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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

LA SOUS-COMMISSION SE PENCHE SUR LES QUESTIONS RELATIVES A L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE, L'ETAT DE DROIT ET LA DEMOCRATIE

10 août 2004



10 août 2004


Elle est saisie de rapports sur les crimes de violence sexuelle,
les femmes en prison, l'application universelle des traités


La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a examiné, cet après-midi, les questions relatives à l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie. Elle a été saisie dans ce cadre de rapports sur la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle; les femmes en milieu carcéral; et l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. Des dialogues interactifs ont suivi la présentation de ces rapports. Plusieurs experts ont commenté ces rapports et neuf organisations non gouvernementales ont fait des déclarations dans le cadre du débat général.

Mme Lalaina Rakotoarisoa a rappelé qu'il est extrêmement complexe d'enquêter sur les violences sexuelles, étant donné que les allégations reposent surtout sur le discours de la victime présumée et que ce n'est que rarement que d'autres éléments viennent corroborer la parole des victimes. Le manque de preuves conduit directement à l'impunité de l'auteur de l'acte de violence sexuelle, a-t-elle souligné, ajoutant que, ces dernières années, le nombre de victimes de violence sexuelle n'a pas cessé d'augmenter.

Mme Florizelle O'Connor a notamment indiqué que son document de travail sur les femmes en milieu carcéral donne un aperçu de ceux que l'on pourrait appeler «les oubliés» que sont les femmes en milieu carcéral et les enfants dont les mères sont incarcérées, ou qui se trouvent en prison avec leur mère, des catégories dont on parle peu. Si cette étude devait se poursuivre, a suggéré Mme O'Connor, il serait notamment judicieux de se pencher sur la nécessité de contrôler plus systématiquement les règlements et lois régissant la détention des prisonniers ainsi que sur la question du lien qui existe entre le trafic de drogues et le nombre croissant de femmes emprisonnées.

Le Rapporteur spécial sur l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, M. Emmanuel Decaux, présentant son rapport préliminaire, a souligné que le mandat qui lui a expressément été donné vise à dépasser tout dualisme juridique pour prendre en compte l'application des engagements internationaux, au-delà des aspects formels du droit des traités, et s'attacher au caractère effectif des droits de l'homme.

Au cours des dialogues interactifs faisant suite à la présentation de ces rapports, les membres suivants du Comité ont pris la parole: M. El Hadji Guissé, Mme Yoko Hayashi, M. Mohamed Habib Chérif, Mme Françoise Jane Hampson, M. Vladimir Kartashkin, M. Miguel Alfonso Martínez, Mme Iulia-Antoanella Motoc, M. Lee A. Casey et M. Ibrahim Salama.

Le représentant du Comité consultatif mondial de la société des amis (Quakers) a également pris la parole dans ce cadre.

Dans le cadre du débat général sur l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie, les représentants des organisations non gouvernementales suivantes ont fait des déclarations: Agir ensemble pour les droits de l'homme (au nom également de l'Association internationale contre la torture); Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH); Parti radical transnational; Commission internationale de juristes; Franciscain international; Interfaith International; Avocats du Minnesota pour les droits de l'homme; Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; et International Educational Development.

La Sous-Commission a par ailleurs entendu Mme Ruth Hahn-Weinert, responsable de la Bibliothèque de l'Office des Nations Unies à Genève, qui a présenté l'historique, le contenu et le fonctionnement de la Bibliothèque.


La Sous-Commission poursuivra demain matin, à 10 heures, l'examen des questions relatives à l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie.


Présentation de rapports au titre de l'administration de la justice, de l'État de droit et de la démocratie

Présentant son document de travail augmenté sur la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de violences sexuelles, MME LALAINA RAKOTOARISOA, experte de la Sous-Commission, a rappelé qu'il est extrêmement complexe d'enquêter sur les violences sexuelles, étant donné que les allégations reposent surtout sur le discours de la victime présumée et que ce n'est que rarement que d'autres éléments viennent corroborer la parole des victimes. L'existence de témoins est rare, voire impossible, a-t-elle ajouté. L'absence ou le manque de preuves conduit directement à l'impunité de l'auteur de l'acte de violence sexuelle. Mme Rakotoarisoa a par ailleurs souligné que ces dernières années, le nombre de victimes de violence sexuelle n'a pas cessé d'augmenter. Mme Rakotoarisoa a évoqué la création d'une banque de données contenant des fichiers automatisés d'empreintes des personnes condamnées pour violences sexuelles. Elle a aussi évoqué l'extraterritorialité de la compétence des juridictions en matière de tourisme sexuel. Cette extension de compétence, note-t-elle, se heurte toutefois à des difficultés liées aux différences linguistiques, culturelles ainsi qu'au système légal se rapportant à la preuve. Le document de travail aborde également les questions du syndrome de la mémoire retrouvée, de la difficulté de preuve des violences et abus sexuels commis durant les périodes de garde à vue. Mme Rakotoarisoa a affirmé qu'une meilleure coordination entre toutes les entités des Nations Unies travaillant sur les droits des femmes et des enfants et l'administration de la justice s'avère nécessaire pour plus d'efficacité dans les actions. Le renforcement des contacts entre tous les acteurs qui luttent contre les violences sexuelles, y compris la société civile, est nécessaire, a-t-elle souligné.

Dans son document de travail augmenté sur la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle (E/CN.4/Sub.2/2004/11), Mme Lalaina Rakotoarisoa passe en revue les formes et les causes des violences et abus sexuels. Elle se penche sur la hausse constatée dans le nombre d'enquêtes ouvertes et d'incidents signalés, que ce soit par des enfants, des femmes, des victimes ou des témoins, en gardant à l'esprit les besoins spécifiques de ces personnes. Elle traite de la recherche d'éléments de preuve – y compris ceux de nature médico-légale -, des règles de preuve, de l'attitude des autorités chargées de l'enquête, de la création d'une base de données génétiques sur les condamnés pour infraction sexuelle, des règles de procédure pénale et civile, y compris de la compétence extraterritoriale en matière de tourisme sexuel, avant de se pencher sur les abus sexuels dans les lieux de détention, l'exploitation sexuelle en tant que vecteur du sida et la question de la pédophilie et de la cybercriminalité. Mme Rakotoarisoa examine enfin la question de la protection des témoins et des victimes avant, pendant et après la procédure, les règles relatives à la divulgation de l'identité des suspects et des victimes et la nécessité de garantir les droits de la défense. L'experte conclut que, pour lutter contre les violences et abus sexuels, il conviendrait de revoir les modes de recherche de preuves et les systèmes judiciaires et de les harmoniser en tenant compte des meilleures pratiques. Elle souligne qu'une coopération judiciaire internationale plus poussée s'impose, en particulier en matière de compétence extra-territoriale et de cybercriminalité. Mme Rakotoarisoa recommande une meilleure coordination entre les organismes du système des Nations Unies, pour plus d'efficacité dans la lutte contre les violences et abus sexuels.


Dialogue interactif

M. EL-HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, a félicité Mme Rakotoarisoa pour avoir fait le tour de la question faisant l'objet de son document de travail en posant sans ambiguïté tous les problèmes liés aux crimes de violence sexuelle, ouvrant la porte aux enquêtes et aux sanctions contre ce type de violence. La preuve en matière de violence sexuelle ne saurait incomber à une personne incapable, du fait de son âge, ou ne jouissant pas de ses facultés mentales, a notamment souligné M. Guissé. Il appartient à l'auteur présumé de cette violence de prouver qu'il n'est pas responsable de la violence dont il est accusé, a-t-il estimé. Dans beaucoup de pays, l'impunité est en rapport avec la corruption, a-t-il souligné. M. Guissé a relevé que dans certains pays, la violence sexuelle est un simple délit qui ne cadre en rien avec la gravité des faits en cause.

MME YOKO HAYASHI, experte de la Sous-Commission, s'est demandée s'il ne faudrait pas réviser la notion de viol. Certains pays le définissent comme un crime au cours duquel les coupables sont parvenus à surmonter la résistance de la victime, a-t-elle fait observer. Elle a mis l'accent sur l'incompréhension dont font preuve des juges qui se demandent souvent pourquoi la femme n'a pas résisté contre les violeurs. Les opinions divergent, dans le public, pour ce qui est de savoir si un traitement psychologique est efficace et peut servir à prévenir la commission de crimes futurs, a par ailleurs relevé Mme Hayashi. Elle a recommandé à Mme Rakotoarisoa de poursuivre son étude en se penchant notamment sur l'efficacité et l'utilité de traitement médicaux ou psychologiques pour les auteurs de crimes sexuels.

M. MOHAMED HABIB CHÉRIF, expert de la Sous-Commission, a souligné l'utilisation du viol comme arme dans des conflits récents. Il a souligné la nécessité d'assurer une protection effective des témoins contre des représailles possibles. Il a en outre affirmé que le droit de la femme de disposer de son corps doit être approché avec beaucoup de prudence afin de ne pas s'immiscer dans la vie privée des couples. Il serait bienvenu de faire une étude sur cette question.

MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a pour sa part rappelé que le recours au viol comme arme de guerre existe depuis que les hommes et les femmes existent.

MME RACHEL BRETT (Comité consultatif mondial de la société des amis - Quakers) s'est félicitée que le document de travail de Mme Rakotoarisoa prenne en compte la situation des femmes en prison. Elle a souligné la nécessité pour les établissements pénitentiaires de se doter de systèmes de supervision convenables et d'offrir des voies de recours indépendantes aux femmes détenues. Les prisonniers de sexe féminin sont particulièrement vulnérables, a souligné la représentante, et ont encore moins de chances que les autres d'être crues lorsqu'elles dénoncent des abus sexuels.


Présentation du rapport sur l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme

M. EMMANUEL DECAUX, Rapporteur spécial sur l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, a relevé que la Sous-Commission, en visant «l'application universelle» des traités, a élargi le sujet qui comporte ainsi un volet international et un volet interne. Le mandat expressément donné au Rapporteur spécial vise donc à dépasser tout dualisme juridique pour prendre en compte l'application des engagements internationaux, au-delà des aspects formels du droit des traités, pour s'attacher au caractère effectif des droits de l'homme, a souligné M. Decaux.

La définition du champ de l'étude fait l'essentiel du rapport préliminaire qui précise les enjeux juridiques de la matière, a-t-il indiqué. M. Decaux a déclaré qu'il récusait la notion de traités de base (ou core instruments en anglais), laquelle lui semble arbitrairement sélective, sur le plan des principes, et dangereuse en pratique, en laissant dans l'ombre nombre d'instruments tout aussi importants. Le Rapporteur spécial a distingué trois aspects de la mobilisation en faveur de la ratification universelle des traités relatifs aux droits de l'homme: d'abord la pratique institutionnelle, dans le cadre des Nations Unies et du rôle de dépositaire du Secrétaire général, mais également les résolutions des organes principaux et subsidiaires; ensuite la pratique conventionnelle, à travers les conférences des États parties et l'activité des comités conventionnels; enfin, la pratique diplomatique, de plus en plus intense, avec un dialogue fructueux sur les droits de l'homme.

À un stade plus avancé de l'étude, a poursuivi M. Decaux, il conviendra de s'interroger sur la dynamique de la ratification universelle, non pour faire de la ratification formelle une fin en soi, mais au contraire, pour envisager l'application universelle des traités, dans toutes ses dimensions. À côté de questions théoriques sur la dualité des sources juridiques en matière de droits de l'homme (sources conventionnelles et sources coutumières, sources internationales et sources internes), c'est l'effectivité des droits de l'homme qui est en cause, a insisté le Rapporteur spécial.

Dans son rapport préliminaire sur l'application universelle des instruments relatifs aux droits de l'homme (E/CN.4/Sub.2/2004/8), M. Decaux précise que la réflexion doit se situer sur deux plans indissociables. Celui des obligations internationales des États au regard du droit international public, et celui de la mise en œuvre effective de ces engagements, en droit interne et en pratique, sur le plan interne. M. Decaux précise que le mandat confié au Rapporteur spécial vise donc à dépasser tout dualisme juridique pour prendre en compte l'application des engagements internationaux, au delà des aspects formels du droit des traités, pour s'attacher aux caractères effectifs des droits de l'homme. Le rapport préliminaire esquisse plusieurs pistes de travail, dans une démarche qui se veut ouverte et souple, en tenant compte des débats au sein de la Sous-Commission. Le Rapporteur spécial envisage d'aborder à l'avenir deux grands volets, en consacrant l'étude non seulement à la ratification universelle des traités, mais également à l'application universelle des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.


Dialogue interactif

M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert de la Sous-Commission, a souligné que M. Decaux, dans son rapport préliminaire, pose différentes questions théoriques qui constituent une excellente base pour la suite de ses travaux. Il tente de répondre à la question de savoir à quel moment les instruments internationaux deviennent universels, c'est à dire qu'ils lient des États qui ne les ont pas ratifiés. Les avis sont divisés concernant la doctrine à cet égard, et M. Kartashkin a souhaité connaître le point de vue du rapporteur lui-même. M. Kartashkin a ensuite abordé la question de la définition de «traité de base», soulignant que le critère essentiel de ce point de vue est la création d'un organe de surveillance. Que doit-on faire lorsque les États parties à des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ne présentent pas leurs rapports ? Là encore, la question est complexe, a souligné l'expert, qui a souhaité bonne chance à M. Decaux pour son prochain rapport.

M. MIGUEL ALFONSO MARTÍNEZ, expert de la Sous-Commission, a souligné la complexité des questions juridiques en jeu dans cette étude. L'expert a souligné la tendance à l'érosion progressive de la théorie internationale de la souveraineté des États qui s'illustre à travers les travaux quotidiens de l'ONU. L'idée de consacrer l'universalité de certains traités et donc, leur application à des États qui ne l'ont pas dûment ratifié s'inscrit clairement dans cette tendance. Il y a donc des États à qui on demande des comptes alors qu'ils ne sont pas parties à un traité.

MME IULIA-ANTOANELLA MOTOC, experte de la Sous-Commission, a estimé que l'étude qui a été confiée à M. Decaux au sujet de l'universalité des traités constitue l'un des plus importants travaux dont la Sous-Commission soit saisie depuis des années. Parmi les questions controversées, figure celle consistant à savoir où se trouvent, où sont énoncés, les droits de l'homme. De plus en plus, les instruments internationaux comportent une perspective soucieuse des droits de l'homme, a-t-elle en effet souligné. Abordant la question de la hiérarchie des normes, Mme Motoc a par ailleurs déclaré qu'il semble que la notion de erga omnes ne soit pas la même que celle de jus cogens. Si les droits de l'homme sont indivisibles, cela n'empêche pas qu'il y ait une hiérarchie entre eux, déterminée par exemple par le jus cogens, a-t-elle précisé.

MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, s'est dite d'accord avec la méthode retenue par M. Decaux dans le cadre de son rapport sur l'universalité des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. Elle s'est demandée si, dans le contexte des micro-États, il ne serait pas possible d'envisager des institutions régionales plutôt que des institutions nationales de droits de l'homme. Mme Hampson a rappelé que le droit à un recours utile figure dans tous les traités et que cela signifie qu'il faut garantir une application nationale des droits énoncés dans ces instruments.

M. LEE A CASEY, expert de la Sous-Commission, a appuyé les propos de M. Alfonso Martínez sur la souveraineté de l'État. Nous devons toujours tenir compte du fait que les traités sont d'abord des obligations contractuelles auxquelles souscrivent les États.

M. IBRAHIM SATTAR, expert de la Sous-Commission, a affirmé que M. Decaux doit être conscient que cette étude pourrait nous écarter de l'universalité au lieu de nous en rapprocher. Il a rappelé le principe de l'indivisibilité des droits de l'homme qui peut être interprétée de façon extensive pour présumer de l'universalité d'un traité qui n'existe pas en réalité.

M. EMMANUEL DECAUX, expert de la Sous-Commission, a affirmé que la pierre angulaire du droit international reste le principe de souveraineté des États. On pourrait peut-être distinguer deux types d'universalité, a souligné l'expert. Une universalité quantitative, dont on est proche avec la Convention relative aux droits de l'enfant, et une universalité qualitative. On pourrait également distinguer des obligations conventionnelles découlant de traités et des obligations institutionnelles, dans le fil de la charte des Nations Unies. M. Decaux a souligné la nécessité pour l'étude de ne pas faire double emploi avec les mécanismes de surveillance des traités.


Présentation du document de travail sur les femmes en milieu carcéral

MME FLORIZELLE O'CONNOR, experte de la Sous-Commission, a notamment indiqué que son document de travail sur les femmes en milieu carcéral donne un aperçu de ceux que l'on pourrait appeler «les oubliés». En effet, fort peu de référence a été faite jusqu'ici aux droits des femmes en milieu carcéral et aux droits des enfants dont les mères sont incarcérées ou qui se trouvent en prison avec leur mère. Ces personnes ont le droit d'être protégées contre tout traitement cruel, inhumain ou dégradant, notamment contre tout abus sexuel, et ont le droit de bénéficier de soins de santé, a notamment souligné l'experte. Elles sont confrontées à des problèmes d'hygiène et ne bénéficient que de peu de visites de membres de leurs familles, ce qui ne fait que les enfoncer un peu plus dans un monde du silence, a-t-elle poursuivi. Elle a préconisé que tout le personnel pénitentiaire reçoive une formation adéquate. Si cette étude devait se poursuivre, il serait judicieux de se pencher sur la nécessité de contrôler plus systématiquement les règlements et lois régissant la détention des prisonniers, a estimé Mme O'Connor. Elle a en outre indiqué qu'il serait judicieux de se pencher plus avant sur la question du lien qui existe entre le trafic de drogues et le nombre croissant de femmes emprisonnées.

Le document de travail sur les femmes en milieu carcéral (E/CN.4/Sub.2/2004/9) relève que les femmes constituent un pourcentage relativement faible de la population carcérale à l'échelle mondiale mais que, dans certains États, ce pourcentage est en augmentation. Mme O'Connor relève en outre qu'un pourcentage non négligeable de femmes détenues sont mères ou ont des enfants à leur charge. Elle appelle l'attention sur le surpeuplement des sections réservées aux femmes dans certains établissements, avec les conséquences qui en résultent pour l'hygiène, et remarque que le problème de la surpopulation carcérale se pose aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. Elle souligne le manque de programmes de formation adéquats pour le personnel pénitentiaire travaillant avec les détenues. Elle traite des problèmes que rencontrent les femmes dans les établissements mixtes, notamment les risques de violence grave et d'agression sexuelle inhérents à ce type d'établissement, ainsi que le risque accru de contamination par le VIH/sida et d'autres maladies sexuellement transmissibles. Mme O'Connor examine également l'incidence que l'incarcération des femmes a sur la famille et aborde les problèmes liés aux conditions dans lesquelles se déroulent les visites de l'entourage. Elle évoque la question des enfants qui vivent avec leur mère en prison et examine la pratique de différents États en la matière, notamment en ce qui concerne la prise en charge des enfants dans les établissements pour femmes. Dans ses conclusions préliminaires, Mme O'Connor constate que la situation des femmes détenues, telle qu'elle ressort de son document de travail, fait apparaître des violations flagrantes de la quasi-totalité des principes acceptés en matière de droits de la personne. Elle recommande aux États d'envisager de façon plus systématique des solutions autres que l'incarcération pour les femmes et de faire en sorte qu'une formation - portant Ó la fois sur les compÚtences professionnelles et sur les tÔches maternelles - soit intÚgrÚe dans les programmes Ó l'intention des dÚtenues.

M. FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a souligné qu'il existe une tendance au renversement de la charge de la preuve pour ce qui est du traitement des violences sexuelles au niveau européen. Une autre tendance utile du raisonnement juridique, a indiqué Mme Hampson, est la jurisprudence du Tribunal pénal international pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie qui a pu reconnaître que, dans certains cas, lorsque l'environnement a une nature coercitive, le terme de consentement revêt un sens particulier, même lorsqu'il n'y a pas eu usage de la force. Il serait donc utile de regrouper des éléments épars du droit international a estimé Mme Hampson à l'endroit de Mme O'Connor.

MME RACHEL BRETT (Comité consultatif mondial de la société des amis - Quakers) a salué le premier document de travail présenté par Mme O'Connor. Elle a attiré l'attention de la Sous-Commission sur la particularité de la situation des populations autochtones. Elle a souhaité qu'il soit tenu compte dans l'étude, des problèmes particuliers des femmes autochtones, des mères emprisonnées et des délinquantes juvéniles.


Débat sur l'administration de la justice, l'État de droit et la démocratie

MME GAËLLE CARAYON (Agir ensemble pour les droits de l'homme, au nom également de l'Association internationale contre la torture) a déclaré que, 10 ans après le génocide du Rwanda, le Président Paul Kagamé renforce son régime totalitaire qui lui permet de régner sur le peuple rwandais par l'intimidation et la terreur. L'instrumentalisation du génocide pour justifier des violations massives des droits de l'homme est une constante du régime Kagamé. Depuis qu'il exerce le pouvoir, le général Kagamé n'a pas hésité à éliminer, en les assassinant ou en les enfermant, ses anciens compagnons d'armes, a affirmé la représentante. Dans le même temps, il a confié des responsabilités importantes à d'authentiques génocidaires ralliés à son régime. Pendant que ces gens-là sont promus, les leaders de l'opposition, désormais tous en exil, sont traités dans les discours et dans la presse de génocidaires. Face à cette situation, la représentante a demandé au groupe régional africain et aux Rapporteurs spéciaux sur les exécutions extrajudiciaires et sur la torture d'accorder une attention particulière aux défenseurs des droits de l'homme persécutés au Rwanda, notamment les membres de la Ligue rwandaise pour la promotion et la défense des droits de l'homme (LIPRODHOR). Elle a en outre demandé à la Représentante spéciale du secrétaire général sur les défenseurs des droits de l'homme d'effectuer une visite au Rwanda.

MME GEMMA ZANELLATO (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) s'est félicitée de l'ouverture de la première enquête de la Cour pénale internationale sur la situation en République démocratique du Congo, en particulier dans la région de l'Ituri. Il faut espérer que ces enquêtes concerneront aussi les personnes de haut rang dans les institutions de transition du pays et qu'elles porteront une attention particulière aux crimes sexuels. La représentante a estimé que le fait que les États-Unis aient retiré leur demande de renouvellement de la résolution du Conseil de sécurité exemptant les soldats américains de la compétence de la Cour pénale internationale constitue une victoire importante de la communauté internationale contre la «justice à la carte». Reste qu'il est préoccupant de constater la multiplication des accords bilatéraux d'immunité entre les États-Unis et des États tiers, 80 États ayant passé de tels accords (contre 53 l'an dernier). Les États-Unis garantissent ainsi, de fait, l'impunité de leurs ressortissants face à la Cour pour les crimes les plus graves. Par ailleurs, les mesures de représailles contre les États non signataires des accords d'immunité s'étoffent. La FIDH appelle la Sous-Commission à adopter une déclaration dénonçant l'illégalité de ces accords au regard des statuts de la Cour pénale internationale. D'autre part, la FIDH et ses organisations membres et partenaires en République du Congo est vivement préoccupée par l'arsenal mis en œuvre par les autorités de Brazzaville pour entraver l'instruction en cours devant les juridictions françaises dans l'affaire des «disparus du Beach», ainsi que par la complicité manifeste dont elles bénéficient de la part des autorités françaises.

MME VANIDA S. THEPHSOUVANH (Parti radical transnational) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur les dysfonctionnements de la justice, l'absence d'état de droit et le déni des valeurs démocratiques en République démocratique populaire lao, pays qui a pourtant signé les deux Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels, mais où les citoyens sont systématiquement privés de leur liberté d'expression, de manifestation ou d'association, et où le système judiciaire reste totalement aux mains des dirigeants du parti unique. Les témoignages d'anciens prisonniers font état d'arrestations arbitraires et de tortures et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, a-t-elle souligné. À ce jour, aucune organisation humanitaire internationale n'a été autorisée à se rendre dans ce pays, a poursuivi la représentante. La corruption règne à tous les niveaux de l'administration pénitentiaire, a-t-elle insisté. Elle a prié la Sous-Commission de demander aux institutions spécialisées des Nations Unies d'envoyer une mission au Laos afin d'y enquêter sur les dysfonctionnements de la justice.

MME ISABELLE HEYER (Commission internationale de juristes) a félicité M. Decaux pour son projet de principes sur l'administration de la justice par les tribunaux militaires, soulignant leur utilité. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a adopté en 2003 un document intitulé «Principes et directives concernant le droit à un procès équitable et à l'assistance judiciaire», affirmant que les tribunaux militaires ont pour seul fin de déterminer des délits militaires commis par des militaires, a fait observer la représentante. Elle a informé la Sous-commission de la volonté de son organisation d'organiser un second séminaire sur la justice militaire. Elle a par ailleurs affirmé que l'interdiction de la discrimination est l'un des principes fondamentaux du droit international des droits de l'homme. Toutefois, les normes de droit international et la jurisprudence sont épars et ne donnent pas d'indication claire aux États. Aussi, la Sous-Commission devrait-elle se pencher sur cette question dans un but de clarification, a estimé la représentante.

MME ALESSANDRA AULA (Franciscain international) a regretté qu'il existe des exemples de non-respect du principe universel d'indépendance de la justice. Tout en se réjouissant des procédures engagées par la première cour permanente de droits de l'homme à Makassar, au sud de Sulawesi, qui s'est saisie de l'affaire Abepura, pendante depuis plus de trois ans, la représentante a prié les juges de cette cour de mener le procès conformément aux normes internationales. Elle a attiré l'attention de la Sous-Commission sur le fait que le tribunal a débouté les victimes s'agissant de leur prétention à obtenir une compensation. En outre, la Commission nationale indonésienne des droits de l'homme ne s'est pas acquittée de son devoir d'informer les Papous des enquêtes qu'elle a menées dans l'affaire Wamena. Au Pakistan, les lois sur le blasphème continuent d'être en vigueur et d'entraîner la peine de mort, a poursuivi la représentante. Au Togo, le principe de séparation des pouvoirs n'est pas respecté, a-t-elle également affirmé; la plupart des juges exercent leurs fonctions sous le contrôle du Gouvernement. Il faut respecter la primauté du droit sans laquelle il ne saurait y avoir de respect des droits de l'homme, a conclu la représentante.

MME KANNIZ KHAN (Interfaith International) a demandé à la Sous-Commission de plaider en faveur de la création d'une commission indépendante chargée de veiller au respect par le Timor leste de ses obligations en vertu de la résolution 1272 du Conseil de sécurité, et notamment de la poursuite devant les tribunaux des militaires qui se sont rendus coupables de l'assassinat de 1000 personnes après que l'ancienne province ait décidé de son indépendance. En effet, il apparaît que le système judiciaire indonésien est incapable de fonctionner de manière indépendante et de rendre justice pour les crimes commis sur les populations civiles de Timor leste pas ses militaires.

M. NICHOLAUS GARWICK (Avocats du Minnesota pour les droits de l'homme) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur les défis liés à la justice transitoire, en particulier dans le cadre des processus de réconciliation au Pérou et en Sierra Leone. Entre 1980 et 2000, le Pérou a subi un conflit qui a entraîné la mort ou la disparition de 69 000 personnes ainsi que les déplacements internes de près de 600 000 personnes. Or, la Commission vérité et réconciliation de ce pays, créée en 2001, a présenté en août dernier des recommandations qui restent lettre morte, a déploré le représentant. Quant é la Sierra Leone, qui émerge de plus de dix années de guerre civile brutale, on estime que 75 000 le nombre de tués et à deux millions le nombre de personnes déplacées. Toutes les parties au conflit en Sierra Leone se sont livrées à des violations des droits de l'homme. La Sierra Leone se trouve désormais face à une occasion historique de réconciliation nationale. Il faut que le Gouvernement s'assure qu'un important travail de vérité et de réconciliation soit mené. Le Gouvernement du Nigéria et la communauté internationale doivent amener Charles Taylor devant la justice en s'assurant qu'il soit présenté devant le tribunal spécial pour la Sierra Leone.

MME HANAN SHARFELDDIN (Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale) a souligné que le rôle de la Cour internationale de justice et sa capacité à rendre des décisions qui seront effectivement appliquées est limitée. Il semble que cet organe soit aujourd'hui paralysé dans son action, a estimé la représentante, comme en témoigne le mépris total et l'opposition de certains États s'agissant de sa décision récente concernant le mur du racisme construit en Palestine. La Cour internationale de justice ne dispose pas des pouvoirs nécessaires à la mise en œuvre de ses décisions. Aussi, la représentante a-telle demandé aux experts de la Sous-Commission de se saisir de la question afin de lever les obstacles qui pèsent sur la Cour, qui représente l'ultime espoir pour la réalisation de la justice et de la paix.

MME ANDRA EICHMAN (International Educational Development) a rappelé que la Déclaration de Montréal de 1984 portant sur la question des tribunaux militaires souligne que ces tribunaux ne peuvent traduire en justice que des militaires. Le fait que la ratification des instruments internationaux de droits de l'homme n'ait rien à voir avec leur respect effectif met en relief l'existence d'un problème majeur s'agissant de la problématique associée à ces instruments, a par ailleurs relevé la représentante. Elle a mis l'accent sur le lien étroit qui existe entre administration de la justice, état de droit et démocratie. La représentante a attiré l'attention sur le fait que nombre de violations des droits de l'homme bien documentées ne sont condamnées par aucun organe international, comme en témoigne la situation dans le Cachemire occupé par l'Inde. La plupart des Cachemiriens n'ont guère foi dans la démocratie indienne, comme l'atteste la faible proportion d'entre eux qui se sont déplacés pour voter lors des élections, a notamment souligné la représentante.

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