Skip to main content

Communiqués de presse Procédures spéciales

DÉCLARATION DU RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR L'INDÉPENDANCE DES JUGES ET DES AVOCATS À L'ISSUE DE SA VISITE EN ITALIE

15 Novembre 2002



15 novembre 2002



Le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, M. Dato' Param Cumaraswamy, a publié une déclaration à l'issue de la visite qu'il a effectuée du 6 au 8 novembre 2002 en Italie. Cette visite s'inscrivait dans le cadre du suivi de la mission qu'il avait menée dans le pays en mars dernier suite aux informations qu'il avait reçues faisant état d'un mouvement de contestation des magistrats italiens qui faisaient part de leurs préoccupations face à la tentative du Gouvernement de porter atteinte à leur indépendance.
M. Cumaraswamy rappelle que, dans son rapport préliminaire publié à l'issue de sa mission du mois de mars, il s'était dit convaincu que les magistrats italiens avaient de bonnes raisons de penser que leur indépendance était menacée. Dans ce rapport préliminaire, le Rapporteur spécial avait notamment recommandé que les hommes politiques en vue poursuivis devant des tribunaux de Milan respectent les principes associés à un procès équitable et ne cherchent pas à retarder leur procès. Le Rapporteur spécial recommandait en outre la création d'un comité de coordination, composé de représentants de tous les secteurs de l'administration de la justice, qui soit chargé de se pencher sur la réforme du système de justice en adoptant une approche globale.
Au cours de la visite qu'il vient d'effectuer en Italie, M. Cumaraswamy a rencontré les présidents de la Cour de cassation, de la Cour constitutionnelle, de l'Association nationale des magistrats et du Conseil supérieur de la justice. Il a également rencontré le Ministre de la justice. «J'ai cherché à renconter le Premier Ministre, M. Silvio Berlusconi, qui était alors aussi Ministre des affaires étrangères», indique M. Cumaraswamy. «Pour des raisons encore inconnues, un telle rencontre n'a pu être organisée», précise-t-il avant de remercier le Représentant permanent de l'Italie à Genève pour l'avoir aidé dans cette mission de suivi, qui s'en est trouvée facilitée.
Le rapport final concernant les conclusions et recommandations du Rapporteur spécial sera présenté lors de la cinquante-neuvième session de la Commission des droits de l'homme qui débutera au mois de mars 2003. Le Rapporteur spécial tient toutefoisà faire d'ores et déjà des observations préliminaires sur cette mission pour souligner notamment que les procès de politiciens en vue devant les tribunaux milanais sont toujours en cours.
M. Cumaraswamy rappelle que dans son rapport préliminaire (publié à l'issue de sa mission de mars dernier sous la cote E/CN.4/2002/72/Add.3), il s'était abstenu de parler dans le détail de ces affaires dans la mesure où l'une d'elles, celle concernant le Premier Ministre, était pendante devant la Cour de cassation du fait d'une demande visant à ce que l'affaire soit transférée du tribunal de Milan à Brescia. Depuis, la Cour de cassation a rendu sa décision par laquelle elle renvoie en fait devant la Cour constitutionnelle la question de la demande de transfert d'un tribunal vers un autre sur la base d'une suspicion légitime quant à l'impartialité. Or, avant même que la Cour constitutionnelle n'ait pu se prononcer sur cette question, le Parlement a amendé les dispositions pertinentes du Code de procédure pénale afin que soit prévue la possibilité de procéder à un transfert sur de telles bases. Des préoccupations ont été exprimées face au caractère rétroactif de ces amendements et au fait que, lorsque des demandes de transfert seraient déposées devant la Cour de cassation, les procès en cause seraient suspendus.
Le Rapporteur spécial relève le caractère sans précédent de la vitesse avec laquelle le processus parlementaire a pu amender le Code de procédure pénale, avant même que la Cour constitutionnelle n'ait pu se prononcer sur la question. M. Cumaraswamy indique en outre avoir récemment appris que le Premier Ministre italien ne s'était pas présenté à deux procès - l'un à Palerme et l'autre à Milan - où il devait comparaître en tant que témoin. Le Rapporteur spécial ajoute qu'une disposition du Code de procédure pénale italien accorde à des personnalités de haut rang comme le Premier Ministre la possibilité d'apparaître devant les tribunaux à la date de leur choix. Une telle loi est inacceptable de nos jours, estime M. Cumaraswamy. En effet, une telle loi contrevient au principe de l'égalité devant la loi inscrit dans la Constitution italienne comme dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Parmi ses autres sources de préoccupations, M. Cumaraswamy fait observer que l'un des principaux avocats du Premier Ministre italien est membre de la Chambre des députés et Président de la Commission de justice de cette même assemblée. Le conflit d'intérêt et les questions éthiques que pose une telle représentation ne semblent pas être examinés par le Parlement ni par les autorités compétentes régissant la profession juridique.
Le Rapporteur spécial note en outre que peu de progrès ont été enregistrés en matière de réforme du système de justice. Il relève par ailleurs que la suspicion mutuelle résultant de la tension entre les magistrats et le Gouvernement se poursuit.



* *** *

VOIR CETTE PAGE EN :