mme Udagama a par ailleurs apporté son soutien à l'idée de mettre en place une base de données mondiale sur les minorités. Elle a proposé que cette base de données soit élargie pour inclure un guide sur les meilleures pratiques institutionnelles et la jurisprudence en matière de promotion et de protection des minorités. MmeUdagama a par ailleurs insisté sur la nécessité de créer un système d'alerte rapide, comme en témoigne l'ampleur des tragédies qui se sont produites ces dernières années, notamment au Rwanda. MmeUdagama a d'autre part rendu hommage à M.Neelan Tiruchelvam dont la mort récente dans un attentat à Colombo est une perte pour toutes les communautés de SriLanka et pour la communauté des droits de l'homme dans son ensemble.

MME ERICA-IRENE DAES, experte de la Sous-Commission, a souligné que le débat sur les minorités ethniques démontre que le Groupe de travail sur les minorités doit encore clarifier de nombreuses questions, et notamment celle de minorités ethniques. Elle a proposé que le Groupe de travail élabore un document destiné à définir dans quels cas une personne appartient à une minorité ou pas. MmeDaes a également proposé la tenue d'une réunion conjointe avec le Groupe de travail que préside M.Asbjørn Eide afin de procéder à un échange de vues sur ce point. L'experte a en outre appuyé la création d'une base de données sur les minorités ethniques.

Mme Daes a exprimé ses condoléances à la Turquie où un grave tremblement de terre s'est produit hier matin.

M.EL-HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, a félicité le Groupe de travail sur les minorités pour l'excellent travail qu'il a réalisé. Il s'est dit en plein accord avec le Groupe de travail lorsque celui-ci affirme qu'une définition des minorités n'est pas utile. En effet, non seulement une définition n'est pas utile mais elle n'est pas possible car une minorité en tant qu'identité ne se définit pas, elle se vit. M.Guissé a déclaré que toute minorité doit, en tant que partie intégrante d'un pays, participer à toutes les activités de la nation à laquelle elle appartient, qu'il s'agisse du développement économique ou du partage des bénéfices de ce développement. Il ne faut toutefois pas confondre autonomie et séparatisme. Il ne faut pas confondre droit à la gestion commune des affaires du pays et indépendance. Le moment est venu pour le Groupe de travail de se pencher sur la notion de nation et de faire comprendre aux minorités que le droit de participer aux affaires du pays dans lequel elles vivent ne leur ouvre pas le droit à l'indépendance ou au séparatisme, a estimé M.Guissé.

M.Guissé a par ailleurs présenté ses condoléances au peuple turc qui vit depuis avant-hier une épreuve douloureuse suite au tremblement de terre qui a secoué le pays.

M.DAVID WEISSBRODT, expert de la Sous-Commission, a exprimé ses condoléances à la Turquie et au peuple turc, qui ont été touchés par un grave séisme hier matin.

S'exprimant par ailleurs au sujet du peuple rom qui vit dans différents pays européens ou hors d'Europe, M.Weissbrodt a regretté que les Roms subissent un isolement social, une discrimination très courante, un manque de ressources économiques et une marginalisation politique. Les Roms n'étant généralement pas attachés à un seul État ou territoire, ils ne peuvent souvent pas participer au fonctionnement d'une communauté donnée. Il n'existe pas de structure leur permettant d'être représentés au niveau national, a ajouté M.Weissbrodt. L'expert a de plus souligné que, malgré leur différence culturelle et ethnique, les Roms ne sont généralement pas reconnus ni protégés en tant que minorité par les lois nationales.

M.Weissbrodt a souligné que la discrimination à l'égard des Roms remonte à des temps anciens, ils ont notamment été persécutés par le régime nazi. Cette discrimination se traduit en particulier par un accès inégal à l'éducation et à l'emploi. Il résulte de cette discrimination que les Roms ont une espérance de vie plus basse que leurs concitoyens, a relevé l'expert. M.Weissbrodt a cependant souligné que, si les Roms de Bulgarie, de la République tchèque et d'Italie, s'ils continuent de rencontrer des difficultés importantes, ces pays font des efforts pour améliorer la situation des Roms. M.Weissbrodt a regretté que les NationsUnies n'aient pas entrepris d'effort systématique de compréhension des problèmes de la minorité rom en Europe. Il a suggéré que le Groupe de travail sur les minorités présente un document de travail sur la situation des droits de l'homme de la minorité rom.

M.JOSÉ BENGOA, expert de la Sous-Commission, a mis l'accent sur l'apparition de plus en plus fréquente de personnes qui réclament leur droit d'exister en tant que minorité ou groupe distinct. Ces ensembles sociaux réclament la reconnaissance de leur existence même, a-t-il souligné. Or, il semblerait que les divers instruments internationaux existants, notamment en matière de droits de l'homme, ne soient pas en mesure de relever les défis posés par l'apparition depuis dix ans de nouvelles identités collectives à travers le monde.

M.Bengoa a rappelé les deux théories qui s'affrontent en ce qui concerne l'analyse qu'il convient de faire de ce phénomène. Selon la première, la mondialisation accroît le processus d'homogénéisation culturelle et devrait reléguer les différences culturelles et les revendications des minorités au rang de folklore. D'après la seconde, la mondialisation contribue au contraire à déchaîner les «urgences ethniques».

M.Bengoa a affirmé que nous sommes témoins du début d'un phénomène qui verra se multiplier les groupes minoritaires. Il convient donc de poursuivre la réflexion visant à mieux comprendre ce phénomène tout en explorant de nouvelles pistes en ce qui concerne la possibilité de disposer d'une définition. Il faut mettre en place des méthodes de négociations entre minorités et majorités. Il faut appuyer la participation directe des représentants des minorités au sein du Groupe de travail sur les minorités et pour cela, il conviendra de disposer des ressources adéquates.

MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a mis l'accent sur les problèmes des minorités mobiles, et notamment des Roms, en soulignant que le nomadisme est lié à l'identité de certaines minorités tandis que d'autres voyagent du fait de leur statut minoritaire. MmeHampson a estimé que l'État doit s'assurer que les minorités participent aux affaires nationales. Les minorités devraient notamment pouvoir créer un parti politique représentant leurs intérêts. L'experte a ajouté que le déni des droits politiques peut encourager des membres des groupes minoritaires à s'engager, par frustration, dans des activités illégales. MmeHampson a cependant admis que la création de partis dont le message repose sur l'identité ethnique ou la nationalité de leurs membres peut être source de tensions. C'est pourquoi les États doivent créer un espace où les minorités puissent exprimer leurs multiples identités sans pour autant menacer la stabilité de l'État. En ce qui concerne la double citoyenneté, elle a estimé qu'elle peut représenter une protection contre l'action de l'État.

Pour ce qui est de la définition de la notion de minorité, elle peut notamment éviter qu'un État se livre à une discrimination tout en invoquant l'absence de minorité sur son territoire, a souligné MmeHampson. Elle a par ailleurs estimé que l'on peut considérer les minorités religieuses comme des minorités nationales ou ethniques. L'experte s'est demandée si ces minorités devraient alors recevoir un traitement différent ou s'il convient d'examiner la question sous l'angle de la liberté de croyance.

M.ASBJØRN EIDE, expert de la Sous-Commission et Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les minorités, a souligné que le paragraphe 4 de l'article 8 de la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques stipule que rien dans ladite déclaration ne peut être interprété comme allant à l'encontre des principes de souveraineté et d'indépendance des États. Dans son préambule, la Déclaration souligne en outre que la promotion et la protection des minorités contribuent à la stabilité des États. La Déclaration souligne également que les droits des minorités ne doivent pas servir de base à des revendications sécessionnistes.

M.GENEI SHINOJI (Fédération syndicale mondiale) a déclaré que les Pandits du Cachemire sont persécutés par les mercenaires fondamentalistes musulmans qui rôdent sur le territoire du Cachemire. Il a déclaré qu'au Pakistan, des groupes terroristes musulmans persécutent les groupes hindous. Il a souligné que les traumatismes physiques et psychologiques qu'ils subissent doivent être pris en compte. M.Shinoji a estimé que les institutions publiques et le cadre législatif du Pakistan nourrissent un sentiment de haine des minorités au sein de la population.

M. SILIIS MUHAMMAD(Caucasians United for Reparations and Emancipation) a demandé aux NationsUnies de venir en aide aux Afro-Américains qui, bien que constituant en fait un peuple, sont relégués au rang de minorité aux États-Unis. Il a estimé que les NationsUnies devraient créer une instance pour les Afro-américains, au siège de l'ONU, à NewYork. Cette instance aurait pour objectif de rétablir les droits de l'homme des Afro-américains et pourrait permettre de recréer pour eux un conseil ou un organe directeur. Cette instance pourrait notamment débattre de certaines parties de la Constitution des États-Unis qui définit un Afro-américain comme étant les trois cinquièmes d'un être humain. Dans le cadre de cette instance, les Afro-américains décideraient eux-mêmes de la langue qu'ils souhaitent parler. Serait également débattue et conclue la question des réclamations et des réparations voire de la migration de certains Afro-américains vers des pays amicaux.

M.KASHINATH PANDITA (Interfaith International) a déclaré que la définition de la notion de minorité doit se faire au sens large. Il a souligné que lorsque le statut d'un groupe minoritaire régional n'est pas reconnu par les pouvoirs publics, ce groupe se trouve exposé aux discriminations. Les démocraties naissantes se sont révélées tyranniques à l'égard de leurs minorités, a-t-il par ailleurs regretté. Interfaith international a également regretté que des éléments extérieurs interviennent au sein d'un pays pour y encourager des sentiments hostiles à l'égard de minorités.

M.GEORG R. WILKES (Conseil consultatif d'organisations juives) a exprimé l'espoir que l'année 2001, qui a été proclamée Année des NationsUnies pour le dialogue entre les civilisations, considérera la question du rôle des minorités avec tout le sérieux qu'elle mérite. Si l'on veut que le dialogue entre les civilisations ne reste pas un voeu pieux, il convient en effet d'examiner sérieusement le rôle des minorités dans le processus global de civilisation. Le représentant a souligné que la persécution des minorités dans des pays qui prétendent être guidés par les valeurs de civilisation les plus avancées a remis en question la validité même de l'idée de civilisation. Aussi, l'année 2001 devrait-elle fournir l'occasion d'examiner si la persécution d'une minorité découle d'un simple dérapage des idéaux de civilisation ou si elle remet en question la prétention de la majorité à incarner la civilisation à laquelle elle s'identifie. La comparaison entre sociétés ouvertes et sociétés fermées exige en outre que soit examiné en profondeur le rôle positif des minorités dans la promotion du progrès économique, social et politique dans l'ensemble de la société.

MME ELIZABETH BATHA (World Evangelical Fellowship) a souligné que les groupes minoritaires peuvent être victimes de la volonté de l'État de contrôler toutes les pratiques religieuses de leurs citoyens. C'est notamment le cas dans les pays communistes, a-t-elle déclaré, en regrettant que les citoyens religieux se voient dicter leur conduite religieuse par un État athée. Elle a également condamné les États qui appuient l'intolérance religieuse. L'existence au Pakistan d'une loi sur le blasphème qui ne protège que l'islamisme dessert les autres groupes religieux, a-t-elle notamment souligné. Elle a dénoncé le fait que des groupes armés se livrent en toute impunité à des persécutions religieuses dans divers pays. La représentante a notamment recommandé à la Sous-Commission de mettre au point des principes plus clairs sur les limites de l'ingérence de l'État dans les pratiques religieuses.

M.ALGIS TOMAS GENIUSAS (Fédération internationale des journalistes libres) a rappelé que d'après le Conseil de l'Europe, la protection des minorités nationales en Europe est devenue la question la plus pressante sur le continent. Dans de nombreux cas, la prévention des tensions ethniques passe en fait par la mise en oeuvre de mesures très simples telles que la promotion d'un enseignement gratuit dans la langue des minorités concernées. Toutefois, les minorités n'ont pas que des droits ; elles ont aussi des obligations, a souligné le représentant. Au Bélarus, a-t-il poursuivi, la situation des droits de l'homme se détériore tant pour les minorités que pour l'ensemble de la population. Le Président Alyaksandr Lukashenka a interdit le dernier quotidien indépendant qui subsistait encore dans le pays. Si en Lettonie, par exemple, la langue lettone a retrouvé son statut, il n'en va pas de même au Bélarus où la langue bélarussienne a été abandonnée au profit du russe devenu langue officielle. En outre, la langue russe domine largement dans les républiques autonomes de la Fédération de Russie et a été imposée partout au détriment des autres langues. Plutôt que de poursuivre sa campagne de désinformation contre l'Estonie et de la Lettonie en prétendant qu'il existe une discrimination à l'encontre des minorités russophones de ces deux pays, la Fédération de Russie ferait mieux d'essayer d'améliorer son palmarès en matière de droits de l'homme, surtout en ce qui concerne la discrimination raciale et les conflits ethniques.

M.RIYAZ PUNJABI (Fondation de recherches et d'études culturelles himalayennes) a reconnu que trop insister sur les droits minoritaires dans une société pluraliste peut compromettre l'intégrité territoriale de l'État et sa stabilité. Il a admis que certains États encouragent les revendications des minorités d'États tiers afin de nuire à leurs intérêts stratégiques. M.Punjabi a de ce fait souligné que, pour protéger les droits des minorités, il faut convaincre les États que cette protection ne nuira pas à leur stabilité sociale et nationale. M.Punjabi a souligné que la réalisation des droits des minorités est liée au processus démocratique et qu'elle pâtit de toute volonté de discrimination.

M. MURAT SUNGAR(Turquie) a remercié les membres de la Sous-Commission qui ont exprimé leurs condoléances à la Turquie pour les nombreuses victimes du tremblement de terre qui vient de frapper le pays. Il a également remercié les pays qui, dans ces circonstances, ont fait preuve de diligence et de générosité pour venir en aide à la Turquie et participer à la reconstruction des zones touchées.

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