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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

LA SOUS-COMMISSION POURSUIT L'EXAMEN DE LA QUESTION DE LA VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME DANS LE MONDE

28 Juillet 2004

Sous-Commission de la promotion et de
la protection des droits de l'homme


28 juillet 2004


Les experts réfléchissent à la façon dont la Sous-Commission devrait traiter
cette question conformément aux directives de la Commission des droits de l'homme



La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a poursuivi, ce matin, l'examen de la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales en entendant les déclarations de plusieurs de ses membres ainsi que des représentants de six organisations non gouvernementales et du représentant du Pakistan.

Plusieurs experts ont partagé leurs réflexions au sujet de la façon dont la Sous-Commission devrait s'adapter à la nouvelle manière de traiter cette question qui lui a été dictée par la Commission des droits de l'homme, qui exige notamment que la Sous-Commission ne traite pas de situations dont elle est elle-même saisie. M. Marc Bossuyt a déclaré qu'il est douteux que les victimes des violations des droits de l'homme soient les bénéficiaires des nouvelles règles imposées par la Commission en la matière. En revanche, les gouvernements qui violent les droits de l'homme en sont les plus satisfaits, a-t-il estimé.

M. Ibrahim Salama a mis l'accent sur l'importance d'écouter les tiers parler de situations critiques de pays, afin d'essayer de dégager des points communs à toutes ces situations de manière à élaborer ensuite des normes adéquates. MM. Abdul Sattar et Paulo Sérgio Pinheiro ont à cet égard salué le rôle important joué par les organisations non gouvernementales au sein de la Sous-Commission. Des suggestions ont été avancées par certains experts visant la création de mécanismes de prévention des violations de droits de l'homme ainsi que la création d'un petit groupe d'experts chargé de se pencher sur la manière dont la Sous-Commission doit appréhender le point de l'ordre du jour consacré à la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces suggestions ont reçu l'appui d'autres membres de la Sous-Commission.

Relevant que pratiquement toutes les violations de droits de l'homme auxquelles se sont référées les organisations non gouvernementales au titre de ce point de l'ordre du jour sont couvertes par des procédures déjà existantes, M. Gudmundur Alfredsson a pour sa part estimé qu'il pourrait être particulièrement judicieux, au titre de ce point, de traiter non plus seulement des points négatifs mais aussi des aspects positifs de la situation et de l'évolution des droits de l'homme.

Relevant que l'on a récemment assisté à l'apparition d'une nouvelle notion de guerre, à savoir la guerre «préventive», M. El Hadji Guissé a averti qu'aucun pays, aucun peuple n'est aujourd'hui à l'abri d'une telle guerre préventive. M. Salama a relevé que l'on assiste actuellement à une détérioration de la situation des droits de l'homme eu égard, notamment, à la gravité des violations commises, aux tentatives de justifier ces violations et à la contagion du non-droit découlant d'une confusion entre la résistance et l'agression. Mme Françoise Jane Hampson a précisément attiré l'attention de la Sous-Commission sur des violations de droits de l'homme commises dans certains pays et qui sont justifiées par les gouvernements de ces pays comme étant nécessaires dans le cadre de la lutte antiterroriste.

M. Vladimir Kartashkin a quant à lui souligné qu'un grand nombre des violations de droits de l'homme commises à travers le monde le sont sous prétexte de préserver les intérêts de la communauté mondiale; mais chacun sait que ces violations sont motivées par les intérêts nationaux extrêmement égoïstes d'un petit groupe d'États. Mettant l'accent sur la nécessité de prendre des mesures pour les prévenir, il a préconisé que soit examinée la possibilité d'organiser un séminaire ou une conférence internationale en vue de déterminer des mesures susceptibles de prévenir les violations des droits de l'homme.

La crise du Soudan pourrait donner lieu à un nouveau génocide et il semblerait qu'il n'existe pas de mécanisme d'alerte avancé, a déploré M. Bengoa. Il faut que la Sous-Commission élève la voix avant que de telles situations ne deviennent incontrôlables, a-t-il souligné en écho aux propos de M. Katarshkin sur l'importance de la prévention. M. Emmanuel Decaux a pour sa part souligné que la crise du Darfour est le dernier exemple d'enchaînement fatal où, malgré tous les avertissements et l'engagement des grandes puissances, le temps est de plus en plus compté.

M. Decaux a en outre affirmé que si la situation semble moins noire que l'an dernier, c'est sans doute en raison de deux facteurs : la liberté de l'information, qui a joué un rôle décisif pour révéler des situations inacceptables; et d'autre part, la place de la justice, la Cour suprême des États-Unis ayant fait sortir les détenus de Guantanamo du no man's land juridique où ils étaient privés de tout droit. Mais combien existe-il encore de Guantanamo inconnus, de prisons secrètes, à travers le monde, s'est interrogé l'expert?

Mme Chin Sung Chung a attiré l'attention sur la question de la traite des êtres humains, qui constitue selon elle l'un des problèmes les plus graves en matière de droits de l'homme.

Le représentant des organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole : Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies; Institut international de la paix; Conseil mondial de la paix; Association américaine de juristes; Congrès du monde islamique et le Conseil international de traités indiens.


La Sous-Commission entendra demain matin, à 10 heures, plusieurs de ses membres s'exprimer au titre de la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales, avant d'entamer l'examen des questions relatives à la prévention de la discrimination.


Débat sur la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales

M. M'HAMED MOHAMED CHEIKH (Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur la situation des droits de l'homme au Sahara occidental où l'invasion militaire par le Maroc dure depuis plus de 30 ans. Au Sahara occidental, la situation des droits de l'homme continue de se dégrader au point de devenir critique, a-t-il affirmé, dénonçant une politique d'oppression menée par le Gouvernement marocain. Il a également affirmé que les disparitions forcées prennent de plus en plus d'ampleur. Cette situation au Sahara occidental témoigne bien de la nature dictatoriale du Maroc, a déclaré le représentant, estimant que la communauté internationale doit faire pression sur le Maroc afin qu'il se conforme à la légalité internationale en laissant les Nations Unies prendre en main l'organisation d'un référendum démocratique au Sahara occidental.

M. SHRI PRAKASH (Institut international de la paix) a affirmé que toute discussion réaliste sur les droits de l'homme doit se pencher sur les «situations par pays», pour la simple raison que les individus vivent bien dans un environnement particulier, déterminant des droits de l'homme dont ils peuvent jouir. Le représentant a rappelé que dans un passé récent, la communauté internationale a accordé une attention particulière à l'Asie du Sud où la lutte contre le terrorisme a commencé avec le démantèlement des Talibans et la destruction des camps d'Al Qaïda. De par sa situation géographique, le Pakistan est devenu un acteur clé dans la lutte contre le terrorisme. Dès lors que le terrorisme constitue une grave menace pour les droits de l'homme dans les nations démocratiques, il est nécessaire que la communauté internationale se penche sur la nature du régime en place dans ce pays pour en évaluer les qualités d'allié. À cet égard, le représentant a rappelé que le Général Musharraf est arrivé au pouvoir au terme d'un coup d'État militaire. Il a par ailleurs souligné que les lois discriminatoires à l'encontre des minorités pakistanaises n'ont toujours pas été abrogées en dépit des appels lancés par la communauté internationale. Par ailleurs, le représentant a souligné la militarisation de la société pakistanaise depuis l'accession au pourvoir du général Musharraf. Il a également souligné les multiples atteintes à la liberté de la presse dans ce pays.

M. SHABIR CHOUDHARY (Conseil mondial de la paix) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur la violation des droits de l'homme du peuple sindhi au Pakistan. Le peuple sindhi, a affirmé le représentant, attend beaucoup du concours de la Sous-Commission ainsi que de la Commission des droits de l'homme en vue d'assurer, un jour, la réalisation de ses droits politiques, économiques, sociaux et culturels. Le représentant a notamment souligné que les Sindhis sont privés de leur droit à l'autonomie politique dans leur région. Il a lancé un appel à la communauté internationale afin que la démocratie soit restaurée dans la province et qu'elle puisse accéder à la souveraineté dans le cadre de la fédération du Pakistan. Le représentant a par ailleurs affirmé que les droits de l'homme du peuple sindhi devraient être pleinement protégés et qu'il faudrait mettre fin au fondamentalisme et à l'extrémisme religieux.

MME ANA VERA VEGA (Association américaine de juristes) a rappelé la récente décision de la Cour suprême des États-Unis reconnaissant le droit des prisonniers de Guantanamo de recourir à un tribunal fédéral afin de contester la légitimité de leur détention. Or, a-t-elle poursuivi, le Gouvernement des États-Unis est en train d'adopter des mesures pour ne pas donner effet à cette décision de la Cour suprême. La représentante a indiqué que son organisation a présenté à la présente session de la Sous-Commission plusieurs documents traitant du coup d'État franco-américain en Haïti, des pressions économiques contre Cuba, ainsi que de la résolution 1546 du Conseil de sécurité - qui constitue une tentative de légitimer l'occupation militaire et le statut néo-colonial de l'Iraq. La représentante a également souligné que son organisation a présenté un autre document qui examine les graves violations des droits de l'homme des ressortissants étrangers aux États-Unis. Si le résultat du référendum d'août au Venezuela n'est pas conforme aux attentes de la superpuissance, il ne fait aucun doute qu'elle appuiera un nouveau coup d'État comme elle l'a fait en 1973 au Chili, a en outre déclaré la représentante.

M. SADAR USMAN ALI KHAN (Congrès du monde islamique) a déclaré que les violations massives des droits de l'homme perpétrées par les forces de sécurité indiennes dans le Cachemire occupé ne devrait pas échapper à l'attention de la communauté internationale. L'Inde, a ajouté le représentant, a privé le peuple cachemirien de ses droits de l'homme pendant plus de 57 ans. L'Inde et le Pakistan se sont engagés dans un processus de paix afin de résoudre le différend qui les oppose au Cachemire. Toutefois, a fait remarquer le représentant, il ne semble pas que les autorités indiennes soient animées par une volonté sincère de délivrer le peuple cachemirien du fardeau de la répression. Il a souligné que les Cachemiriens n'ont pas été associés au processus de paix en cours et que l'armée indienne a récemment intensifié ses opérations sur le terrain. Ainsi, de nombreux responsables politiques du Cachemire ont été assassinés ces derniers mois. Aussi, la communauté internationale devrait-elle exhorter le Gouvernement indien à mettre fin aux violations des droits de l'homme au Cachemire et à favoriser un règlement pacifique du différend par un processus de paix assurant la pleine participation des représentants cachemiriens.

M. ANTONIO GONZALES (Conseil international de traités indiens) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur plusieurs situations critiques qui affectent les droits de l'homme des populations autochtones, en particulier en Amérique du Nord. Il a notamment mis l'accent sur la situation de la nation tribale de Pit River (Iss Ahwi), en Californie, dont les terres sacrées sont assiégées par la compagnie minière géothermique Calpine. Le représentant a également attiré l'attention sur la situation des Shoshone occidentaux, dans l'État du Nevada, dénonçant la loi dite de distribution des Shoshone occidentaux paraphée par le Président Bush, qui doit autoriser un paiement de 15 cents l'acre pour des dizaines de millions d'acres de terres faisant l'objet d'un différend au Nevada, en Idaho, en Utah et en Californie. Il a souligné que la grande majorité des conseils tribaux, représentant environ 80% des populations concernées, s'opposent à cette loi. Il faudrait que le Rapporteur spécial chargé des questions autochtones se penche sur ces deux situations, de même que sur la situation des populations ogoni, au Nigéria.

M. SHAUKAT UMER (Pakistan) a notamment déclaré que la réalisation des Objectifs de développement du millénaire est une condition essentielle de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Le représentant a ensuite regretté que l'on confonde souvent la lutte légitime contre l'occupation étrangère avec le terrorisme. Il a estimé que la communauté internationale et le système des Nations Unies ne sont malheureusement pas parvenus à mettre en place un mécanisme effectif permettant de libérer les peuples soumis à l'occupation étrangère. Une telle question devrait faire l'objet d'une attention particulière en vue de la recherche de solutions effectives. Le représentant a par ailleurs exprimé sa profonde préoccupation concernant l'image négative de l'islam et des musulmans, appelant de ses vœux la promotion d'une culture de tolérance et d'harmonie entre les civilisations. Le représentant a ensuite souligné la volonté de son gouvernement de protéger les droits des minorités présentes sur son territoire et d'éradiquer les sources d'extrémisme dans la société pakistanaise. Il a enfin affirmé que l'une des tâches importantes de la Sous-Commission consiste à explorer les moyens de faire face aux défis auxquels se trouve confrontée l'humanité en matière de droits de l'homme. À cet égard, il a souligné l'importance qu'il y a à mettre en œuvre une approche fondée sur les principes de la justice et de la sincérité. L'application des normes internationales relatives aux droits de l'homme doit tenir compte de la diversité culturelle, a estimé le représentant. Il a enfin affirmé que les institutions financières internationales, injustes et discriminatoires, doivent être réformées afin de mieux poursuivre les buts que la communauté internationale s'est fixés en matière d'éradication de la pauvreté et de développement.


Interventions d'experts de la Sous-Commission

M. EL HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, a rappelé que la paix que tous les peuples appellent de leurs vœux ne parvient pas à être réalisée depuis plus de 40 ans. On cherche à la définir et à la construire, mais chaque jour on s'en éloigne davantage, a-t-il déploré. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, une loi française de mai 1946 posait clairement les bases d'une paix individuelle et collective, soulignant que la paix est un droit pour l'individu et pour le peuple. Certains ont considéré qu'il n'était pas possible de donner à cette notion un contenu juridique et qu'il n'était que possible de constater que la paix était une situation de fait. Or, la paix sur laquelle repose le socle des Nations Unies a été considérée dans de nombreux pays comme étant une notion positive. Nous avons récemment assisté à l'apparition d'une nouvelle notion de guerre, appelée «guerre préventive». Aucun pays, aucun peuple n'est aujourd'hui à l'abri d'une telle guerre dite préventive, a averti M. Guissé. Sans autorisation préalable du Conseil de sécurité, a-t-il rappelé, les États-Unis ont commencé à bombarder l'Afghanistan en octobre 2001, l'ONU avalisant ce fait par la suite. En Iraq, la présence d'armes de destruction massive n'a jamais été prouvée et les Nations Unies ont fini par avaliser l'intervention dans ce pays. La paix ne saurait être gérée par un groupe; c'est un bien commun dont la gestion appartient à tous ceux qui la partagent, a souligné M. Guissé.

Depuis 40 ans, a poursuivi M. Guissé, l'Afrique lutte pour sortir de l'état de ruine économique dans laquelle elle est maintenue par différents facteurs. Depuis, une grande partie de la population africaine a été tuée et une autre partie s'est réfugiée dans des pays tiers. Les frontières qui nous ont été imposées par le colonisateur sont si imperméables que ceux qui ont essayé de les franchir ont été massacrés, a poursuivi M. Guissé. L'ethnicisme demeure encore en Afrique le support de foyers de tensions et de tueries, au point que certains États s'installent pour probablement longtemps dans l'instabilité. La trilogie paix/développement/respect des droits de l'homme reste incontournable et il faut en tenir compte sur le continent africain si l'on veut construire la paix, a conclu M. Guissé.

M. EMMANUEL DECAUX, expert de la Sous-Commission, a déclaré que le point de l'ordre du jour intitulé «question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans tous les pays» a été, est, et doit rester un des temps forts des travaux de la Sous-Commission. À cet égard, il a rappelé que la résolution 2004/60 de la Commission des droits de l'homme est tout à fait claire à cet égard. La Commission demande une nouvelle fois à la Sous-Commission de ne pas adopter de résolution ou déclaration visant des pays spécifiques, mais en même temps, elle considère «que la Sous-Commission devrait pouvoir continuer à débattre de situations dont la Commission n'est pas saisie et à examiner des questions urgentes concernant des violations graves des droits de l'homme dans n'importe quel pays». C'est un exercice difficile mais nécessaire de faire ce bilan annuel de l'état des droits de l'homme dans le monde, avec ses ombres et lumières, a déclaré l'expert, soulignant que la seule boussole dans cette mission collective est la boussole des droits de l'homme. M. Decaux a affirmé que la situation en matière de droits de l'homme semble moins noire que celle de l'an dernier, avec le tragique attentat du 19 août 2003 ayant coûté les vies de Sérgio Viera de Mello et des membres de la Mission des Nations Unies à Bagdad. En effet, la liberté de l'information, sujet dont la Sous-Commission ne parle pas suffisamment, a joué un rôle décisif pour révéler des situations inacceptables même si dans trop de pays, elle reste bâillonnée. L'expert s'est par ailleurs réjoui de l'arrêt rendu par la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire Rahul contre Bush qui a permis de faire sortir les détenus de Guantanamo Bay du no man's land juridique où ils étaient privés de tout droit, et d'abord du droit à un juge.

Mais, combien existe-t-il encore de Guantanamo inconnus, de prisons secrètes à travers le monde, s'est demandé M. Decaux? Il a par ailleurs salué les victoires de la justice internationale avec la décision par laquelle la Cour internationale de justice demande aux États-Unis de réparer la violation de la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963 en offrant des garanties de recours à la cinquantaine de mexicains se trouvant dans le «couloir de la mort». Toutefois, le droit à la vie reste bafoué à travers le monde, la crise du Darfour est le dernier exemple d'enchaînement fatal où, malgré tous les avertissements et l'engagement des grandes puissances, le temps est de plus en plus compté. Face à toutes les menaces et à toutes les crises, le droit doit demeurer la sauvegarde des droits de l'homme.

M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert de la Sous-Commission, a déclaré que depuis la précédente session de la Sous-Commission, d'importants événements se sont produits à travers le monde qui vont incontestablement influer sur les travaux de cette instance. Lorsqu'on parle de violations des droits de l'homme, on parle d'actes de génocide, de persécutions, de violations massives de droits de l'homme dans le cadre de conflits armés, de meurtres de civils et de torture, a rappelé l'expert. Un grand nombre de ces violations sont commises sous prétexte de préserver les intérêts de la communauté mondiale; mais nous savons tous très bien que ces violations sont motivées par les intérêts nationaux extrêmement égoïstes d'un petit groupe d'États, a déclaré M. Kartashkin. Le plus important, pour la Sous-Commission et pour l'ONU, est non pas seulement de constater et relever ces violations, mais de prendre des mesures pour les prévenir, de manière à éviter le décalage entre les principes et la pratique. Il convient donc, tout en élaborant de nouvelles normes, de nouveaux traités et conventions, de veiller à leur application, tout en recommandant à la Commission d'adopter des décisions visant à prévenir les violations des droits de l'homme.

M. Kartashkin a salué l'initiative du Secrétaire général des Nations Unies visant l'élaboration d'un protocole facultatif sur la prévention du crime de génocide. Il a également salué l'initiative visant à ce que soit étudiée la possibilité d'élaborer un protocole au Pacte international relatif aux droits civils et politiques concernant les droits des minorités et les normes applicables en cas de violation de ces droits. M. Kartashkin a préconisé une action de la Sous-Commission visant à assurer la ratification universelle des traités internationaux. Il serait judicieux que la Sous-Commission lance un appel au Haut-Commissaire aux droits de l'homme afin que soit examinée la possibilité d'organiser un séminaire ou une conférence internationale en vue de déterminer des mesures susceptibles de prévenir les violations des droits de l'homme.

M. JOSÉ BENGOA, expert de la Sous-Commission, a pour sa part estimé que l'année écoulée n'a pas été une bonne année en matière de droits de l'homme. En effet, on a assisté à des reculs manifestes en matière de droits de l'homme, avec notamment l'attentat contre la Mission des Nations Unies à Bagdad, le meurtre de nombreux défenseurs des droits de l'homme dans le monde, la pratique massive de la torture, ou encore la poursuite de conflits déjà anciens et qui semblent interminables. Face à de tels événements, c'est le sentiment d'impuissance qui prédomine, a noté M. Bengoa. Toutefois, seule la défense acharnée des droits de l'homme doit nous guider, a-t-il insisté.

M. Bengoa a ensuite souligné les risques de malentendu qui peuvent découler de la discussion relative au point de l'ordre du jour relatif à la question de la violation des droits de l'homme dans tous les pays. Il s'est demandé s'il était justifié de procéder à un travail de dénonciation alors qu'un suivi des situations dénoncées est impossible. Évoquant sa présence en Espagne peu après l'attentat du 11 mars dernier, M. Bengoa a estimé que la situation mondiale actuelle est comparable à celle d'une guerre non déclarée, reposant sur des causes multiples et très complexes. Dans ce contexte, il a estimé que l'étude de l'impact de la mondialisation sur l'ensemble des droits de l'homme commandée par la Commission des droits de l'homme représente un grand défi. En effet, a rappelé M. Bengoa, cette étude ne concernait jusque là que les droits économiques, sociaux et culturels. L'expert a enfin déclaré que dans un monde de plus en plus interdépendant, où les opinions publiques informées par les médias exigent des organismes internationaux qu'ils réagissent de manière efficace aux situations et ne se contentent plus de se lamenter sur les tragédies en matière de droits de l'homme, comme en ce qui concerne le Soudan, il importe de trouver tous les moyens d'agir de façon efficace.

M. IBRAHIM SALAMA, expert de la Sous-Commission, a relevé que l'on assiste actuellement à une détérioration de la situation des droits de l'homme eu égard, notamment, à la gravité des violations commises, aux tentatives de justifier ces violations et à la contagion du non-droit découlant d'une confusion entre la résistance et l'agression. M. Salama a mis l'accent sur l'importance d'écouter les tiers parler de situations critiques de pays, afin d'essayer de dégager des points communs à toutes ces situations afin d'élaborer ensuite des normes adéquates. Il a suggéré que la Sous-Commission pourrait créer un petit groupe chargé de se pencher sur l'établissement d'une liste de paramètres et principes directeurs afin d'améliorer l'approche de la Sous-Commission en matière de promotion et de protection des droits de l'homme.

La société civile a un rôle important à jouer et il faut réfléchir aux moyens de canaliser la richesse des expériences apportées par les organisations non gouvernementales, entre autres, a poursuivi M. Salama. Les ONG devraient revoir la manière dont elles appréhendent leurs interventions devant la Sous-Commission dans la mesure où cette instance n'est pas politique puisqu'elle est composée d'experts et non d'États comme la Commission. Une telle démarche de la part des ONG permettrait à la Sous-Commission elle-même de s'adapter au point de l'ordre du jour consacré à la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. Salama a estimé que le fait que la Sous-Commission ait perdu la capacité de traiter directement de la situation par pays ne diminue pas son rôle.

M. MARC BOSSUYT, expert de la Sous-Commission, a estimé que l'on peut douter du fait que les victimes des violations des droits de l'homme soient les bénéficiaires des nouvelles règles imposées par la Commission des droits de l'homme relativement au point 2 de l'ordre du jour de la Sous-commission. En revanche, a-t-il souligné, les gouvernements qui violent les droits de l'homme peuvent en être les plus satisfaits. En outre, il s'est demandé comment, en allouant un temps de parole de 10 minutes aux membres de la Sous-Commission pour aborder la question de la violation des droits de l'homme dans tous les pays, ces derniers pourraient échapper à la critique. Comment dans ces conditions ne pas être incomplet, déséquilibré et sans nuances ?

M. Bossuyt a émis l'espoir que le peuple irakien pourra retrouver rapidement, avec sa souveraineté, la sécurité et le respect des droits de l'homme auquel il a droit. Il a par ailleurs souligné la détérioration de la situation au Moyen Orient ces dernières années. Seule une modification de la politique des parties en cause et un engagement plus résolu de la communauté internationale pourrait conduire à un règlement mutuellement acceptable. Il a en outre affirmé que la communauté internationale doit tenir le gouvernement soudanais pour responsable de la situation actuelle au Darfour et lui demander de faire en sorte que les milices ne puissent plus sévir impunément. M. Bossuyt a également estimé qu'il convient de rester attentif à la situation en République démocratique du Congo où le désordre, la guerre, les maladies et la pauvreté ont fait d'innombrables victimes. Enfin, l'expert a émis l'espoir que les accords d'Arusha permettront bientôt de restaurer la paix au Burundi.

M. DAVID RIVKIN, expert de la Sous-Commission, a souligné que la guerre crée toute une série de problèmes graves. La guerre c'est l'enfer, a-t-il insisté. Il a en outre dénoncé les régimes et gouvernements tyranniques qui oppriment leurs peuples. La plupart des agresseurs et tyrans s'intéressent à la paix, mais à une paix selon leurs propres termes. Certains gouvernements violent les droits de l'homme de façon systématique; mais le problème nouveau est celui des acteurs non étatiques qui parviennent à se livrer à des actes d'agression et de destruction et à commettre des violations de droits de l'homme. Il s'agit de forces du nihilisme et du désordre dont certaines ne cherchent même pas à trouver de justification à leurs actes. Il convient de condamner les méthodes et techniques utilisées par ces forces car le droit international a toujours souligné qu'aussi noble que soit un idéal, les lois et procédures ne sauraient être violées.

Des groupes basés en Afghanistan ont agressé les États-Unis le 11 septembre 2001; il s'agissait là d'un acte d'agression sans provocation, a tenu à souligner M. Rivkin. Or, les États ont le droit de se défendre et ce, sans autorisation expresse du Conseil de sécurité des Nations Unies; c'est ce qu'ont fait les États-Unis après le 11 septembre, a rappelé M. Rivkin. Il s'est dit certain que personne ne versera de larmes en constatant que les talibans n'existent plus. On pourrait faire des remarques semblables s'agissant de l'Iraq, a ajouté l'expert.

MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a souligné l'intensification des menaces et des attaques des forces paramilitaires contre les défenseurs des droits de l'homme, les militants de la paix et les syndicalistes en Colombie au cours de l'année 2003. En dépit du cessez-le-feu de décembre 2002, a-t-elle expliqué, les forces paramilitaires ont continué de perpétrer massacres, assassinats, disparitions, actes de torture et prises d'otages. Mme Hampson a déclaré qu'il apparaît que de tels actes sont commis avec la complicité de l'armée colombienne. Elle a estimé que de tels faits attestent de l'existence de violations constantes des droits de l'homme dans ce pays. L'experte a ensuite abordé la question de la violation des droits de l'homme en Indonésie, dénonçant l'exécution sommaire d'un citoyen de la province d'Aceh par les forces de sécurité indonésiennes agissant dans le cadre de la loi martiale décrétée par le Président Megawati Sukarnoputri en mai 2003. Lors de raids effectués par les forces de sécurité dans des villages, de jeunes hommes ont été tués publiquement a-t-elle ajouté. Plusieurs organisations non gouvernementales ont été inscrites sur une liste noire et leur responsables menacés de peine de mort, afin de les dissuader de rassembler des informations sur ces évènements. L'experte a en outre souligné qu'aucune charge n'a été retenue à l'encontre des membres des forces de sécurité qui se sont rendus coupables de tels actes. Mme Hampson a enfin abordé la situation en Ouzbékistan, où le Rapporteur spécial sur la torture a pu constater le recours systématique à cette pratique.

Mme Hampson a fait observer que les violations des droits de l'homme commises en Colombie, en Indonésie et en Ouzbékistan sont justifiées dans chacun de ces pays par leurs autorités respectives, comme étant nécessaires au regard de la lutte antiterroriste. L'experte a enfin abordé la question du transfert de personnes d'un État à un autre par l'intermédiaire d'un État intermédiaire. À cet égard, Mme Hampson a rappelé qu'aucun État ne peut légalement transférer un prisonnier vers un autre État où il est susceptible d'être soumis à des actes de torture.

M. ABDUL SATTAR, expert de la Sous-Commission, s'est dit certain que chacun, parmi les observateurs à la Sous-Commission, comprend bien quel est le mandat de la Sous-Commission. S'agissant de la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les points de vue exprimés par les observateurs sont consignés dans les comptes rendus analytiques, a-t-il souligné. Rappelant la baisse de participation des organisations non gouvernementales enregistrée lors de la dernière session de la Sous-Commission, il a souligné que si les ONG s'abstenaient de participer à ses travaux, cela constituerait une grande perte pour la Sous-Commission. Il a exhorté les ONG à continuer à contribuer aux travaux de la Sous-Commission. À ceux qui préconisent que la Sous-Commission s'intéresse tout particulièrement aux violations des droits de l'homme commises à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme, il a dit craindre qu'une telle activité de la Sous-Commission ne fasse double emploi avec les efforts déjà déployés en la matière, notamment par la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la question des défenseurs des droits de l'homme.

M. Sattar a par ailleurs mis l'accent sur l'intérêt qu'il y aurait pour les instances appropriées d'enquêter sur les causes profondes de l'explosion de violence au Darfour soudanais. Il faut espérer que le système des Nations Unies pourra trouver une solution afin que les personnes déplacées puissent bénéficier d'une mesure d'aide dans leur pays d'origine sans être obligées de fuir au Tchad voisin.

M. PAULO SÉRGIO PINHEIRO, expert de la Sous-Commission, a rappelé que les violations de droits de l'homme sont commises dans tous les pays, même si les problèmes sont différents. Il serait très difficile de parler de violations des droits de l'homme sans nommer de pays, a-t-il par ailleurs déclaré. Il a relevé que des violations de droits de l'homme sont commises dans le cadre d'interventions humanitaires lorsque des États exercent un droit d'ingérence. Il est essentiel que la Sous-Commission accorde la plus grande attention à ce qui lui est communiqué par les organisations non gouvernementales, a poursuivi M. Pinheiro. Ces dernières ont un rôle remarquable à jouer au sein de la Sous-Commission, a-t-il insisté.

M. Pinheiro a appuyé les suggestions avancées par certains de ses collègues visant la création de mécanismes de prévention et la création d'un petit groupe d'experts chargé de se pencher sur la manière dont la Sous-Commission doit appréhender le point de l'ordre du jour consacré à la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

MME CHIN SUNG CHUNG, experte de la Sous-Commission, a abordé la question de la traite des êtres humains, soulignant que ce phénomène croissant représente actuellement l'un des problèmes les plus graves en matière de violations droits de l'homme. Elle s'est félicitée de la résolution 2004/45 adoptée lors de dernière session de la Commission des droits de l'homme, qui prie tous les organes des Nations Unies de se saisir de la question et demande aux gouvernements d'en faire de même. L'experte a rappelé que la pauvreté, la faim, la maladie, sont autant facteurs qui peuvent conduire à la traite des êtres humains, particulièrement celle des femmes et des enfants. Chaque État, a-t-elle déclaré, doit se doter de lois pénales permettant de réprimer les responsables de la traite.

En dépit des initiatives prises par la communauté internationale, la situation ne s'est pas améliorée et le monde n'est toujours pas en mesure de lutter efficacement contre ce phénomène, a poursuivi Mme Chung. Il importe d'assurer une meilleure coordination et une meilleure cohérence des différents organes des Nations Unies intéressés par la traite des êtres humains. La plupart des organisations cherchent à sensibiliser l'opinion à ce phénomène mais ne peuvent pas vraiment s'attaquer à ses causes profondes. Aussi, a affirmé l'experte, la communauté internationale doit-elle redoubler d'efforts pour s'attaquer aux origines de la traite en menant des études sur ce sujet et en favorisant l'adoption de mesures contraignantes par les États. La Sous-Commission, a-t-elle déclaré, doit continuer à étudier les causes du phénomène de la traite, les moyens de la prévenir et la définition de mécanismes spéciaux pour lutter contre la traite.

M. GUDMUNDUR ALFREDSSON, expert de la Sous-Commission, a souligné qu'au titre de la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il est important de continuer d'offrir aux organisations non gouvernementales la possibilité d'exprimer leurs préoccupations. Il n'en demeure pas moins que cette question a vu son importance et son rôle se réduire dans le cadre des délibérations de la Sous-Commission; cela est dû non seulement aux directives de la Commission en la matière mais aussi à la multiplication des autres procédures de surveillance qui s'est produite dans le domaine des droits de l'homme ces dernières années.

Pratiquement toutes les violations de droits de l'homme auxquelles se sont référées les ONG au titre de ce point sont couvertes par des procédures déjà existantes, a relevé M. Alfredsson. Or, la Sous-Commission n'est pas chargée de répéter ce qui est déjà fait dans d'autres instances ou par d'autres organes. Il s'agit pour la Sous-Commission de savoir si les normes internationales existantes sont suffisantes et suffisamment efficaces. Aussi, la suggestion avancée ce matin par un expert de créer un petit groupe de travail chargé de se pencher sur ces questions semble très judicieuse, a estimé M. Alfredsson. Il pourrait ainsi être utile, au titre de ce point de l'ordre du jour, de traiter non plus seulement des points négatifs mais aussi des aspects positifs de la situation et de l'évolution des droits de l'homme dans différents pays.

M. MOHAMED HABIB CHERIF, expert de la Sous-Commission, a affirmé que la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans tous les pays est l'un des points de l'ordre du jour les plus importants de la Sous-Commission. Il a estimé que les organisations non gouvernementales qui ont pris la parole hier ont fourni des exemples édifiants de violations qui peuvent susciter un sentiment d'impuissance et de pessimisme. Toutefois, il est nécessaire d'aborder cette question avec lucidité et en gardant à l'esprit que, face à toutes les menaces, c'est le droit qui doit demeurer le moyen de protéger et de promouvoir des droits de l'homme. Il faut promouvoir dans tous les pays l'édification de l'État de droit, sentier le plus sûr pour des lendemains meilleurs pour toute l'humanité.

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