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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DU LUXEMBOURG

24 Mars 2003



Comité des droits de l'homme
77ème session
24 mars 2003





Le Comité des droits de l'homme a examiné aujourd'hui le troisième rapport périodique du Luxembourg sur la mise en oeuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Dans des observations préliminaires présentées à la fin de l'examen du rapport, cet après-midi, le Président du Comité, M. Abdelfattah Amor, s'est félicité de la masse d'informations fournies par la délégation. Il a estimé que les réserves émises par le Luxembourg concernant certaines dispositions du Pacte étant de nature essentiellement théoriques, elles devraient être retirées. Il a également jugé que la différenciation opérée entre enfants «naturels» et «légitimes» dans le Code civil était obsolète. M. Amor a estimé en outre que les critères de définition des religions pouvaient faire l'objet de discussions et il s'est inquiété de l'absence de législation assurant l'égalité du soutien financier de l'État aux différents cultes. Le Comité adoptera ultérieurement ses observations finales sur le rapport du Luxembourg.
Présentant le rapport de son pays, M. Alfonse Berns, Représentant permanent du Luxembourg auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a déclaré qu'une conscience croissante de l'importance des droits de l'homme s'est développée dans son pays notamment du fait des guerres et des violations massives des droits de l'homme en ex-Yougoslavie et dans la région des Grands-Lacs. Au cours des dix dernières années, le Luxembourg a pris un grand nombre d'initiatives sur des questions telles que le racisme, le fonctionnement de la cour constitutionnelle, l'abolition de la peine capitale, l'immigration et le droit d'asile, a indiqué M. Berns.
Au cours de la discussion, la délégation luxembourgeoise a précisé que la différence entre enfants «naturels» et «légitimes» ne remet pas en cause leur égalité de droits, y compris en matière d'héritage. Elle a également précisé que des étrangers ne peuvent faire l'objet d'une expulsion vers leur pays d'origine si les droits de l'homme n'y sont pas respectés. Elle a par ailleurs indiqué que des négociations sont en cours en vue de conclure une convention entre l'État et le culte islamique. La délégation a en outre répondu à plusieurs questions sur les pratiques de mises au secret de certains suspects ainsi que l'usage d'un régime carcéral strict comme mesure disciplinaire. Elle a aussi précisé les recours existants en matière de harcèlement sexuel et les mesures prises pour lutter contre la violence domestique.
La délégation du Luxembourg était également composée de MM. Georges Ravarani, Président de la Cour administrative: Vincent Theis, Directeur du Centre pénitentiaire; Anne Goedert, Directrice de la section des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères; et Joëlle Schaack, Attachée au Ministère de la justice.
Le Comité des droits de l'homme examinera demain après-midi, à partir de 15 heures, le rapport du Mali.

Présentation du rapport
Présentant le troisième rapport périodique de son pays, M. ALFONSE BERNS, Représentant permanent du Luxembourg auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a cité le Vice-Président et Ministre des affaires étrangères luxembourgeois qui a souligné récemment la nécessité pour la communauté internationale d'examiner individuellement la situation des personnes dans le monde et de dénoncer sans préjugés les violations des droits de l'homme. Le déni des droits de l'homme non seulement n'a pas disparu dans le monde mais peut ressurgir à tout moment dans les sociétés à l'occasion de crises ou d'un manque de vigilance.
Depuis le rapport du Luxembourg présenté en 1992 au Comité, le monde a connu une évolution intéressante dans le domaine des droits de l'homme, a estimé M. Berns. Le Luxembourg est de plus en plus conscient de l'importance des droits de l'homme, notamment depuis les guerres et les violations massives des droits de l'homme en ex-Yougoslavie et dans la région des Grands-Lacs. En outre, un certain nombre de jugements rendus par des tribunaux luxembourgeois témoignent de la place de plus en plus importante des concepts liés aux droits de l'homme dans la société. Depuis dix ans, un grand nombre de mesures législatives ont été prises sur des questions telles que le racisme, l'immigration, le droit d'asile, l'abolition de la peine capitale, la création d'une Cour constitutionnelle et d'une Cour d'appel, a déclaré M. Berns.
Le troisième rapport périodique du Luxembourg (CCPR/C/LUX/2002/3) présente les mesures prise par le pays afin d'assurer la pleine mise en oeuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. À cet égard, il indique que l'abolition de la peine de mort a été confirmée par un amendement à la Constitution adopté le 29 avril 1999 qui stipule en outre que la peine capitale ne peut être réintroduite. Un chapitre spécial a en outre été introduit dans le Code pénal par la loi du 19 juillet 1997, qui renforce les peines du crime de génocide et ceci, que l'infraction ait été perpétrée par discours, écrit ou tout autre moyen de communication. En outre, par la loi du 24 avril 2000, le Luxembourg a voulu mettre sa législation en conformité avec la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En effet, avant l'adoption de cette loi, seuls étaient punis les actes de torture commis par des particuliers à l'encontre d'autres particuliers. Cette disposition ne permettait pas de punir avec suffisamment de sévérité ceux qui étaient détenteurs d'une autorité publique. Sont à présent visés non seulement les tortures physiques mais également les tortures psychiques.
Le rapport signale par ailleurs qu'un régime de protection spécifique a été instauré, à titre temporaire, par la loi du 27 mars 2000 qui permet l'entrée sur le territoire en dehors de toute demande d'asile. Ce régime a été créé au moment du conflit armé au Kosovo de sorte que les Albanais du Kosovo ont pu solliciter une protection du Luxembourg. Cependant le nouveau régime bénéficie à toute personne arrivant lors d'un afflux massif et règle donc, de manière générale, les situations d'afflux massifs de demandeurs d'asile fuyant une zone de conflit armé. Comme corollaire, la loi suspend toutes les procédures en cours relatives aux demandes d'asile. La durée du régime spécial ne peut dépasser trois ans et, à son expiration, l'intéressé pourra introduire ou réitérer sa demande de statut de réfugié.
Examen du rapport
En réponse aux questions de membres du Comité sur la place du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dans le droit interne luxembourgeois, la délégation a indiqué que les tribunaux ont reconnu depuis les années 50 la primauté des traités internationaux sur le droit interne, y compris la Constitution.
En ce qui concerne la situation des mineurs en prison, la délégation a précisé que les mineurs âgés de 16 à 18 ans ayant commis des délits peuvent faire l'objet d'une peine d'emprisonnement correctionnel ou criminel. Ce genre d'individus ne peut être placé dans les mêmes lieux que d'autres mineurs en raison de la gravité des faits. Les mineurs plus âgés peuvent bénéficier des formations accordées aux adultes incarcérés.
Une Commission consultative des droits de l'homme a été créée en 2000. Elle émet des avis et élabore des études de sa propre initiative ou à la demande du Gouvernement. Elle peut proposer des mesures et des programmes d'action de nature à favoriser la protection et la promotion des droits de l'homme et ce, notamment, dans les milieux scolaire, universitaire et professionnel. La Commission consultative peut être saisie par un de ses membres ou toute autre personne ou organisation, ce qui garantit son indépendance. Si rien ne s'oppose à ce que des particuliers adressent directement leurs plaintes à la Commission, en pratique, ce sont plutôt les associations ou les organisations non gouvernementales qui lui font part des plaintes des particuliers.
Un membre de la délégation a indiqué que, depuis l'adoption de la loi du 28 juin 2001, la charge de la preuve en ce qui concerne le harcèlement sexuel a été renversée et incombe désormais au défenseur. Les cas de harcèlement sexuel sur le lieu de travail sont portés devant le Président du tribunal du travail qui a le pouvoir de d'enjoindre un employeur de mettre fin à tout agissement qu'il reconnaît comme constituant un harcèlement sexuel. En outre, la loi du 31 mai 1999 a renforcé les protections contre le trafic d'êtres humains et l'exploitation sexuelle des mineurs. L'application de la loi sur les crimes sexuels a été étendue aux actes commis par des ressortissants luxembourgeois à l'étranger.
Reconnaissant que la loi luxembourgeoise opère une distinction entre enfants «légitimes» et «naturels», la délégation a précisé que leurs droits sont égaux depuis 1979 y compris en ce qui concerne l'héritage. La seule différence vient de l'adoption du nom maternel dans le cas d'un enfant dont le père est inconnu. La délégation n'a pas été en mesure de donner des statistiques relatives au nombre d'enfants «naturels» par rapport aux enfants «légitimes» car la collecte de telles données pourrait contribuer à la stigmatisation des enfants nés en dehors des liens du mariage.
Au sujet de l'absence d'une loi spécifique punissant la violence domestique, la délégation a précisé qu'un projet de loi a été déposé en mai 2001 qui repose sur quatre points essentiels : circonstances aggravantes, expulsion de l'auteur des violences du domicile par la police, procédures de référé spéciales et renforcement du rôle des associations de défense des droits des victimes.
La délégation a par ailleurs indiqué que la décision de mise au secret d'un suspect est une mesure exceptionnelle qui peut être prise par un juge d'instruction si la situation l'exige notamment afin d'éviter la subornation de témoins. Cette mesure est prononcée pour une durée de 10 jours au plus, renouvelable une fois. Elle ne s'applique pas au conseil de l'inculpé.
S'agissant du régime cellulaire strict, il est susceptible d'être prononcé à l'encontre des personnes condamnées ou prévenues présumées dangereuses ou à titre de sanction disciplinaire pour punir les fautes les plus graves. Ce régime peut, dans le premier cas, être illimité mais fait l'objet d'une révision tous les trois mois. En tant que sanction, ce régime ne peut excéder six mois ou, en cas de récidive, douze mois.
En réponse à la question des six cas de suicide qui ont été à déplorer au Centre pénitentiaire entre décembre 1999 et mai 2000, la délégation a informé le Comité que deux experts français ont été nommés pour étudier la question et ont présenté un rapport sur les circonstances de ces suicides dont les recommandations ont été largement suivies.
Sur la législation concernant l'expulsion des étrangers, la délégation a précisé que les décisions de retrait de permis de séjour et d'expulsion sont prises par le Ministre de la justice qui, sauf urgence, doit prendre l'avis de la commission consultative en matière de police des étrangers. Les personnes qui se voient retirer leur autorisation de séjour peuvent s'adresser à la justice administrative et déposer un recours en annulation devant le tribunal administratif dont le jugement est susceptible d'appel devant la Cour administrative. Toutefois, les recours administratifs ne sont pas suspensifs mais, depuis une loi du 21 juin 1999, il est possible de s'adresser, dans le cadre d'une procédure d'urgence, au Président du tribunal qui peut ordonner le sursis à exécution en attendant une solution sur le fond. La délégation a par ailleurs indiqué que les mesures d'expulsion sont examinées au cas par cas afin de déterminer si l'expulsion vers le pays d'origine est susceptible de provoques des souffrances physiques, mentales ou psychologiques. Si les droits de l'homme ne sont pas respectés dans le pays d'origine, l'expulsion ne peut avoir lieu.
Développant les conditions dans lesquelles le l'État peut subventionner les cultes religieux, la délégation a précisé que cela s'inscrit dans le cadre d'une convention entre l'État et les différents cultes qui le demandent à condition qu'ils représentent une religion reconnue au niveau mondial, qu'ils soient déjà reconnus officiellement dans au moins un pays de l'Union européenne, qu'ils soient prêts à se soumettre à l'ordre public du Grand-Duché et qu'ils soient bien établis au Luxembourg et appuyés par une communauté suffisamment nombreuse de fidèles. La délégation a en outre précisé que la politique de subvention des cultes a pour but de stimuler la discussion et la participation des religions. Les critères d'éligibilité pour être subventionné représentent également un effort en vue de distinguer entre religion et secte. Des négociations en vue d'une convention entre l'État luxembourgeois et le culte islamique sont actuellement en cours, a déclaré la délégation précisant qu'avant l'afflux de réfugiés qui a suivi les guerres en ex-Yougoslavie, en particulier venant de Bosnie-Herzégovine, les musulmans étaient peu nombreux au Luxembourg.
La délégation a indiqué que 39% de la population du Luxembourg est composée d'étrangers dont la plupart ont immigré récemment. Étant donné le grand nombre de travailleurs se déplaçant de part et d'autre des frontières, le Parlement a adopté des mesures pour faciliter l'accès des travailleurs étrangers à un emploi. Des efforts ont également été faits pour améliorer l'accès aux services de l'État, a indiqué la délégation, qui a précisé que les pétitions peuvent être soumises au Gouvernement dans une langue au choix du pétitionnaire et que des efforts sont faits pour y répondre dans la même langue. Le luxembourgeois, le français et l'allemand restent les langues les plus utilisées mais il arrive que le Gouvernement réponde à des demandes d'information en anglais ainsi qu'en portugais.

Observations préliminaires
M. ABDELFATTAH AMOR, Président du Comité des droits de l'homme, s'est félicité de l'importante documentation fournie par la délégation luxembourgeoise. Il a estimé que les réserves du Luxembourg au Pacte étant de nature essentiellement théorique, celles-ci pouvaient être retirées. De même, la délégation a informé que la distinction entre enfants «naturels» et «légitimes» n'a plus de fondement et est obsolète. Il s'est félicité que la suprématie du Pacte et des autres traités internationaux sur les lois nationales ait été solidement établie.
M. Amor a relevé que des questions restent néanmoins en suspens, en particulier la pratique de mise au secret des suspects et l'usage du régime cellulaire strict comme punition. Une réflexion plus poussée doit être menée sur la compatibilité de ces pratiques avec certaines dispositions du Pacte. En outre, les critères appliqués pour la définition d'une religion peuvent faire l'objet de discussions et il faut noter qu'il n'y a pas de loi garantissant l'égalité de soutien financier accordé par l'État aux différentes religions, a souligné M. Amor.



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