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Communiqués de presse

LA SOUS-COMMISSION EXAMINE DES RAPPORTS SUR L'EXTRÊME PAUVRETÉ ET SUR LES ACTIVITÉS DES SOCIÉTÉS TRANSNATIONALES

16 août 2006

Sous-Commission de la promotion
et de la protection des droits de l'homme

16 août 2006


La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a poursuivi, ce matin, l'examen d'un rapport présenté hier sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme, avant de se pencher sur trois rapports portant sur l'impact des activités des sociétés transnationales sur la jouissance des droits de l'homme.

S'agissant du rapport du groupe spécial d'experts sur l'application des normes et critères relatifs aux droits de l'homme dans le contexte de la lutte contre l'extrême pauvreté, un expert a insisté sur le fait que la pauvreté constitue une violation des droits de l'homme et qu'il ne faut pas attendre qu'un éventuel développement économique vienne répondre à ce problème mais mettre en place des solutions immédiates. Il a également été souligné que l'extrême pauvreté induit des violations des droits de l'homme graves comme le travail des enfants, le trafic d'enfants ou la prostitution. En outre, il a plusieurs fois été rappelé que stigmatisation et pauvreté constituent un cercle vicieux qu'il faut essayer de briser au plus vite. Plusieurs experts ont par ailleurs estimé qu'il fallait poursuivre les travaux sur le projet de principes élaboré par le groupe d'experts et intitulé «Extrême pauvreté et droits de l'homme: Les droits des pauvres».

Des représentants d'ATD Quart Monde, du Conseil international des femmes et du Mouvement indien «Tupaj Amaru» sont également intervenues sur ces questions. Il a notamment été souligné que toute approche des questions relatives aux droits de l'homme oblige à accorder une attention prioritaire aux plus pauvres et aux plus démunis. L'attention a aussi été attirée sur le fait que la corruption et l'extrême pauvreté sont le résultat direct de la mondialisation et que les privatisations doivent être mises en cause.

Suite à la présentation de trois rapports sur les sociétés transnationales et les droits de l'homme par M. El Hadji Guissé, M. Gáspár Bíró et Mme Chin-Sung Chung, plusieurs experts ont insisté sur le rôle de l'État pour s'assurer que les droits de l'homme sont bien respectés dans le cadre des activités des sociétés multinationales. Cette responsabilité incombe au premier chef à l'État, même si les transnationales ont aussi une responsabilité sociale, a ajouté un expert. La question de la responsabilité des acteurs non étatiques telles que les sociétés transnationales dans la protection des droits de l'homme a fréquemment été mentionnée et de nombreux experts ont estimé qu'elle devrait être étudiée de manière plus approfondie. Beaucoup se sont demandé si les sociétés transnationales devaient être considérées comme sujets de droit international, ou si elles relèvent du seul droit national. À cet égard, un expert a fait valoir qu'une solution à cette question consisterait plutôt dans le fait de donner aux États les moyens d'agir sur ces sociétés.

La Sous-Commission poursuivra cet après-midi, à 15 heures, la discussion sur ces trois rapports, puis se penchera sur certains problèmes spécifiques touchant les droits de l'homme, en particulier les femmes et les droits de la personne humaine, les formes contemporaines d'esclavage et le terrorisme et la lutte contre le terrorisme.


Suite de l'examen du rapport sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté

La Sous-Commission a poursuivi l'examen du rapport final du groupe d'experts sur l'application des normes et critères relatifs aux droits de l'homme dans le contexte de la lutte contre l'extrême pauvreté (A/HRC/Sub.1/58/16) (voir notre communiqué d'hier après-midi), qui contient un projet de principes directeurs sur l'«Extrême pauvreté et droits de l'homme: Les droits des pauvres».

M. EMMANUEL DECAUX, expert de la Sous-Commission, a souligné le caractère remarquable du travail réalisé sur l'extrême pauvreté. Ce travail de fond s'est fait de manière très ouverte, se basant notamment sur des consultations avec des organisations non gouvernementales, et cette étude doit être un des phares de notre bilan de cette année, a-t-il estimé. La priorité est l'effectivité des droits de l'homme, a rappelé l'expert. Ils ne doivent pas être abstraits mais réels et effectifs pour tous. L'accès aux droits est important et notamment pour les plus démunis, a-t-il fait observer. Il a également insisté sur l'importance de l'indivisibilité des droits de l'homme. Il faut reconnaître la dignité de chaque personne humaine, a rappelé l'expert, et cette reconnaissance passe par l'indivisibilité des droits. Enfin, il a estimé que les droits collectifs et le droit au développement ne doivent pas éclipser une approche individuelle visant les droits de l'homme ou de la famille. Ces deux grandes luttes doivent être menées de front, a-t-il souligné. Il faut la participation des intéressés, une véritable consultation, a ajouté l'expert, soulignant que la participation constitue un levier pour un vrai développement qui profite à l'homme. En matière d'organisation des travaux, il a rappelé que la Sous-Commission a toujours insisté sur l'importance de collaborer avec d'autres organes des Nations Unies. Soulignant que le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale continue ses travaux cette semaine, il a préconisé que soit organisé une rencontre officielle entre les deux.

MME CHIN-SUNG CHUNG, experte de la Sous-Commission, a remercié les membres du groupe ayant travaillé sur les principes directeurs sur l'«Extrême pauvreté et droits de l'homme: Les droits des pauvres». Mme Chung a par ailleurs souligné qu'il faudrait intégrer les relations hommes-femmes dans les critères sur la pauvreté extrême. La discrimination et la stigmatisation sont souvent les causes de la pauvreté: il faut donc agir pour briser ce cercle vicieux, a dit l'experte.

M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert de la Sous-Commission, a loué la qualité du document présenté par M. Bengoa. Il a fait observer que le document soulève une série de questions liées aux droits économiques, sociaux et culturels et aux droits civils et politiques. Certaines difficultés demeurent toutefois: les droits définis dans le document sont-ils l'apanage exclusif des personnes vivant dans l'extrême pauvreté et ces personnes ont-elles davantage de droits que les autres citoyens? D'autre part, M. Kartashkin a demandé si les propositions formulées par les auteurs étaient à prendre comme autant de normes de droit international ou plutôt comme des bases de discussion pour l'élaboration de nouvelles normes. Au chapitre des suites à donner aux violations des droits, l'expert a observé que la Commission n'est jamais parvenue à un accord sur la liste des crimes susceptibles d'être poursuivis. La liste prévue par la Cour pénale internationale de Rome des crimes poursuivis pourrait servir de modèle. Elle est d'ailleurs susceptible de révision tous les sept ans, conformément aux statuts de la Cour, a dit M. Kartashkin. L'expert a proposé que les insuffisances du texte fassent l'objet d'un examen dans une perspective juridique, ce qui ne devrait pas poser de grandes difficultés compte tenu des compétences des experts concernés.

M. YOZO YOKOTA, expert de la Sous-Commission, a tenu à souligner que l'hypothèse fondamentale de ce rapport est que la question de l'extrême pauvreté est abordée dans une perspective de droit. Il a expliqué que la différence entre l'approche fondée sur les droit et celle fondée sur le développement économique est que la première considère la pauvreté comme une violation des droits de l'homme et préconise d'agir vite, tandis que la seconde la considère comme un problème économique à résoudre en dix, voire quinze ans. Nous avons tissé des liens directs avec ces populations vivant dans l'extrême pauvreté, a d'autre part souligné l'expert, et nous avons pu nous rendre compte que tous leurs droits sont bafoués.

Une seconde hypothèse a sous-tendu cette étude, a poursuivi M. Yokota: tout effort fait pour lutter contre l'extrême pauvreté doit tenir compte de l'avis des personnes qui connaissent cette situation et rechercher leur participation effective. Il s'agit d'une condition sine qua non absolue, a estimé l'expert. Soulignant que les personnes très pauvres sont privées de leurs droits fondamentaux, il a préconisé que soit privilégiée une approche globale. Une approche partielle et dispersée ne serait pas adéquate, a estimé M. Yokota, soulignant qu'il est également nécessaire d'encourager les pauvres et de leur donner la possibilité de s'affirmer. Des signes encourageants existent, a-t-il fait observer, soulignant que beaucoup d'entre eux ont des talents, une richesse intérieure.

En conclusion, M. Yokota a fait observer que le rapport entre la pauvreté et les droits de l'homme est tridimensionnel. Tout d'abord, la pauvreté est une violation des droits de l'homme et nous ne devons pas attendre qu'un éventuel développement économique vienne répondre ce problème, a estimé l'expert. Des solutions immédiates doivent être mises en place. Ensuite, l'extrême pauvreté induit des violations des droits de l'homme graves comme le travail des enfants, le trafic d'enfants ou la prostitution. Enfin, ces violations des droits de l'homme poussent ces gens vers la pauvreté extrême. Les pauvres ont une apparence de pauvres et pour cette raison sont stigmatisés et poussés à tomber dans la pauvreté extrême. Il s'agit là d'un cercle vicieux, a souligné M. Yokota.

MME KALLIOPI KOUFA, experte de la Sous-Commission, a dit que la pauvreté est l'un des défis majeurs du monde moderne et doit figurer à ce titre en bonne place dans l'ordre du jour des droits de l'homme. Comment créer le cadre juridique nécessaire pour lutter contre la pauvreté extrême, telle est la question, a dit Mme Koufa, se félicitant que M. Yokota ait précisé les hypothèses qui sous-tendent l'examen de la question. Mme Koufa a aussi dit son accord s'agissant de l'approche fondée sur les droits et de la responsabilité des États dans la mise en œuvre des droits de l'homme. La Sous-Commission peut et doit jouer un rôle important dans l'élaboration des normes de protection des droits de l'homme, a dit l'experte.

M. EL HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, a indiqué, en tant que membre du groupe d'experts sur l'extrême pauvreté, que le texte avait fait l'objet de longs travaux dans et hors du cadre des Nations Unies. Les experts se sont interrogés sur un certain nombre de principes dont le contenu pourrait être précisé du point de vue juridique, comme il a été suggéré par M. Kartashkin. Cependant, les experts se sont aussi efforcés de définir clairement ce en quoi consiste précisément la pauvreté. Ils ont ainsi défini un ensemble de droits touchant au logement, à l'alimentation, à l'éducation et la santé, dont la jouissance permet aux individus de sortir de la pauvreté. Ces droits ne sont pas tangibles, mais consistent surtout en un engagement des États à œuvrer à leur réalisation: c'est pourquoi il est particulièrement difficile de créer un cadre juridique et judiciaire autour de ces droits, et donc d'obliger les États à s'y engager, compte tenu des conditions matérielles très variables qu'ils connaissent, a observé l'expert. Quant à la pauvreté vue comme source de discrimination, il n'est que de regarder autour de soi pour constater la réalité de cette situation. Un bon exemple est celui de l'attitude de l'industrie pharmaceutique à l'égard des malades du sida en Afrique.

MME CHRISTY MBONU, experte de la Sous-Commission, a souhaité qu'un lien plus fort soit reconnu entre l'extrême pauvreté et la corruption. Elle a d'autre part souhaité savoir pourquoi il n'y a pas eu de séminaire sur cette question en Afrique, alors que ce continent reste un des plus pauvres. Enfin, elle a souhaité rectifier son intervention d'hier, précisant que huit pays européens ont ratifié le Traité contre la corruption et non la seule France, comme elle l'avait déclaré.

M. YOKOTA a répondu à la question de Mme Mbonu en assurant que la question de l'extrême pauvreté en Afrique restait prioritaire. Les membres du groupe d'experts ont essayé d'organiser une réunion en Afrique, a-t-il souligné, mais à cause des changements en cours aux Nations Unies et la création du Conseil, cela ne s'est pas avéré possible cette année. S'agissant des réunions qui ont eu lieu en Inde et au Brésil, il a souligné qu'elles ont eu lieu également parce qu'il y avait des organisations non gouvernementales qui préparaient déjà des séminaires sur place. Dans le cas de la réunion qui a eu lieu en France, l'occasion s'est présentée de se joindre à des conférences apparentées qui étaient organisées à Paris, a-t-il poursuivi. Enfin, il réitéré que la préoccupation pour l'Afrique reste prioritaire.

M. CHEN SHIQIU, expert de la Sous-Commission, a estimé, à l'instar d'autres membres de la Sous-Commission, que de nombreux paragraphes du texte du projet de principes directeurs présenté par le groupe spécial d'experts sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme méritaient un examen approfondi. Relevant que ces principes directeurs ne seraient pas juridiquement contraignants, il a souligné que, pour être efficaces, ils devraient néanmoins être liés de près à la législation des États. Au paragraphe 18 du projet de principes directeurs, les États sont appelés à prendre des mesures spéciales visant à fournir une protection aux pauvres; mais cela reste insuffisant, a estimé M. Chen. Ainsi, en cas d'incompatibilité entre les principes directeurs et le droit national, il ne fait aucun doute qu'un État agira conformément au second. Il y a là un problème d'ordre pratique à résoudre, a fait observer M. Chen. L'expert a par ailleurs souligné que la citoyenneté ne devait pas être le critère unique de la jouissance des droits. Les principes directeurs doivent par exemple être adaptés aux dispositions de la Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Si les principes directeurs sont soumis au Conseil des droits de l'homme, ce dernier devra en contrôler la bonne application, a par ailleurs souligné M. Chen.

M. THIERRY VIARD (Mouvement international ATD Quart Monde) a accueilli avec beaucoup de satisfaction le rapport présenté par le groupe spécial d'experts sur les droits de l'homme dans le contexte de la lutte contre l'extrême pauvreté. Comme la Sous-commission l'a rappelé à plusieurs reprises, partout dans le monde, y compris dans les pays les plus prospères, des hommes, des femmes, des enfants, des familles entières se trouvent plongés à cause de la misère dans une situation où l'ensemble des droits de l'homme sont lettre morte, où la dignité humaine est quotidiennement bafouée. Il a remercié le groupe spécial d'experts qui a montré que des experts venus des différentes pat1ies du monde pouvaient arriver à un consensus sur cette question et proposer une analyse commune et des principes à valeur universelle. Parmi les points qui figurent dans le rapport et paraissent particulièrement pertinents pour mettre fin à la misère, M. Viard a relevé qu'il s'agit d'un combat à mener dans tous les pays, indépendamment de leur niveau de développement économique. Dans la misère, tous les droits sont violés, c'est pourquoi il faut agir en vue du rétablissement de tous les droits, civils, économiques, culturels, politiques, sociaux. Enfin, pour agir efficacement dans cette perspective, le dialogue structuré et approfondi à toutes les étapes avec ceux qui font face à l'extrême pauvreté est indispensable. ATD Quart Monde espère que la Sous-Commission adoptera le rapport du groupe spécial d'experts et demandera au Conseil des droits de l'homme et à l'Assemblée générale d'adopter ces principes directeurs.

MME BRIGITTE PONOLOVSKY (Conseil international des femmes) a insisté sur l'intérêt que son organisation accorde depuis longtemps à la question de l'extrême pauvreté. Elle a souligné que Conseil international des femmes était très attentif au sort que la Sous-Commission va réserver au document contenant le projet de principes directeurs sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme. Il est important que l'action en matière de lutte contre la pauvreté puisse s'appuyer sur une base solide, a-t-elle insisté.

M. LAZARO PARY (Mouvement indien «Tupaj Amaru») s'est dit convaincu que la rhétorique de la Banque mondiale est inopérante pour ce qui est de réduire la pauvreté. Il est plus important que les pauvres eux-mêmes puissent s'exprimer aux Nations Unies, a-t-il ajouté. La pauvreté est une réalité et un fléau mondial qui touche absolument tous les pays et dont la cause réside dans la mauvaise redistribution des richesses, a-t-il souligné. Aussi longtemps que ce problème ne sera pas résolu par le biais d'un partage juste et équitable, la pauvreté continuera de sévir, a-t-il insisté. Il a mis en cause les privatisations qui entraînent la spoliation des ressources naturelles des pays pauvres par des sociétés transnationales. Toutes les institutions financières internationales, qui sont aux mains des grandes puissances industrielles, sont maintenant déconsidérées, a affirmé le représentant. Les objectifs du Millénaire pour le développement sont d'ores et déjà hors d'atteinte, a-t-il déclaré. Il a par ailleurs condamné l'hypocrisie de la communauté internationale à l'égard de la situation au Proche-Orient.


Conclusion par le coordonnateur sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme

M. JOSÉ BENGOA, coordonnateur du groupe spécial d'experts sur l'application des normes et critères relatifs aux droits de l'homme dans le contexte de la lutte contre l'extrême pauvreté, a insisté sur le fait que le texte des principes directeurs restait ouvert et qu'il était encore en préparation. Le groupe d'experts devrait se réunir pour retravailler le texte, conformément à la proposition de M. Decaux, a-t-il préconisé, et ce, en vue d'arriver à un texte de synthèse. Ce texte sera ensuite transmis à la Sous-Commission puis au Conseil des droits de l'homme, a-t-il poursuivi. Nous ne devons pas tarder, a souligné M. Bengoa, et présenter ce texte au plus vite. Il a également souligné que certaines corrections étaient nécessaires et notamment concernant la question de la féminisation de la pauvreté ou celle de la citoyenneté qui devrait y figurer plus clairement.


Présentation de documents de travail et de rapports sur les questions relatives au respect des droits de l'homme dans le contexte des activités des sociétés transnationales

M. GÁSPÁR BÍRÓ, expert de la Sous-Commission, a présenté un document de travail sur le rôle de l'État en matière de garantie des droits de l'homme dans le cadre des activités des sociétés transnationales et d'autres sociétés commerciales (A/HRC/Sub.1/58/CRP.12, disponible en tant que document de séance), relevant que la Haut Commissaire concluait déjà, voici un an, que certains aspects de ce problème méritaient d'une recherche plus approfondie, comme la notion de sphère d'influence ou la protection juridique des droits de l'homme dans le cas où l'État ne peut ou ne veut garantir ces droits. Dans ce dernier cas, on peut se demander si la dernière notion est pertinente dans le cadre de la défense des droits de l'homme. La question corollaire de la complicité est loin d'être claire. Le Représentant spécial du Secrétaire général sur les droits de l'homme et les sociétés transnationales et autres sociétés commerciales a publié un rapport intérimaire qui traite aussi du rôle de l'État; le rapport final contiendra une liste des meilleures pratiques dans le domaine de l'action possible des États et des personnes morales. Il faudrait également envisager des études de cas, des monographies bien documentées sur des situations données. Le document qu'il a préparé évoque aussi le problème de la concurrence entre les États pour attirer les investissements étrangers directs, a indiqué M. Biro, qui a souhaité entendre des suggestions au sujet de ses recherches.

Présentant le rapport de la huitième session du Groupe de travail de session sur les méthodes de travail et les activités des sociétés transnationales (A/HRC/Sub.1/58/11, à paraître), M. EL HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission et Président du Groupe de travail, après avoir rappelé que le Groupe de travail examine ces questions depuis huit ans maintenant, a indiqué que le Groupe s'est notamment penché sur la responsabilité des États s'agissant des conséquences des activités des sociétés transnationales sur les droits de l'homme des citoyens placés sous leur responsabilité, en particulier dans les pays en voie de développement. Les États doivent s'acquiter de leurs responsabilités de faire respecter les droits des individus. L'un des moyens d'action les plus efficaces à cet égard consiste à lutter la corruption, a souligné M. Guissé.

En conclusion, M. Guissé a relevé que de nombreuses voix demandent la disparition du Groupe de travail, mais a estimé cette demande prématurée. L'expert a précisé que personne ne savait, avant le mois de juillet de cette année, que la Sous-Commission tiendrait la présente session. Des améliorations constantes doivent être apportées aux normes développées par les membres du Groupe de travail, compte tenu notamment des responsabilités de la Sous-Commission et des organes supérieurs appelés à mettre ces normes en œuvre.

MME CHIN SUNG CHUNG, experte de la Sous-Commission, a pour sa part présenté un rapport sur les «Accords économiques bilatéraux et multilatéraux et leurs impact sur les droits de l'homme des bénéficiaires» (A/HRC/Sub.1/58/CRP.8, disponible en tant que document de séance), préparé par deux membres du Groupe de travail sur les méthodes de travail et les activités des sociétés transnationales, Mme Florizelle O'Connor et elle-même. Elle a expliqué qu'il traite des accords bilatéraux et multilatéraux et des répercussions de ces accords sur les droits de l'homme. Les négociations de l'OMC se révèlent lentes et beaucoup se tournent vers d'autres voies, comme les accords bilatéraux, a notammen souligné Mme Chung. Et elle a fait observer qu'il y a peu d'espace dans ces négociations pour y introduire les questions relatives aux droits de l'homme.

La mondialisation est inégale et les États les plus pauvres sont en course pour attirer les investisseurs, a poursuivi l'experte. On dit souvent que les accords d'investissement établissent un ensemble de droits qui sont ceux des investisseurs, comme des droits visant à protéger les marchés ou empêcher l'expropriation. Elle a fait observer qu'il existe peu de mécanismes de protection des droits de l'homme assurant le droit travail, le droit revenu, le droit à la santé, le droit des femmes ou le droit au logement. Les responsables sont essentiellement les États, a-t-elle estimé, ceux-ci devant s'assurer que les sociétés transnationales respectent les droits des individus. Elle a ajouté que les sociétés transnationales ont également une responsabilité sociale. Il faudrait élaborer des études sur les impacts des accords commerciaux sur les droits de l'homme, a-t-elle estimé, et cette tâche pourrait être dévolue à la Sous-Commission. Enfin, s'agissant des responsabilités, elle a soulevé la question de savoir si les sociétés transnationales peuvent être considérées comme sujets de droit international, ajoutant que cette question reste encore à préciser.

Examen de la documentation relative aux sociétés transnationales

M. JOSÉ BENGOA, expert de la Sous-Commission, a souligné que, tout au long des années 1990, la mondialisation a été présentée comme inéluctable et souhaitable. Le rôle de l'État était, dans ce contexte, appelé à diminuer. Pendant très longtemps, le seul critère pertinent était celui de l'accommodement des autorités aux exigences des sociétés transnationales. Or, aujourd'hui, on estime qu'il faut au contraire davantage de responsabilité étatique, les études montrant que les États faibles sont incapables de tirer parti des avantages de la mondialisation. Les institutions financières internationales apprécient d'ailleurs les États capables de mettre un frein à la volatilité financière. La responsabilité des acteurs non étatiques - ici les sociétés transnationales -dans la protection des droits de l'homme est un sujet d'autant plus important que la Commission des droits de l'homme n'a pas réussi à aborder ce sujet sereinement, a relevé M. Bengoa. La Sous-Commission doit faire de ce problème un problème émergent et souligner ainsi la responsabilité du nouveau Conseil à cet égard.

MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a estimé que M. Bengoa et Mme Chung ont soulevé des questions fondamentales. Un des rôles importants de la Sous-Commission est d'être un réservoir d'idées, a rappelé l'experte. On ne cesse de se lamenter parce qu'on ne fait pas de progrès, a-t-elle souligné, et peut-être faut-il revenir à la réalité. Les transnationales sont des sujets de droit national, a poursuivi l'experte, et la responsabilité des États n'est pas un concept abstrait. L'idée n'est pas de rendre responsables au regard du droit international des acteurs non étatiques, a-t-elle estimé. Elle a fait observer qu'une action efficace ne peut se faire qu'au niveau de l'État et que seules les institutions judiciaires nationales peuvent faire pression sur les transnationales. Il est également possible de demander aux États de rendre des comptes dans ce contexte, a-t-elle ajouté. Elle a à cet égard souligné qu'il existe toute une jurisprudence en la matière, citant à titre d'exemple qu'un État est responsable si une usine pollue l'environnement causant un préjudice pour la santé des individus.

Mme Hampson a d'autre part fait observer qu'il existe parfois un conflit entre normes internationales, citant notamment celui existant entre le droit en matière de propriété intellectuelle et les droits de l'homme. Dans certains cas, il est possible de résoudre ces conflits en se référant aux normes du jus cogens, a-t-elle ajouté, mais cela ne constitue pas une solution, surtout pour les situations où ces dernières ne s'appliquent pas. À cet égard, elle a suggéré de considérer l'idée que la Charte des Nations Unies et le droit y-afférent s'applique à ces situations. Si on examine les droits de l'homme comme étant traités à la fois dans la Charte des droits de l'homme et le droit international public, dès lors ce dernier doit l'emporter en cas de conflit, a estimé Mme Hampson. En conclusion, elle a estimé que la hiérarchie des normes est une question qui mérite d'être discutée.

M. EMMANUEL DECAUX, expert de la Sous-Commission, a déclaré que les normes sur les sociétés transnationales sont un des legs les plus importants de la Sous-Commission. M. Decaux a dit défendre ces normes dans toutes les occasions, par exemple lors de discussions récentes organisées entre les entreprises françaises et de nombreux acteurs des droits de l'homme. Ce dialogue a permis de mettre au point des normes de comportement et a prouvé que le travail de la Sous-Commission en la matière est désormais mieux compris, s'est félicité l'expert.

M. Decaux a aussi estimé que le rôle du groupe de travail, tel qu'il est constitué aujourd'hui, risque d'être contre-productif, et a regretté des problèmes liés à la présentation des textes, comme il vient d'être vu lors de la présentation des rapports. Un débat ouvert en plénière sur la questions des socités multinationales serait, de l'avis de M. Decaux, plus indiqué. Par ailleurs, la position du Groupe de travail sur le problème de la réforme est peu claire, a constaté M. Decaux, notant que quatre opinions divergentes sont formulées dans le rapport. Enfin, le débat a été marqué par une insistance sur l'idée de coopération et de synergie, ce qui rend gênantes les critiques émises dans le rapport contre la démarche adoptée par le Représentant spécial du Secrétaire général sur la question, avec lequel il faudrait essayer plutôt de nouer un dialogue, a conclu M. Decaux.

M. SOLI JEHANGIR SORABJEE, expert de la Sous-Commission, a regretté que M. Guissé ait déprécié le travail réalisé par M. Bíró sur le rôle de l'État en matière de garantie des droits de l'homme dans le cadre des activités des sociétés transnationales, car ce travail est complémentaire de celui réalisé par le Groupe de travail sur les sociétés transnationales. Les sociétés transnationales doivent respecter les droits de l'homme et les États doivent faire appliquer la loi nationale, a par ailleurs souligné M. Sorabjee. Il a préconisé d'utiliser le droit interne et de ne pas accepter que les sociétés transnationales se prévalent d'un droit autre.

M. IBRAHIM SALAMA, expert de la Sous-Commission, a souligné qu'il ne fallait pas s'attendre à une évolution du droit international public dans le sens de l'établissement de normes relatives aux société transnationales. Une étude sur l'impact des sociétés transnationales sur les droits de l'homme constituerait un pas important sur la voie des solutions à envisager s'agissant de cette question. La solution n'est pas nécessairement de faire des sociétés transnationales des sujets de droit international, mais plutôt de donner aux États des moyens d'agir s'agissant des activités de ces sociétés, a souligné l'expert. Quant aux organisations non gouvernementales, elles devraient intégrer une connaissance des moyens juridiques disponibles au niveau national pour obliger les sociétés transnationales à respecter leurs obligations en matière de droits de l'homme, a poursuivi M. Salama. Les ONG doivent aussi s'efforcer d'engager un dialogue avec les entités commerciales concernées et de sensibiliser l'opinion à ces questions. Il ne faut pas stigmatiser les sociétés transnationales par principe, a néanmoins souligné M. Salama, compte tenu du rôle positif qu'elles jouent souvent dans des domaines tels que le transfert de technologies.

M. BENGOA a souligné que les acteurs non-étatiques devraient être liés par le droit interne. Les États doivent avoir la capacité d'obliger les entreprises transnationales à respecter ce droit, a-t-il insisté. À l'avenir, cette question jouera un rôle central, a-t-il estimé. Il est important d'indiquer au Conseil des droits de l'homme qu'il s'agit d'une question ouverte qui devra à l'avenir figurer à l'ordre du jour des réunions, a-t-il estimé.

MME ANTOANELLA-IULIA MOTOC, experte de la Sous-Commission, a estimé que les normes sur les sociétés transnationales élaborées par la Sous-Commission en leur temps auraient dû être présentées différemment à la Commission et qu'elles auraient alors eu une chance d'être appliquées. Si le droit interne est théoriquement capable d'imposer des sanctions, le problème est que très peu de systèmes juridiques fonctionnent correctement dans ce domaine, en raison, notamment, de la corruption, a fait observer l'experte. Les systèmes juridiques capables d'agir se trouvent dans les pays développés; or, ces pays sont moins sujets à des violations des droits de l'homme par les sociétés transnationales, a fait remarquer Mme Motoc. Elle a préconisé que le Groupe de travail sur les sociétés transnationales explore de nouvelles approches, en collaboration avec d'autres organes des Nations Unies, y compris avec le Représentant spécial chargé de la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales.
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