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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

LA SOUS-COMMISSION POURSUIT SON DÉBAT SUR LA VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES

15 août 2006


Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme

15 août 2006



La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a poursuivi, ce matin, son débat sur la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales, y compris les politiques de discrimination et de ségrégation raciale, dans tous les pays, en ce qui concerne en particulier les pays et territoires coloniaux et autres territoires dépendants.

Parmi les membres de la Sous-Commission se sont exprimés sur cette question, M. Emmanuel Decaux a notamment souligné que la Sous-Commission pouvait débattre de questions des droits de l'homme particulièrement préoccupantes et devait préserver cette fonction de vigilance, d'alerte et de réaction. M. Ibrahim Salama a également fait observer que la mission de la Sous-Commission est aussi d'agir et d'aller au-delà de la simple dénonciation. Il s'est en outre dit convaincu qu'il est possible de distinguer la politique des droits de l'homme; les droits de l'homme doivent avoir la priorité et être abordés indépendamment des questions politiques. M. Vladimir Kartashkin a rappelé que la Sous-Commission devait adopter, pas plus tard qu'à sa présente session, ses recommandations sur les méthodes de travail du futur organe d'experts devant être associé au nouveau Conseil des droits de l'homme.

Mme Halima Embarek Warzazi a pour sa part dénoncé l'agression commise par Israël, que ce soit au Liban ou dans les territoires palestiniens, en soulignant qu'aucun argument ne saurait être invoqué pour justifier les violations massives des droits de l'homme commises depuis plus d'un mois. M. Shiqiu Chen a quant à lui souligné que si la thématique des armes légères et de leur incidence pour les droits de l'homme reste d'actualité, il ne faut pour autant pas perdre de vue la puissance destructrice des armes lourdes. Il a aussi préconisé que les Nations Unies ne recourent pas systématiquement à des mécanismes de sanctions et d'embargos, qui frappent surtout les populations civiles et ont des conséquences désastreuses pour les droits de l'homme.

Une représentante de l'organisation non gouvernementale Interfaith International est pour sa part intervenue sur la situation des droits de l'homme aux Moluques, en Indonésie.

Les représentants de la Tunisie, de l'Indonésie et de la Fédération de Russie ont réagi à la déclaration faite hier par Mme Françoise Jane Hampson, membre de la Sous-Commission.

La Sous-Commission entamera cet après-midi, à 15 heures, son débat sur les droits économiques, sociaux et culturels.


Débat sur les violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales

MME PELPINA SAHUREKA (Interfaith International) a dénoncé la politique du Gouvernement indonésien aux Moluques (Maluku), où il procède à une fragmentation des terres au profit d'Indonésiens venant d'autres îles, et au détriment des AlifUru la population d'origine des Moluques, qui sont chassés par la force de leurs terres ancestrales et réduits pour plusieurs d'entre eux à vivre dans la jungle, dans des grottes, dans des régions éloignées. Traumatisés par la guerre et l'islamisation forcée, victimes de viols, de mutilation génitale féminine, de mariages forcés et d'expulsion de leurs foyers, les Molucains sont aujourd'hui abandonnés à leur sort. Les militaires indonésiens continuent d'affluer dans la région en tant que force d'occupation, de même que les forces paramilitaires islamistes. Tous sont coupables de violations des droits humains des Molucains, et ce en toute impunité. Leur commandant appelle d'ailleurs publiquement à la destruction des Moluques, a déploré la représentante. Les Nations Unies doivent donc continuer de surveiller la situation aux Moluques, a-t-elle ajouté. Elles doivent exhorter le Gouvernement de l'Indonésie à mettre un terme à sa politique de transmigration et à retirer ses troupes des Moluques. Les forces militaires et paramilitaires doivent enfin répondre des crimes qu'elles ont commis aux Moluques, a conclu la représentante.

M. EMMANUEL DECAUX, expert de la Sous-Commission, a souligné que, bien qu'elle ne soit plus à même d'adopter des résolutions, des décisions ou des déclarations sur un pays donné, la Sous-Commission peut entendre les informations des organisations non gouvernementales et les témoignages des victimes. Elle peut également débattre des questions des droits de l'homme particulièrement préoccupantes. Il faut préserver cette fonction de vigilance, d'alerte, de réaction, a-t-il souligné. Se référant au contexte actuel particulièrement sombre, il a regretté que l'appel du Conseil de sécurité arrive bien tard, alors que l'escalade de la violence a engouffré le Liban dans une guerre particulièrement injuste et cruelle. Là où s'annonçait un grand Moyen-Orient démocratique, c'est une des rares démocraties de la région qui est mise en pièces, au moment où ce pays se relevait de ses ruines, a déploré l'expert. Faisant référence à la déclaration du Président que la Sous-Commission a adoptée dès le premier jour de sa session pour déplorer le sort des victimes de la guerre, il s'est réjoui de ce que ce qu'elle a démontré qu'en matière de droits de l'homme, la Sous-Commission pouvait parler d'une seule voix. En matière de droits de l'homme, le premier danger est un repli sur des bases communautaires, ethniques et religieuses, a rappelé M. Decaux.

La multiplication des crises régionales éclipse les objectifs à long terme pour lesquels la communauté internationale doit se mobiliser, a poursuivi l'expert, citant notamment l'éducation aux droits de l'homme, la lutte contre la discrimination et le racisme ou le combat contre la misère et l'exclusion. Elle fragilise aussi la position des défenseurs des droits de l'homme à travers le monde, a-t-il estimé. Il a à cet égard déploré l'attaque dont ont été victime à Sri Lanka 17 travailleurs humanitaires de l'organisation non gouvernementale Action contre la faim.

Le rôle de la Sous-Commission n'est pas seulement de regarder en face les réalités, elle doit aussi agir et réagir, a estimé M. Decaux. Depuis l'an dernier, des informations inquiétantes faisant état d'alimentation forcée des prisonniers de Guantanamo qui faisaient la grève de la faim ont été publiées, a souligné l'expert. Il a à cet égard déploré que le personnel médical puisse se rendre complice des violations des droits de l'homme et que, face à ces dérives, le cadre juridique soit relativement émietté. Il a préconisé que soit lancée une réflexion collective dans le cadre des Nations Unies, en étroite collaboration avec l'organisation mondiale de la santé, le Comité international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et l'Association médicale mondiale, ainsi que les organisations non gouvernementales, surtout celles spécialisées dans la prévention de la torture. Il faudrait également mettre l'accent sur l'effort de diffusion et de pédagogie à mener à tous les niveaux, a-t-il ajouté.

MME HALIMA EMBAREK WARZAZI, experte de la Sous-Commission, a salué le dévouement des organisations non gouvernementales s'agissant des situations de violations massives de droits de l'homme, qui témoigne d'un véritable «patriotisme humanitaire» et d'une volonté de ne jamais se laisser abattre face à l'adversité. Une telle leçon doit rester à l'esprit face aux violations massives et délibérées du droit à la vie, a-t-elle poursuivi, déplorant qu'il ait fallu assister, depuis un mois, au spectacle combien douloureux d'innocents tués et blessés, condamnés à l'exil et même attaqués dans leur fuite par des armes de destruction qui les visaient délibérément. Les télévisions nous ont montré ces populations fuyant précipitamment dans des conditions extrêmement précaires. À cet égard, le contraste avec les populations réfugiées israéliennes jouissant, elles, d'un excellent niveau de confort, était choquant, a affirmé Mme Warzazi.

Mme Warzazi a fait état d'un article paru dans de la presse des États-Unis et dévoilant que l'attaque contre le Liban avait été préparée de longue date, bien antérieurement à l'enlèvement des deux soldats israéliens. Mme Warzazi a également repris les propos d'un journaliste marocain qui relevait sur le mode ironique qu'un certain nombre de règles semblent s'appliquer à la situation au Proche-Orient. Une première règle est que les Arabes palestiniens n'ont pas le droit de tuer des civils de l'autre camp, de tels actes étant automatiquement assimilés à des actes terroristes; Israël est par contre autorisé à tuer des civils arabes, cela s'appelant alors de l'autodéfense. Une autre règle consiste à ne jamais parler de territoires occupés, ni de violations des résolutions des Nations Unies et du droit international. Ne pas être d'accord avec ces règles revient à faire preuve d'antisémitisme, a relevé Mme Warzazi. Elle a souligné que le peuple marocain a condamné avec force l'agression brutale dont a été victime le Liban tout comme il a dénoncé et condamné les tueries de Palestiniens, dont de nombreux enfants, sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Des intellectuels juifs marocains ont eux-même réclamé la fin de l'agression commise par Israël, que ce soit au Liban ou dans les territoires palestiniens, a souligné Mme Warzazi, selon laquelle aucun argument ne saurait être invoqué pour justifier les violations massives des droits de l'homme commises depuis plus d'un mois.

M. SHIQIU CHEN, expert de la Sous-Commission, a souligné que la force est utilisée de façon disproportionnée dans les situations de guerre. Il a rappelé que la Sous-Commission avait conduit, il y a quelques années, une étude sur les armes légères et leur incidence pour les droits de l'homme. Cette thématique reste d'actualité et il faut continuer à se pencher dessus, a-t-il souligné. Il ne faut pour autant pas perdre de vue la puissance destructrice des armes lourdes, a-t-il ajouté, assurant que cette dernière catégorie d'armes a beaucoup plus de répercussions sur les droits de l'homme que les armes légères. Dès lors, il a jugé tout à fait approprié de se pencher sur ce sujet d'étude. Les armes lourdes détruisent les infrastructures, les ponts, les routes, a insisté M. Chen. L'impact des armes légères est limité, tandis que celui des armes lourdes se fait sentir sur le plus long terme, a-t-il poursuivi. Sous le feu des armes lourdes, précises et de très longue portée, les pertes en vie humaine et l'ampleur des zones touchées sont importantes, a-t-il rappelé. Il a souligné qu'il est très difficile, après de telles guerres, de reconstruire; ce défi constitue une tâche énorme pour les Nations Unies et les organismes chargés de la reconstruction.

M. Chen a par ailleurs fait observer que les sanctions et les embargos ont des conséquences désastreuses pour les droits de l'homme, car ils atteignent surtout les populations civiles. Il a par conséquent préconisé que les Nations Unies s'abstiennent de recourir systématiquement à de tels mécanismes de sanctions. M. Chen a par ailleurs attiré l'attention sur les problématiques de la pollution, de la désertification des sols en Afrique et de l'émission de gaz carbonique, qui fragilisent et modifient l'écosystème et provoquent une augmentation des catastrophes naturelles. Ces questions devront, selon lui, être abordées par le futur organe consultatif.

M. IBRAHIM SALAMA, expert de la Sous-Commission, a rappelé que la mission de la Sous-Commission est aussi d'agir. Le point 2 de l'ordre du jour (question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales) doit être abordé selon deux optiques: d'abord il faut aller au-delà de la simple dénonciation pour extraire la «moelle thématique» des situations soumises à l'attention de la Sous-Commission; ensuite, celle-ci doit mieux sélectionner les thèmes au sujet desquels le débat est le plus susceptible de s'avérer productif. M. Salama a dressé le bilan des évolutions intervenues cette année dans le domaine des droits de l'homme en relevant, parmi les points positifs, la création du Conseil des droits de l'homme et l'introduction de la procédure d'examen périodique universel. Un autre développement positif est l'avancée réalisée dans l'élaboration d'un Protocole au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; il s'agit là d'une occasion de parvenir à un équilibre entre droits civils et politiques et droits économiques, sociaux et culturels, a souligné M. Salama. Au chapitre des développements négatifs, M. Salama a cité le fait que l'on doive s'attendre à une recrudescence du terrorisme - ou de ce qui est désigné comme tel - et donc de la lutte contre ce phénomène, avec toutes les difficultés qui en découlent. Quant au rôle des organisations non gouvernementales, très important dans la phase de transition entre Commission et Conseil des droits de l'homme, il doit encore être renforcé, a poursuivi M. Salama.

Les deux sessions extraordinaires du Conseil laissent un sentiment douloureux, a déclaré M. Salama: cette institution a jusqu'ici échoué dans sa mission puisque les États membres ne sont pas parvenus à s'entendre. Pour difficile que soit cette entreprise, M. Salama s'est dit convaincu qu'il est possible de distinguer la politique des droits de l'homme. Si l'on prend l'exemple de la résolution que le Conseil des droits de l'homme a adoptée vendredi dernier au sujet de la situation au Liban, les débats ont été clairement orientés par le contexte politique dans lequel le conflit s'inscrit, a fait observer M. Salama. Or, les droits de l'homme doivent avoir la priorité et être abordés indépendamment des questions politiques, a-t-il affirmé. La Sous-Commission doit se pencher sur ce problème, a dit l'expert, ajoutant qu'il convient de tirer des leçons des échecs passés. Le rôle de surveillance qu'assument de fait les médias devrait aussi faire l'objet d'une réflexion approfondie; il en va de même pour le rôle joué par la société civile, a déclaré M. Salama. Enfin, il serait bon de définir des modalités normalisées pour les commissions d'enquête, a estimé l'expert.

M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert de la Sous-Commission, a jugé venu le moment, pour la Sous-Commission, d'exprimer son point de vue sur les questions qu'elle pourrait soulever dans le cadre de son point de l'ordre du jour consacré à la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Chaque année, a-t-il rappelé, la Sous-Commission examine cette question sans prendre aucune mesure à ce sujet. M. Kartashkin a en outre rappelé que la Commission avait décidé que la Sous-Commission ne devait pas faire référence à un pays spécifique; pourtant, si la Sous-Commission examinait la situation dans un pays donné, elle pourrait proposer des mesures susceptibles de mettre un terme aux violations des droits de l'homme qui y sont perpétrées. Le moment est venu d'entreprendre une recherche détaillée sur les méthodes de travail du futur organe d'experts devant être associé au nouveau Conseil des droits de l'homme, a estimé l'expert. Il a rappelé que le Conseil des droits de l'homme devait procéder à un réexamen de tous les mécanismes ayant trait à ses activités. Il faut dès lors adopter des recommandations sur la manière dont il convient d'examiner la situation des droits de l'homme dans toutes les régions du monde. La session actuelle est le meilleur moment pour adopter nos recommandations, a affirmé M. Kartashkin; il ne sera en effet plus possible de présenter des recommandations à partir du moment où le Conseil aura pris une décision.

Droit de réponse

M. SAMIR LABIDI (Tunisie) a réagi à la déclaration faite lors de la séance d'hier par Mme Françoise Jane Hampson, qui faisait état de ses inquiétudes au sujet de l'extradition d'un citoyen tunisien de la France vers la Tunisie, en indiquant que, condamné en France pour sa complicité dans l'assassinat de Ahmad Shah Mas'oud, ce citoyen tunisien est retourné dans son pays avec toutes les garanties légales. Le représentant a soulevé la question de la fiabilité des informations soumises par certains milieux à des fins douteuses. Il a rappelé la nécessité de garantir la fiabilité des informations soumises aux experts.

MME DIANA EMILIA SARI SUTIKNO (Indonésie) a également réagi à l'intervention faite hier par Mme Françoise Jane Hampson en démentant les accusations de recours à la torture par les autorités de son pays. La représentante indonésienne a fait valoir que l'un des premiers gestes de la nouvelle démocratie indonésienne avait été de ratifier, dès 1998, la Convention contre la torture, dont les dispositions ont été intégrées dans la loi nationale. Des programmes de formation et de sensibilisation à l'intention des personnels judiciaire et carcéral ont été appliqués, a-t-elle également souligné. Elle s'est dite consternée par les accusations infondées qui ont été faite par une organisation non gouvernementale, laquelle aurait de toute manière dû, le cas échéant, alerter en priorité les autorités indonésiennes, qui auraient alors engagé des poursuites contre les auteurs présumés de ces actes.

M. ALEXEY O. GOHYAEV (Fédération de Russie), s'agissant de la déclaration de Mme Françoise Jane Hampson concernant les conditions de détention en Fédération de Russie. Il a affirmé que les informations provenant des différentes sources du Haut Commissariat aux droits de l'homme ne correspondent pas toujours à la réalité. L'information selon laquelle un détenu n'aurait pas pu bénéficier d'assistance médicale est infondée, a-t-il assuré. Il a en outre insisté sur le fait que la Fédération de Russie a toujours coopéré avec les mécanismes des droits de l'homme et répondu à toutes les demandes émanant des procédures spéciales.



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