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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME ENTAME SON EXAMEN DU DEUXIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DE L'ESTONIE

20 Mars 2003



Comité des droits de l'homme
77ème session
20 mars 2003
Après-midi





Le Comité des droits de l'homme a entamé cet après-midi l'examen du deuxième rapport périodique de l'Estonie en l'interrogeant notamment sur la position du Chancelier de justice, sur les efforts déployés pour protéger les femmes contre la discrimination ainsi que sur les normes applicables en matière d'immigration.
Présentant le rapport de son pays, Mme Marina Kaljurand, Sous-Secrétaire au Ministère des affaires étrangères, a indiqué que son pays considère la liberté de l'information, l'existence de media libres et les développement des technologies de l'information comme des garanties supplémentaires pour la promotion et la protection des droits de l'homme. C'est également dans cette optique que le poste de Chancelier de justice a été créé avec pour responsabilité la protection des droits de l'homme.
Mme Kaljurand a en outre mis l'accent sur la politique mise en oeuvre par l'Estonie en vue de faciliter l'intégration des non-Estoniens dans la société à travers son programme «Intégration dans la société estonienne 2000-2007». Elle a également souligné l'abandon, après les élections législatives de 1997, de certaines exigences linguistiques pour les électeurs.
La délégation estonienne était également représentée par M. Mai Hon, Directeur de la Division des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères, M. Merick Kokajev, Directeur de la Division des Organisations internationales et de la Coopération régionale ainsi que des représentants de la Division des droits de l'homme du Ministère des affaires étrangères, du Conseil estonien de la citoyenneté et de la migration, de la Division de l'application des peines au Département des prisons du Ministère de la Justice et de la mission permanente de l'Estonie.
Le Comité poursuivra l'examen du rapport de l'Estonie demain, vendredi, à partir de 10 heures.

Présentation du rapport de l'Estonie
MARINA KALJURAND, Sous-secrétaire du Ministère des affaires étrangères de l'Estonie, présentant le deuxième rapport périodique de son pays, a indiqué que la coopération avec la société civile a été considérablement améliorée pour la rédaction du présent rapport et que celui-ci était disponible également en estonien. Passant en revue les progrès réalisés depuis le premier rapport dans l'établissement d'une société fondée sur la primauté du droit et les valeurs démocratiques, Mme Kaljurand a attiré l'attention sur la loi concernant la liberté de l'information qu'elle a qualifiée «d'une des plus avancées du monde» et qui, avec l'existence de media indépendants, constitue une garantie supplémentaire pour la promotion et la protection des droits de l'homme. Mme Kaljurand a en outre informé le Comité de l'adoption récente par le Parlement d'un concept pour le développement de la société civile qui constitue une base solide de coopération entre le secteur public et le secteur non lucratif pour soutenir et promouvoir des activités sociales.
En ce qui concerne la protection des droits de l'homme, Mme Kaljurand a expliqué qu'elle est de la responsabilité d'une instance indépendante, le Chancelier de justice, responsable devant le parlement et qui rempli également le rôle d'Ombudsman. Ses prérogatives ont été étendues afin de pouvoir résoudre les cas de discrimination entre individus et de promouvoir l'égalité entre les sexes.
En outre, l'Estonie a participé aux efforts internationaux en vue de combattre toutes les formes de crime organisé. Dans ce contexte, Mme Kaljurand a déclaré qu'une campagne d'information conjointe entre les pays du Nord et les pays baltes a été lancée contre le trafic des femmes. Des mesures concrètes ont également été prises afin de promouvoir l'égalité des sexes, en particulier à travers la réconciliation entre vie de famille et vie professionnelle, la promotion des femmes entrepreneurs et l'égalité des salaires.
L'Estonie a par ailleurs initié une politique visant à faciliter l'intégration des non-Estoniens dans la société, notamment à travers son programme «Intégration dans la société estonienne 2000-2007». Le Parlement a également supprimé la condition linguistique de la loi sur les élections qui exigeait que les électeurs possèdent la langue estonienne.
S'agissant de la réforme des prisons, Mme Kaljurand a mentionné l'adoption d'une nouvelle loi sur l'incarcération qui améliore les conditions dans les prisons et supprime la responsabilité des prisons dans l'organisation des soins médicaux et de l'éducation.
Le deuxième rapport périodique de l'Estonie (CCPR/C/EST/2002/2) rend compte des mesures prises par l'Estonie pour appliquer le Pacte international relatif aux droits civiques et politiques article par article. Le rapport répond aux préoccupations exprimées par le Comité dans ses observations finales sur le premier rapport de l'Estonie, concernant notamment le serment que devaient prononcer jusqu'au 31 décembre 2000, les candidats élus ou nommés à des postes dans l'administration nationale ou locale. À cet égard, le rapport indique que cette condition a été supprimée.
Concernant la préoccupation du Comité sur la peine de mort appliquée à des crimes qui ne peuvent pas être considérés comme les plus graves en vertu de l'article 6 du Pacte, la rapport fait remarquer qu'en tant que membre du Conseil de l'Europe, l'Estonie a, en 1998, remplacé la peine de mort par la réclusion à perpétuité. En outre, depuis 1991, aucune peine de mort n'a été exécutée et les sentences déjà prononcées avaient été commuées en réclusion à perpétuité.
Le rapport indique également que la législation concernant la réparation du préjudice causé aux individus qui est régie notamment par la Constitution, les principes généraux du Code civil, la loi sur la responsabilité de l'Etat et la loi sur la surveillance, a été améliorée au cours des dernières années. Le Gouvernement a par ailleurs fait voter la loi sur les situations d'urgence et la loi sur l'état d'urgence pour réglementer plus en détail les restrictions de droits et des libertés en cas de guerre et d'état d'urgence.

Examen du rapport
Répondant à une question sur les fonctions du Chancelier de justice, l'Estonie a indiqué que celui-ci traite en particulier des accusations de violations des droits de l'homme par les organes de l'État. Toute personnes quelle que soit sa nationalité ou son statut a le droit d'adresser une requête auprès du Chancelier de justice ou ses conseillers. Des bureaux régionaux ont en outre été établis, a indiqué la délégation.
Au sujet des recours disponibles en cas de discrimination à l'emploi contre les femmes, la délégation a mentionné l'amendement de juin 2001 à la loi sur les salaires qui stipule le principe de non discrimination. De plus, d'après la loi sur les contrats de travail, il est illégal de restreindre les droits des employés ou des employeurs sur la base de leur statut marital, de leurs obligations familiales, de leur appartenance à des associations de citoyens ou des syndicats. Toutefois, ne sont pas considérées comme contraires au principe de non-discrimination les préférences accordées pour cause de grossesse ou d'éducation d'un enfant, la prise en compte de la sexospécificité dans le recrutement ou l'attribution des tâches du fait de la nature du travail ou des conditions de travail, l'aménagement du temps de travail pour des raisons religieuses, l'exigence de capacités linguistiques nécessaires au travail.
En réponse à une demande d'informations supplémentaires sur le trafic d'êtres humains, la délégation a précisé que les dispositions du nouveau Code pénal couvrent l'incitation à la participation à des activités illégales, le proxénétisme, la privation illégale de liberté, la participation forcée à des relations sexuelles. Le Ministère des affaires intérieures prépare en outre un projet de loi de protection des témoins conformément à un traité signé entre les pays baltes sur la protection des victimes et des témoins. La police estonienne coopère avec Europol sur la question des migrations illégales et du trafic d'êtres humains et participe au projet du Golfe de Finlande sur la contrebande entre l'Estonie, la Lettonie, la Suède et la Finlande.
Sur la question de savoir si la détention en hôpital pendant 14 jours pour des raisons de santé mentale sans décision de justice est compatible avec le Pacte, la délégation a expliqué que d'après la loi estonienne sur la santé mentale, l'examen de personnes soumises à un traitement psychiatrique d'urgence non volontaire est effectué par deux médecins qui doivent se mettre d'accord sur le traitement et ce traitement ne peut se poursuivre au-delà des 14 jours qu'après une décision de justice.
Se félicitant du développement rapide de la législation estonienne pour mettre en oeuvre les dispositions du Pacte ainsi que la profondeur du présent rapport, des membres du Comité ont estimé que des progrès restaient encore à faire en particulier concernant la protection des femmes contre la discrimination. À cet égard, il a été suggéré d'étendre le rôle de la justice et de revisiter le principe de salaire égal pour un travail égale de même qualité. Se plus amples informations sur l'avancement des femmes à des postes de haut niveau ont également été demandées.
S'agissant de la peine de mort, certains membres du Comité ont demandé si la politique estonienne en matière d'extradition tient compte de l'application de la peine de mort dans le pays d'extradition.
Un membre du Comité s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles il avait été décidé de ne pas créer un poste d'Ombudsman séparé de celui de Chancelier de justice. Il a demandé de plus amples informations sur le nombre de plaintes soumises au bureau du Chancelier et leur contenu ainsi que sur la possibilité pour de non Estoniens de soumettre des requêtes et les limites de la juridiction du Chancelier en dehors de la sphère gouvernementale. D'autres questions ont été posées sur le bureau du Chancelier notamment sur l'importance de son personnel, sur la possibilité pour le Chancelier de porter un cas en justice ainsi que sur la publication d'un rapport annuel.
Sur la question de la surpopulation dans les prisons, un membre du Comité a demandé si une division existe entre le nombre de détenus en détention provisoire et ceux qui ont été condamnés. Il a également interrogé la délégation sur l'usage de la force et sa proportionnalité rappelant que les armes ne doivent être utilisées qu'en dernier ressort et ne pas être employées dans le cas par exemple de l'évasion d'un pickpocket.
Un membre du Comité a par ailleurs demandé si le déclin de la population estonienne tel qu'il apparaît dans le rapport, n'est pas dû à l'exclusion après 1989 des non Estoniens du recensement.
Concernant la politique de l'Estonie en matière de santé mentale, plusieurs experts ont mis en cause la pratique qui consiste à interner des patients sans leur consentement et même sans les en informer. Il a été demandé si ces patients peuvent demander de leur leur propre chef. Quelle est la composition ethnique des personnes internées de cette façon?
En réponse à une question sur les quotas d'immigration, un membre de la délégation a expliqué que ceux-ci avaient pour but de rééquilibrer les processus migratoires et démographiques et de protéger le marché du travail estonien. Les quotas ne sont pas appliqués aux personnes venant de l'Union européenne, des États-Unis ou du Canada car celles-ci sont peu nombreuses, a-t-il été précisé, tandis que les autres cas font l'objet d'un examen individuel sans que l'origine ethnique de la personne puisse influer sur le résultat de cet examen. Dans les cas de regroupement familial, les quotas sont considérés comme inconstitutionnels.
Expliquant la signification des expressions «pays tiers sûr», «pays d'origine sûr» ou «demande manifestement infondée», la délégation a déclaré que ces catégories sont des motifs de refus du droit d'asile. Toutefois, en pratique, aucune des catégories relatives au pays tiers ou d'origine «sûr» n'a été invoquée pour rejeter une demande d'asile.
La délégation a par ailleurs indiqué que des efforts sont faits pour réduire le nombre d'enfants sans nationalité. Toutefois, les mineurs de moins de 15 ans nés en Estonie après le 26 février 1992 ne peuvent acquérir la nationalité estonienne par naturalisation que si leurs parents ont demandé et sont qualifiés à obtenir la citoyenneté estonienne.
Concernant les 47 membres d'une communauté rom qui s'est vu refuser l'entrée sur le territoire estonien, la délégation a précisé que ce refus n'était pas motivé par leur appartenance ethnique mais par les condamnations répétées de ces personnes pour des formes de commerce illégal ou sur des lieux interdits, entrave à l'ordre public et perturbation de la paix.
Sur la question de l'indépendance de la justice, la délégation a expliqué que l'administration, la formation et le contrôle des tribunaux sont régis par la loi sur les tribunaux qui est entrée en vigueur le 29 juillet 2002, qui a notamment changé radicalement l'administrations des tribunaux de première et seconde instances à présent gérés en coopération entre le Conseil pour l'administration des tribunaux et le Ministère de la justice.
Pour ce qui est de l'usage de la langue russe dans les zones à majorité russophone, la délégation a précisé qu'une autre langue que l'estonien peut être utilisée dans l'administration locale à condition que la langue de travail officielle demeure l'estonien et sous réserve d'approbation du Gouvernement. Deux requêtes analogues ont été refusées du fait qu'elles ne répondaient pas à l'exigence de maintenir l'estonien comme langue de travail. L'enseignement de l'estonien pour les non-Estoniens a été intégré au cursus scolaire ; dans les écoles où l'enseignement se fait dans une autre langue, l'étude de l'estonien est obligatoire dès la première année et des programmes pour l'enseignement de l'estonien en dehors du système scolaire ont été développés.
En réponse aux allégations selon lesquels les examens de langue estonienne seraient injustes, la délégation a précisé que les plaintes venaient de personnes ayant échoué plusieurs fois à l'examen pour le niveau supérieur. Le Ministère de l'éducation a suggéré d'amender le système de notation pour limiter les possibles erreurs de notation. Toutefois, l'Inspection des langues a reçu des demandes de la part de deux universités pour que le niveau de passage soit relevé car de nombreux étudiants ayant obtenu l'examen intermédiaire ont ensuite des difficultés à poursuivre leurs études.



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