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Communiqués de presse

LES QUESTIONS DE L’ACCES A L’INFORMATION ET DE L’OBJECTIVITE DES JOURNALISTES EN TEMPS DE GUERRE AU CŒUR DE LA COMMEMORATION DE LA JOURNEE MONDIALE DE LA LIBERTE DE LA PRESSE

02 Mai 2003



2 mai 2002




Journée mondiale de la liberté de la presse


Cette année, les médias mesurent la complexité de leur rôle dans les conflits armés. Le journaliste doit faire des choix difficiles mais, en cas de guerre, c’est dans un véritable champ de mines qu’il doit se frayer un chemin. Objectivité ou propagande? Scepticisme ou chauvinisme? Recul ou intégration à une armée? Cette invitation à la réflexion a été lancée, ce matin, par la Vice-Secrétaire générale, Mme Louise Fréchette, dans le cadre de la commémoration de la Journée mondiale de la liberté de la presse qui a été marquée par une intervention très applaudie du Président de l’Association des journalistes accréditées auprès de l’ONU (UNCA) et correspondant d’«Expresso», M. Tony Jenkins. «L’histoire donnera peut-être raison aux Etats-Unis et au Royaume-Uni d’avoir envahi l’Iraq mais elle ne sera pas aussi généreuse avec les médias», a-t-il, déclaré.

Sous le thème «les médias et les conflits armés» la commémoration de cette Journée, proclamée en 1993, a commencé par une minute de silence en hommage aux 14 journalistes qui ont perdu la vie pendant la guerre en Iraq et aux deux autres portés disparus. Devant le constat de la Vice-Secrétaire générale que la plupart des journalistes tués dans les situations de conflits ont, en fait, été assassinés, le Directeur adjoint de l’UNESCO, M. Abdul Waheed Khan, a déclaré «Notre dette collective envers eux doit être payée par une déclaration de guerre à l’impunité». «La célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse n’est pas uniquement notre façon de dire oui à une presse libre, mais aussi de dire oui à la démocratie, aux droits de l’homme et au développement», a renchéri le Président du Comité de l’information, M. Iftekhar Ahmed Chowdhury du Bangladesh.

Les obstacles à la liberté de la presse ont été dénoncés avec virulence par le Président de l’UNCA. M. Tony Jenkins a d’abord évoqué l’expulsion pour «menace à la sécurité nationale» de Mohamed Assan Allawi, correspondant de l’Agence de presse iraquienne accrédité auprès des Nations Unies. Le Président, de l’UNCA s’est ensuite livré à une attaque en règle contre la couverture faite de la guerre en Iraq par la plupart des médias américains. Notre travail, a-t-il dit, n’est pas d’accepter comme vérité fondamentale les déclarations des gouvernements. Nous sommes le quatrième pouvoir, un pilier de la démocratie et un garant de la transparence dans les affaires politiques.

Ces questions sont revenues au cours de la table-ronde qui a suivi la projection d’une vidéo du Musée de la télévision et de la radio intitulée «Media and war coverage». Réunissant des correspondants, outre Expresso, de CNN, de Al-Jazeera, du Daily Times de Lahore et de l’AFP, la table-ronde a eu pour modérateur le Secrétaire général adjoint à la communication et à l’information et chef du Département de l’information, M. Shashi Tharoor. Les questions liées à l’accès des journalistes à l’ensemble de l’information et à leur manière de couvrir les évènements lorsqu’ils sont intégrés à une armée, comme c’était le cas en Iraq, ont été soulevées, ce matin, par un public nombreux. Le problème de la sélectivité des médias, soulevée par la Vice-Secrétaire générale, a été commenté par le correspondant de l’AFP. Il a souligné que la guerre en Iraq avait mobilisé l’opinion publique et les médias du monde, alors même que d’autres guerres et conflits sévissent ailleurs et ne font l’objet d’aucune couverture médiatique.


Déclarations

M. SHASHI THAROOR, Secrétaire général adjoint à la communication et à l’information et chef du Département de l’information de l’ONU, a rendu hommage aux journalistes qui ont payé très cher leur désir d’informer. Il a, en conséquence, appelé les participants à la commémoration de la Journée internationale de la liberté de la presse à observer une minute de silence à la mémoire des journalistes qui viennent de perdre leur vie pendant la guerre en Iraq. Plus que jamais, a-t-il dit, la liberté de la presse est célébrée de par le monde et aujourd’hui, il nous revient de réfléchir à la responsabilité des journalistes, en Iraq comme en République démocratique du Congo. C’est la raison pour laquelle la table ronde aura pour thème «les médias et les conflits armés», a-t-il précisé.

Mme LOUISE FRECHETTE, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, a, déclaré que là où la censure s’exerce la démocratie et le développement sont perdants. Une presse libre et indépendante fait des sociétés fortes, dynamiques et en marche vers le progrès. Elle a rendu hommage au travail des correspondants accrédités auprès de l’ONU en promettant que l’Organisation continuerait de faire ce qu’elle peut pour leur permettre de poursuivre librement leur travail. Se remémorant les nombreux journalistes qui ont perdu la vie en s’acquittant de leur mission, la Vice-Secrétaire générale a eu une pensée pour les 14 journalistes tués en Iraq et les deux autres portés disparus. Si la guerre est dangereuse pour les reporters qui la couvrent, la plupart des journalistes qui trouvent la mort dans l’exercice de leurs fonctions sont en fait assassinés, a-t-elle souligné, notant aussi que pour avoir fait leur travail, de nombreux journalistes se retrouvent en prison.

Cette année, a poursuivi Mme Fréchette, les médias mesurent la complexité de leur rôle dans les conflits armés. Le journaliste doit faire des choix difficiles mais, en cas de guerre, c’est dans un véritable champ de mines qu’il doit se frayer un chemin. Objectivité ou propagande? Scepticisme ou chauvinisme? Contexte de base ou images choc sélectionnées? Comment, s’est demandé en outre la Vice-Secrétaire générale, choisir entre l’impératif d’objectivité et l’accès que donne l’intégration à une armée? L’ONU, a-t-elle indiqué, est particulièrement préoccupée par le problème de la sélectivité. Pourquoi, les médias s’intéressent-ils à certains thèmes et à certaines situations et en ignorent-ils d’autres tout aussi importants?

La Vice-Secrétaire générale a, par ailleurs appelé à la mobilisation face à un problème grave, à savoir les médias de la haine en citant, après le Rwanda et la Bosnie-Herzégovine, l’exemple de la Côte d’Ivoire. Pour que nul ne soit plus jamais encouragé au génocide, a-t-elle prescrit, le meilleur antidote est la mise en place de médias libres et indépendants répondant aux besoins de tous les membres de la société. Elle a donc appelé à la multiplication des partenariats entre l’ONU et les ONG pour favoriser la diffusion d’une information objective et la promotion du professionnalisme dans la presse et de la libre circulation de l’information.

La Vice-Secrétaire générale a conclu en attirant l’attention sur le Sommet mondial sur la société de l’information qui, selon elle, pourrait contribuer à améliorer la liberté de la presse. Les médias, a-t-elle dit, sont mieux placés que quiconque pour œuvrer à l’établissement d’une société dans laquelle chacun à accès à l’information et au savoir, et à combler le fossé numérique. (Pour lire le texte intégral, voir communiqué de presse DSG/SM/195 du 2 mai 2003.)

Le Président du Comité de l’information, M. IFTEKAR AHMED CHOWDHURY, a affirmé que la liberté d’expression, qui est à la base de toute presse libre, n’est ni un cadeau ni une concession politique. Il s’agit d’un droit fondamental consacré par la Déclaration des droits de l’homme. Cette liberté ne saurait se limiter qu’à certaines personnes, dans la mesure où aucune société ne peut être considérée comme réellement libre sans qu’il y ait une presse libre, a-t-il poursuivi. Comme l’a dit Amarta Sen «la presse libre et la faim sont incompatibles» a enchaîné M. Chowdhury, soulignant ainsi la relation fondamentale qui existe entre une presse libre et le développement. Le fait de célébrer la Journée mondiale de la liberté de la presse n’est pas uniquement notre façon de dire «oui» à une presse libre, mais aussi de dire «oui» à la démocratie, aux droits de l’homme et au développement, a déclaré le Président.

Replaçant le thème de cette année «médias et conflits armés» dans le contexte de la récente guerre en Iraq, M. Chowdhury a souligné l’importance de cette question, rappelant que cette guerre a coûté la vie à de nombreux journalistes auxquels il a rendu hommage. Il a également mis l’accent sur le fait que les journalistes font souvent l’objet d’attaques et de pressions d’origines multiples, qu’il s’agisse des groupes au pouvoir, de ceux qui cherchent à s’en emparer, ou encore de ceux qui ont opté pour les actes de terrorisme pour se faire entendre. Dans tous les cas de figure, les auteurs des pressions sont ceux qui redoutent la diffusion d’informations fiables et correctes, car, pour ceux-là il est plus facile d’étouffer la vérité que d’y faire face, a-t-il constaté. Le thème de cette année porte également sur la manière dont les médias couvrent les conflits et sélectionnent les articles qu’ils présentent au monde, a poursuivi M. Chowdhury. Qu’il s’agisse de l’Iraq, des territoires occupés palestiniens, de l’Asie du Sud ou encore de l’Afrique de l’Ouest, les journalistes sont véritablement les yeux et les oreilles du monde, et sont appelés à jouer un rôle prépondérant dans la prévention des tragédies. Ils peuvent également détecter les signes précurseurs d’un conflit et en avertir le monde, a-t-il souligné.

Se félicitant que dans de nombreux pays la presse jouit de plus en plus de liberté et d’indépendance, M. Chowdhury a affirmé que cela n’a été possible que grâce à la prolifération de valeurs démocratiques et de principes pluralistes. Il a invoqué dans ce contexte le rôle que jouent les nouvelles technologies de l’information et de la communication, qui ont permis de surmonter les obstacles à la libre circulation et au libre accès à l’information. M. Chowdhury a par ailleurs rappelé que le Sommet mondial de la société de l’information, dont la première partie aura lieu cette année, représentait une occasion unique pour réduire le fossé numérique. Il s’est déclaré convaincu qu’un meilleur environnement pour la communication est non seulement possible, mais aussi inévitable pour le bien-être de la planète. Dans un tel environnement l’information sera à la fois libre et accessible par tous, a-t-il conclu.

M. ABDUL WAHEED KHAN, Directeur général adjoint pour la communication et l’information de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), a rappelé que cette Journée est celle de la commémoration de l’Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Cette commémoration arrive au moment où le monde mesure la situation difficile des médias dans les conflits armés. Soulignant la capacité de ces conflits à affecter la perception des individus, le Directeur général adjoint a attiré l’attention sur la contribution positive que peuvent apporter les journalistes en fournissant une information qui permet aux populations de faire des choix informés. Si les situations de conflit varient, les médias crédibles sont toujours essentiels en temps de guerre, a-t-il souligné. L’UNESCO s’engage fermement en faveur de l’échange d’idées et de connaissances qui est un droit fondamental des personnes. La libre circulation des idées peut construire les remparts de la paix en faisant avancer les connaissances mutuelles, a-t-il dit.

Lisant le message du Directeur de l’UNESCO, M. Khan a déclaré qu’en cette Journée, l’UNESCO salue tous les journalistes qui vont à la recherche de la vérité. Ces journalistes, dont certains ont perdu leur vie, ont fait preuve de bravoure, car dans les moments difficiles, ils se retrouvent littéralement dans la ligne de feu. Le tribut qu’ils payent est très lourd. Au-delà des statistiques et des histoires de sacrifices personnels, on trouve des journalistes qui, dans l’exercice de leur profession, risquent d’être attaqués, harcelés, voire tués. L’UNESCO lance un appel pour que les journalistes puissent exercer leur profession sans entrave et condamnera sans réserve toute forme de violence visant à étouffer la vérité, a assuré M. Khan.

M. TONY JENKINS, Président de l’Association des journalistes accrédités auprès de l’ONU, a commencé son intervention en évoquant l’histoire récente de Mohamed Hassan Allawi, journaliste accrédité auprès des Nations Unies et représentant l’agence de presse iraquienne, qui. a été expulsé des Etats-Unis à quelques jours du début de la guerre d’Iraq, à la demande des autorités du pays hôte, qui a invoqué des raisons de sécurité. Comment réagir face à telle décision arbitraire, s’est interrogé M. Jenkins soulignant qu’aucune preuve n’a été fournie dans ce sens.

M. Jenkins a expliqué qu’il avait choisi de présenter le cas de M. Allawi, car, à son sens, la défense de la liberté de la presse passait, par la défense de cas particuliers. C’est un droit qu’il faut pouvoir garantir à tous où qu’ils se trouvent et quelles que soient leurs origines, a-t-il souligné. M. Jenkins a fait valoir que les journalistes jouent en fait un véritable rôle de pilier de la démocratie et doivent œuvrer pour la transparence, déplorant l’utilisation d’une partie des médias américains par les autorités de Washington pour orchestrer, à son avis, une véritable campagne de désinformation destinée à convaincre l’opinion publique de ce pays de la présence d’armes de destruction massive en Iraq et de la participation de l’ancien président iraquien aux attentats du 11 septembre 2001.

TABLE RONDE SUR LES « MEDIAS ET LES CONFLITS ARMES »

Ayant couvert la guerre en Iraq, Mme JOY DIBENEDETTO, correspondante de CNN, a estimé que l’intégration des journalistes dans les forces armées sera considérée comme un cas d’anthologie dans les écoles de journalisme. Il est clair, a-t-elle reconnu, qu’il s’agissait pour le Gouvernement d’une manière de contrôler les médias, qui n’ont jamais eu un tableau complet de la situation sur le terrain.Aujourd’hui encore, les journalistes n’ont pas le droit de se déplacer librement en Iraq. Le problème d’accès se pose avec acuité et les journalistes ont peut-être manqué de courage dans la défense de leurs revendications, a-t-elle fait observer.

M. ABDERRAHIM FOUKARA, correspondant de Al-Jazeera, a tenu à souligner la manière contradictoire dont les médias américains et arabes ont couvert la récente guerre en Iraq. La télévision américaine n’a pas montré une guerre, mais un jeu alors que de l’autre côté, dans le monde arabe, les images étaient celles d’une guerre censée durer longtemps en raison de la résistance acharnée présumée du peuple iraquien. Lorsque cela ne s’est pas produit, le sentiment de choix et d’humiliation a été très violent, a-t-il expliqué, avant d’ajouter que ce sentiment était en fait la conséquence directe de la vision déséquilibrée des médias.

L’objectivité des journalistes en temps de guerre est un problème difficile, a renchéri M. BERNARD ESTRADE, correspondant de l’Agence française de presse (AFP). Si vous êtes intégrés dans des troupes, vous êtes forcément du côté des militaires, a-t-il dit en soulignant le succès avec lequel les autorités américaines ont su exploiter cette situation.

Le même diagnostic a été posé par M. KHALID HASA, correspondant du Daily Times de Lahore. Les médias, a-t-il dit, se sont comportés comme des porte-parole des forces américaines. Certes, les journalistes sont aussi la force d’invasion. Certes les journalistes sont aussi des patriotes américains mais ils ont un devoir d’objectivité qui, à son avis n’a pas été rempli.

La culpabilité des médias a reconnu la correspondante de CNN, est de s’être contenté de suivre, sans faire l’effort nécessaire pour assurer leur accès à l’information. Les médias méditeront encore pendant très longtemps sur la pertinence de cette décision, a-t-elle ajouté.

Questions

L’une des questions du public a porté sur le fait que, dans le cadre de la couverture médiatique de la guerre d’Iraq, les journalistes américains semblaient autant fascinés par les nouveaux moyens technologiques à leur disposition que les militaires par leurs nouvelles armes. La correspondante de CNN a confirmé que pour la première fois, les médias avaient eu l’occasion d’utiliser cette technologie. Pour sa part le correspondant d’Al-Jazeera a estimé que dans le contexte américain où la technologie est au centre du quotidien de chacun, les chaînes de télévision avaient recours à toute sorte de manœuvres technologiques pour pouvoir fidéliser leur public. Pour ce qui est du monde arabe, ce n’est que récemment que les médias ont commencé à prendre conscience et à utiliser ce type de technologies, a-t-il ajouté.

Une autre intervention a porté sur le rôle à jouer par les médias dans la prévention des crimes contre les cultures et l’histoire, à la suite du pillage des musées en Iraq et de la couverture médiatique dont cela a fait l’objet

Dans les remarques de clôture, le correspondant du Daily Times a estimé qu’à la lumière des nombreuses critiques qu’a suscité la couverture médiatique de la guerre d’Iraq, l’ensemble des médias internationaux sera amené à se remettre en question. Se faisant son écho, la correspondante de CNN a affirmé qu’il était urgent que les médias fassent leur examen de conscience et redéfinissent les responsabilités véritables des journalistes. Pour sa part le correspondant de l’AFP a tenu à mettre l’accent sur le fait que la guerre d’Iraq avait mobilisé l’opinion publique et les médias du monde, alors même que d’autres guerres et conflits sévissent ailleurs et ne font l’objet d’aucune couverture médiatique. Revenant sur la situation des médias aux Etats-Unis, le correspondant de Expresso a affirmé que la manière dont la chaîne Fox avait couvert la récente guerre en Iraq avait influencé les couvertures d’autres chaînes comme CNN et MSNBC.




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