Skip to main content

Communiqués de presse Procédures spéciales

« Les massacres perpétrés par les groupes armés et l’armée congolaise se poursuivent au Congo », selon l’expert des Nations Unies

15 Octobre 2009

KINSHASA (15 octobre 2009) – Les troupes gouvernementales de la République Démocratique du Congo ont tué de nombreux civils à l’est du Congo cette année selon la déclaration* faite à la presse de M. Philip Alston, rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires. M. Alston vient d’achever une mission d’enquête de onze jours à travers le pays.

« Les soldats congolais ont tiré et ont battu à mort au moins 50 réfugiés Hutus rwandais et ont entièrement brûlé leur camp, lors d’une attaque menée en avril 2009. Quelques 40 femmes ont été enlevées dans le camp. Un petit groupe de dix femmes qui a pu s’échapper a décrit avoir subi des viols collectifs et présentaient des blessures graves : les agresseurs leur avaient coupé des morceaux de leurs seins », selon Alston.

Ces tueries se sont produites à Shalio, au Nord-Kivu à l’est du Congo. Alston ajoute que d’autres rapports portant sur des exécutions récentes commises par les FARDC (l’armée de la République Démocratique du Congo) commencent à voir le jour. Il ajoute qu’ « une enquête immédiate, indépendante et approfondie de ces exécutions est indispensable ».

Les exécutions ont eu lieu dans le contexte d’une opération conjointe en cours menée par des militaires de la RDC et des Nations Unies visant à nettoyer le territoire du pays de la présence des FDLR, groupe armé composé en partie par les ex-« génocidaires » rwandais, et par d’autres groupes qui ont déstabilisé l’est du Congo pendant plus d’une décennie.

L’opération conjointe a été si mal exécutée que les FDLR ont pu retourner facilement dans les villages abandonnés par les forces congolaises et des Nations Unies pour y commettre des massacres violents de civils en guise de représailles. « D’un point de vue des droits de l’homme, l’opération a été une catastrophe », dit Alston. « Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées, des centaines de villages entièrement brûlés et au moins mille civils ont été tués. Femmes et fillettes ont été violées jusqu’à ce que mort s’en suive, de la façon la plus horrible que l’on puisse imaginer. »

Alston a également enquêté sur les tueries commises dans la Province Orientale, à l’extrémité nord du Congo, à la frontière avec le Soudan et l’Ouganda. « La situation en Province Orientale est une véritable poudrière mais ni le gouvernement ni la communauté internationale n’y accorde l’attention voulue », conclut Alston. « Le gouvernement prétend avoir repoussé l’Armée de Résistance du Seigneur à l’extérieur du territoire congolais et s’apprête à déclarer victoire. Mais la triste réalité est que la LRA sévit toujours en Orientale. Les exécutions et les enlèvements suivent leur cours ».

La LRA est une force de guérilla essentiellement composée d’enfants enlevés par Joseph Kony, un homme recherché par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre. « Loin d’être éradiquée, la LRA s’est transformée en un problème régional nécessitant une solution régionale ; mais aucune solution n’est apparemment encore envisagée », dit Alston. Il a exprimé sa grande préoccupation en apprenant que le gouvernement « a récemment dépêché des troupes connues pour leur passé de viols, de pillages et d’exécutions de civils dans d’autres parties du pays, vers cette province ».

Depuis septembre 2008 plus de 1 200 civils ont été brutalement tués par la LRA au Congo. Nombreuses de ces tueries étaient des massacres prévisibles commises en guise de représailles à la suite des opérations militaires du gouvernement et des Nations Unies ; Alston a ainsi conclu que le gouvernement, comme les Nations Unies, avaient failli dans leur responsabilité d’accorder la priorité à la protection des civils lors de la planification de l’opération. On sait que la LRA a depuis longtemps recours à des exécutions de civils en guise de riposte aux attaques gouvernementales en Ouganda et au Soudan. Certaines des tueries les plus violentes de la LRA ont été commises après l’opération menée conjointement par le Congo, l’Ouganda et l’Armée de libération du peuple du Soudan, avec l’appui logistique des Etats-Unis.

Alston se dit très préoccupé qu’à l’approche des élections de 2010, Kinshasa et le Bas-Congo (à l’ouest du pays) ne deviennent le théâtre de répétition des exécutions politiques de civils en 2006-2008, imputées aux forces de sécurité du gouvernement. « J’ai fait moi-même l’expérience de la nature hautement répressive de l’appareil de l’Etat dans ces régions lorsque je fus empêché par les autorités et la police armée du Bas-Congo de rencontrer des témoins et des victimes au début de cette semaine », dit le rapporteur.

A travers le pays, l’impunité est si répandue que même Bosco Ntanganda, recherché par la Cour pénale internationale pour avoir utilisé des enfants soldats, occupe un poste de commandement supérieur au sein des opérations militaires actuelles. « Des hommes portant anonymement des uniformes militaires sans aucun signe distinctif, sans aucune étiquette d’identification, font usage de la brutalité et du pouvoir que leur donne leur position pour bafouer la loi au Congo », dit Alston. « Le gouvernement ne connaît même pas le nombre de ses soldats. Un geste aussi simple que d’exiger des uniformes indiquant le nom et l’unité du soldat contribuerait grandement à la lutte contre l’impunité ».

« Les témoins sont au rouge en RDC », prévient Alston, en lançant en appel au gouvernement de la RDC et à la communauté internationale de prendre des mesures immédiates de prévention pour empêcher une nouvelle effusion de sang prévisible à l’ouest, en Province Orientale et dans les Kivus.

(*) Le texte intégral de la déclaration du rapporteur spécial est disponible sur http://www2.ohchr.org/english/issues/executions/index.htm

Mots-clés

VOIR CETTE PAGE EN :