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Communiqués de presse Multiple Mechanisms FR

LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTEND DES DÉCLARATIONS DE MEMBRES DE GOUVERNEMENTS DE NEUF PAYS

26 Mars 2002



Commission des droits de l'homme
58ème session
26 mars 2002
Matin



Elle entame son débat sur la violation des droits de l'homme
dans les territoires arabes occupés et entend
l'Envoyée spéciale du Président de l'Autorité palestinienne



La Commission des droits de l'homme a entendu, ce matin, des déclarations des Ministres des affaires étrangères du Costa Rica, du Mexique, de la Thaïlande, de Cuba, du Pakistan, de la France, de la Suisse et de la République fédérale de Yougoslavie. Elle a également entendu une déclaration du Ministre des droits de l'homme de la République démocratique du Congo.
L'Envoyée spéciale du Président de l'Autorité palestinienne, Mme Hanan Ashrawi, a également fait une déclaration alors que la Commission entamait, ce matin, l'examen de la question de la violation des droits de l'homme dans les territoires arabes occupés, y compris la Palestine. Mme Ashrawi a notamment déploré que le siège et les restrictions qui gênent la liberté de mouvement de M. Yasser Arafat et du peuple palestinien aient empêché le Président Arafat de participer à cette réunion. L’état de siège ne suffira pas à étouffer la voix de la Palestine, a-t-elle assuré avant de préciser qu'elle apporte aujourd'hui avec elle la douleur du peuple palestinien qui est privé de ses droits et libertés fondamentaux. Mme Ashrawi a indiqué que toute solution de cette situation passe nécessairement par l'établissement d'un État palestinien sur 22% du territoire de la Palestine historique et que tout accord de paix doit inclure une solution juridique juste à la question des réfugiés.
Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, M. John Dugard, a par ailleurs présenté son rapport en insistant sur la nécessité, pour les deux parties, de retourner à la table des négociations. En attendant, un cessez-le-feu ne paraît pas suffisant et une mission internationale permettrait de rétablir le calme dans la région, a estimé M. Dugard.
Dans sa déclaration, le Ministre des affaires étrangères de la République démocratique du Congo, M. Luaba Lumu Ntumba, a mis l'accent sur la détermination aujourd'hui nécessaire pour condamner et juguler la barbarie d'un autre âge comme celle dont le peuple congolais est victime depuis bientôt quatre ans de la part des armées régulières de ses voisins, particulièrement le Rwanda et l'Ouganda. Il a indiqué que son gouvernement attend de la communauté internationale qu'elle soutienne sa démarche devant le Conseil de sécurité visant à obtenir l'institution d'un tribunal pénal international pour le pays.
Rappelant que la communauté internationale s'est engagée résolument dans la lutte contre le terrorisme suite aux attentats du 11 septembre, M. Hubert Védrine, Ministre des affaires étrangères de la France, a déclaré que nous ne pourrions admettre que l'émotion légitime suscitée par ces actes terroristes soit utilisée par certains pour se dégager de leurs obligations internationales de respect des droits humains et du droit international humanitaire; que la lutte contre le terrorisme soit dévoyée pour tenter de légitimer des campagnes de répression; pour museler toute contestation; pour justifier l'usage de méthodes inacceptables.
Le Ministre des affaires étrangères du Mexique, M. Jorge Castañeda, s'est notamment demandé pourquoi l'une des nations qui pourrait bénéficier de nouveaux instruments internationaux tels que la Cour pénale internationale pour juger des crimes contre l'humanité commis par les terroristes à New York et à Washington a décidé de ne pas ratifier le Statut de la Cour.
M. Felipe Pérez Roque, Ministre des affaires étrangères de Cuba, a notamment mis en garde contre un danger qui, indépendamment des différences idéologiques, menace le monde entier, à savoir celui de se voir imposer une dictature au service d'une superpuissance qui a déclaré sans ambages qu'on est avec elle ou contre elle.
Le Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, M. Joseph Deiss, a lancé un appel en faveur de l'abolition de la peine de mort et a indiqué qu'en raison du nombre d'exécutions et de l'importance de ces pays, cet appel s'adresse en particulier aux États-Unis, à la Chine et à l'Arabie saoudite.
Le Ministre des affaires étrangères de la République fédérale de Yougoslavie, M. Goran Svilanovi, a affirmé qu'en termes de sécurité, de liberté de mouvement et de protection des droits de l'homme et des intérêts des communautés non albanaises au Kosovo et à Metohija, la situation n'est pas satisfaisante.
Le Ministre des affaires étrangères du Pakistan, M. Abdul Sattar, a demandé à la Commission d'agir pour que l'Inde respecte les droits de l’homme sur le territoire cachemirien qu'elle occupe et s'est alarmé du traitement infligé à la minorité musulmane en Inde, notamment lors des derniers attentats commis au Gujarat ainsi que des déclarations de certains dirigeants indiens semblant approuver ces actes.
Le Ministre des affaires étrangères de la Thaïlande, M. Surakiart Sathirathai, a souligné qu'un programme de régularisation a été mis en œuvre dans le pays qui a permis à un demi million de travailleurs migrants illégaux de se faire enregistrer depuis le mois d'octobre dernier et de rejoindre ainsi la main-d'œuvre officielle, ce qui leur ouvre l'accès à l'éducation et à l'assurance santé.
M. Roberto Rojas López, Ministre des affaires étrangères du Costa Rica, a fait part des propositions de son pays s'agissant notamment des possibilités de réformer les mécanismes de la Commission, de renforcer la transparence des travaux de cet organe, de réformer la manière d'aborder l'examen de la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales, où qu'elles se produisent dans le monde.
La Commission poursuivra cet après-midi, à 15 heures, son débat sur la question de la violation des droits de l'homme dans les territoires arabes occupés, y compris la Palestine.

Déclarations de hauts dignitaires
M. ROBERTO ROJAS LÓPEZ, Ministre des affaires étrangères du Costa Rica, a déclaré que son pays a consacré une partie importante de son histoire aux droits de l’homme: abolition de la peine de mort dès le XIXe siècle, abolition de l'armée en 1948, qui a permis au pays de concentrer ses efforts sur la santé publique et l'éducation, pendant que le revenu par habitant était multiplié par cinq à la fin des années 60. Les dirigeants du Costa Rica de l'époque ont compris que la démocratie doit combiner droits civils et politiques aux droits économiques et sociaux et économiques, c'est à dire le développement humain de la population. Avec d'autres pays d'Amérique latine, le Costa Rica a adopté la Convention américaine sur les droits de l’homme et contribué à la consolidation des institutions régionales, a rappelé le ministre, qui a fait valoir que la Cour américaine des droits de l’homme siège au Costa Rica depuis 1981.
M. Rojas a déclaré que son pays partage par ailleurs, et dans le même esprit que le Président de la Commission, le souci de moderniser la Commission et d'améliorer ses travaux. Le Costa Rica présente ainsi quatre idées de base sur le renforcement des mécanismes de promotion et de protection des droits de l’homme. Ainsi, le Costa Rica propose une réforme des mécanismes de la Convention des droits de l’homme, par une rationalisation des mandats des experts indépendants, rapporteurs spéciaux et représentants et une plus grande transparence de ces mécanismes pour encourager les pays à ouvrir leurs frontières aux experts de l'ONU. Le Costa Rica estime en outre que le point de l'ordre du jour relatif à la question des violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales est actuellement trop politique et qu'il faut absolument en revenir aux droits de l’homme proprement dits et introduire des critères de rationalité dans le traitement des plaintes examinées. Le ministre a également proposé la création d'un dossier intégré par pays, regroupant toutes les informations recueillies par les experts et rapporteurs de la Commission. Ce document servirait de base pour des propositions de solutions à la question des droits de l’homme où que ce soit dans le monde. Enfin, la Commission devrait publier un rapport annuel global et mondial sur l'état des droits de l’homme, semblable à celui du PNUD sur le développement humain. Ce rapport permettrait de proposer des critères comparatifs pour l'évaluation des droits de l’homme, sur le modèle de l'indice de développement humain (IDH).
Le ministre costa-ricien a salué les travaux réalisés par le Groupe de travail, présidé par une ex-ministre de la justice du Costa Rica, sur un protocole facultatif à la Convention contre la torture visant à mettre en place un mécanisme de prévention de la torture. L'adoption du projet de protocole élaboré par le Groupe de travail permettra de faire d'importants progrès pour réduire ce fléau qu'est la torture. Le ministre a également relevé que la prévention de la torture est étroitement liée à l'éducation et, de façon plus générale, à la création d'une véritable culture des droits de l’homme.
M. LUABA LUMU NTUMBA, Ministre des droits de l'homme de la République démocratique du Congo, a exprimé sa reconnaissance pour la persévérance, le courage et la détermination dont a fait preuve la Haut-Commissaire aux droits de l'homme afin d'accompagner les efforts déployés par son gouvernement pour édifier un État de droit au cœur de l'Afrique. «La détermination, il en faut encore aujourd'hui pour non seulement condamner mais aussi juguler la barbarie d'un autre âge comme celle dont le peuple congolais est victime depuis bientôt quatre ans de la part des armées régulières de ses voisins, particulièrement le Rwanda et l'Ouganda, qui défient les valeurs universelles et les libertés fondamentales», a poursuivi le ministre.
Le Ministre des droits de l'homme a rappelé qu'à Gaborone, en août dernier, la délégation de la République démocratique du Congo a participé activement aux travaux préparatoires du dialogue national qui ont débouché notamment sur la signature d'un Pacte républicain mettant l'accent sur la protection des droits de l'homme et, surtout, des catégories vulnérables, a rappelé M. Lumu Ntumba. Le gouvernement a même accepté de dialoguer avec les partis et regroupements politiques qui ne se sont pas conformés à la loi et a décrété la libre circulation des personnes et des biens sur toute l'étendue du territoire national, a-t-il insisté avant de rappeler que ces mesures ont malheureusement donné lieu à une sanglante répression de la part du RCD et des troupes rwandaises. C'est dans le même esprit d'ouverture que le gouvernement s'est retrouvé à Sun City (Afrique du Sud) le 25 février 2002 pour rechercher ensemble les voies et moyens de la réconciliation nationale, a poursuivi le ministre avant de préciser que «c'était sans compter avec la volonté délibérée des agresseurs, particulièrement du Rwanda, de perpétuer la présence de leurs troupes au Congo». Le gouvernement et la population congolais apprécient à sa juste valeur la résolution 1399 du Conseil de sécurité, adoptée le 20 mars 2002, qui ordonne au RCD de se retirer, dans l'immédiat et sans condition, de Moliro et de Pweto ainsi que d'assurer la démilitarisation de la ville martyre de Kisangani, en insistant sur la responsabilité du Rwanda à cet égard. Il en est de même de la Déclaration de l'Union européenne de ce 22 mars qui enjoint le Gouvernement rwandais d'exercer des pressions sur leurs protégés du RCD/Goma.
«Les groupes rebelles et leurs alliés rwandais et ougandais ont brillé et brillent par des violations massives, graves et flagrantes de toutes les règles des droits de l'homme, du droit humanitaire et de tous les textes accompagnant le processus de paix – notamment l'Accord de Lusaka, le Plan de Kampala et les Sous-Plans de Harare, relatifs respectivement au désengagement et au redéploiement des forces, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, le Pacte républicain – en poursuivant leur politique de répression des populations civiles et d'instrumentalisation des conflits ethniques dans les territoires qu'ils occupent», a déclaré le Ministre des droits de l'homme. L'humanité doit se rendre à l'évidence aujourd'hui que quelque chose d'épouvantable, d'inacceptable, d'intolérable, bref une grande tragédie, se déroule et s'amplifie chaque jour qui passe à l'Est de la République démocratique du Congo, a affirmé M. Lumu Ntumba. La communauté internationale a le devoir et la lourde responsabilité de se mobiliser et de s'armer de courage pour y mettre un terme, établir les responsabilités et en tirer toutes les conséquences, a-t-il insisté. «Ce que le Gouvernement congolais attend de la communauté internationale, c'est que vos gouvernements et vos peuples s'associent au peuple congolais pour soutenir la démarche de la République démocratique du Congo devant le Conseil de sécurité tendant à obtenir l'institution d'un tribunal pénal international pour le Congo afin que ces crimes d'un autre âge ne restent pas impunis», a déclaré le ministre.
Pour sa part, le Gouvernement de la République démocratique du Congo a fourni d'importants efforts en matière de protection des droits de l'homme. Au-delà de la libération des personnes détenues irrégulièrement et de la fermeture des lieux de détention ne dépendant pas de parquets, le gouvernement a observé scrupuleusement le moratoire souscrit par le Chef de l'État sur l'application de la peine de mort. Même s'il est vrai que beaucoup reste à faire, même si l'on note encore quelques cas d'arrestations arbitraires, de détention irrégulière, d'abus d'autorité ou d'excès de zèle de certains agents, il ne reste pas moins vrai que la volonté politique exprimée par le Chef de l'État et l'héritage de la Conférence nationale sur les droits de l'homme (juin 2001) démontrent que notre conscience est résolument tournée vers l'émergence au Congo d'une société plus juste et plus respectueuse de la dignité humaine autant que des libertés individuelles et collectives.
M. JORGE CASTAÑEDA, Ministre des affaires étrangères du Mexique, rappelant l'engagement pris, l'année dernière devant cette Commission, par le Président Vicente Fox, a présenté les progrès accomplis par le Mexique sous l'impulsion de la nouvelle administration. Toutes les mesures prises par le Gouvernement mexicain au cours des douze derniers mois se sont attachées à renforcer le dialogue tant au plan national, avec les organisations de la société civile, qu'au plan international. Ainsi, en décembre 2001, le parlement mexicain a ratifié treize instruments importants dont la Convention interaméricaine sur les disparitions forcées, la Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant les enfants dans les conflits armés. En outre, le Mexique a ratifié le Protocole facultatif au Pacte international sur les droits civils et politiques et le Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Le ministre a également fait valoir que son pays avait, de sa propre initiative, invité le Haut-Commissariat aux droits de l'homme à ouvrir un bureau au Mexique et passé un accord dans le même sens avec le Comité international de la Croix-Rouge.
M. Castañeda a expliqué que son pays avait également modifié d'une manière radicale ses relations avec les mécanismes internationaux relatifs aux droits de l'homme en donnant la priorité au caractère universel des droits de l'homme. Sachant que pour assurer le succès de la transition démocratique, il importe de confronter les erreurs et les problèmes du passé, le ministre a fait savoir que son pays s'était engagé dans un processus de réconciliation nationale. Ainsi, sur recommandation de la commission nationale des droits de l'homme, le Président Fox a nommé une équipe spéciale chargée d'enquêter sur les crimes commis au cours des dernières décennies. Dans un effort de transparence, le gouvernement a également ouvert l'accès public aux archives officielles. Il ne s'agit pas simplement de découvrir la vérité, mais de mettre fin à l'impunité et d'assurer la primauté du droit, a-t-il précisé. Ainsi les militants écologistes ont été libérés, ainsi qu'une centaines de personnes emprisonnées au cours du conflit dans le Chiapas. En outre, le travail des défenseurs des droits de l'homme est pleinement reconnu par le gouvernement, qui a ordonné l'ouverture d'une enquête sur la mort de Mme Digna Ochoa. Le Mexique a également amendé sa Constitution afin de pouvoir ratifier le Statut de la Cour pénale internationale.
Dans le contexte de la lutte engagée contre le terrorisme depuis les événements du 11 septembre, le ministre mexicain a demandé à la communauté internationale de ne pas oublier les droits de l'homme. Il est indispensable, a-t-il estimé, de rechercher des solutions aux causes profondes de la violence. Il importe que les sociétés qui sont victimes du terrorisme résistent à la tentation de violer les droits de l'homme qu'elles ont contribué à faire respecter. Cela marquerait un recul de l'histoire, a-t-il observé. À cet égard, il s'est demandé pourquoi l'un des pays qui pourrait bénéficier de l'entrée en fonction de la Cour pénale internationale, qui aurait été compétente pour connaître des crimes contre l'humanité commis par les terroristes à New York et à Washington, a décidé de ne pas ratifier le Statut de la Cour. Il s'est déclaré d'avis que la communauté internationale avait besoin de nouvelles normes pour compléter le système international de protection des droits de l'homme.
MME HANAN ASHRAWI, Envoyée spéciale du Président de l'Autorité palestinienne, a déploré les restrictions imposées par Israël qui ont empêché le Président de l'Autorité palestinienne, M. YASSER ARAFAT, de participer aux travaux de la Commission. Donnant lecture du message adressé par M. Arafat à la commission, elle a attiré l'attention sur la situation actuelle du peuple palestinien, privé de la protection internationale, qui vit sous le joug de la dernière occupation militaire de l'histoire. L'infrastructure palestinienne, qu'il s'agisse de l'économie, du système éducatif ou des moyens de subsistance de base, et les Palestiniens en tant que peuple sont les cibles d'attaques militaires acharnées de la part d'Israël. Plus que de punitions collectives, il s'agit de l'expression d'une politique brutale délibérée qui vise à faire plier le peuple palestinien. On estime à 2300 le nombre de personnes assassinées, y compris de nombreux enfants, et à 43 000 le nombre de blessés, dont la moitié sont des enfants. Les blessures ne sont pas uniquement physiques, et les traumatismes affecteront les générations à venir, grevant les ressources humaines disponibles. Les témoignages sont niés et la presse est censurée même en Israël, quand les journalistes ne sont pas blessés ou même abattus.
Le projet d'État envisagé par le mouvement palestinien compte sauvegarder les traditions d'intégration, de pluralisme, de tolérance et d'hospitalité de son peuple pour les renforcer par la pratique d'une démocratie active, l'établissement d'un État de droit, et l'application des principes de bonne gouvernance. L'Autorité palestinienne en appelle à la création de l'État palestinien sur 22% des la Palestine historique, ce qui garantirait dans le même temps des frontières stables à Israël, dans le respect des résolutions de l'ONU sur la question. Toutefois, la signature d'un accord de paix devra inclure des dispositions en faveur des réfugiés, qui personnifient de façon frappante toute l'iniquité de la situation en Palestine. Les résolutions de l'ONU doivent également servir de base au règlement de la question de la terre, actuellement confisquée - notamment à Jérusalem qui doit absolument échapper à la convoitise et aux appétits. Au sujet des résolutions de l'ONU, l'Autorité palestinienne les a toutes approuvées et s'est toujours efforcée de les faire appliquer.
Dans son message à la Commission, M. Arafat déplore que la dynamique de l'occupation menace la stabilité de la région tout entière, notamment du fait de la rigidité d'une fraction du Gouvernement israélien, persuadée à tort que la force militaire suffit à tout justifier. Ce préjugé se retournera in fine contre Israël lui-même, mais en attendant, les deux nations souffrent de l'occupation. La déléguée a donc exhorté la Commission à s'attaquer de front aux racines du conflit actuel, à savoir la croyance que le colonialisme peut encore se justifier au XXIe siècle, que la volonté du peuple palestinien puisse être brisée par la force ou que, plus généralement, un groupe humain puisse être dévalorisé à cause de sa religion ou de son origine ethnique.
L'Autorité palestinienne se félicite de toutes les interventions pour la résolution du conflit, y compris celle de l'Arabie saoudite. Mais une dynamique tragique semble l'emporter actuellement, menaçant la paix dans la région. Parmi les extrémistes du Gouvernement israélien, il y a des tentatives de diaboliser les Arabes. Pour sa part, l'Autorité palestinienne a déploré les morts innocentes, y compris du côté israélien. «L'occupation nous tue tous», poursuit le Président de l'Autorité palestinienne, qui demande que la Commission s'attaque aux causes profondes du conflit. S'agissant du terrorisme, le Président Arafat estime qu'il est temps de parler courageusement de la question : les acteurs étatiques et non-étatiques doivent rendre des comptes pour leurs actes de toutes formes de violence et de violations contre des civils innocents pour satisfaire leurs ambitions politiques. Aucune personne, aucun groupe ni aucun pays ne doit être retenu en otage pour satisfaire à des objectifs fondés sur la violence. En même temps, la définition du terrorisme et des terroristes ne doit pas être le monopole des puissants ou de la puissance dominante. Il faut des critères objectifs et des instruments internationaux dans ce domaine.
En conclusion, le Président Arafat déclare dans son message à la Commission que «Nous pouvons être maintenus captifs, mais notre moral est intact». Il estime qu'il faut que la Commission mène des évaluations, envoie des observateurs, adopte des résolutions proactives pour favoriser la paix. Seule une paix juste pourra apporter une solution complète au problème de la Palestine.
M. SURAKIART SATHIRATHAI, Ministre des affaires étrangères de la Thaïlande, a déclaré que les événements tragiques du 11 septembre ont montré les effets dévastateurs que peuvent avoir pour l'humanité l'intolérance, le racisme et la discrimination raciale. Malheureusement, l'une des conséquences les plus désastreuses qui semble avoir émergé suite à ces événements a été l'islamophobie. Aussi, nous incombe-t-il à tous d'œuvrer à l'avènement d'un nouveau monde, plus sûr et exempt de toute forme d'intolérance, de racisme, de discrimination raciale et de terrorisme. Rappelant que les appels du peuple afghan en faveur des droits de l'homme avaient été ignorés pendant des années, le ministre a indiqué que la Thaïlande a choisi de se joindre à l'action concertée de la communauté internationale en faveur de la reconstruction de l'Afghanistan. M. Sathirathai a par ailleurs souligné que la Conférence de Monterrey, qui vient de s'achever au Mexique, montre la voie à suivre pour établir un partenariat cohérent et plus efficace visant à promouvoir l'éradication de la pauvreté et le développement durable.
Le ministre thaïlandais a d'autre part rappelé que dès son entrée en fonction, l'actuel Gouvernement thaïlandais n'a épargné aucun effort pour mettre en œuvre des politiques, des programmes et des mesures visant à améliorer la qualité de vie de la population du pays. À cet égard, il convient notamment de souligner que l'Autorité nationale pour le logement a été priée de n'épargner aucune ressource pour résoudre les problèmes de logement auxquels sont confrontées les classes moyennes et à faible revenu. En ce qui concerne la santé, le principe de la santé pour tous a été pleinement appliqué, pour la première fois, à l'échelle nationale. Pour ce qui est des travailleurs migrants illégaux, le Gouvernement thaïlandais est déterminé à s'assurer qu'ils sont protégés de manière adéquate. À cette fin, il convient de rappeler qu'un programme de régularisation a été mis en œuvre qui a permis à un demi million d'entre eux de se faire enregistrer depuis le mois d'octobre dernier et de rejoindre ainsi la main-d'œuvre officielle, ce qui leur ouvre l'accès aux opportunités d'éducation et à l'assurance santé. Quant à ceux qui retournent chez eux au Myanmar, le gouvernement de ce pays a promis de ne pas chercher à les punir, a assuré le ministre.
M. FELIPE PÉREZ ROQUE, Ministre des affaires étrangères de Cuba, a déploré la politisation constante des travaux de la Commission, estimant qu'il est temps de démocratiser ses méthodes de travail et de rétablir la transparence quant à ses objectifs et ses règles de fonctionnement. À titre d'exemple, il a demandé pourquoi ceux qui mettaient en cause la légitimité des élections récentes dans un pays d'Afrique n'avaient rien dit l'an dernier lors des élections présidentielles aux États-Unis quand il a fallu attendre plus d'un mois avant de savoir qui serait président. Le Ministre a ensuite dénoncé la sélectivité d'une Commission dont les résolutions et les déclarations critiquent la situation des droits de l'homme dans 18 pays en développement en ignorant les violations des droits de l'homme dans les pays développés. Il s'est ensuite inquiété de l'inégalité au sein de la Commission où une minorité de pays riches imposent leurs intérêts parce qu'ils ont les moyens d'accréditer des délégations nombreuses, présentent les résolutions et disposent de toutes les ressources pour se poser en juges face aux pays en développement. Condamnant les manœuvres des États-Unis pour revenir à la Commission des droits de l'homme sans être élus, il a déclaré qu'il fallait bannir l'arbitraire de la Commission.
Le ministre a ensuite demandé aux délégations pourquoi le droit au développement n'est pas reconnu et pourquoi on ne reconnaît pas le droit des pays en développement à recevoir une compensation pour les siècles de souffrance et de pillage du colonialisme. Il s'est inquiété du fait que le droit à l'annulation de la dette, à l'éradication de la pauvreté, à l'éducation et à la souveraineté des pays en développement ne soit pas encore reconnu. Face à toutes ces interrogations, le ministre a mis en garde contre un danger qui, indépendamment des différences idéologiques, menace le monde entier : celui de se voir imposer une dictature au service d'une superpuissance qui a déclaré sans ambages qu'on est avec elle ou contre elle. Il a demandé à la communauté internationale pourquoi on n'exigeait pas des États-Unis qu'ils cessent de déclencher des guerres qui, loin de régler les conflits, en créent de nouveaux. Pourquoi n'exige-t-on pas que les États-Unis ne reviennent pas sur leur décision de dénoncer le Traité sur les missiles antimissiles (ABM) et s'engagent à respecter le principe de vérification prévu dans le protocole complémentaire place de la Cour pénale internationale et qu'ils respectent les conventions internationales et les à la Convention sur les armes biologiques. Pourquoi n'exige-t-on pas qu'ils contribuent à la mise en principes du droit international humanitaire dans leur traitement des prisonniers de la guerre contre le terrorisme. Il a également demandé pourquoi personne ne demandait aux États-Unis de mettre fin à leurs pratiques protectionnistes unilatérales et cessent d'imposer des tarifs douaniers arbitraires comme ils viennent de le faire dans le cas de l'acier et d'autres produits. Il a voulu savoir pourquoi on n'exigeait pas des États-Unis qu'ils abrogent la Loi Helms-Burton et renoncent à l'application extraterritoriale de leur lois. Enfin, il a demandé pourquoi personne n'exigeait qu'ils s'occupent du cas scandaleux d'Enron et de la corruption chez eux au lieu de sermonner le reste du monde ? S'adressant aux délégations des pays développés, il leur a demandé, «pourquoi, si vous êtes d'accord en privé avec tout ce qui vient d'être dit, restez-vous muets et ne vous opposez-vous pas à ces dangers qui menacent tout le monde?»
Le Ministre cubain des affaires étrangères a ensuite fait savoir que, cette année, la République tchèque avait annoncé qu'elle ne présenterait plus la résolution contre Cuba et que les États﷓Unis s'employaient à «agiter la carotte et le bâton» pour obtenir qu'un pays d'Amérique latine accepte de jouer ce rôle. Il a déclaré que son pays s'opposerait à cette résolution et à toute tentative de manipulation dans ce sens. Il s'est déclaré convaincu que si un gouvernement se prêtait à cette manoeuvre contre Cuba, il le ferait par manque de courage face aux pressions des États﷓Unis.
M. ABDUL SATTAR, Ministre des affaires étrangères du Pakistan, a souligné que la campagne contre le terrorisme, que le Pakistan a rejoint dès le début, n'est pas terminée, le terrorisme sévissant toujours dans de nombreux pays – en Italie, en Inde, au Pakistan aussi. Une stratégie bien pensée doit faire réfléchir sur ses causes profondes et souvent perverses. La pauvreté, la répression ou l'occupation peuvent expliquer ces actes. Les États doivent de leur côté cesser de susciter le terrorisme. Le respect des droits de l’homme doit servir de principe de base dans la lutte contre le terrorisme. Le ministre a aussi relevé que, dans le sillage des attentats du 11 septembre, l'islam et sa civilisation ont été présentés sous des traits mensongers. L'islam est pourtant une religion de paix, comme les autres grandes religions, il enseigne le respect de la différence et la tolérance. Le dialogue et l'interaction entre les civilisations sont nécessaires pour éviter que ne se reproduisent ces simplifications génératrices de haines.
Le ministre pakistanais a évoqué les actions de son gouvernement pour mettre en application les idées libérales et progressistes qui ont présidé à la fondation du Pakistan. Des mesures pour limiter la violence et l'intolérance ont notamment été prises, et le pays s'est engagé dans une véritable «révolution silencieuse» dans le domaine économique, qui comprend des mesures pour revoir la situation s'agissant du travail des enfants, et des négociations avec le Fonds monétaire international, notamment, mais aussi dans le domaine politique, par un renforcement des pouvoirs au niveau local, la promotion des droits des minorités et surtout de ceux des femmes, avec notamment la qualification en tant que crime des meurtres dits d'honneur. La société civile est pour sa part largement invitée à participer à ces efforts, notamment dans le cadre des forums pour le développement et pour les droits de l’homme.
S'agissant du problème des réfugiés, le ministre a rappelé que trois millions de réfugiés afghans se trouvent sur le sol pakistanais. L'amélioration de la situation en Afghanistan permettra un retour progressif à la normale. Avec l'Inde, les négociations sont plus difficiles; le Cachemire est au centre des problèmes. L'Inde a eu recours à la force et à l'intimidation au Cachemire, y compris par la torture et les traitements dégradants, interdisant au groupe d'observateurs de l'ONU de remplir sa mission. Le ministre a demandé à la Commission d'agir pour que l'Inde respecte les droits de l’homme dans le territoire cachemirien qu'elle occupe. Le ministre a par ailleurs exprimé sa préoccupation devant le traitement infligé à la minorité musulmane en Inde, notamment lors des derniers attentats commis au Gujarat, et les déclarations de certains dirigeants indiens semblant approuver ces actes.
Au sujet de la Palestine, le ministre s’est félicité de l’adoption de la résolution 1397 du Conseil de sécurité, ainsi que de la proposition saoudienne de règlement politique. Le ministre a conclu son discours par une référence au fossé économique qui sépare les riches et les pauvres, et à la nécessité pour les premiers de débloquer les ressources nécessaires aux programmes d'éradication de la pauvreté, notamment par le respect du principe des 0,7% du PNB consacrés à l'aide au développement. Cette lutte, a-t-il relevé, est aussi une étape dans la lutte contre le terrorisme.
M. HUBERT VEDRINE, Ministre des affaires étrangères de la France, a assuré que son pays accorde une grande importance à l'action de la Commission qui peut consolider, accélérer et hâter le progrès général des sociétés que le développement et l'éducation doivent assurer. La France y est très active avec par exemple cette année plusieurs propositions sur les disparitions forcées, l'extrême pauvreté et la détention arbitraire, a-t-il notamment précisé.
Il existe encore dans le monde d'aujourd'hui de profondes divergences – sur la lecture de l'Histoire, le partage des richesses, l'organisation du système international, les injustices, les responsabilités au Proche-Orient, notamment – qu'ont révélées l'an passé Gênes et plus encore Durban, a affirmé M. Védrine. C'est dans ce contexte que les attaques terroristes contre les États-Unis ont provoqué un choc considérable, dont les effets vont perdurer, a-t-il poursuivi. La communauté internationale s'est engagée résolument dans la lutte contre le terrorisme, a ajouté le ministre français, mais nous ne pourrions admettre que l'émotion légitime suscitée par ces actes terroristes soit utilisée par certains pour se dégager de leurs obligations internationales de respect des droits humains et du droit international humanitaire, que la lutte contre le terrorisme soit dévoyée pour tenter de légitimer des campagnes de répression, pour museler toute contestation, pour justifier l'usage de méthodes inacceptables. M. Védrine s'est dit très choqué par certains appels récents à une certaine acceptation de la torture dans certains cas. «Nous devons répondre aux défis qui nous sont lancés par les terroristes sur le plan de la sécurité, sans compromettre nos principes», a-t-il insisté avant d'ajouter que «nous devons en même temps éviter le piège de la confrontation des civilisations que certains cherchent à attiser».
M. Védrine a par ailleurs adressé une invitation permanente à tous ceux qui, au titre des mécanismes de la Commission, voudraient travailler en France. Il a insisté sur la nécessité de soutenir les prises de positions des Nations Unies concernant l'indérogeabilité du droit à la vie, de l'interdiction de la torture, du principe de non-discrimination et des libertés de pensée, de conscience et de religion, en ne cachant pas nos attentes vis-à-vis des pays amis. «Je pense notamment au nécessaire respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire, en Tchétchénie ou dans les territoires palestiniens occupés, quelles que soient en même temps les exigences de la lutte contre le terrorisme». «Et je pense aussi à la Chine, avec laquelle, tout en poursuivant le dialogue, l'Union européenne voudrait voir de mieux en mieux respectés les droits de l'homme», a déclaré M. Védrine. Le Ministre a insisté sur la nécessité de rester vigilant face aux manifestations d'intolérance religieuse dans une période propice aux amalgames. À cet égard, il a souligné que le Gouvernement français est très vigilant à l'égard de tous les actes de haine raciale ou religieuse et les réprime avec la plus grande fermeté. M. Védrine a par ailleurs rappelé que beaucoup de femmes restent victimes partout dans le monde de violences domestiques ou sociales qu'il ne faut plus tolérer, sans parler des insupportables mutilations sexuelles ou des pratiques atroces telles que celles des «crimes d'honneur». «Que l'on ne nous parle pas de tradition culturelle à ce sujet!», a lancé le ministre.
M. Védrine a par ailleurs lancé un appel à la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Compétente pour les crimes les plus graves, elle constituera un recours et une référence qui n'empêchera nullement les États de trouver les solutions nationales les plus appropriées aux drames qu'ils ont pu connaître, si nécessaire avec l'appui des Nations Unies comme en Sierra Leone ou, je l'espère, au Cambodge, a déclaré le Ministre. Il a par ailleurs appelé les États à manifester leur volonté commune d'élaborer un instrument normatif contraignant sur les disparitions forcées. Il a également souligné que la France défend un moratoire général en vue de l'abolition universelle de la peine de mort. Le débat sur la mondialisation a remis à l'ordre du jour la promotion des droits économiques, sociaux et culturels, c'est-à-dire le développement, a également rappelé M. Védrine. Il a par ailleurs rappelé que la France et l'Union européenne ont récemment défendu avec succès à Doha le droit de l'accès aux médicaments pour les pays confrontés aux très graves pandémies telles que le sida, la tuberculose ou le paludisme. Insistant sur la nécessité d'instaurer une mondialisation plus équitable, le ministre a indiqué que la France propose la mise en place d'un conseil de sécurité économique et sociale.
M. JOSEPH DEISS, Chef du département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, rappelant que, le 3 mars dernier, le peuple et les cantons avaient approuvé l'adhésion de la Suisse à l'ONU, a indiqué que par cette décision la Suisse montre qu'elle entend participer pleinement et solidairement à la solution des problèmes qui affectent l'humanité. Il a ensuite attiré l'attention de la Commission vers ceux qui, par leur faiblesse ou leur différence, sont les plus vulnérables, ainsi que ceux qui, par leur engagement en faveur des droits de l'homme, se rendent eux-mêmes vulnérables. Il a estimé que c'est au degré de protection des plus faibles que se mesure l'avancement d'un pays dans le plein respect des droits de l'homme. Il a illustré son propos en demandant le respect de la dignité de ceux qui ont commis des crimes, des marginaux que la morale commune tend à rejeter en raison de leur mode de vie, de la dignité de la population en temps de guerre, y compris celle des combattants ennemis. À cet égard, M. Deiss a mis l'accent sur le droit humanitaire pour répondre aux défis posés par les conflits armés et a appelé à la ratification universelle des instruments internationaux. Il a observé que le droit international humanitaire n'est pas un idéal théorique mais le minimum en deçà duquel commence le déni de la dignité humaine et l'abus de la force. Ainsi, il est illégitime et dangereux d'invoquer des raisons de sécurité pour remettre en cause les règles du droit humanitaire, a-t-il poursuivi. Cela conduit à l'impasse et attise la violence, a-t-il déclaré en rappelant l'appel solennel lancé, le 5 décembre 2001, à la puissance occupante israélienne lors de la réunion des 115 États parties à la Quatrième Convention de Genève. L'émergence d'une paix juste et durable, capable d'apporter sécurité et développement à tous, passe par la fin de l'occupation et, dans l'intervalle, par l'application de jure du droit qui régit les conditions de l'occupation et protège les civils, a-t-il déclaré en estimant que cette déclaration pouvait s'appliquer à de nombreuses situations.
S'agissant de la lutte contre le terrorisme, M. Deiss a considéré que la prévention et la répression d'attaques contre des innocents revêtent un caractère d'urgence. Toutefois, pour être crédible, efficace et conforme à ses objectifs déclarés, cette réaction au terrorisme doit se faire dans le cadre des règles universelles qui protègent la personne humaine, a-t-il souligné, car ces règles ne doivent en aucun cas devenir les victimes indirectes du terrorisme. En effet, a-t-il poursuivi, la meilleure réponse à ceux qui bafouent les valeurs et les principes universels réside dans la réaffirmation de ces principes à travers le dialogue des civilisations et dans l'action préventive et répressive du terrorisme.
M. Deiss s'est ensuite prononcé en faveur de l'abolition universelle de la peine de mort et a demandé aux États d'exercer leur responsabilité en restreignant et finalement supprimant le recours à la peine capitale. Il a estimé qu'il importe de préserver la justice humaine contre le risque de tuer des innocents et le danger de relativiser la valeur de la vie humaine. Il en a appelé à tous les États pour qu'ils abolissent dès que possible ce châtiment d'un autre âge et a demandé à ceux qui le pratiquent encore d'en suspendre l'application ou du moins d'en faire un usage très limité. Pour plusieurs raisons, ne serait-ce que le nombre d'exécutions et l'importance de ces trois pays, M. Deiss a adressé son appel en particulier aux États-Unis, à la Chine et à l'Arabie saoudite. M. Deiss a ensuite attiré l'attention sur l'initiative de la Suisse et du Costa Rica en faveur du Protocole facultatif à la Convention contre la torture visant à protéger de la torture les personnes privées de liberté en instituant un mécanisme de visites. En dernier lieu, il a abordé la question du droit des minorités, notamment dans la région du Tibet en recommandant que l'on trouve, dans le dialogue, une forme adéquate d'autodétermination.
M. GORAN SVILANOVIC, Ministre fédéral des affaires étrangères de la Yougoslavie, a évoqué les deux défis qui se posent maintenant à la communauté internationale: faire du siècle qui s'ouvre le siècle des droits de l’homme et construire une véritable culture de prévention. Le ministre a toutefois relevé que si le monde offre des grandes espérances, la pauvreté règne toujours, sans parler des violations des droits de l’homme, de l'exploitation des femmes et des enfants, du problème des réfugiés, du terrorisme, notamment. Les États doivent donc faire front commun pour favoriser la protection des droits de l’homme.
En Yougoslavie, si des obstacles restent à franchir, de nombreuses mesures ont déjà été prises pour promouvoir et consolider les droits de l'homme. Ainsi, un accord récent entre la Yougoslavie et le Monténégro a été signé dans un esprit de coopération, qui devrait ouvrir la voie à un rapprochement avec le reste de l'Europe. Le ministre a ici relevé la signature de plusieurs protocoles et conventions, notamment sur les droits de l'enfant. Au niveau interne, parmi d'autres réformes, une loi a été élaborée avec le Conseil de l'Europe et l'OSCE, loi récemment votée qui garantit les droits des minorités, notamment les Roms, et prévoit des Conseils nationaux des minorités, qui vont plus loin que les textes de l'ONU.
Le ministre a rappelé la situation très violente qu'a connu la région du Sud de l'Europe; les peuples du Sud de l'Europe doivent maintenant se préparer à affronter franchement le passé et la Yougoslavie se déclare prête à collaborer avec la communauté internationale et le Tribunal de La Haye. Quant aux provinces du Kosovo et de la Metohija, le ministre a estimé qu'il fallait tout faire pour garantir le respect des institutions locales. Il a déploré que 100 000 Serbes déplacés soient toujours interdits de séjour chez eux. À cet égard, le ministre a évoqué les efforts communs de son pays avec le Haut Commissaire pour les réfugiés pour résoudre la question des 400 000 réfugiés de Croatie et de Bosnie-Herzégovine, et promouvoir des mesures de restauration de confiance interethnique, mesures qui ont déjà donné des signes tangibles de progrès.
Tous ces efforts ont été salués par le Conseil de l'Europe et l'OSCE. Ces progrès, a estimé le ministre, rendent donc caduc le mandat du Rapporteur spécial qui avait été désigné par l'ONU il y a dix ans. La Yougoslavie souhaite néanmoins continuer sa collaboration avec les organes des Nations Unies, et espère signer un accord sur la coopération technique dans le domaine des droits de l'homme d'ici la fin de l'année.

Présentation de rapports sur la question de la violation des droits de l’homme dans les territoires arabes occupés, y compris la Palestine
M. JOHN DUGARD, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, a demandé à la Commission de préciser les termes de son mandat afin qu'il ne soit plus contesté par Israël. Il a fait savoir que lors de ses deux visites dans la région, il n'a pu rencontrer aucun responsable israélien puisqu'Israël conteste son mandat. Il a regretté que cet état de fait l'empêche de vérifier les informations reçues d'organisations non gouvernementales tant israéliennes que palestiniennes.
S'agissant de la situation dans les territoires arabes occupés par Israël, qui a continué à se détériorer depuis qu'il a quitté la région en février dernier, le Rapporteur spécial s'est inquiété de la destruction de maisons et de biens palestiniens, ainsi que des limitations imposées à la liberté de mouvement des Palestiniens, qui a des conséquences économiques graves. Le Rapporteur spécial a déploré les contrôles humiliants auxquels sont régulièrement soumis les Palestiniens et les entraves de plus en plus fréquentes à l'agriculture que représente la construction des routes de contournement des colonies. En outre, l'occupation militaire affecte aussi l'éducation, a-t-il insisté avant de s'inquiéter de la situation des enfants. Il a également exprimé sa préoccupation devant les mauvais traitements infligés aux détenus palestiniens. Le Rapporteur spécial a qualifié la situation d'urgente et a exhorté la communauté internationale à prendre les mesures qui s'imposent alors que le nombre de morts continue d'augmenter des deux côtés.
Le Rapporteur spécial a ensuite mis l'accent sur l'expansion des colonies. Il a estimé qu'il était urgent de s'attaquer aux causes de la violence actuelle et de prendre en compte les perceptions des deux parties. Ainsi, pour les Palestiniens, la cause majeure de la violence réside dans l'occupation militaire qui affecte le niveau de vie, la situation des droits de l'homme et l'économie. En outre, les bombardements touchent de nombreux civils alors que les colonies continuent de s'étendre. Pour Israël, en revanche, c'est le terrorisme qui est à l'origine de la violence. Les Israéliens estiment que leur sécurité est constamment menacée et qu'ils ne sont plus en sécurité chez eux, dans les rues, ou dans les centres commerciaux.
La violence actuelle ne saurait continuer et il est urgent de trouver des solutions sans ignorer les positions des deux parties, a poursuivi M. Dugard. Il importe toutefois de ne pas oublier que l'occupation militaire détient une lourde responsabilité dans les violations des droits des Palestiniens. Compte tenu de l'escalade de la violence, le Rapporteur spécial a estimé qu'il ne serait pas suffisant d'essayer d'obtenir un accord de cessez-le-feu. Il faut que les deux parties retrouvent le chemin de la table des négociations pour trouver une solution au conflit qui devra passer par la reconnaissance que la seule solution réside dans la coexistence pacifique de deux États libres et indépendants. En attendant, le Rapporteur spécial a exhorté la communauté internationale à prendre ses responsabilités en décidant d'envoyer une mission internationale, composée avec soin, qui seule serait en mesure de rétablir le calme dans la région.


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