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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

DES EXPERTS PRÉSENTENT À LA SOUS-COMMISSION LEURS RAPPORTS SUR L'EAU POTABLE ET LA LUTTE CONTRE L'EXTRÊME PAUVRETÉ

06 août 2002



Sous-Commission de la promotion et
de la protection des droits de l'homme
54ème session
6 août 2002
matin



La Sous-Commission achève son débat sur l'administration de la justice
et aborde la question des droits économiques et sociaux



La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a terminé, ce matin, son débat sur l'administration de la justice, avant d'examiner deux rapports préparés par certains de ses membres au titre de la question des droits économiques, sociaux et culturels. Ainsi, M. El-Hadji Guissé a présenté son rapport préliminaire sur la réalisation du droit à l'eau potable, et M. José Bengoa a présenté le programme de travail du groupe spécial de quatre experts chargés de préparer un projet de déclaration sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté.
M. Guissé a notamment rappelé que la pénurie d'eau dont souffrent tous les pays du mondela a des causes aussi bien naturelles qu'humaines. Il a ajouté que la moitié de la population mondiale manquera bientôt d'eau au point que cette ressource sera inévitablement source de conflits à l'avenir, a souligné M. Guissé. Il a déclaré que la démarche de privatisation généralisée de l'eau imposée par les pays du Nord dans la recherche du seul profit fait que l'eau potable est devenue une denrée inaccessible. Il faut maintenant que chacun s'emploie à assurer que l'eau potable puisse être accessible à tous, a conclu M. Guissé.
Plusieurs membres de la Sous-Commission ont commenté le rapport de M. Guissé et l'ont encouragé à poursuivre son travail en mettant notamment l'accent sur une grille de lecture centrée sur les droits de l'homme et une définition plus précise du contenu du droit à l'eau potable. Sont intervenus M. Godfrey Bayour Preware, M. Soli Jahangir Sorabjee, M. Stanislav Ogurtsov, Mme Lammy Betten, M. Soo Gil Park, M. Emmanuel Decaux et M. Asbjørn Eide.
M. José Bengoa a pour sa part présenté le programme de travail du groupe spécial chargé de réaliser une étude préparatoire à l'élaboration d'un projet de déclaration internationale sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté. L'étude, rédigée en collaboration par quatre experts de la Sous-Commission, est fondée sur une démarche multiculturelle, pour éviter tout ethnocentrisme, et le rapport devra tenir pleinement compte des conditions et difficultés particulières induites par la mondialisation. M. Yozo Yokota, coauteur du rapport présenté par M. Bengoa, a rappelé que les nombreux efforts déjà déployés au plan international ont échoué à éradiquer la pauvreté. Il faut donc que la Sous-Commission s'attelle à cette tâche.
Au titre de l'examen de la question de l'administration de la justice, M. Soli Jehangir Sorabjee, membre de la Sous-Commission, a notamment déclaré que l'impunité garantie par certains systèmes judiciaires était particulièrement condamnable en ce qu'elle engendrait plus d'injustice et de violence encore. M. Sorabjee s'est prononcé sur la création de fonds destinés à soutenir les victimes de violations des droits de l'homme.
Les représentants du Nigéria, de la Tunisie, du Maroc et de la Turquie ont également fait des déclarations au titre du débat sur l'administration de la justice, ainsi que les organisations non gouvernementales suivantes : International League for the Rights and Liberation of Peoples; Himalayan Research and Cultural Foundation; et Libération.
L'Égypte, la Mauritanie, l'Iraq, le Brésil et la Colombie ont répondu à des interventions qui ont été faites précédemment dans le cadre du débat sur l'administration de la justice.
La Sous-Commission poursuivra cet après-midi, à 15 heures, son débat sur les droits économiques, sociaux et culturels.

Suite du débat sur l'administration de la justice
MME VERENA GRAF (Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples) a souligné que la Turquie, qui souhaite faire partie de l'Union européenne, impose depuis près de vingt ans, sous une forme ou sous une autre, un état d'exception dans plusieurs provinces du pays, avec pour effet d'y maintenir toutes les conditions d'un conflit de basse intensité. La représentante a tenu à attirer l'attention de la communauté internationale sur le fait que le régime d'urgence va sera remplacé par un organisme aux prérogatives tout à fait imprécises, le «GAP». La question est de savoir si les actes de cet organisme seront soumis au contrôle du Parlement turc, les précédents services spécialisés turcs n'ayant jamais répondu de leurs actes devant les autorités élues.
M. RIYAZ PUNJABI (Fondation de recherches et d'études culturelles himalayennes) a rappelé que la question de l'indépendance du judiciaire a commencé à s'imposer, ces dernières années, en tant qu'élément capital de l'instauration d'une société démocratique. Un consensus international commence à se dégager sur cette question, a-t-il noté. Néanmoins, comme l'a relevé dans son rapport le Groupe de travail sur l'administration de la justice, les forces mêmes sur lesquelles les Nations Unies comptent pour assurer le bon fonctionnement des mécanismes assurant l'indépendance du judiciaire afin de faire respecter, au niveau national, le consensus international en la matière, sont celles-là mêmes qui violent le principe de l'indépendance du judiciaire. Les puissances qui bafouent les libertés considèrent le judiciaire comme un obstacle les empêchant d'usurper le pouvoir par des moyens non constitutionnels, a insisté le représentant.
MME MAGGIE BOWDEN (Libération) a rappelé que la tenue d'élections libres est seule à même d'assurer la sauvegarde de la démocratie. En Turquie, en particulier au Kurdistan, de nombreux incidents ont émaillé les élections qui ont mis en cause leur validité, tels que les pressions exercées sur les électeurs et les urnes dérobées, notamment, cautionnés par les autorités. Libération demande aux Nations Unies d'envoyer une mission de surveillance des élections au Kurdistan. En ce qui concerne la situation au Cachemire, Libération dénonce l'impunité dont bénéficient les forces armées indiennes dans la région, impunité renforcée par tout un arsenal juridique qui leur donne, de fait, le droit de tuer. Mme Bowden en appelle donc à la Sous-Commission pour qu'elle examine avec soins ces situations.
M. MIKE GBADEBO OMOTOSHO (Nigéria) a affirmé que son pays s'acquitte de ses obligations en vertu des différents instruments relatifs aux droits de l'homme en garantissant à ses citoyens les droits et libertés universellement reconnus. Engagé à faire respecter le principe de primauté du droit, le Gouvernement nigérian a à cœur de se doter d'un système judiciaire assorti de toutes les garanties adéquates. Aucun pays au monde ne peut cependant se vanter de disposer d'un système judiciaire parfait, a toutefois fait observer le représentant. Il a par ailleurs souligné que son gouvernement s'est engagé à lutter contre la corruption sous tous ses aspects.
Au Nigéria, une réforme complète du système carcéral a été lancée, a également indiqué le représentant. Il a souligné que, tout en s'efforçant de garantir l'efficacité des systèmes judiciaires, la Sous-Commission doit veiller à ce qu'il ne soit pas porté atteinte au principe d'équité en matière d'administration de la justice. Tout pays a le devoir de veiller à ce que soit respecté à l'égard de toute personne se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction le principe de l'égalité en matière d'accès à la justice, a insisté le représentant. Il a par ailleurs fait observer que bon nombre de personnes continuent à travers le monde d'être victimes du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l'intolérance qui y est associée. Il a plaidé en faveur de la mise en œuvre des mesures préconisées dans le Programme d'action et la Déclaration adoptés l'an dernier à Durban à l'issue de la Conférence mondiale contre le racisme.
MME HOLLA BACHTOBJI (Tunisie) a déclaré que son pays avait opté pour une société fondée sur l'état de droit et la promotion des droits de l'homme. Des réformes progressives ont été engagées à cet effet pour promouvoir une culture démocratique, renforcer le pluralisme politique et favoriser les libertés publiques. En matière d'administration de la justice en particulier, la représentante a relevé que la durée de la garde à vue avait été réduite, des peines de substitutions à l'emprisonnement introduites, parmi d'autres mesures. Une nouvelle réforme vient d'entrer en vigueur : elle entraînera notamment la soumission de la garde à vue au contrôle judiciaire, et l'interdiction de la détention arbitraire.
La représentante tunisienne a par ailleurs déploré que certaines organisations non gouvernementales «abusent de ce forum pour propager des mensonges». Elle a estimé que cette attitude «cache mal leur motivation politique, voire leur entreprise diabolique de détruire» les acquis obtenus par la société tunisienne. En ce qui concerne le cas de M. Hammami, la représente a déclaré qu'il avait été condamné au terme d'une procédure tout à fait légale. Certaines voies de recours lui sont d'ailleurs encore ouvertes. Quant à Mme Nasraoui, elle a choisi de «façon pernicieuse» de simuler une grève de la faim pour tenter de régler une question qui relève de la justice. La représentante de la Tunisie a encore rejeté les accusations selon lesquelles les enfants de Mme Nasraoui auraient été victimes d'intimidation de la part des autorités.
MME JALILA HOUMMANE (Maroc) a souligné le choix définitif fait par son pays en matière de droits de l'homme ainsi que sa détermination à consolider et promouvoir les acquis démocratiques et l'état de droit par le renforcement du respect de la dignité du citoyen. C'est ainsi que le Maroc s'est lancé dans une politique globale de réformes, a-t-elle poursuivi avant de préciser que les domaines les plus sensibles – justice, administration, travail, libertés publiques, conditions de la femme, droits des enfants handicapés – sont actuellement abordés avec courage et rigueur. S'agissant de l'administration de la justice, la représentante a fait part de la création récente d'un ombudsman (dahir du 9 décembre 2001) ayant compétence pour rechercher, dans les limites qu'impose le respect des attributions des autorités publiques, les moyens de réparer les injustices imputables à des situations incompatibles avec les impératifs d'équité et préjudiciables aux usagers des services publics. Cet ombudsman a également pour tâche de compléter les missions remplies par l'appareil judiciaire dont les procédures sont nécessairement complexes et de renforcer le rôle assumé par le Conseil consultatif des droits de l'homme dans le cadre de ses compétences. Il présente en outre au Premier ministre des suggestions de portée générale sur les mesures de nature à faire justice aux doléances qui lui sont soumises.
La représentante marocaine a par ailleurs indiqué que le Roi Mohammed VI a décidé la réorganisation du Conseil consultatif des droits de l'homme visant la rénovation des structures de cette institution, l'élargissement de ses attributions, ainsi que la rationnalisation de ses méthodes de travail. Concernant l'administration pénitentiaire, la loi promulguée par le dahir du 25 août 1999 apporte une plus grande protection des détenus en rendant la législation pénitentiaire marocaine conforme aux principes des règles minima pour le traitement des détenus. La représentante marocaine a en outre fait part d'un projet de révision des attributions du Tribunal militaire permanent qui est en cours d'élaboration afin de limiter le champ de compétence dudit tribunal aux seuls militaires.
M. MURAT SUNGAR (Turquie) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur les amendements législatifs récemment adoptés par le parlement de son pays. La peine de mort a été abolie (sauf en temps de guerre), a fait valoir le représentant turc, qui a rappelé qu'un moratoire sur son application étaéit déjà en vigueur depuis 1984. Il a par ailleurs indiqué que les restrictions juridiques sur l'utilisation des dialectes, en privé et sur les ondes, ont été levées. D'autres amendements des Codes de procédure civile et pénale achèvent d'aligner la justice turque sur les pratiques recommandées par la Cour européenne des droits de l'homme, dont la jurisprudence est immédiatement applicable en Turquie.
M. SOLI JEHANGIR SORABJEE, membre de la Sous-Commission, a déclaré que la Sous-Commission devait se pencher sur l'impunité dont bénéficient les auteurs de crimes. Cette impunité viole le principe selon lequel personne n'est au-dessus de la loi. L'amnistie est souvent accordée aux personnes de haut rang accusées de ces crimes, il y a là une discrimination, malgré des justifications politiques. L'amnistie viole aussi le droit des proches des victimes, et suscite un profond ressentiment. Cette frustration peut conduire à de nouveaux actes de violence. Il faut enfin se préoccuper de la réhabilitation des victimes, par l'intermédiaire d'un fonds spécial qui pourrait être créé à leur intention.

Exercice du droit de réponse dans le cadre du débat sur l'administration de la justice
Le représentant de l'Égypte a souligné l'importance d'assurer que les travaux de la Sous-Commission se déroulent de manière objective. Aussi, s'agissant du cas du docteur Ibrahim, le représentant a-t-il souligné la tradition bien établie de respect de la société civile en Égypte. Les organisations non gouvernementales ont toujours mené des activités utiles dans le pays, ce qui n'empêche pas les autorités de surveiller ces organisations sur le plan financier et juridique. Le docteur Ibrahim, en ce qui le concerne, est accusé de délit pénal n'ayant rien à voir avec ses activités ni avec le droit à la liberté d'expression ou d'opinion. Il est accusé d'avoir obtenu des fonds étrangers sans avoir de permis pour ce faire, a expliqué le représentant. Or, personne en Égypte n'est au-dessus de la loi, a-t-il souligné.
Le représentant de la Mauritanie a assuré que son pays est un État de droit qui assure le respect et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales tels que proclamés dans sa Constitution. Il en a résulté la naissance de plusieurs partis politiques qui exercent librement leurs activités. De façon générale, la Constitution et les différentes lois garantissent l'égalité entre les citoyens. Dans les faits, il n'existe aucune forme de discrimination fondée sur la race, l'origine sociale ou ethnique, dans la mise en œuvre de toutes les politiques économiques, sociales et culturelles. S'agissant des procès auxquels s'est référé l'orateur qui a parlé au nom du MRAP, ils se sont déroulés de façon publique et régulière et les accusés ont bénéficié de tous leurs droits, qui plus est en présence d'observateurs étrangers dont Amnesty International et la Commission internationale des juristes. Pour ce qui est de l'existence de prétendus réfugiés, la Mauritanie est un pays ouvert où tous les citoyens bénéficient de la liberté d'aller et venir en toute quiétude et sans entrave administrative. Par conséquent, aucun Mauritanien ne peut sérieusement prétendre aujourd'hui à un statut de réfugié. La Mauritanie est un pays en paix et stable, a conclu le représentant.
Le représentant de l'Iraq a déclaré que la Sous-Commission n'aurait pas dû autoriser l'organisation non gouvernementale Interfaith à tenter de véhiculer un discours dénué d'objectivité et qui plus est totalement étranger à la question à l'ordre du jour. Le représentant a rappelé que l'embargo qui frappe sont pays depuis plus de 13 ans fait chaque jour des victimes civiles dont devrait bien plutôt se préoccuper la Sous-Commission.
Le représentant du Brésil, en réponse à une déclaration de la Confédération internationale des syndicats libres, a affirmé que les représentants du Gouvernement du Pará ne sont pas impliqués dans le décès de M. da Silva. La violence - certes condamnable - dont il a été victime ne relève pas d'un cas de torture. Les autorités fédérales suivent cette affaire de près, et ont dépêché un envoyé spécial dans la région pour enquêter sur les faits.
Le représentant de la Colombie a déploré la pratique répétée de certaines organisations non gouvernementales telles que la Fédération syndicale mondiale qui s'efforcent de présenter devant des instances de droits de l'homme des données et des statistiques dénuées de toute rigueur juridique, scientifique ou factuelle, créant dans l'auditoire une impression qui ne favorise aucunement la promotion ou la protection des droits de l'homme, d'autant plus que l'État colombien ne nie pas la gravité des violations que commettent les acteurs armés illégaux du conflit. Citer des résultats de procès judiciaires, disciplinaires ou administratifs sans en expliquer le contexte, fonder ses affirmations sur des articles de presse, citer des chiffres approximatifs sont autant de pratiques qui ne peuvent que nuire à l'image des organisations qui se livrent à de tels exercices et remettre en cause le sérieux de leurs affirmations.

Examen de rapports sur les droits économiques, sociaux et culturels
Au titre de la question des droits économiques, sociaux et culturels, la Sous-Commission est notamment saisie du rapport de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur la libéralisation du commerce des services et les droits de l'homme (E/CN.4/Sub.2/2002/9) qui souligne que le commerce international des services est en pleine croissance et sa part dans le commerce en général augmente par rapport au commerce des biens. Le commerce international des services peut prendre quatre formes principales, à savoir la fourniture transfrontières; la consommation à l'étranger; la présence commerciale.
Le rapport examine les obligations qu'ont les États de promouvoir et de protéger les droits de l'homme les plus directement touchés par la libéralisation du commerce des services, à savoir le droit à la santé (y compris le droit à l'eau potable), le droit à l'éducation et le droit au développement. La libéralisation du commerce des services peut avoir des répercussions sur ces droits de diverses façons. S'il est vrai que l'investissement étranger direct (IED) peut renforcer les infrastructures nationales, permettre l'application de nouvelles technologies et créer des possibilités d'emploi, il peut également arriver qu'il ait des conséquences non souhaitées lorsque les réglementations visant à protéger les droits de l'homme sont insuffisantes. Ainsi, une augmentation de l'IED peut conduire à la mise en place d'une fourniture de services à deux vitesses, avec un secteur privé destiné aux riches et aux biens portants et un secteur public manquant de ressources financières, destiné aux pauvres et aux malades; à une fuite des compétences, les médecins et les enseignants les mieux formés étant attirés dans le secteur privé par de meilleurs salaires et de meilleures infrastructures; à une prépondérance des objectifs commerciaux sur des objectifs sociaux plus axés sur la fourniture de services de santé, de distribution d'eau et d'éducation de qualité à l'intention de ceux qui ne peuvent se les offrir au prix du marché; à la croissance d'un secteur privé de plus en plus important et puissant, qui serait alors en mesure de mettre en péril les systèmes réglementaires en recourant à la pression politique ou à la cooptation au sein des autorités de contrôle, et de remettre ainsi en cause le rôle des gouvernements en tant que principaux responsables de la mise en œuvre des droits de l'homme. Le droit relatif aux droits de l'homme ne fait pas obligation aux États d'être les fournisseurs uniques des services essentiels toutefois; les États doivent garantir que les services essentiels soient disponibles, accessibles, acceptables et adaptables et notamment assurer qu'ils soient fournis, particulièrement aux personnes démunies, vulnérables et marginalisées, souligne le rapport.
La Haut-Commissaire souhaite que l'on interprète le champ d'application de l'Accord géànéral sur le commerce des services (AGCS) de façon à ce que les obligations qui en découlent n'entravent pas l'action des gouvernements dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Les membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) devraient être encouragés à évaluer l'impact de la mise en œuvre de l'AGCS sur la jouissance des droits de l'homme dans le cadre des négociations en cours au sujet de l'Accord. Ces évaluations devraient porter à la fois sur l'expérience passée et sur les effets potentiels des engagements futurs en matière de libéralisation. Dans son rapport, la Haut-Commissaire dresse une liste des domaines dans lesquels il est nécessaire de renforcer la promotion d'une approche de la libéralisation du commerce des services fondée sur les droits de l'homme, parmi lesquels: l'égalité d'accès aux services essentiels; le respect du droit et de l'obligation qu'ont les gouvernements de réglementer; la promotion des interprétations de l'AGCS compatibles avec les droits de l'homme; l'évaluation des politiques commerciales au regard des droits de l'homme; la coopération et l'assistance internationales; le renforcement du dialogue sur les droits de l'homme et le commerce. Sur ce dernier point, la Haut-Commissaire estime que les représentants des pays auprès de l'OMC et les représentants des mêmes pays à la Commission des droits de l'homme devraient davantage se consulter sur les liens étroits entre les droits de l'homme et le commerce et sur les modalités permettant d'assurer une certaine cohérence dans le domaine de l'élaboration des politiques et de la réglementation. La Haut-Commissaire recommande en outre à la Sous-Commission d'envisager de demander l'établissement d'un rapport sur «les droits de l'homme, le commerce et l'investissement».
Présentant son rapport préliminaire sur la promotion de la réalisation du droit à l'eau potable et à l'assainissement (E/CN.4/Sub.2/2002/10), M. EL HADJI GUISSÉ, Rapporteur spécial sur la relation entre la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels et la promotion de la réalisation du droit à l'eau potable et à l'assainissement, a rappelé l'eau est source de vie et que l'accès à l'eau potable constitue pour chaque être humain un élément important de son existence. Or, un milliard et demi de personnes dans le monde souffrent de pénurie d'eau et l'OMS nous informe que 80% de nos maladies proviennent de l'insalubrité de l'eau. Ces deux chiffres nous imposent de trouver des solutions au problème de l'eau, a souligné le Rapporteur spécial. La pénurie d'eau trouve son origine dans des causes naturelles telles que la désertification, l'assèchement des fleuves, la détérioration de l'atmosphère (qui a de graves conséquences sur la production d'eau), mais aussi dans d'autres causes dues à l'homme, a poursuivi M. Guissé avant de rappeler que l'agriculture est une grande consommatrice d'eau. La progression du désert est une source grave de pénurie d'eau, a-t-il souligné. Reste un constat qui est que l'eau manque dans tous les pays du monde, a insisté le Rapporteur spécial. La moitié de la population mondiale manquera bientôt d'eau au point que cette ressource sera inévitablement source de conflits à l'avenir, a souligné M. Guissé.
S'agissant des fondements juridiques du droit à l'eau potable, le Rapporteur spécial a notamment rappelé que dans la Déclaration mondiale pour la survie des enfants, les États se sont engagés à assurer la fourniture d'eau aux enfants. La Convention de Londres de 1999 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et les lacs internationaux est sans doute le premier instrument international de droit positif qui prenne position pour le droit de chacun à l'eau salubre, a par ailleurs fait observer M. Guissé. Le droit à l'eau potable a également trouvé une base juridique aux niveaux national et régional, a-t-il ajouté avant d'indiquer que le fondement juridique du droit à l'eau potable sera développé dans les prochains rapports sur la question. On ne saurait faire l'économie d'une réflexion sur le prix de l'eau considérée comme un bien économique et social, a par ailleurs affirmé le Rapporteur spécial. La démarche de privatisation généralisée de l'eau imposée par les pays du Nord dans la recherche du seul profit fait que l'eau potable est devenue une denrée inaccessible, a fait observer M. Guissé. Lorsque ces eaux privatisées sont servies aux pays du Sud, elles sont sources de maladies, a-t-il souligné. Les pénuries du Sud grimpent vers le Nord et il faut maintenant que chacun s'emploie à assurer que l'eau potable puisse être accessible à tous, a conclu M. Guissé.
Dans son rapport (E/CN.4/Sub.2/2002/10), le Rapporteur spécial rappelle que de nombreux instruments juridiques contraignants (Charte des Nations unies, Déclaration universelle des droits de l'homme, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) font obligation aux États de «coopérer en vue d'assurer le développement et d'éliminer les obstacles au développement». D'autre part, la Déclaration sur le progrès et le développement dans le domaine social exige «la fourniture aux pays en voie de développement d'une assistance […] pour leur faciliter l'exploitation directe de leurs ressources nationales». D'autre part, en ce qui concerne les pays pauvres en particulier, l'expert relève que leurs droits dérogent au droit généralement applicable; ces droits doivent constituer une exception aux règles habituelles en matière d'obligations civiles et commerciales. L'eau est un bien économique, mais il serait absolument négatif et préjudiciable de le soumettre aux lois du marché, essentiellement préoccupé par la réalisation de gains.
M. GODFREY BAYOUR PREWARE, membre de la Sous-Commission, a estimé que la fourniture d'eau devrait relever d'un service rendu à l'humanité plutôt qu'à une opération commerciale. Le droit à l'eau potable existe dans le droit à la vie en tant que tel. Quelques questions spécifiques se posent néanmoins, concernant notamment l'évaluation de la situation dans les régions arides et l'évaluation précise du coût d'accès et de production, avec fixation d'un prix socialement acceptable pour toutes les couches de la population. L'eau n'est un acquis que pour une minorité et le rapport de M. Guissé met bien en relief cet état de fait.
M. SOLI JEHANGIR SORABJEE, membre de la Sous-Commission, a indiqué que l'avenir fournirait probablement l'occasion de réfléchir aux liens entre droit à l'eau potable et droit à l'autodétermination. Il a jugé excellent le travail de recherche entrepris par M. Guissé, dont les travaux ont été cités lors des délibérations que certains organes officiels de l'Inde ont tenu sur la question du droit à l'eau potable en tant que droit fondamental de l'être humain.
M. STANISLAS OGURTSOV, membre de la Sous-Commission, a relevé que l'eau potable devient un facteur économique déficitaire dans pratiquement tous les pays. Une analyse de son prix de revient pourrait être menée par M. Guissé. L'activité humaine et économique a entraîné, par la pollution qu'elle cause, des privations d'eau potable pour de nombreux groupes humains, autour de ce qui reste de la mer d'Aral ou du lac Baïkal, par exemple. Cet aspect pourrait faire l'objet d'un rapport détaillé et chiffré. L'importance de la coopération internationale devrait aussi être mise en relief, car elle est indispensable pour la résolution de cette question.
MME LAMMY BETTEN, experte de la Sous-Commission, a rappelé le dicton selon lequel «ce n'est qu'après avoir abattu le dernier arbre et pêché le dernier poisson que l'on s'aperçoit que l'on ne peut pas manger de l'argent». Mme Betten a mis l'accent sur la nécessité de se pencher sur la question des ressources financières consacrées à la recherche de solutions aux problèmes de l'eau et a souhaité que davantage d'attention soit ainsi accordée aux aspects pratiques du problème et aux solutions qu'il appelle.
M. SOO GIL PARK, membre de la Sous-Commission, a relevé que, depuis cinquante ans, le monde a pris conscience que les ressources maritimes - et l'eau douce à plus forte raison - n'étaient pas inépuisables et qu'il fallait adopter des textes pour les protéger. L'eau potable devrait être gérée par des autorités compétentes, et non par des sociétés privées. Le rapport a recours à des concepts tels que «droit à l'eau potable», «droit d'accès à l'eau potable»: s'agit-il là de droits distincts? L'accès libre à l'eau potable signifie-t-il qu'aucune redevance ne serait due pour cet accès? M. Park suggère que le rapport fasse l'énumération des catégories de droits en vertu desquels les individus auraient la possibilité d'engager des poursuites contre les États le cas échéant.
M. EMMANUEL DECAUX, membre de la Sous-Commission, a remercié M. Guissé pour le point de départ que constitue son étude sur le droit à l'eau potable et a souligné que des choix s'imposent désormais qui doivent être d'autant plus rigoureux que la Commission elle-même a tardé à donner son aval à cette étude. Il faudrait disposer d'une grille de lecture de la problématique du droit à l'eau potable qui soit centrée sur les droits de l'homme, a souligné M. Decaux. L'expert a par ailleurs souligné que la gratuité de l'eau ne doit pas être une prime au gaspillage.
M. ASBJØRN EIDE, membre de la Sous-Commission, a déclaré qu'il faudrait utiliser toutes les ressources technologiques disponibles pour réaliser des économies d'eau. M. Eide a indiqué qu'il soumettrait ses observations à M. Guissé par écrit.
MME GENEVIÈVE JOURDAN (Association of World Citizens) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur la nécessité d'établir un parallèle entre le drame de l'accès à l'eau potable et la question de l'accès à la santé. Il faudrait par ailleurs voir s'il ne serait pas possible d'organiser dans les pays des débats voire des référendums sur la question de l'utilisation de l'eau leur appartenant. La représentante s'est en outre interrogée sur l'existence d'éventuelles conventions concernant la propriété du sous-sol.
M. EL HADJI GUISSÉ, auteur du rapport préliminaire sur le droit à l'eau potable, a déclaré, en réponse aux commentaires des membres de la Sous-Commission, que dans bien des pays, le prix de l'eau ne répond en rien aux besoins humains et sociaux, car ils sont contrôlés par des sociétés commerciales. Le droit à l'eau s'inscrit dans le cadre du droit plus général à l'alimentation. M Guissé attend aussi des suggestions écrites sur la question de la pollution des lacs et des mers. L'accès à l'eau devrait être compris dans la notion de droit à l'eau potable.
Le droit à l'eau potable est bien entendu lié au droit à la vie, mais aussi à tous les droits de l'homme en général, a poursuivi M. Guissé. Il s'agit aussi d'une lutte pour le contrôle des sources d'eau, et cela implique donc le droit à la paix.
Présentant le document de travail qu'il a rédigé conjointement avec MM. Paulo Sérgio Pinheiro, Yozo Yokota et El-Hadji Guissé concernant le Programme de travail du groupe spécial chargé de réaliser une étude préparatoire à l'élaboration d'un projet de déclaration internationale sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté, M. JOSÉ BENGOA, membre de la Sous-Commission et coordonnateur du groupe spécial, a indiqué que cette étude devrait se matérialiser le moment venu en projet de déclaration internationale sur la pauvreté et les droits de l'homme. M. Bengoa a indiqué que le groupe d'experts susmentionné s'est efforcé d'effectuer un travail d'enquête sur les formes contemporaines de pauvreté. La pauvreté extrême telle qu'entendue dans ce document de travail implique un mépris flagrant de la vie et de la dignité de l'homme, a souligné M. Bengoa. Il a par ailleurs fait observer que la pauvreté extrême est produite par la modernité même. M. Bengoa a indiqué que l'étude qu'il a menée avec ses collègues s'est fondée sur une démarche multiculturelle afin d'éviter tout ethnocentrisme. Il a par ailleurs souligné que cette étude n'entend pas reprendre les données d'études antérieures car on dispose désormais de suffisamment de chiffres sur la pauvreté dans le monde. On se rend aujourd'hui compte qu'il n'est pas possible de maintenir le rythme actuel de la mondialisation face au niveau qu'atteint la pauvreté dans le monde, a fait observer l'expert. Il a indiqué que les coauteurs de cette étude se sont donné trois ans pour achever leur travail.
Le Programme de travail du groupe spécial chargé de réaliser une étude préparatoire à l'élaboration d'un projet de déclaration internationale sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté (E/CN.4/Sub.2/2002/15) souligne que le groupe de travail s'est donné pour objectif principal d'analyser la pauvreté et ses conséquences au regard du droit à la vie et, partant de là, de tous les droits fondamentaux sur lesquels aucune considération d'ordre stratégique ou tactique ne saurait primer. Les membres du groupe se sont efforcés de définir les éléments indispensables à la vie humaine, qui ne pouvaient en aucune circonstance être remis en question. L'étude que le groupe spécial se propose de mener analysera l'origine de la "pauvreté moderne" et les changements intervenus dans les formes contemporaines de pauvreté à partir d'une série d'éléments, parmi lesquels : le colonialisme et l'esclavagisme en Afrique comme causes des situations héritées et structurelles de pauvreté dans diverses régions du monde; les processus de restructuration économique, sociale et politique du tiers monde dans la période post-coloniale; les nouvelles formes de domination de l'économie, l'apparition de nouveaux marchés, la mondialisation de l'économie et les nouvelles formes de pauvreté; la rupture des systèmes d'intégration sociale et de solidarité interne et l'apparition de nouveaux foyers de pauvreté; les nouvelles formes de pauvreté rurale; les nouvelles formes de pauvreté urbaine.
Une des principales hypothèses mises en avant est que le phénomène actuel de mondialisation a donné naissance à une nouvelle forme de pauvreté, «la pauvreté moderne», qui est le produit même de la modernité et se caractérise notamment par les éléments suivants: de nombreuses populations, régions et zones du monde ont été marginalisées du fait de la transformation des marchés internationaux, privées de possibilités économiques ou simplement abandonnées à leur sort; de nombreux systèmes fondés sur l'autosubsistance, sur le simple échange entre producteurs, ont été remplacés ou simplement dominés et détruits par des marchés de plus en plus transnationaux; la mondialisation des communications et des attentes a entraîné une «révolution des besoins» dans de larges secteurs de la population mondiale qui vivaient jusque-là en situation d'autosubsistance. Le document présenté par le groupe spécial définit la pauvreté comme une situation dans laquelle l'être humain se trouve privé de ses capacités, c'est-à-dire transformé en une personne incapable d'obtenir le minimum indispensable à sa survie.
M. YOZO YOKOTA, membre la Sous-Commission et coauteur du rapport présenté par M. Bengoa, a rappelé que la pauvreté est à la source d'innombrables violations des droits de l'homme, et se retrouve au cœur de bien des discussions de la Sous-Commission. Les nombreux efforts déjà déployés ont échoué à l'éradication de la pauvreté, il faut donc tenter autre chose encore, a déclaré l'expert. Un premier effort international, la Décennie du développement des Nations Unies, en est à mi-chemin sans résultat vraiment tangible. Il faut donc que la Sous-Commission s'attelle à cette tâche.



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