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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

LA SOUS-COMMISSION DE LA PROMOTION ET DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME POURSUIT SON DÉBAT SUR L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

19 août 1999

APRÈS-MIDI

HR/SC/99/22
19 août 1999



LA SOUS-COMMISSION DE LA PROMOTION ET DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME POURSUIT SON DÉBAT SUR L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE


Elle entend des témoignages d'ONG sur la violation du droit à un procès équitable, les détentions arbitraires, les disparitions forcées dans de nombreux pays



La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a poursuivi, cet après-midi, son débat sur l'administration de la justice et les droits de l'homme.

Plusieurs organisations non gouvernementales ont attiré l'attention sur l'incapacité des systèmes judiciaires de plusieurs pays à assurer le droit à un procès équitable et à protéger l'intégrité physique des détenus. Les actes de torture, les détentions arbitraires, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées à travers le monde ont été particulièrement dénoncées. Plusieurs orateurs ont insisté sur l'importance de lutter contre l'impunité des responsables de ces violations des droits de l'homme.

Les experts suivants sont intervenus : M.David Weissbrodt, M.El-Hadji Guissé, M.Rajenda Kalidas Wimala Goonesekere, MmeFrançoise Jane Hampson. À l'instar d'organisations non gouvernementales, un appel a été lancé en faveur d'une prompte entrée en fonction de la Cour pénale internationale. Il a également été souligné qu'il fallait trouver les moyens d'assurer que les normes internationales dans le domaine des droits de l'homme soient respectées, notamment par le biais de mécanismes nationaux de surveillance.

Les délégués de la Colombie et du Pakistan sont également intervenus, ainsi que les représentants des organisations non gouvernementales suivantes: Fédération démocratique internationale des femmes, Libération, Commission international de juristes, Agir ensemble pour les droits de l'homme, December 12th Movement International Secretariat, Centre Europe-tiers monde, Association internationale contre la torture, International Organization of Indigenous Resource Development, International Educational Development, Human Rights Advocates, Aboriginal and Torres Strait Islander Commission, Conseil indien d'Amérique du Sud, Interfaith International, Congrès du monde islamique, International Islamic Federation of Students Organizations, Institut international de la paix, Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples, Fédération internationale des droits de l'homme.

La Sous-Commission terminera, demain matin à 10 heures, l'examen des questions relatives à l'administration de la justice. À partir de 11 heures, la Sous-Commission se prononcera sur des projets de résolution et de décision qui lui sont présentés au titre des questions suivantes : question de la violation des droits de l'homme dans tous les pays; examen global de sujets précis relatifs à la discrimination raciale; réalisation des droits économiques, sociaux et culturels; réalisation des droits de la personne humaine en ce qui concerne les femmes. Vingt-deux textes lui sont présentés sur ces questions.



Débat sur l'administration de la justice et les droits de l'homme

MME AIDA AVELLO (Federación Democrática Internacional de Mujeres) a dénoncé les graves violations des droits de l'homme qui sont commises en toute impunité en Colombie, parfois par les militaires ou avec leur complicité. En outre, les juges sont victimes de persécutions de la part de groupes paramilitaires. De telles violations flagrantes des droits de l'homme devraient être considérées comme des crimes internationaux. Les forces armées ne doivent pas avoir des fonctions relevant du maintien de l'ordre public et la justice ne doit pas être militarisée. Au Pérou, le Gouvernement péruvien a rejeté la compétence de la Cour interaméricaine des droits de l'homme pour examiner les plaintes relatives aux droits de l'homme. Rapportant des cas de violences contre des détenues, la représentante a demandé que le Comité international de la Croix-Rouge se rende dans les prisons péruviennes et plus particulièrement dans la prison de Yanamayo. Elle a également condamné la condition qui est faite aux femmes en Afghanistan, pays qu'elle a comparé à une prison.

M. JEREMY CORBYN(Libération) a demandé à la Sous-Commission de se pencher sur les violations graves des droits de l'homme et les manquements du système judiciaire dans un certain nombre de pays. Au Yémen, la détention arbitraire de journalistes et de membres de l'opposition se poursuit avec une fréquence alarmante et la pratique de la torture se poursuit. Il a dénoncé les exécutions extra-judiciaires dans l'État indien du Pendjab où, récemment, un résident britannique a été détenu au secret pendant cinq jours, la police indienne prétendant que cet individu détenait des explosifs. Le représentant a par ailleurs attiré l'attention sur les violations des droits de l'homme commises par le régime de Saddam Hussein à l'encontre de la population de l'Iraq et du Kurdistan iraquien. Il a en outre demandé à la communauté internationale d'intervenir en mettant en place un tribunal international spécial pour poursuivre les membres du régime iraquien responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Le représentant s'est d'autre part dit préoccupé par le fait que le Gouvernement turc n'ait pas permis au dirigeant kurde Abdullah Öçalan de jouir de son droit à un procès équitable, le tribunal de sécurité de l'État qui l'a jugé n'étant pas indépendant et le prévenu n'ayant pas eu accès à ses avocats, qui ont, de plus, fait l'objet d'intenses pressions de la part des autorités et des médias. L'exécution de M.Öçalan ne permettra pas d'aboutir à une solution pacifique de la question kurde en Turquie. Le représentant a par ailleurs attiré l'attention sur les massacres, la torture, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions et les déplacements de population dont sont victimes les Tamouls à SriLanka.

M.DAVID WEISSBRODT, expert de la Sous-Commission, a noté que certains systèmes judiciaires tolèrent le crime de viol prénuptial et vont jusqu'à permettre aux auteurs de viols de bénéficier de remises de peine lorsqu'ils épousent leur victime. Il s'agit du Costa Rica, du Liban, du Nicaragua, du Pérou, de l'Uruguay et de l'Éthiopie. Au Liban, une femme violée n'a cependant pas d'obligation légale d'épouser l'homme qui l'a violée. Le viol prénuptial fait suite, dans de nombreux cas à un enlèvement de la femme ou de la fillette. En reconnaissant juridiquement le fait que l'enlèvement et le viol permettent d'obliger une femme à se marier ou représentent une façon de se trouver une épouse, les pays qui adoptent de telles lois se font complices des responsables de ces crimes. Le viol est une forme de torture, a-t-il fait valoir, en appelant les gouvernements à modifier leurs lois afin que les violeurs ne puissent échapper aux sanctions pénales grâce au mariage.

M.ALEJANDRO ARTUCIO (Commission internationale de juristes) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur le problème de l'impunité des responsables de violations des droits de l'homme. Faisant référence au cas Pinochet, qui a dirigé la dictature militaire au Chili, il a constaté les progrès enregistrés dans ce domaine, au fil des ans, par le droit international. Si l'Espagne renonce à exiger l'extradition de M.Pinochet, il faudra que le Royaume-Uni soumette ce cas à ses propres tribunaux, a estimé le représentant. Désormais, les coupables de demain doivent savoir qu'ils ne jouiront pas de l'impunité. Il faut que la Cour pénale internationale entre en fonction dès que possible. La Sous-Commission doit encourager les États à ratifier le statut de cette Cour.

M.EL HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, a souligné que la sécurité des citoyens dépend de la volonté des États de mettre en place un système judiciaire efficace. Il a condamné l'impunité qui est assurée aux auteurs de violations des droits de l'homme au Sierra Leone. L'expert a salué l'élaboration par la Commission du droit international d'un code pénal international ainsi que l'adoption des statuts de Rome de la Cour pénale internationale. Il a estimé que seul le cadre de l'État de droit permet la réalisation du droit à un procès équitable.

M.Guissé a souligné que l'ignorance peut constituer une entrave à la réalisation du droit à la justice de chacun. Il a en outre rappelé les problèmes liés aux lenteurs des procédures. Les représentants du pouvoir judiciaire doivent être indépendants mais aussi protégés des pressions extérieures éventuelles. La paix ne peut se concevoir qu'à travers une justice à visage humain dans laquelle tout homme trouve son compte, a souligné l'expert.

M. DANIEL PARADA(Agir ensemble pour les droits de l'homme) a souligné que la Ligue mexicaine pour les droits de l'homme continue de constater la poursuite des tortures, des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées ainsi que l'existence de prisons clandestines au Mexique. Le Ministère public mexicain a par ailleurs tout pouvoir pour détenir une personne sans mandat judiciaire. Le recours à l'armée limite la liberté de circulation des populations, notamment en ce qui concerne les populations autochtones du Chiapas. Il existe au Mexique plus de 200 cas avérés de prisonniers politiques. Les graves problèmes d'administration de la justice sont aggravés par la corruption et le trafic d'influence omniprésents dans le pays. L'impunité continue de régner au Mexique. La Sous-Commission doit demander à la Commission d'examiner la situation des droits de l'homme au Mexique lors de sa prochaine session.

M. JED MICHEL(December Twelfth Movement International Secretariat) a souligné que les États-Unis possèdent la plus importante infrastructure pénitentiaire au monde, et une population pénitentiaire de 1,7 millions de prisonniers dont 780 000 sont noirs. Les Noirs ne représentent pourtant que 12 % de la population des États-Unis. M. Michel a dénoncé le véritable siège que subit la population noire de la part des forces de police. Proposer de l'argent à des enfants noirs, innocents, afin qu'ils participent à des procédures d'identification de suspects est devenue une pratique courante des membres de la police de NewYork. La police conserve alors leur photo dans ses dossiers et peut ensuite procéder à des contrôles divers sur ces personnes, même si aucun délit n'a été commis. Le représentant a souligné que la privatisation des prisons confère un intérêt commercial à l'existence de prisonniers. L'incarcération ne prévoit aucune mesure de réhabilitation des prisonniers. En revanche, le travail faiblement rémunéré des prisonniers dégage des bénéfices. La prison de Oakhill a ainsi gagné plus d'un million de dollars annuels en payant entre 0,20 et 1,5 dollars l'heure de travail des prisonniers. Le représentant a également signalé la présence de prisonniers politiques aux États-Unis. Elle a demandé au Groupe de travail sur la détention arbitraire d'effectuer une visite aux États-Unis.

MME TURKAN ASLAN et M.DOGAN ERBAS (Centre Europe-tiers monde, CETIM) ont souligné que depuis plusieurs mois, l'opinion publique turque et internationale se concentre sur le cas de M.Abdullah Öçalan, Président du PKK enlevé à Nairobi et rapatrié en Turquie le 16 février 1999 avant d'être condamné à mort en juin dernier après avoir été jugé par un Tribunal de sûreté de l'État. Le CETIM dénonce les irrégularités de ce procès. MmeTurkan Aslan et M.Dogan Erbas, avocats de M.Öçalan, ont déclaré que «depuis de nombreuses années, une justice de deux poids deux mesures est pratiquée en Turquie selon les régions». Dans le cadre du procès Öçalan, le code de procédure pénale et la Constitution turque ont été bafoués. Le CETIM demande à la Sous-Commission d'intervenir auprès des autorités turques pour leur demander de ne pas exécuter M.Öçalan et de ne pas rejeter l'appel qu'il a lancé en faveur de la paix et de rétablissement de la démocratie en Turquie.

M.ROGER WAREHAM (Association internationale contre la torture) a déclaré que les instruments internationaux en matière de respect des droits de l'homme ne sont pas relayés par une volonté politique réelle. Il a souligné que des prisonniers politiques péruviens de la prison de Yanamayo sont victimes d'une guerre bactériologique de la part du gouvernement. Ils représentent en effet les seuls cas d'une certaine maladie des os dans le département de Puno. La Corée du Sud maltraite également ses prisonniers politiques. La persécution du Gouvernement espagnol à l'égard des prisonniers politiques basques est également condamnable. Les États-Unis continuent à soumettre leurs prisonniers de haute sécurité à la torture. En outre, ce pays ne reconnaît pas l'existence de prisonniers politiques, malgré l'adoption de mesures de clémences vis-à-vis de 16 des 18 prisonniers politiques de Porto Rico par le Président Clinton. L'arrestation de Mumia Abu Jamal, ancien membre des Panthères noires, représente également une entrave à la liberté d'opinion et du droit à un procès équitable.

MME LETTY SCOTT (Organisation internationale de développement de ressources indigènes) s'est identifiée comme appartenant à la nation Anmatyerre du Territoire du Nord australien, nation qui vit dans la région du Désert du Centre-Ouest. Elle a souligné que son peuple a été massacré dans les années 1930, cet épisode étant connu sous le nom de «massacres de Coniston». Elle a précisé qu'elle s'adresse aujourd'hui à la Sous-Commission pour que soit jugés et condamnés les responsables du meurtre de son mari, Doug. Elle affirme détenir les preuves selon lesquelles, en 1985, son mari a été illégalement emprisonné, battu en détention et détenu au secret. Doug n'a jamais quitté vivant la prison. D'autres familles ont vécu des histoires similaires, a-t-elle souligné. Elle a demandé qu'un rapporteur spécial enquête sur ces affaires et demande des comptes aux responsables de ces crimes contre l'humanité perpétrés en Australie.

MME KAREN PARKER (International Educational Development) a déclaré que la Turquie doit reconnaître qu'elle mène une guerre contre le peuple Kurde. Elle a souligné que ce pays a une responsabilité humanitaire et doit respecter les dispositions des Conventions de Genève sur les responsabilités des États en temps de guerre. La Turquie étant en guerre, M.Öçalan doit être considéré en tant que prisonnier de guerre. La représentante a également appelé le Gouvernement marocain à fournir des éclaircissements sur les 400 personnes disparues qui sont encore en détention au Maroc et celles dont on suppose qu'elles sont mortes.

M.DOUGLAS HERBEK (Human Rights Advocates) a dénoncé les violations des droits de l'homme en Afghanistan en affirmant que ces abus devraient être qualifiés de crimes internationaux. Human Rights Advocates demande que soit engagée une intervention pacifique afin que cessent les violations de droits de l'homme dans ce pays, qui frappent en particulier les femmes. Des violations d'une telle ampleur ont après tout été invoquées pour intervenir en Iraq pour protéger les Kurdes. Les NationsUnies devraient intervenir en Afghanistan puisqu'elles sont intervenues au Rwanda dans une situation similaire alors que les Rwandais fuyaient les massacres de la guerre civile. Les NationsUnies devraient mettre en place des postes de contrôle afin d'empêcher le trafic d'armes illicites. La Sous-Commission devrait condamner certains pays pour les armes qu'ils fournissent aux parties en conflit. Il faudrait en outre qu'une commission d'experts aide les taliban à déterminer comment respecter à la fois leurs obligations en matière de droits de l'homme et leurs obligations en vertu de l'Islam. Des forces de maintien de la paix pourraient s'avérer utile pour empêcher que ne se produisent de nouvelles violations massives des droits de l'homme en Afghanistan.

M.GEOFF CLARK (Aboriginal and Torres Strait Islander Commission), prenant la parole au sujet des droits de l'homme des détenus mineurs, a rappelé que le Comité des droits de l'enfant s'est préoccupé du nombre élevé d'enfants aborigènes dans les établissements pénitentiaires qui sont chargés des mineurs. En 1996, un recensement des mineurs se trouvant dans des maisons de correction a établi que 41 % d'entre eux étaient aborigènes, alors que les enfants aborigènes de 0 à 17 ans ne représentent que 3,6 % de la population juvénile australienne. M.Clark a condamné l'adoption par l'Australie d'une loi sur la justice des mineurs qui permet de retenir pour 28 jours un enfant âgé de 15 ans ou plus lorsqu'il a commis une atteinte à la propriété. M.Clark a par en outre déclaré que des délinquants juvéniles sont emprisonnés avec des détenus adultes dans la ville d'Alice Springs. Les forces de police ont recours à l'incarcération ou la détention plutôt que de choisir d'autres mesures, a-t-il déploré.

MME ANNE-FRANÇOISE MELKENSTOCK (Conseil indien d'Amérique du Sud) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur le cas de M.Leonard Peltier, prisonnier politique autochtone emprisonné aux États-Unis depuis 23 ans pour un crime qu'il n'a pas commis. En 1993, une requête de clémence a été déposée et bien qu'en général une telle requête ne reste pas en suspens plus de deux ans avant de donner lieu à une réponse, celle de M.Peltier n'a toujours pas connu de suite. On peut sans conteste considérer que le cas de M.Peltier constitue une forme évidente de détention arbitraire. En outre, la santé de M.Peltier continue de se détériorer en raison du refus des autorités pénitentiaires de lui donner accès au traitement médical dont il aurait besoin. La Sous-Commission devrait adopter une résolution sur le cas de M.Peltier et apporter son appui à la nomination d'un rapporteur spécial qui se rendrait aux États-Unis pour y étudier la façon dont est administrée la justice, sur la base de discriminations à caractère racial, et pour y enquêter sur le cas de Leonard Peltier et sur les cas d'autres prisonniers politiques ainsi que sur les conditions de détention à travers le pays.

M.CHARLES GRAVES (Interfaith International) a salué la décision du Bahreïn d'accepter la compétence du Comité contre la torture en matière de communications de la part de particuliers. Les victimes de tortures du Bahreïn pourront désormais présenter leurs plaintes à ce Comité, s'est félicité M.Graves. Il a notamment attiré l'attention sur le cas de M.Abdel Amir Al-Jamri, qui a été obligé, pendant sa détention, à avouer des crimes survenus pendant qu'il était emprisonné. M.Graves a également attiré l'attention de la Sous-Commission sur la situation des Mojahirs de la province de Sindh, au Pakistan, qui sont notamment victimes d'exécutions extrajudiciaires. Il semblerait que le Gouvernement pakistanais tente de diminuer leur influence et de briser leur mouvement de revendication de leurs droits politiques, civils et économiques.

M.ALTAF QADRI (Congrès du monde islamique) a souligné que dans nombre de pays, l'impunité des responsables de violations de droits de l'homme reste totale. Au Jammu-et-Cachemire, les forces de sécurité et de police peuvent agir en toute impunité grâce à certaines dispositions législatives les protégeant contre toute poursuite pour les actes qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction. Le bouclier de l'impunité qui protège les forces de sécurité et la police de l'État et, à travers elles, les personnes recrutées et payées par les autorités indiennes, ont créé une situation qui les encourage à agir sans tenir compte des règles du droit.

M.TAHIR AZIZ (International Islamic Federation of Students Organizations) a déclaré que l'administration de la justice par un pays est un indicateur de l'engagement de cet État en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Dans des situations d'occupation étrangère, la question se pose quant à l'indépendance du judiciaire sur le territoire occupé. De graves violations des droits de l'homme se sont produites au Jammu-et-Cachemire où des lois autorisent des périodes de détention administrative s'élevant à deux ans, ainsi que des arrestations sans mandat. Au Jammu-et-Cachemire, il n'existe pas de recours pour les victimes des violations des droits de l'homme.

MME SAMINA IBRAHIM (Institut international de la paix) a rappelé que la protection des droits de l'homme, notamment ceux des minorités, dépend largement de l'existence d'un système judiciaire stable. Malheureusement, nombre d'États maintiennent un système judiciaire discriminatoire, soit en raison des pressions exercées par le fondamentalisme religieux soit parce qu'ils interprètent de manière erronée la religion. Au Pakistan, bien que l'on sache que l'intelligentsia libérale est contre cette tendance, le système judiciaire est envahi par ce mal. Au Pakistan, les Ahmediyas ont été déclarés non-musulmans et les chrétiens et d'autres ont été persécutés en étant accusés de blasphème. La Sous-Commission doit insister auprès des États qui ont permis, par négligence ou volontairement, que des pratiques discriminatoires se répandent, afin qu'ils réforment leur système judiciaire et juridique au profit de tous, sans discrimination aucune.

M.DIEGO POSTIGO OTERO (Ligue internationale pour les droits de l'homme et la libération des peuples) a souligné que l'arsenal pénal international existant n'a pas empêché que se répètent des situations qu'il devrait prévenir. Les États n'appliquent pas les mesures prévues par les instruments internationaux qu'ils ont pourtant ratifiés. C'est pourquoi il faut établir une juridiction universelle et considérer les violations massives et systématiques des droits de l'homme comme des crimes internationaux. La torture est, à cet égard, un crime qui a des répercussions autant sur les personnes que sur la communauté internationale dans son ensemble. Le cas de l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet illustre ce phénomène. Rappelant que quatre États sont impliqués dans le processus d'extradition de M.Pinochet, M.Otero a déclaré que si son cas n'est pas réglé devant un tribunal pénal, tous les États auront failli à leurs obligations en matière de droit international. MME VERENA GRAF a souligné que lorsque des violations des droits de l'homme se déroulent sur une grande échelle, elles cessent de représenter une question nationale pour devenir un crime international. Elle a aussi déclaré que le procès de M.Öçalan s'est déroulé selon une procédure violant le droit national et les dispositions internationales en ce qui concerne le droit à un procès équitable. Il faut donc procéder à un nouveau jugement, a souligné MmeGraf.

MME ELENI PETROULA (Fédération internationale des droits de l'homme - FIDH) a attiré l'attention sur l'adoption par l'Égypte, le 26 mai dernier, d'une nouvelle loi sur les associations et les institutions civiles dont la mise en oeuvre entraînerait une véritable paralysie de la société civile. La Sous-Commission doit demander au Gouvernement égyptien d'abroger cette loi. La représentante a par ailleurs fait part de sa préoccupation face au sort des personnes récemment libérées de prison au VietNam qui, une fois leur liberté recouvrée, sont placées dans une situation de non-droit, ne disposant pas de permis de résidence, sont assignées à résidence et sous surveillance étroite et vivent une insécurité constante. La représentante a d'autre part condamné le meurtre de Rosemary Nelson, avocate assassinée par des paramilitaires loyalistes le 15 mars 1999 alors qu'elle quittait son domicile à Lurgan, en Irlande du Nord. Elle a demandé au Gouvernement britannique de mener une enquête pleinement indépendante sur ce meurtre. La représentante a en outre exprimé sa préoccupation face aux graves violations des droits de l'homme résultant des conditions de détention dégradantes au Pérou, en particulier dans la prison de Challapallalka, construite à 4600 mètres d'altitude, et dans la prison souterraine de la base navale de Callao, où aucun avocat n'est entré.

M.RAJENDA KALIDAS WIMALA GOONESEKERE, expert de la Sous-Commission, a déclaré que l'administration de la justice doit dépendre de magistrats indépendants et prêts à rendre leur verdict en leur âme et conscience. C'est pourquoi le mode de désignation des juges et leur système de promotion a une importance essentielle. Les procédures d'amparo, d'habeas corpus, ainsi que les dispositions concernant la réalisation des droits constitutionnels fondamentaux peuvent par ailleurs être considérées comme visant l'État, ce qui exige également l'indépendance du pouvoir judiciaire.

MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a rappelé que, depuis sa création, le Groupe de travail sur l'administration de la justice a pu rédiger un certain nombre de projets d'instruments de protection des droits de l'homme qui ont ensuite donné lieu à la création de traités internationaux. Elle a mis l'accent sur l'importance qu'il y a désormais à mettre en oeuvre les dispositions des instruments existants. À cet égard, il est clair que la Sous-Commission ne peut à elle seule contrôler l'application de ces traités partout dans le monde. Elle peut en revanche réfléchir aux moyens d'assurer que ces traités soient respectés, notamment par le biais de mécanismes nationaux de surveillance ou de médiateurs.

Mme Hampson a souligné que la gravité des violations des droits de l'homme se mesure non seulement au nombre des personnes touchées mais aussi à l'ampleur de leur impact sur les victimes. À cet égard, les disparitions sont des violations très graves des droits de l'homme qui peuvent être considérées comme des crimes internationaux. Mme Hamspon a regretté que peu de réponses aient été apportées suite à la demande de la Sous-Commission de recueillir des commentaires concernant une éventuelle convention de protection internationale des personnes contre la disparition forcée.

M.HAROLD SANDOVAL (Colombie) a décrit les dispositions du nouveau code pénal militaire colombien, adopté en juin 1999, qui tendent à renforcer le respect de la légalité et des droits de l'homme dans le cadre de l'administration de la justice militaire. Afin de garantir l'indépendance, l'objectivité et l'impartialité de la justice pénale militaire, le nouveau code pénal militaire soustrait notamment à la juridiction militaire les crimes de génocide, de torture et de disparition forcée. Ces crimes relèvent désormais de la justice pénale ordinaire. Les personnes chargées de l'enquête et du jugement ne seront pas les mêmes que celles qui sont chargées du commandement. En outre, il est formellement interdit à la justice pénale militaire de procéder à une enquête sur ou de juger des civils. La participation du Ministère public à toutes les étapes du processus judiciaire est également prévue. De plus, les parties au procès ont la possibilité d'introduire un recours extraordinaire devant la Cour suprême de justice. Le représentant colombien a par ailleurs souligné que son gouvernement persévère dans la lutte contre l'impunité et qu'il a créé un comité spécial chargé d'encourager les enquêtes sur les violations des droits de l'homme.

M.FAROOQ HASSAN (Pakistan) a souligné qu'en vertu de la Constitution pakistanaise, la protection de la loi est accordée à tous les citoyens, quelles que soient les circonstances. La Constitution pakistanaise contient en outre un chapitre sur les droits de l'homme fondamentaux que la Cour suprême a elle-même qualifié de «conscience» de la Constitution. Au Pakistan, le pouvoir judiciaire est indépendant et jaloux de cette indépendance. Le représentant a fait part des arrêts récemment rendus par la Cour suprême pakistanaise et qui vont à l'encontre de décisions du Gouvernement. Il a notamment fait part de la décision prise l'an dernier par la Cour suprême qui a estimé que la suspension des droits fondamentaux durant les états d'urgence est nulle et non avenue. Plus récemment, la Cour suprême a aboli les tribunaux spéciaux qui avaient été établis pour traiter des cas de terrorisme dans la province du Sindh en soulignant que ces tribunaux étaient contraires aux dispositions constitutionnelles. Actuellement, la plus grande ville du pays se remet à peine des dernières convulsions du terrorisme urbain perpétré par des groupes terroristes qui obtiennent à l'extérieur des frontières du pays aide et assistance. Cette campagne terroriste est liée au soutien moral, politique et diplomatique que le Pakistan apporte à la lutte légitime du peuple cachemirien pour son droit à l'autodétermination.

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