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Communiqués de presse Commission des droits de l'homme

LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME DÉBAT DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

29 Mars 2004


29.03.2004


Présentation des rapports sur le droit à l'alimentation
et sur les effets des politiques d'ajustement structurel et de la dette extérieure


La Commission des droits de l'homme a poursuivi, cet après-midi, son débat sur les droits économiques, sociaux et culturels, engagé ce matin avec la présentation du rapport de l'Experte indépendante sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté. M. Jean Ziegler, Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, et M. Bernards Andrew Nyamwaya Mudho, Expert indépendant sur les effets des politiques d'ajustement structurel et de la dette extérieure sur la jouissance effective de tous les droits de l'homme, ont présenté leurs rapports. Les présentations de rapports ont fait l'objet d'interventions de certaines délégations. Onze pays membres de la Commission ont par ailleurs fait des déclarations dans le cadre du débat concernant les droits économiques, sociaux et culturels.

M. Ziegler a souligné que la situation de la faim dans le monde reste tout à fait dramatique, avec 100 000 personnes qui meurent de faim chaque jour sur une terre qui produit pourtant suffisamment pour nourrir le double de la population mondiale actuelle. «Quiconque meurt de faim aujourd'hui meurt assassiné», a-t-il déclaré. M. Ziegler a par ailleurs dénoncé le rôle des sociétés transnationales qui exercent un monopole de plus en plus incontesté sur les secteurs de l'alimentation et de l'agriculture et qu'il importe de responsabiliser en matière de droits de l'homme. Il a par ailleurs salué l'initiative du Président brésilien Luiz Ignacio Lula da Silva, qui prévoit la constitution d'un fonds international pour lutter contre la faim dans le monde, financé soit par une taxe internationale sur les ventes d'armes, soit par une taxe sur les mouvements de capitaux spéculatifs.

Le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation s'est dit encouragé par la nouvelle politique gouvernementale de sécurité alimentaire adoptée en Éthiopie, pays dans lequel il a effectué une mission le mois dernier. Au Bangladesh, où il effectué une mission en 2003, M. Ziegler a relevé que les grandes famines ont été vaincues et que le pays est parvenu à l'autosuffisance; l'accès à la nourriture reste néanmoins fortement limité par la pauvreté endémique. S'agissant enfin de la mission dans les territoires palestiniens occupés, M. Ziegler a souligné la double tragédie de la violence quotidienne et du terrorisme d'une part, mais aussi de la catastrophe humanitaire qui affecte la population. Il a estimé que 70% des ménages sont totalement dépendants de l'assistance.

Étant directement concernées par le rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, les délégations du Bangladesh, d'Israël et de la Palestine ont fait des déclarations suite à sa présentation. Un dialogue interactif s'est ensuite engagé autour du rapport de M. Ziegler.

Présentant son rapport, l'Expert indépendant sur les effets des politiques d'ajustement structurel et de la dette extérieure a notamment mis en avant les bienfaits de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), notamment du point de vue de ses conséquences sur la réduction de la pauvreté. Cette initiative, à elle seule, n'est pas suffisante et doit s'accompagner d'autres mesures en faveur du développement, a-t-il toutefois souligné. S'agissant de la situation en Ouganda, où il a effectué une mission, M. Mudho a rappelé que ce pays a souvent été présenté comme un excellent exemple en matière de réforme de politique économique; il n'en demeure pas moins très dépendant de l'apport en ressources extérieures, a-t-il précisé. La délégation de l'Ouganda a fait une déclaration en tant que pays concerné. Un dialogue interactif avec les membres de la Commission a suivi la présentation de ce rapport.

En début de séance, Mme Anne-Marie Lizin, Experte indépendante sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté, a répondu aux questions posées par certaines délégation suite à la présentation, ce matin, de son rapport.

Dans le cadre du débat général sur les droits économiques, sociaux et culturels, les représentants des membres suivants de la Commission ont fait des déclarations: République dominicaine, Égypte, Irlande (au nom de l'Union européenne), République de Corée, Autriche, Cuba, Nigéria, Mexique, États-Unis, Chine et Sri Lanka. Plusieurs délégations ont apporté leur soutien aux travaux visant l'élaboration d'un protocole au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui instituerait un mécanisme d'examen des plaintes pour violation de ces droits. Nombre d'entre elles se sont prononcées en faveur du renouvellement du mandat du Groupe de travail qui est chargé d'examiner les options qui s'offrent s'agissant d'un tel protocole.

Les États-Unis ont exercé leur droit de réponse.


La Commission poursuivra demain matin, à 10 heures, son débat sur les droits économiques, sociaux et culturels.


Fin du dialogue interactif avec l'Experte indépendente sur l'extrême pauvreté

M. BERTRAND RAMCHARAN, Haut-Commissaire aux droits de l'homme par intérim, a déclaré que Mme Lizin avait fait œuvre de pionnier pour ce premier mandat sur l'extrême pauvreté et l'a vivement remerciée pour ses travaux.

En réponse aux questions qui lui avaient été adressées ce matin dans le cadre de ce dialogue interactif, MME ANNE-MARIE LIZIN, Experte indépendante sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté, a estimé que la nouvelle loi sur l'enregistrement des naissances au Soudan est une bonne loi. Elle a toutefois encouragé le Soudan à aller dans le sens de l'interdiction des mutilations génitales. En ce qui concerne la Chine, elle a souligné que pour être positif à l'égard d'un ami, il n'est pas nécessaire d'être négatif à l'égard d'un autre. Elle a néanmoins encouragé son futur successeur au poste d'Expert indépendant à accepter une éventuelle invitation des États-Unis à effectuer une visite dans ce pays. S'agissant de la République dominicaine, elle a indiqué que son intention n'était pas d'être négative mais au contraire de souligner que l'exemple de la République dominicaine montre bien qu'un système d'état civil moderne contribue à réduire les difficultés alors que l'inexistence d'un tel système engendre l'exclusion. Mme Lizin a mis l'accent sur d'autres contextes, en Europe par exemple, où les réformes concernant les papiers d'identité peuvent contribuer à introduire des discriminations. En réponse à l'Irlande, elle a précisé que les principaux facteurs de la pauvreté sont l'exclusion du système éducatif et le non-accès à un revenu décent. Elle a insisté sur la nécessité d'encourager des techniques visant à assurer un revenu minimum, rappelant que comme le montre le Yémen, ce ne sont pas seulement là des stratégies de pays riches. Elle a en outre rappelé que, dans une situation de pauvreté, être une femme est un facteur dramatiquement aggravant.

Insistant sur l'importance que revêt la mise en place d'un système d'enregistrement des naissances, elle a mis l'accent sur la nécessité de supprimer les références ethniques, comme l'a fait le Rwanda. L'Europe pourrait soutenir l'établissement ou la modernisation de l'état civil dans plusieurs pays, notamment en République démocratique du Congo où un processus d'enregistrement doit être mené en vue de la tenue d'élections, a poursuivi Mme Lizin.


Présentation du rapport sur les effets des politiques d'ajustement structurel et de la dette extérieure

Présentant son rapport sur les effets des politiques d'ajustement structurel et de la dette extérieure sur la jouissance effective de tous les droits de l'homme, M. Bernards Andrew Nyamwaya Mudho, Expert indépendant sur la question, a rappelé que l'an passé, il avait présenté à la Commission des cas de pays étant parvenus avec succès à gérer leurs lourds endettements et leurs politiques d'ajustement structurel. Toutefois, il est évident que le poids de la dette des pays les plus pauvres demeure un obstacle à l'éradication de la pauvreté dans les pays les plus endettés, dans les pays en développement et dans les pays en transition, a-t-il ajouté. L'Expert a ensuite insisté sur les bienfaits de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés, notamment du point de vue de ses conséquences sur la réduction de la pauvreté. Toutefois, a expliqué l'expert, il ne faudrait pas considérer cette initiative comme une fin en soi mais comme un moyen d'atteindre l'objectif de réduction de la pauvreté et de créer un environnement favorable à la promotion des droits de l'homme. Cette initiative, à elle seule, n'est pas suffisante, a-t-il insisté. Elle doit en effet s'accompagner d'autres mesures en faveur du développement, a-t-il déclaré.

Par ailleurs, afin de contrecarrer les effets néfastes des politiques d'ajustement structurels, il conviendrait de mettre l'accent sur le renforcement des capacités des pays concernés, a poursuivi l'Expert indépendant. Il serait opportun de mettre l'accent sur la non-discrimination et sur le principe d'égalité dans la formulation des politiques budgétaires, a-t-il ajouté. S'agissant de la situation en Ouganda, où il a effectué une mission, l'Expert a rappelé que ce pays a souvent été présenté comme un excellent exemple en matière de réforme de politique économique. Il a précisé que si ce pays a mis en œuvre sa propre stratégie de lutte contre la pauvreté, il n'en demeure pas moins très dépendant de l'apport en ressources extérieures pour pouvoir compenser son important déficit fiscal. D'une manière générale, M. Mudho a estimé qu'il est important d'assurer l'accès aux marchés des produits des pays en développement et de mieux circonscrire la volatilité des marchés. Si ces questions sont prises en compte dans le cadre de l'Initiative mentionnée plus haut, alors elles auront de profondes répercussions sur la réalisation des droits économiques, culturels et sociaux. À cet égard, l'Expert a indiqué qu'il entend accorder la plus grande attention aux initiatives nouvelles qui aborderont la question de la dette d'un point de vue global.

Dans son rapport sur les effets des politiques d'ajustement structurel et de la dette extérieure sur la jouissance effective de tous les droits de l'homme (E/CN.4/2004/47 et Add.1), l'Expert indépendant affirme que les États devraient multiplier leurs engagements et accroître leur appui à l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), pour faire en sorte qu’elle soit pleinement appliquée et que les ressources ainsi dégagées viennent s’ajouter à l’aide publique au développement. Selon le rapport, il conviendrait, tout en tenant compte du contexte des priorités propres à chaque pays, de s’employer à affecter les ressources au titre de l’Initiative PPTE selon un mode qui favorise un développement équilibré et, partant, la réalisation globale de ces droits. Par ailleurs, il faudrait songer au rôle que les institutions nationales pour les droits de l’homme peuvent jouer dans le contrôle de l’exécution des dépenses publiques et de la mise en œuvre de l’Initiative PPTE. Le rapport souligne en outre que les États devraient renforcer les capacités des organes législatifs chargés du contrôle et du suivi de l’exécution du budget et les sensibiliser aux droits de l’homme, en particulier aux droits économiques sociaux et culturels. Par ailleurs, le FMI et la banque mondiale devraient coopérer plus étroitement pour que les ressources additionnelles dégagées grâce à l’Initiative PPTE soient absorbées par les pays bénéficiaires sans pour autant que soient compromis d’autres programmes en cours.

Dans l'additif 1 à son rapport, qui traite de sa mission en Ouganda, l'Expert indépendant affirme que des liens plus développés et plus explicites pourraient et devraient être établis entre les objectifs de développement du pays et les droits de l'homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels. Le Gouvernement et les donateurs devraient étudier davantage les moyens de réduire la dépendance à l'égard des ressources extérieures et ses répercussions négatives sur la réduction de la pauvreté et les autres programmes destinés à contribuer à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Par ailleurs, le Plan d'éradication de la pauvreté de la pauvreté devrait contenir des références explicites à la loi fondamentale ougandaise, la Constitution ainsi qu'aux engagements du pays à l'égard des droits de l'homme. Les mécanismes de surveillance du Plan d'éradication devraient être renforcés, en particulier ceux concernant la bonne gouvernance et la sécurité. Enfin, le Gouvernement ougandais devrait être instamment prié de présenter rapidement les rapports qu'il aurait dû soumettre aux organes conventionnels.

L'additif 2 au rapport est une note du Secrétariat qui indique que l'Expert indépendant avait programmé, en consultation avec les autorités compétentes, une visite officielle au Kirghizistan qui a été reportée à une date indéterminée.
M. NATHAN IRUMBA (Ouganda), s'exprimant en tant que pays concerné, a remercié l'Expert indépendant pour son rapport et a souligné que son pays considérait comme très important le travail des rapporteurs et experts de la Commission. C'est ce qui explique que l'Ouganda ait ouvert ses portes à leurs missions, mettant l'accent sur un dialogue approfondi avec les détenteurs de mandats, a-t-il insisté. Depuis 1996, a-t-il précisé, d'importantes réformes ont été lancées afin de promouvoir une croissance durable ainsi que la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels par tous les citoyens. Le représentant ougandais a affirmé que la croissance économique est la condition préalable à tout progrès dans la redistribution des richesses. L'Ouganda se félicite à cet égard de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), qui permettra de dégager des ressources pour combattre le sida et le surendettement, entre autres. Une aide extérieure sera aussi nécessaire pour résorber les déficits du pays et il importe surtout que les fonds parviennent jusqu'aux populations qui sont dans le besoin. D'autre part, l'Ouganda a subi le contrecoup de l'effondrement du cours du café, ce qui pose la question plus générale de la dette extérieure, de la diversification de l'agriculture et de la réforme du marché des matières premières, a poursuivi le représentant. Il a souligné que dans un tel contexte, l'Ouganda s'efforce néanmoins de rester fidèle à ses obligations en matière de respect des droits de l'homme. Le pays présentera, à ce titre, deux rapports devant les Nations Unies, notamment un sur la torture, a-t-il indiqué.

Dans le cadre du dialogue interactif qui a suivi la présentation du rapport sur les effets des politiques d'ajustement structurel et de la dette extérieure, M. JORGE FERRER RODRÍGUEZ (Cuba) a souhaité connaître l'opinion de l'Expert indépendant s'agissant de l'élaboration de normes minimales pour le paiement ou l'annulation de la dette, qui établiraient certains critères de développement et garantiraient certains services sociaux de base. Qu'en est-il de la problématique de la dette des pays développés qui connaissent une augmentation croissante de la pauvreté, a poursuivi le représentant?

M. PHILLIP RICHARD O. OWADE (Kenya) a estimé que le rapport de M. Mudho prouve bien l'importance de son mandat, notamment en démontrant la nécessité de renforcer l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). La Commission doit lui apporter tout l'appui dont il a besoin pour s'acquitter de son mandat, a estimé le représentant.

M. JEAN BAPTISTE NATAMA (Burkina Faso) a indiqué que son pays est concerné par l'Initiative PPTE mais a souligné que les négociations achoppent avec les partenaires au développement sur les modalités de remise de la dette. Il a souhaité que l'Expert indépendant insiste sur la nécessité d'harmoniser les procédures et les délais de décaissement.

M. Mudho, Expert indépendant, a déclaré avoir pris bonne note de ce que l'Ouganda ne néglige pas ses obligations en matière de droits de l'homme. Il s'est félicité que l'Ouganda ait pris les mesures nécessaires pour s'acquitter de ses obligations de présentation de rapports dus aux différents organes conventionnels de l'ONU. L'Expert a souligné que la volonté politique reste l'élément fondamental en matière d'allègement de la dette. Il s'est dit favorable à la possibilité d'élaborer de nouvelles normes en la matière. Pour ma part, je n'y vois aucun obstacle, a-t-il affirmé. Il a en outre souligné qu'une meilleure coordination entre les donateurs et autres bailleurs de fond ne pourrait qu'avoir des effets positifs.


Présentation du rapport sur le droit à l'alimentation

M. JEAN ZIEGLER, Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, a estimé que la situation de la faim dans le monde reste tout à fait dramatique avec 100 000 personnes qui meurent tous les jours de la faim. En outre, la situation empire et la pyramide des martyrs augmente et ce, sur une terre qui produit suffisamment pour nourrir le double de la population mondiale actuelle. Quiconque meurt de faim aujourd'hui meurt assassiné, a-t-il affirmé. En Éthiopie, où il vient juste d'effectuer une mission, le Rapporteur spécial est encouragé par la bonne récolte de cette année après la terrible famine de l'an dernier, mais surtout par la nouvelle politique gouvernementale de sécurité alimentaire. Il a également soutenu la demande du Programme alimentaire mondial aux bailleurs de fonds pour qu'ils contribuent en numéraire et permettent ainsi l'achat de denrées alimentaires sur place. Au Bangladesh, les grandes famines ont été vaincues et le pays est parvenu à l'autosuffisance, a indiqué M. Ziegler, soulignant que si le problème n'est plus un problème de production, l'accès à la nourriture reste néanmoins fortement limité par la pauvreté endémique. S'agissant de sa mission dans les territoires palestiniens occupés, M. Ziegler a souligné la double tragédie de la violence quotidienne et du terrorisme d'une part, mais aussi de la catastrophe humanitaire qui affecte 22% des enfants de moins de 10 ans, 61% des ménages qui ne mangent qu'une fois par jour et 70% des ménages qui sont totalement dépendants de l'aide. À cet égard, il a souligné les conséquences de la confiscation des terres, du détournement de l'eau et des blocus sur la situation des Palestiniens. Ces chiffres ont été reconnus par les autorités israéliennes qui les ont justifiés par l'impératif de sécurité. Mais ces chiffres révèlent une politique de punition collective, a affirmé M. Ziegler, soulignant qu'aucun impératif de sécurité ne saurait justifier cette violation manifeste du droit international.

S'agissant du rapport principal, M. Ziegler a mis en exergue l'échec de l'Accord de l'Organisation mondiale du commerce sur l'agriculture à répondre aux besoins des pays en développement les plus pauvres à assurer leur sécurité alimentaire. Il a dénoncé en outre le rôle des sociétés transnationales qui exercent un monopole de plus en plus incontesté sur les secteurs de l'alimentation et de l'agriculture et qu'il importe de responsabiliser en matière de droits de l'homme. Il a par ailleurs salué l'initiative «Fome zero mundial», lancée par le Président brésilien Luiz Ignacio Lula Da Silva, qui prévoit la constitution d'un fonds international pour lutter contre la faim dans le monde et qui serait financé soit par une taxe internationale sur les ventes d'armes, soit par une taxe sur les mouvements de capitaux spéculatifs. La création de ce fonds pour parvenir à l'objectif de «faim zéro» représente un progrès évident du droit à l'alimentation, a estimé M. Ziegler.

Dans son rapport sur le droit à l'alimentation (E/CN.4/2004/10), le Rapporteur spécial appelle instamment l'attention sur le fait que la lutte contre la faim et la malnutrition est pratiquement au point mort. Il engage tous les États à s'acquitter de leurs obligations pour éliminer la faim et à mettre en œuvre le droit à l'alimentation. Il est proprement scandaleux que plus de 840 millions de personnes souffrent de sous-alimentation dans un monde qui produit largement assez de nourriture pour l'ensemble de la population. Le Rapporteur spécial commence par rendre compte des missions qu'il a entreprises au cours de l'année écoulée avant de développer davantage les concepts qui sous-tendent son travail. Il reprend la question du commerce international et de la sécurité alimentaire et étudie les raisons pour lesquelles le commerce international n'a pas forcément de retombées positives et entraîne une aggravation de la marginalisation et des inégalités. Il se penche sur les conséquences négatives des déséquilibres et des inégalités que créent les règles mondiales du commerce édictées par l'Organisation mondiale du commerce, ainsi que sur les effets potentiellement néfastes des activités des puissants monopoles industriels transnationaux qui exercent un contrôle de plus en plus étroit sur l'alimentation et l'eau. Il examine le nouveau concept de «souveraineté alimentaire» qui vise à retrouver la maîtrise des décisions relatives aux politiques agricoles et de sécurité alimentaire, de corriger les déséquilibres et les inégalités des règles applicables actuellement au commerce des produits agricoles et de trouver une position commune pour les paysans du monde développé comme du monde en développement. Les droits de l'homme doivent maintenant servir à empêcher les abus de pouvoir des grandes sociétés, indique le rapport qui décrit le cadre juridique qui vise à obliger ces sociétés à respecter les obligations en matière de droits de l'homme. À cet égard, le Rapporteur spécial engage la Commission à adopter les Normes sur la responsabilité en matière de droits de l'homme des sociétés transnationales et autres entreprises approuvées par la Sous-Commission.

L'additif 1 au rapport du Rapporteur spécial porte sur sa mission au Bangladesh et contient un examen des questions relatives à l'insécurité alimentaire, à la faim et à la malnutrition au Bangladesh, suivi d'une analyse de la situation dans l'optique du droit à l'alimentation. Il est constaté que le Bangladesh a accompli des progrès considérables dans la mise en œuvre progressive du droit à l'alimentation. Le pays a réussi à surmonter la menace de la faim qui le hantait par le passé, en augmentant sa production alimentaire et en trouvant des parades aux nombreuses catastrophes naturelles auxquelles il fait face. Cela étant, l'insécurité alimentaire demeure une réalité pour des millions de Bangladais en situation de pauvreté extrême. Le Rapporteur spécial a noté avec une vive inquiétude que la malnutrition au Bangladesh touchait les femmes davantage que les hommes. De même, le Rapporteur spécial est particulièrement préoccupé par la pollution à l'arsenic des eaux souterraines utilisées pour la consommation et l'irrigation, ce qui a des incidences graves sur la santé de millions de Bangladais et leur capacité d'assurer leur subsistance. Des mesures doivent être prises d'urgence pour réduire la consommation d'eau polluée. Le Rapporteur spécial préconise par ailleurs la création, dans les plus brefs délais, d'une commission nationale des droits de l'homme qui puisse favoriser l'émergence d'une culture des droits de l'homme et améliorer l'accès à la justice de tous, ainsi que la création d'une commission de lutte contre la corruption afin d'améliorer la gouvernance et de réduire le risque de détournement de fonds, de denrées alimentaires et d'autres ressources.

Dans les recommandations qu'il présente à l'issue de sa visite au Bangladesh, le Rapporteur spécial note qu'il est nécessaire d'améliorer l'accès des plus pauvres à la nourriture et de s'attaquer au problème de la famine structurelle. Il faudrait également constituer des stocks alimentaires ou des réserves en liquidités d'urgence qui permettraient de réagir immédiatement aux catastrophes fréquentes naturelles. Face à l'aggravation des disparités entre hommes et femmes et entre filles et garçons en termes de malnutrition, il faudrait s'attacher davantage à combattre la discrimination fondée sur le sexe. Il conviendrait d'examiner, de réviser et d'harmoniser la législation foncière en vigueur afin d'améliorer la protection des droits fonciers des plus pauvres, des minorités et des femmes. Il est impératif d'offrir par le biais des tribunaux des moyens de recours contre les violations du droit à l'alimentation et du droit à l'eau, afin de combattre l'impunité. Il faudrait également faciliter l'accès des pauvres à la justice. Enfin, il est impératif que l'Inde et le Bangladesh trouvent un accord pour partager équitablement les ressources hydriques, y compris l'eau des fleuves autres que le Gange.

L'additif 2 au rapport du Rapporteur spécial porte sur sa mission effectuée dans les territoires palestiniens occupés. Le rapport note que les territoires palestiniens occupés sont au bord d'une catastrophe humanitaire due largement aux mesures de sécurité extrêmement dures imposées par les forces d'occupation israéliennes depuis le déclenchement de la deuxième Intifada, en septembre 2000. Il note en particulier la terrible situation de malnutrition créée aujourd'hui dans les territoires palestiniens occupés. Plus de 22 % des enfants âgés de moins de 5 ans souffrent maintenant de malnutrition et 15,6 % d'anémie aiguë, dont beaucoup garderont des séquelles permanentes touchant leur développement physique et mental. Plus de la moitié des familles palestiniennes ne mangent qu'une fois par jour. L'économie, autrefois prospère, s'est quasiment effondrée et le nombre de personnes extrêmement pauvres a triplé depuis septembre 2000. Environ 60 % des Palestiniens vivent aujourd'hui dans la grande pauvreté (75 % à Gaza et 50 % sur la Rive occidentale). Même lorsque des aliments sont disponibles, de nombreux Palestiniens n'ont pas les moyens d'en acheter à cause de la montée rapide du chômage. Plus de 50 % des Palestiniens dépendent totalement de l'aide alimentaire alors que l'aide humanitaire est soumise fréquemment à des restrictions d'accès.

Le Rapporteur spécial a constaté que le Gouvernement israélien, qui est pourtant tenu juridiquement, en tant que puissance occupant les territoires, d'assurer le respect du droit à l'alimentation de la population civile palestinienne, n'assume pas cette responsabilité. Il est recommandé au Gouvernement israélien d'améliorer l'accès des secours humanitaires, de prendre des mesures immédiates pour inverser la crise humanitaire, de lever les barrages mis en place dans les territoires et de mettre un terme à la confiscation et à la destruction disproportionnées de terres, de ressources en eau et d'autres ressources palestiniennes. Le Gouvernement israélien devrait arrêter le programme de «bantoustanisation», cesser la construction de la clôture/du mur et améliorer le respect du droit à l'alimentation. Il convient de réfléchir sérieusement à la viabilité d'un futur État palestinien doté de moyens durables d'accès à ses propres ressources de nourriture et d'eau et de contrôle de ces ressources, note le rapport.


Déclarations concernant le rapport sur le droit à l'alimentation

M. TOUFIK ALI (Bangladesh) a souligné que le rapport de M. Ziegler met bien en lumière la triste réalité de l'impact des accords commerciaux multilatéraux sur le droit à l'alimentation, avec notamment les effets des subventions agricoles sur la situation alimentaire des pays en voie de développement. Pour le représentant, le concept de «souveraineté alimentaire» proposé par le Rapporteur spécial est non seulement rationnel mais également très souhaitable. De même, il estime nécessaire que la Commission, dans le cadre de la réforme de ses opérations, envisage d'introduire à son ordre du jour un sous-thème consacré au rôle des sociétés multinationales dans le domaine des droits de l'homme. D'importants progrès ont été accomplis au Bangladesh, a fait valoir le représentant, progrès reconnus par la Banque mondiale elle-même. En effet, le Bangladesh est passé de l'état de pays dépendant et chroniquement affamé à celui de pays globalement à même de nourrir sa population, la production de céréales ayant par exemple triplé en trente ans. Le Bangladesh a recouru à une approche structurée et complète, notamment par la création d'un stock stratégique de semences, d'un système efficace de distribution publique ainsi qu'à une politique commerciale libérale qui a encouragé le secteur public à jouer un rôle important dans l'augmentation et la stabilisation de l'offre alimentaire. Un autre succès du Bangladesh réside dans l'intégration des droits des femmes au sein des programmes économiques et politiques nationaux. Grâce à des initiatives originales telles que le développement du micro-crédit et la formation informelle, les femmes ont acquis une part d'autonomie politique et économique. Tous les problèmes n'ont pas été résolus par les initiatives gouvernementales, a rappelé le représentant, c'est pourquoi le gouvernement crée des espaces pour que les entrepreneurs sociaux puissent offrir des services que l'État est encore incapable d'assumer.

M. YAAKOV LEVY (Israël) a affirmé que le problème de la faim n'existe pas dans les territoires occupés. Israël est particulièrement préoccupé par le rapport présenté par M. Ziegler, Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, en raison de son contenu orienté politiquement et de ses assertions sans fondement. Contrairement à ce qui est écrit dans le rapport, Israël n'a jamais confisqué la terre ou l'eau potable aux Palestiniens. Il n'a pas davantage provoqué la faim. Les difficultés économiques des Palestiniens résultent de leurs propres agissements. M. Levy a estimé que le rapport de M. Ziegler ne fait pas la distinction entre les faits et l'opinion. Au lieu de se fonder uniquement sur une investigation sérieuse, le Rapporteur spécial tire ses informations de la lecture sélective de journaux d'opinion israéliens. Ce n'est donc pas une approche professionnelle qui a présidé à la rédaction de ce rapport, a estimé le représentant. Ce rapport se concentre sur des allégations de violations des droits par Israël mais ne tient nullement compte des responsabilités des Palestiniens en matière de violations droits de l'homme et d'activités terroristes. La clarté et l'objectivité de la formulation utilisée par M. Ziegler dans son rapport ne sont qu'une apparence qui dissimule en fait une intention politique partiale acquise à la cause des Palestiniens et faisant fi des préoccupations israéliennes. Le représentant israélien a estimé que la meilleure manière d'alléger les souffrances des Palestiniens est de mettre un terme à la violence engagée par l'Autorité palestinienne il y a trois ans et demi. C'est seulement en mettant un terme à la violence, en mettant fin aux activités terroristes, que nous pourrons nous asseoir de nouveau à la table des négociations. Alors, nous pourrons construire le futur, créer des emplois, assurer la croissance de nos économies et travailler main dans la main à la création de sociétés israélienne et palestinienne prospères, a affirmé M. Levy.

M. NABIL RAMLAWI (Palestine) a exprimé son appréciation et son respect à M. Ziegler pour son rapport sur la crise alimentaire dans les territoires palestiniens occupés, qu'il a attribuée aux bouclages, à la confiscation des terres et à la «bantoustanisation». Il a également attribué la crise au rôle joué par les forces d'occupation israéliennes, dénonçant en outre les entraves à l'acheminement de l'aide. Il a souligné la responsabilité d'Israël en tant que puissance occupante, ainsi que l'impact de la construction du mur. Il a estimé que ce rapport est un nouveau document très important qui s'ajoute aux autres rapports sur la situation dans les territoires occupés et confère une nouvelle dimension aux violations des droits de l'homme dans les territoires palestiniens. Pour l'Ambassadeur d'Israël, M. Ziegler aurait sans doute dû mentir et faire de l'occupation israélienne une occupation «rose» et un exemple à suivre pour que le monde devienne meilleur, a ironisé le représentant palestinien pour conclure.

MME CLAUDIA PÉREZ ALVAREZ (Cuba) a approuvé les recommandations du Rapporteur spécial, et notamment celles portant sur la formulation de normes pour les sociétés transnationales. Quelles seraient les caractéristiques d'un organe international chargé de surveiller l'application de telles normes, a demandé la représentante.

M. EHAB GAMAL ELDIN (Égypte) a déclaré que la mission du Rapporteur spécial dans les territoires palestiniens occupés complétait bien d'autres rapports sur ce thème qui sont tous très alarmants car ils soulignent que la puissance d'occupation ne s'acquitte pas de ses obligations en matière de respect des droits de l'homme. Quelles mesures concrètes devraient, selon le Rapporteur spécial, être prises pour garantir le droit à l'alimentation du peuple palestinien?

M. HILDEBRANDO TADEU VALADARES (Brésil), a relevé que le rapport de M. Ziegler mentionnait le «Plan faim zéro» lancé au Brésil l'an dernier, conçu pour lutter contre la faim et les causes structurelles de la précarité extrême. Des mesures de redistribution des revenus, de création d'emplois, d'aide à la formation et de réponse aux besoins urgents des pauvres ont été prises dans ce cadre, a précisé le représentant. Le Président Lula s'est engagé dans l'atténuation des souffrances des plus pauvres et a notamment proposé la création d'un fonds mondial de lutte contre la faim, idée soutenue par plusieurs pays.

M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a demandé au Rapporteur spécial comment les États peuvent concrètement protéger le droit à l'alimentation ou le droit à l'eau. Pouvez vous nous donner des exemples de mesures législatives qui pourraient être prises par les gouvernements à cette fin, a-t-il demandé à M. Ziegler?

MME MARY WHELAN (Irlande, au nom de l'Union européenne) a demandé au Rapporteur spécial de bien vouloir apporter un éclairage sur l'impact de la bonne gouvernance sur les efforts visant à réduire la malnutrition.

MME ANDRÉE LACASSE (Canada) a évoqué les 400 recommandations faites par le Groupe de travail intergouvernemental de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Le Rapporteur spécial pourrait-il donner des indications sur les prolongements concrets de ces recommandations?

M. PETER MAXWELL HEYWARD (Australie) s'est félicité de ce que le Rapporteur spécial ait reconnu que tous les pays développés n'ont pas recours au protectionnisme agricole au détriment du droit à l'alimentation. Il a estimé que le Rapporteur spécial devrait encourager l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à poursuivre ses efforts pour libéraliser davantage l'agriculture et s'est inquiété à cet égard que le concept de «souveraineté alimentaire» puisse être contre-productif. Il s'est demandé si les sociétés transnationales ne devraient pas être encouragées à respecter les droits de l'homme.

M. MOHAMED SALECK OULD MOHAMED LEMINE (Mauritanie) a estimé que, malgré la complexité et la sensibilité du sujet, le Rapporteur spécial a éclairé les relations entre les règles de commerce et la sécurité alimentaire. Il convient de mettre en place des règles commerciales qui protègent la sécurité alimentaire de pays sujets à des famines. Il a demandé au Rapporteur spécial quels moyens pouvaient être mis en œuvre afin de parvenir à des accords entre pays dans ce but.

MME TCEHMINA JANJINA (Pakistan) a noté que le chapitre sur le commerce et la sécurité alimentaire dresse un triste tableau des subventions à l'exportation des pays développés qui bouleversent les échanges internationaux. Elle a souligné que les plus grandes difficultés en matière de sécurité alimentaire viennent des déséquilibres dans les échanges. Elle a estimé nécessaire de réfléchir mais aussi d'approfondir la notion de «souveraineté alimentaire». Comment l'OMC pourrait-elle être mobilisée pour que la souveraineté alimentaire devienne opérationnelle, a-t-elle demandé au Rapporteur special?

M. ZIEGLER a remercié le Bangladesh du soutien qui lui a été apporté au cours de son enquête et noté que de nouveaux progrès, qui ne figurent pas au rapport, ont été en effet confirmés dans ce pays par la Banque mondiale en décembre 2003. Au sujet d'une accusation de partialité formulée par le représentant d'Israël, M. Ziegler a précisé qu'il était membre de l'Alternative Information Center, une organisation non gouvernementale israélo-palestinienne engagée dans le dialogue pour la paix et qui regroupe aussi des Américains. Il a précisé qu'il est légitime qu'un rapporteur spécial soit membre d'une organisation non gouvernementale. Un des plus grands intellectuels israéliens estime d'ailleurs lui aussi que la principale cause de la malnutrition dans les territoires est l'occupation israélienne. Sur le Groupe de travail de Rome, M. Ziegler a fait valoir que ses travaux pour formuler des recommandations sont achevés et qu'elles seront exposées dans son prochain rapport. Enfin, le Rapporteur spécial a estimé que le contrôle de l'application des droits de l'homme par les sociétés multinationales peut être assuré par les mécanismes idoines de la Commission et de la Sous-Commission, entre autres.



Autres rapports sur les droits économiques, sociaux et culturels

La Commission est également saisie de l'Étude analytique du principe fondamental de non-discrimination dans le contexte de la mondialisation présentée par le Haut-Commissaire aux droits de l'homme (E/CN.4/2004/40). Cette Étude porte sur la manière dont la mondialisation, qui ouvre la perspective d'échanges commerciaux et culturels accrus tout en rendant plus évidentes les inégalités entre les pays comme à l'intérieur des pays, jette un jour nouveau sur le principe de non-discrimination. Le rapport met plus particulièrement l'accent sur l'interaction entre le domaine des droits de l'homme et celui du droit commercial. Il l'envisage à la fois du point de vue des traités internationaux de protection des droits de l'homme et des Accords de l'Organisation mondiale du commerce, illustrant, exemples à l'appui, l'interaction entre les principes régissant les droits de l'homme et ceux régissant le commerce, en se référant aux pratiques des États en matière de passation de marchés, aux échanges commerciaux dans le secteur de l'agriculture et aux systèmes de label social. Dans ses conclusions et recommandations, le Haut-Commissaire fait valoir que le respect du principe de non-discrimination est un moyen essentiel de promouvoir une mondialisation plus ouverte propre à atténuer les inégalités. Les recommandations portent sur les moyens d'intégrer le principe de non-discrimination dans les débats sur la mondialisation et de l'appliquer effectivement. À cet égard, le Haut-Commissaire recommande notamment de comprendre les incidences des exceptions générales aux règles commerciales sur les droits de l'homme; de faire progresser le développement rural et la sécurité alimentaire; de promouvoir la coordination institutionnelle entre l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et la Commission; et d'évaluer les incidences des règles commerciales sur les droits de l'homme.

Dans son rapport sur la promotion de la jouissance effective des droits culturels pour tous et de respect des différentes identités culturelles (E/CN.4/2004/41), le Haut-Commissaire aux droits de l'homme présente un résumé des réponses apportées par les Gouvernements du Bélize, du Panama, de l'Uruguay, de la Finlande, de l'Australie et d'Haïti ainsi que de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), à ses demandes d'information et de formulation d'observations sur la question des droits de l'homme et de la diversité culturelle. Les Gouvernements du Bélize, du Panama et de l'Uruguay ont notamment appuyé l'idée de la désignation d'un rapporteur spécial tandis que l'Australie, la Finlande et Haïti ont expliqué qu'ils n'étaient pas favorables à la mise en place de cette procédure spéciale.


Débat sur les droits économiques, sociaux et culturels

MME CLAUDIA HERNÁNDEZ BONA (République dominicaine) a souligné les efforts déployés par son pays pour permettre un accès prioritaire aux soins de santé des personnes atteintes du VIH/sida. Les Caraïbes sont la deuxième région du monde la plus touchée par la pandémie, a rappelé la représentante. Elle a attiré l'attention de la Commission sur la création d'un Conseil présidentiel sur le sida qui met en œuvre une approche multisectorielle de la maladie. Le Conseil, en partenariat avec la Fondation Clinton, a élaboré une proposition visant à distribuer des antirétroviraux à 20 000 personnes touchées par la maladie. La représentante a toutefois insisté sur le fait que la lutte préventive contre la maladie, si elle incombe au premier chef aux États, passe également par la coopération internationale. À cet égard, elle a mis l'accent sur les initiatives régionales prises dans les Caraïbes pour définir et mettre en œuvre des stratégies communes.

M. EHAB GAMAL ELDIN (Égypte) a assuré que toutes les politiques de développement en Égypte visent à réaliser les droits économiques, sociaux et culturels. Il a insisté sur la nécessité de la coopération internationale pour la réalisation de ces droits, et en particulier sur les efforts à déployer pour que les réformes économiques et les politiques d'ajustement structurel tiennent compte de ces droits. Le représentant de l'Égypte a estimé que les rapporteurs spéciaux ne devraient pas s'écarter de leurs mandats ou utiliser des notions qui ne font pas l'objet d'un consensus. Il a exprimé son soutien aux travaux en vue de l'élaboration d'un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, concernant l'examen de plaintes. Il a aussi insisté sur la nécessité de respecter la diversité culturelle et de tenir compte de la conjoncture historique qui a placé les pays en développement dans la situation actuelle.

MME MARY WHELAN (Irlande, au nom de l'Union européenne) a déclaré que la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels est partie intégrante de la protection et de la promotion des droits de l'homme. La bonne gouvernance et sa concrétisation en politiques cohérentes, en institutions démocratiques solides et en décisions répondant aux besoins du peuple est à la base d'une croissance économique soutenue et de l'éradication de la pauvreté, lesquelles à leur tour forment le cadre au sein duquel les droits économiques, sociaux et culturels peuvent être exercés. L'Union européenne encourage donc le Haut-Commissaire à améliorer ses capacités d'analyse et de recherche en matière de droits économiques, sociaux et culturels. De même, l'Union européenne souhaite mettre l'accent sur une meilleure compréhension des liens existants entre pauvreté et discrimination, que ce soit en termes de race, de religion ou de couleur notamment. L'Union européenne réaffirme aussi la nécessité de promouvoir l'égalité entre les sexes et la formation des femmes, qui sont des mesures efficaces pour la lutte contre la pauvreté et la faim. L'Union européenne soutient le travail de l'Experte indépendante sur la question des droits de l'homme et de l'extrême pauvreté. Elle encourage de même le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation à poursuivre son travail et invite les gouvernements et les institutions des Nations Unies à coopérer avec lui pour l'accomplissement de son mandat. L'Union estime en outre utile le travail du Rapporteur spécial sur le droit à un logement adéquat, qui met l'accent sur la nature des obligations des États; elle lui demande de prendre cet aspect en considération dans la rédaction de ses recommandations. Enfin, a notamment déclaré la représentante, le droit à l'éducation contribue à la jouissance de tous les autres droits, car l’éducation joue un rôle vital dans l'éradication de la pauvreté, dans la prévention de la violence et dans la lutte contre les discriminations.

M. HONG JONG-KI (République de Corée) a insisté sur l'interdépendance des droits économiques, sociaux et culturels d'une part, et des droits civils et politiques d'autre part. Il a déclaré que l'extrême pauvreté est l'une des causes essentielles des violations des droits de l'homme, et particulièrement des droits économiques, culturels et sociaux. Il est très préoccupant que des pans entiers de la population mondiale souffrent quotidiennement de la faim et que 840 millions de personnes soient affectées par la malnutrition dans un monde qui produit davantage de nourriture que ce qui est nécessaire pour nourrir la planète entière. Aussi, tous les gouvernements devraient faire tout ce qui est en leur pouvoir pour libérer leur population du fardeau de la faim. La République de Corée rappelle par ailleurs l’importance de la coopération internationale pour assurer le progrès des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. GEORG MAUTNER-MARKHOF (Autriche) a estimé que l'on était aujourd'hui en meilleure position pour donner un sens concret et pratique à l'universalité, l'indivisibilité et l'interdépendance de tous les droits de l'homme sur la base du consensus de Vienne. À cet égard, il s'est félicité de l'établissement du Groupe de travail pour l'élaboration d'un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, soulignant l'importance d'une discussion en profondeur sur tous les aspects juridiques d'un éventuel mécanisme de plaintes. S'agissant du droit à l'éducation, il a reconnu qu'il ne pourrait être totalement réalisé que progressivement, mais a souligné que certains éléments clés peuvent être réalisés tout de suite. Ainsi, il a rappelé que l'éducation «aux» droits de l'homme et l'éducation «sur» les droits de l'homme sont des éléments clés de la réalisation des autres droits et devraient constituer la priorité des politiques nationales d'éducation. De plus, les méthodes et les outils pédagogiques basés sur les normes des droits de l'homme jouent un rôle important dans le développement d'une culture des droits de l'homme et contribuent efficacement à la sécurité humaine. C'est pourquoi l'éducation aux droits de l'homme est au cœur de la politique de l'Autriche en matière de droits de l'homme, a indiqué le représentant. Dans ce contexte, l'Autriche prend note avec intérêt de l'idée du Haut-Commissaire en exercice de rédiger un instrument international sur l'éducation aux droits de l'homme.

MME CLAUDIA PÉREZ ALVAREZ (Cuba) a recommandé que soit prorogé le mandat du Groupe de travail ouvert chargé de la rédaction d'un protocole optionnel au Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels. La représentante a également rappelé qu'une personne analphabète pauvre, sous alimentée et malade, ne peut pas participer à la vie politique d'une société. Or, trois milliards de personnes vivent aujourd'hui avec moins de 2 dollars par jour, 100 millions d'enfants vivent dans les rues, la dette étrangère mondiale s'élève à 750 milliards de dollars. En outre, l'humanité est menacée par les menées hégémoniques d'une superpuissance suréquipée en armes atomiques. La population de Cuba est elle-même menacée par un plan diabolique visant à provoquer une guerre économique pour détruire la société cubaine. Il s'agit là d'un simple fil dans l'écheveau de la guerre économique menée contre Cuba. L'administration Bush est d'ailleurs récemment passée dans une phase supérieure de sa guerre contre Cuba en adoptant des décisions qui sont autant de violations des droits de l'homme. Mais les États-Unis ne réussiront pas dans leur tentative de faire échouer le projet socio-économique du peuple cubain, a assuré la représentante.

M. JOSEPH UBAKA AYALOGU (Nigéria) a insisté sur l'importance du droit à l'eau potable et du droit à l'alimentation en tant qu'éléments essentiels de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels. C'est pourquoi, a affirmé le représentant, le Gouvernement nigérian n'épargne aucun efforts pour améliorer la qualité de vie de ses citoyens. Les politiques en matière de santé publique, d'éducation et d'emploi ont été coordonnées avec la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Le représentant a déclaré qu'il était impératif pour la Commission des droits de l'homme d'assurer un équilibre adéquat entre les droits économiques, sociaux et culturels et les droits civils et politiques. Ces droits sont interdépendants, a-t-il souligné. Le Nigéria est pour l'instant réservé quant à l'opportunité de créer un mécanisme de plainte individuelle devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et souhaiterait que le mandat du Groupe de travail chargé de réfléchir à la mise en place d'un tel mécanisme soit prorogé d'une année supplémentaire.

MME DOROTY ESTRADA (Mexique) a souligné l'importance de la promotion et de la protection effective des droits économiques, sociaux et culturels si l'on souhaite vivre dans un monde réellement juste et qui offre de réelles possibilités de développement de la personne. Dans cette optique, la politique mexicaine en matière de droits de l'homme octroie la même importance aux droits économiques, sociaux et culturels qu'aux droits civils et politiques. Le Mexique favorise une économie à visage humain et s'est assigné comme tâche prioritaire la lutte contre la pauvreté et l'élaboration de programmes spécifiques pour les groupes les plus vulnérables. Le programme «Opportunités» est au cœur d'une stratégie pour le développement social et humain des familles les plus pauvres. Reconnaissant que la politique sociale doit mettre la personne au centre de son action, la stratégie pour lutter contre la pauvreté est participative et privilégie la responsabilité à travers des mécanismes de contrôle citoyen. C'est sur cette base qu'a été adoptée la loi sur le développement social qui crée les conditions de la jouissance des droits sociaux individuels et collectifs. Sur le plan international, le Mexique appuie les initiatives visant à promouvoir ces droits et leur justiciabilité. À cet égard, un pas fondamental a été franchi avec l'établissement d'un Groupe de travail chargé de l'élaboration d'un protocole facultatif sur les plaintes, se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le Mexique considère que ce protocole permettra aux États de mieux respecter leurs obligations internationales et de promouvoir une meilleure application juridique de ces droits. Elle a estimé qu'il ne faut pas laisser passer l'occasion historique de convertir l'espérance de millions de personnes en résultats concrets qui favorisent la réalisation de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

M. MARC LELAND (États-Unis) a déclaré que son pays était fier des progrès qu'il a réalisés en matière de droits économiques, sociaux et culturels. Les États-Unis sont déterminés à créer les conditions nécessaires pour que chacun puisse jouir de ses droits économiques, sociaux et culturels. Lors de la récente conférence de Bruxelles sur le commerce et la pauvreté, les délégations sud-africaine et brésilienne ont toutes deux fait valoir que ce sont les pays qui respectent les droits démocratiques de leurs citoyens qui pourront attirer les investissements étrangers nécessaires au progrès économique. Les gouvernements ont donc la responsabilité de créer les conditions favorables à la réalisation des droits humains et des libertés fondamentales. Les États-Unis opèrent une distinction claire entre des civils et politiques d'une part, et droits économiques, sociaux et culturels d'autre part. Tous ces droits sont universels; mais la manière dont un gouvernement remplit ses obligations diffère. Les difficultés économiques ne sont pas une excuse à l'inaction en matière de respect des droits civils et politiques. Les droits économiques, sociaux et culturels, quant à eux, doivent être réalisés progressivement; s'ils exigent bien une action des autorités, ils ne sont pas immédiatement dus aux citoyens. Les États-Unis partagent les objectifs exprimés par de nombreuses délégations en matière de droits économiques, sociaux et culturels et souhaiteraient appuyer bon nombre des résolutions proposées. Mais la formulation de ces résolutions est souvent problématique, notamment en ce qu'elle porte atteinte à la souveraineté des États. Le représentant a proposé une formulation type à inclure en préambule des résolutions et qui, selon lui, répond à ces objections.

M. LIU ZHENHUA (Chine) a estimé que la communauté internationale doit prendre des mesures pour corriger les inégalités entre les deux catégories de droits de l'homme. Aussi, a-t-il appelé l'ensemble de la communauté internationale à réponde de manière positive aux demandes émanant des pays en développement en donnant une importance accrue aux droits économiques, sociaux et culturels. Certes, la promotion de tels droits implique en premier lieu les États, mais la coopération internationale reste indispensable. La Chine attache la plus grande importance aux discussions relatives à la création d'un mécanisme de plainte individuelle devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Le représentant a souligné que si l'existence d'un mécanisme juridique pour faire promouvoir ces droits est souhaitable, leur nature même rend difficile l'adoption d'un ensemble de règles unifiées. En outre, il faut garder présent à l'esprit la nécessité de préserver la souveraineté nationale en matière d'élaboration des politiques économiques. Le représentant chinois a ensuite insisté sur les progrès réalisés par son pays en matière de promotion des droits économiques, sociaux et culturels. Il a enfin exprimé l'espoir que les rapporteurs spéciaux seraient invités aux États-Unis afin de pouvoir dresser un tableau complet de la situation en matière de droit à la santé, de droit au logement, de droit à l'éducation et de droit au logement dans ce pays.

M. SUGEESHWARA GUNARATNA (Sri Lanka) a fait observer que l'on discute des droits économiques, sociaux et culturels à l'heure où la faim et la pauvreté extrême tuent des milliers de personnes par jour. L'extrême pauvreté est la violation des droits de l'homme la plus répandue dans le monde et la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels offre une base pour s'attaquer aux causes profondes de la pauvreté. Éradiquer la pauvreté et améliorer le développement social ont été au cœur de l'action des gouvernements successifs de Sri Lanka, dont les succès en matière de développement social ont attiré l'attention de la communauté internationale. Aujourd'hui, Sri Lanka a le taux de pauvreté le plus bas d'Asie du Sud, a-t-il indiqué citant plusieurs rapports internationaux reconnaissants ces progrès. Sri Lanka est en outre bien engagée pour atteindre les Objectifs du millénaire grâce à l'implication d'un large spectre d'acteurs et de partenaires. Il a estimé par ailleurs que le rapport du Haut-Commissaire sur le principe fondamental de non-discrimination devrait être largement diffusé auprès de l'Organisation mondiale du commerce et d'autres organisations qui s'occupent de commerce international et d'investissements, qui sont les premiers moteurs de la croissance.


Exercice du droit de réponse

M. LUIS ZUÑIGA (États-Unis) a déclaré que la différence entre les États se mesurait avant tout à la liberté dont jouissent leurs citoyens et au respect par les autorités de leurs droits économiques, sociaux et culturels. À ce titre, Cuba fait piètre figure, a estimé le représentant des États-Unis : l'accès aux plages réservées aux étrangers y est en effet interdit aux citoyens cubains; l'Université est réservée aux «révolutionnaires»; la liste des livres et des musiques interdits est longue; les antennes paraboliques sont interdites et l'accès à l'internet est très limité. Le désastre économique est quant à lui évident, et le pays manque de dizaines de milliers de logements. Il y a une différence entre ce que disent les représentants Cubains et ce qu'ils font, a conclu le représentant.

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