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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU GUATEMALA

17 Juillet 2001



Comité des droits de l'homme
72ème session
17 juillet 2001
Après-midi




Les experts portent leur attention sur les pratiques
d'intimidation et de lynchage, ainsi que sur l'impunité
et l'insécurité qui règnent dans le pays



Le Comité des droits de l'homme a entamé, cet après-midi, l'examen du deuxième rapport périodique du Guatemala sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant le rapport du Guatemala, M. Ricardo Alvardo Ortigoza, Président de la Commission présidentielle des droits de l'homme, a affirmé que le Gouvernement guatémaltèque a largement témoigné, au cours de ces 18 derniers mois, de sa volonté de coopérer avec les diverses instances des Nations Unies en vue de protéger et promouvoir les droits de l'homme. Il a ajouté que la fin du conflit interne, qui a duré 36 ans, n'a pas mis pour autant fin aux causes premières de cet affrontement. M. Alvardo Ortigoza a indiqué que la peine de mort est toujours en vigueur au Guatemala, mais son application est exceptionnelle et ne peut intervenir que dans les cas expressément visés par la loi.

Les membres du Comité ont estimé que la situation en matière de droits de l'homme en général, et de droits civils et politiques en particulier, est encore très lacunaire au Guatemala. Ils ont émis de vives préoccupations s'agissant de la situation en matière d'impunité, qui semble malheureusement loin de s'être améliorée. Par ailleurs, les pratiques d'intimidation et de lynchage ont également préoccupé les membres du Comité.

M. Alvardo Ortigoza est accompagné de M. Antonio Arenales Forno, Représentant permanent du Guatemala auprès des Nations Unies à Genève, et de Mme Carla Rodríguez Mancia, Ministre conseiller.


Le Comité des droits de l'homme poursuivra, demain matin, à 10 heures, l'examen du rapport du Guatemala.


Présentation du rapport

Présentant le rapport du Guatemala, M. Ricardo Alvardo Ortigoza, Président de la Commission présidentielle des droits de l'homme, a affirmé que le Gouvernement guatémaltèque a largement témoigné, au cours de ces 18 derniers mois, de sa volonté de coopérer avec les diverses instances des Nations Unies en vue de protéger et promouvoir les droits de l'homme. À plusieurs reprises, il a rendu compte de la suite donnée aux engagements internationaux contractés par le Guatemala, notamment devant la Commission des droits de l'homme. M. Alvardo Ortigoza a estimé que cette collaboration est renforcée notamment par le biais de visites de suivi exercées par des organes des Nations Unies, tels que les rapporteurs, et par la prolongation du mandat de la Mission de vérification des Nations Unies au Guatemala (MINUGUA) jusqu'en 2003. Le Guatemala a par ailleurs sollicité une aide auprès de la Commission interaméricaine des droits de l'homme afin de trouver une réponse rapide aux centaines de plaintes qui sont parvenues jusqu'à cette Commission et de permettre l'octroi d'indemnisations malgré les faibles ressources financières du pays. Le Guatemala souhaite en effet apporter une réparation, aussi infime soit-elle, aux personnes, ou aux membres de leur famille, qui ont été victimes d'une violation grave de leurs droits, et ce afin de leur rendre leur dignité.

M. Alvardo Ortigoza a indiqué que la fin du conflit interne, qui a duré 36 ans, n'a pas mis pour autant fin aux causes premières de cet affrontement; l'instauration d'une culture démocratique n'a eu lieu que très tardivement. Beaucoup de choses restent encore à faire, l'insécurité demeure un problème au Guatemala, a-t-il reconnu.

Le Président de la Commission présidentielle des droits de l'homme a regretté que la peine de mort soit toujours en vigueur au Guatemala, mais il a souligné que le gouvernement veille à encadrer strictement le recours à cette sanction. La peine de mort a en effet un caractère exceptionnel et ne peut être appliquée que dans les cas expressément visés par la loi et lorsque toutes les voies de recours ont été épuisées. L'article 18 de la Constitution stipule que la peine de mort ne peut être imposée pour les délits politiques, lorsque la condamnation est fondée sur des présomptions, aux femmes, aux personnes âgées de plus de 60 ans et aux personnes qui ont été extradées vers le Guatemala à la condition que la peine capitale ne leur soit pas appliquée.

Le deuxième rapport périodique du Guatemala (CCPR/C/GTM/99/2) en date du 5 avril 2000 souligne que la signature, le 29 décembre 1996, de l'Accord de paix ferme et durable entre le gouvernement et l'Unidad Revolucionaria Nacional Guatemalteca (URNG) a clos un chapitre de l'histoire du Guatemala, marquée par 36 ans d'affrontement armé interne. Le processus de négociation, qui a duré environ 10 ans (1987-1996), a abouti à la signature de 11 accords majeurs dans lesquels les deux parties assument des responsabilités et s'engagent à exécuter des mesures visant à surmonter les divergences et éliminer les causes réelles de la guerre. Ces accords ont notamment eu des conséquences sur la police nationale, l'armée, le Ministère public et l'organe judiciaire en général. Le rapport mentionne le sixième rapport de la Mission de vérification des Nations Unies au Guatemala (MINUGA), qui couvre la période du 1er juillet au 31 décembre 1996, et qui indique qu'au cours de la période considérée, le gouvernement a pris des mesures très efficaces en vue de l'épuration et de la professionnalisation des forces de sécurité et de la démobilisation des structures d'appui anti-insurrectionnel.

Le rapport indique que divers services spéciaux internes, destinés à veiller au respect et à la protection des droits et libertés des personnes, ont été mis en place. Parmi eux, le Bureau du Procureur chargé des droits de l'homme est habilité à recevoir les plaintes, à enquêter, à prendre des décisions sur des affaires particulières et à faire des recommandations au gouvernement afin qu'il mette en œuvre des mécanismes tendant à promouvoir le respect total des droits de l'homme en général. Le Secrétariat de la paix de la Présidence de la République (SEPAZ) applique le programme national d'indemnisation des victimes de l'affrontement armé. Les communautés les plus affectés dans les départements de Alta Verapaz et de Huehuetenango font d'ailleurs actuellement l'objet d'une évaluation d'indemnisation.

Le rapport reconnaît néanmoins qu'il persiste encore des situations qui limitent et entravent le respect des droits contenus dans le Pacte. En effet, les délits restent nombreux, le sentiment d'insécurité demeure et l'État se trouve dans l'incapacité de lutter contre la délinquance par un système judiciaire rapide et approprié. À cela s'ajoutent les problèmes sociaux, les excès et les carences structurelles des institutions responsables de l'administration de la justice et de la police, qui nuisent gravement au respect des droits fondamentaux de la population. Par ailleurs, malgré plusieurs mesures gouvernementales, des discriminations de fait existent toujours à l'égard des femmes, et ce principalement en raison de certaines conceptions erronées de la société concernant l'égalité des sexes. Enfin, le rapport précise que le système pénal guatémaltèque prévoit la peine de mort, notamment en cas de parricide, d'assassinat, d'exécution extrajudiciaire, de viol qualifié lorsque la victime est âgée de moins de 10 ans, de disparition forcée et d'enlèvement. Entre 1988 et 1998, trois personnes ont été exécutées : deux d'entre elles ont été jugées coupables du viol et de l'assassinat d'une fillette de quatre ans, la troisième a été condamnée pour l'assassinat de sept personnes. Le rapport précise que de 1998 jusqu'au mois d'août 1999, douze personnes ont été condamnées à mort. Toutefois, la peine de mort n'est pas applicable aux mineurs.


Examen du rapport du Guatemala

Fournissant des renseignements complémentaires sur le rapport du Guatemala, la délégation a indiqué que la période qui a suivi la résolution du conflit armée était la plus délicate à gérer pour le gouvernement en raison des nombreux bouleversements auxquels il a dû procéder. Dans le cadre de l'Accord de paix et en collaboration avec la MIssion des Nations Unies (MINUGUA) le gouvernement a notamment adopté un programme ayant pour principal objectif de modifier les institutions du pays. Les résultats obtenus ne sont pas ceux escomptés mais le gouvernement poursuit néanmoins les réformes.

S'agissant des mesures prises pour lutter contre le climat d'intimidation régnant au Guatemala, la délégation a indiqué que la Cour suprême de justice peut accorder des mesures de sécurité aux personnes qui le souhaitent. Par ailleurs, elle a mis en place un système de protection des témoins et, depuis 2000, un Procureur est spécifiquement en charge des questions de menace à l'encontre des témoins. La Commission des juges et magistrats s'occupe, pour sa part, de la protection des témoins contre les menaces, les mesures d'intimidation et de harcèlement dont ils pourraient être victimes.

Un expert ayant souhaité savoir si des dispositions avaient été prises pour lever les multiples obstacles à l'action efficace du Ministère public en vue de mettre un terme à l'impunité dont bénéficient les auteurs de violations graves des droits de l'homme, la délégation a indiqué que l'impunité, sous toutes ses formes, est l'obstacle principal a l'établissement de l'état de droit. À cet égard, le Ministère public ainsi que l'organe judiciaire et le Ministère de l'intérieur ont collaboré afin de mettre en place une formation à l'attention des magistrats et des agents de police en vue d'améliorer les enquêtes et de minimiser les cas d'impunité.

La délégation a indiqué que la majeure partie des changements apportés au Ministère public a consisté en la mise en place d'un réseau informatique visant à améliorer le système d'enregistrement et de traitement des affaires et à systématiser la transmission des informations. À cet égard, plus de 500 ordinateurs ont été installés sur l'ensemble de la zone métropolitaine de la ville de Guatemala.

Plusieurs experts ont souhaité connaître la réaction du gouvernement face aux affaires récentes et circonstanciées impliquant la responsabilité d'officiers de police nationale civile dans des cas extrêmement graves de violation des droits de l'homme, en particulier d'exécutions extrajudiciaires et d'actes de torture. La délégation a répondu que le gouvernement ne saurait nier l'existence, de façon isolée, dans son corps de police, d'actes de torture et de lynchage. En ce qui concerne les cas vérifiés par la MINUGUA, le Ministère public mènera une enquête et prendra les dispositions et sanctions nécessaires.

S'agissant des mesures prises pour transformer la culture de la police afin que celle-ci soit pleinement au service du public et disposée à coopérer pleinement avec le Parquet, la délégation a indiqué que le gouvernement a créé une nouvelle police nationale civile au sein de laquelle a été mise en place une unité spéciale pour la protection et la protection des droits de l'homme.

Par ailleurs, en janvier 2001, une formation à l'intention des fonctionnaires de police et des agents de sécurité, en faveur de la lutte contre la violence au sein de ces corps de métier, a été mise en place. Le Bureau de la responsabilité professionnelle, chargé de surveiller de manière permanente les personnes au service de la sécurité civile, a quant à lui été renforcé en vue de permettre de déceler les auteurs de violations des droits de l'homme ou de la loi et de les poursuivre devant l'autorité compétente.

Plusieurs experts ont souhaité connaître la nature des mesures adoptées pour donner effet à la déclaration du Président Alfonso Portillo, dans laquelle il s'est engagé à appliquer les recommandations de la Commission pour l'explication historique (CEH) relatives à l'impunité. La délégation a indiqué que le gouvernement est conscient de sa responsabilité, par omission, dans la perpétration des crimes contre l'humanité et déploie d'importants efforts afin de restaurer la dignité des victimes de ces crimes, notamment en indemnisant financièrement les survivants et les parents des victimes. La délégation a par ailleurs fait valoir que des monuments ont été érigés à la mémoire des civils morts aux mains des forces paramilitaires durant le conflit.

Un expert a interrogé la délégation s'agissant des enquêtes menées sur les 26 exécutions extrajudiciaires et les neuf tentatives d'exécutions extrajudiciaires signalées entre le 1er décembre 1999 et le 30 juin 2000. La délégation a répondu que le gouvernement rencontre des difficultés pour éclaircir la situation, les enquêtes étant très longues et minutieuses. Dès que les différentes enquêtes auront abouti, le Guatemala ne manquera pas d'informer le Comité des résultats obtenus, a assuré la délégation.

Les membres du Comité ayant souhaité connaître les raisons pour lesquelles la peine de mort est maintenue pour les hommes âgés de 18 à 60 ans alors qu'elle n'est pas applicable aux femmes, aux mineurs et aux hommes de plus de 60 ans, la délégation a répondu que cela s'explique par la volonté du gouvernement d'abolir progressivement la peine capitale. En tout état de cause, la peine de mort demeure exceptionnelle et les condamnés peuvent être graciés par le Président de la République. Par ailleurs, tous les recours légaux pertinents sont admissibles contre une sentence imposant la peine de mort, notamment le pourvoi en cassation.

Un membre du Comité a estimé que les réponses de la délégation n'étaient pas satisfaisantes et laissaient les membres du Comité sur leur faim au regard du précédent rapport qui était très prometteur et encourageant. La situation en matière de droits de l'homme en général, et de droits civils et politiques en particulier, demeure encore très lacunaire. De nombreux membres du Comité ont par ailleurs émis de vives préoccupations s'agissant de la situation en matière d'impunité, qui est malheureusement loin de s'être améliorée. Certes, le gouvernement a mis en place de stratégies de lutte contre l'impunité, mais sans succès apparent. Les membres du Comité estiment que le problème n'est pas d'ordre technique, comme le prétend la délégation, mais relève d'un manque de volonté réelle et de mesures concrètes de la part du gouvernement. La situation au Guatemala reste très précaire et toutes les couches de la population continuent de vivre dans l'insécurité.

Les pratiques d'intimidation et de lynchage ont également attiré l'attention des membres du Comité. Ils ont souhaité connaître la suite exacte qui a été donnée, notamment, au massacre ayant causé la mort de plus de 162 personnes, dont 60 enfants. Les membres du Comité ont estimé que le gouvernement ne s'est pas donné les moyens nécessaires et suffisants pour élucider cette affaire; il s'est contenté d'un accord avec la Commission interaméricaine. La plupart des experts ont également insisté sur la nécessité d'abolir la peine de mort.

Les membres du Comité ont également interrogé la délégation au sujet, entre autres, des retransmissions télévisuelles des exécutions, des résultats des investigations du Bureau de responsabilité professionnelle, de la détention préventive et du nombre important de personnes disparues.




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