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Communiqués de presse

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

22 Juillet 2004

Comité des droits de l'homme
22 juillet 2004


Le Comité des droits de l'homme a examiné aujourd'hui la situation en République centrafricaine, État partie en retard dans la présentation d'un rapport au Comité mais qui a envoyé une délégation dirigée par le Haut Commissaire national aux droits de l'homme. Le Comité a porté son attention en particulier sur les garanties juridiques des droits de l'homme et des libertés fondamentales pendant la période de transition qui suivi le «changement de régime» du 15 mars 2003.

Dans sa déclaration liminaire devant le Comité, M. Thierry Maleyombo, Haut Commissaire aux droits de l'homme de la République centrafricaine, a expliqué les événements survenus en République centrafricaine et qui ont conduit au changement politique du 15 mars 2003, avec le renversement du régime dictatorial de M. Ange-Felix Patassé. À cet égard, il a souligné combien la situation des droits de l'homme était catastrophique et a attiré l'attention sur les efforts que le Gouvernement de transition consent dans la recherche des voies et moyens propices au retour à un ordre politique et institutionnel légal. En particulier, il a mis l'accent sur la gestion consensuelle de la transition, sur les efforts de réconciliation, sur la poursuite en justice des auteurs des divers crimes, ainsi que sur les efforts du Gouvernement pour rendre effectif le déclenchement des différents processus électoraux prévus en 2005.

Le Haut Commissaire centrafricain a par ailleurs souligné la vision large de la promotion et de la protection des droits de l'homme qu'a le Président de la République, qui veille personnellement sur la conduite de la politique des droits de l'homme dans le pays menée par le Haut Commissariat aux droits de l'homme et à la bonne gouvernance. M. Maleyombo a reconnu les manquements de la République centrafricaine à ses engagements en n'ayant pas produit de rapport depuis son adhésion au Pacte en 1986, mais il a informé de la création récente d'un comité national chargé de la rédaction des rapports qui présentera un rapport cumulé au Comité des droits de l'homme d'ici le premier semestre 2005. Soulignant le manque de moyens et la grave crise économique que connaît le pays, M. Maleyombo a lancé un appel à la mobilisation de la communauté internationale en faveur de la République centrafricaine pour l'aider à réussir sa transition vers un retour résolu de l'ordre constitutionnel et démocratique.

La délégation de la République centrafricaine était également composée de M. Firmin Feindiro, Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bangui, et de M. Basile Diban, Directeur général des droits de l'homme. Répondant aux questions du Comité, la délégation a notamment mis en avant le fait que pendant la période de la transition, l'ensemble des droits de l'homme est garanti par les Actes constitutionnels qui, notamment, confèrent aux traités, accords et conventions internationaux, une force supérieure à celle des ordonnances du Gouvernement et font du pouvoir judiciaire le gardien des libertés fondamentales.

S'agissant des nombreuses filles et femmes victimes de viols et de violences inhérents aux différents événements militaro-politiques de la période récente, la délégation a attiré l'attention sur le projet d'assistance humanitaire en faveur de ces femmes qui a été mis en place par le Gouvernement centrafricain, en partenariat avec les Nations Unies, ainsi que sur les mesures énergiques prises par les nouvelles autorités pour punir les militaires centrafricains et les éléments tchadiens responsables d'exactions contre la population civile. Elle a également a indiqué qu'une réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale centrafricains, qui datent de l'indépendance, a été entreprise depuis février 2002 en coopération avec le Bureau des Nations unies pour la Centrafrique (BONUCA).

Dans ses observations préliminaires, M. Abdelfattah Amor, Président du Comité, s'est félicité des efforts des nouvelles autorités pour que l'état de droit soit enfin établi, pour que la population voie enfin ses droits protégés et que la paix soit rétablie. Il s'est félicité de la rédaction d'une nouvelle constitution et a pris acte de la volonté des autorités d'assurer le retour à la vie institutionnelle et à une vie politique pacifiée, notamment avec les élections programmées en 2005. Il a toutefois exprimé sa préoccupation face aux disparitions, aux violences policières ou encore la situation déplorable dans les prisons. Il a également exprimé sa perplexité quant à la condition des enfants et en particulier sur la question de leur enrôlement dans les différents groupes armés. Il a par ailleurs jugé préoccupante et inadmissible la pratique des mutilations génitales féminines et s'est inquiété plus généralement de la condition des femmes. M. Amor a relevé que depuis l'indépendance, la République centrafricaine semble n'avoir jamais connu d'évolution politique normale, comme si ses institutions n'avaient jamais fonctionné pour le mettre à l'abri de la violence politique et de l'impunité.

Les observations finales du Comité concernant la situation des droits de l'homme en République centrafricaine et les rapports qui ont été examinés au cours de la session seront adoptées en séance privée et rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 30 juillet.


Lors de sa prochaine séance publique, mardi 27 juillet, dans l'après-midi, le Comité examinera son rapport annuel.


Déclaration liminaire de la délégation centrafricaine

M. THIERRY MALEYOMBO, Haut Commissaire aux droits de l'homme de la République centrafricaine, dans sa déclaration liminaire devant le Comité des droits de l'homme, a expliqué les événements survenus en République centrafricaine qui ont conduit au changement politique du 15 mars 2003 avec le renversement du régime de Ange-Félix Patassé, marqué par une sombre situation en matière de droits de l'homme. Dressé un tableau du pays à la veille du changement du 15 mars 2003, il a mis en lumière la situation de déshumanisation et de paupérisation du peuple centrafricain.

Le Haut Commissaire centrafricain a attiré l'attention sur les efforts que son gouvernement consent dans la recherche des voies et moyens propices au retour à un ordre politique et institutionnel légal. À cet égard, il a souligné les avancées très significatives au niveau politique avec, notamment, la mise en place d'un gouvernement de transition rassemblant toutes les sensibilités politiques et d'un Conseil de transition, jouant le rôle de parlement, composé des représentants de toutes les couches sociopolitiques et les minorités ethniques, y compris les Pygmées et les Peuls. Il a également mis l'accent sur les efforts de réconciliation avec l'organisation d'un dialogue national et les mesures d'amnistie ayant permis le retour des exilés; la mise en place d'un Médiateur; la poursuite en justice des auteurs de divers crimes ainsi que les efforts du Gouvernement pour rendre effectif le déclenchement des différents processus électoraux prévus en 2005. Au niveau social et sécuritaire, M. Maleyombo a attiré l'attention sur le paiement plus ou moins régulier des salaires, bourses et pensions, permettant ainsi aux fonctionnaires de survivre, malgré la situation économique et financière désastreuse héritée par les nouvelles autorités. Il a aussi souligné le renforcement des forces de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale qui, grâce à la présence des troupes françaises, a conduit à la réduction de l'insécurité tant à Bangui que dans les provinces.

M. Maleyombo a en outre fait valoir que la restructuration des forces armées a permis la renaissance de la confiance entre l'armée nationale et le peuple, en dépit des quelques agitations des ex-combattants qui ont accompagné le le général François Bozizé le 15 mars 2003 dans sa marche vers la capitale. En outre, la réactivation du Tribunal militaire permanent permet actuellement de juger dans les délais tout acte de violation des droits de l'homme commis par les forces de défense et de sécurité. En réponse à des accusations selon lesquelles des ex-libérateurs seraient arrêtés et exécutés sommairement par les forces armées centrafricaines et leurs familles violées et torturées, M. Maleyombo a réitéré le démenti formel opposé par le Gouvernement arguant que ce sont au contraire ces ex-libérateurs qui ont violé, torturé et assassiné la population civile.

Le Haut Commissaire a par ailleurs souligné la vision large qu'a le Président de la République de la promotion et de la protection des droits de l'homme et du peuple centrafricain, comme en témoigne le rattachement du Haut Commissariat des droits de l'homme à la Présidence afin qu'il puisse veiller personnellement sur la conduite de la politique des droits de l'homme dans le pays. Cette décision de rattachement et l'action du Haut Commissariat ont permis une nette amélioration de la situation des droits de l'homme dans la capitale, même si le manque de moyens logistiques n'a par permis de réaliser les mêmes activités dans l'arrière pays où des violations persistent. M. Maleyombo a également fait valoir que bien qu'étant un organe gouvernemental, le Haut Commissariat n'hésite pas à dénoncer les violations avérées commises par certaines structures de l'État ou par des agents des forces de l'ordre dont certains ont été sévèrement sanctionnés par le Président.

M. Maleyombo a reconnu que le fait que la République centrafricaine n'ait soumis aucun rapport au Comité depuis son adhésion au Pacte en 1986, est un manquement à ses engagements, mais il a indiqué que le Gouvernement de transition a créé un comité national chargé de la rédaction des rapports qui se propose de présenter un rapport cumulé au Comité des droits de l'homme d'ici le premier semestre 2005 et s'attelle à réactiver la commission nationale des droits de l'homme. Soulignant le manque de moyens et la grave crise économique, M. Maleyombo a lancé un appel à une mobilisation de la communauté internationale en faveur de la République centrafricaine pour l'aider à réussir sa transition vers un retour résolu de l'ordre constitutionnel et démocratique. Il a en particulier sollicité solennellement l'appui du Comité des droits de l'homme aux autorités de la transition dans leur combat pour que la République centrafricaine recouvre sa place au sein de la grande famille des Nations Unies.


Examen du rapport

Cadre constitutionnel et juridique et droit à des élections libres, périodiques et honnêtes

La délégation de la République centrafricaine, répondant à une question sur la garantie juridique des droits de l'homme et des libertés depuis la suspension de la Constitution à la suite du coup d'État du 15 mars 2003, a précisé que loin d'être un coup d'État, le changement de régime de 2003 est plutôt un sursaut patriotique hautement salué par le peuple tout entier. En effet, la délégation a insisté sur la dictature mise en place par le régime démocratiquement élu de Ange-Félix Patassé pendant 10 ans et qui s'est caractérisé par des atteintes graves aux droits de l'homme. Les nouvelles autorités ont opté pour une gestion consensuelle avec la participation de toutes les forces vives du pays. La délégation a fait valoir que l'Assemblée nationale a été dissoute car celle-ci n'était en fait qu'une chambre d'enregistrement qui a cautionné les crimes abominables du régime, et qu'un état d'exception a été proclamé.

Pendant la période de la transition, l'ensemble des droits de l'homme est garanti par les Actes constitutionnels qui, notamment, investissent le général Bozizé comme Chef de l'État, confèrent aux traités, accords et conventions internationaux une force supérieure à celle des ordonnances du Gouvernement, organisent les pouvoirs de l'État, et font du pouvoir judiciaire le gardien des libertés fondamentales. Le Conseil national de transition est un organe consultatif chargé notamment d'assister le Gouvernement dans la rédaction de l'avant-projet de Constitution et la préparation des futures élections générales. Il est composé de 96 membres issus des différentes préfectures et des organisations de la société civile. Le Gouvernement de transition est particulièrement responsable du rétablissement de la sécurité et de l'organisation du retour à un ordre constitutionnel véritablement démocratique. Dans cette optique, des élections présidentielles, législatives et municipales doivent avoir lieu en janvier 2005. À cet effet, une Commission électorale mixte indépendante a été créée, un code électoral a été adopté ainsi qu'une nouvelle constitution, et cela a fait l'objet d'un vaste processus de consultation avec tous les acteurs de la vie politique et sociale du pays.

En réponse à une question sur l'organisation des mécanismes de protection des droits de l'homme, la délégation a indiqué qu'après avoir été confiée au Ministère de la justice, la politique des droits de l'homme a finalement été rattachée à la Présidence sous l'autorité du Haut Commissariat aux droits de l'homme et à la bonne gouvernance, qui a pour mission, notamment, d'étudier et proposer des mesures garantissant le respect, la protection et la promotion des droits de l'homme, de mettre en place une structure de lutte contre l'impunité et la corruption, et promouvoir la coopération avec les organismes nationaux, internationaux et les organisations non gouvernementales impliqués dans la défense des droits de l'homme.

Droit à un recours effectif

La délégation est revenue sur les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire qui ont été commises par les troupes loyalistes et les mercenaires étrangers à leur solde lors des tentatives de coup d'état de mai 2001, d'octobre 2002 et de mars 2003. En ce qui concerne les événements de 2001, lors desquels de multiples violations ont été commises par les forces gouvernementales et les troupes rebelles de Jean-Pierre Bemba, actuel Vice-Président de la République démocratique du Congo, et du mercenaire Martin Koumtamadji alias Abdoulaye Miskine, des poursuites ont été engagées contre les auteurs du coup d'État et ont abouti notamment à la condamnation de l'ancien Président André Kolingba. Cependant, les exactions commises par les troupes gouvernementales et les mercenaires n'ont pas été l'objet de poursuites judiciaires et une amnistie a été prononcée pour les multiples cas de violations. Sur les événement d'octobre 2002 et autour du coup d'État de mars 2003, la délégation a indiqué qu'une information judiciaire a été ouverte contre Ange Felix Patasse et autres pour crimes de sang et crimes économiques qui a permis, en particulier, de recenser plusieurs centaines de victimes notamment de viol qui ont pu être aidées par le programme conjoint entre le Gouvernement et le système des Nations Unies intitulé «Assistance humanitaire aux femmes et filles victimes de viols et de violences inhérents aux événements de 2002-2003».

Au sujet de la plainte déposée par la Fédération internationale des droits de l'homme auprès de la Cour pénale internationale, invoquant formellement la responsabilité pénale individuelle de Jean-Pierre Bemba, d'Abdoulaye Miskine et d'Ange-Felix Patassé, la délégation a assuré que celle-ci a été très favorablement accueillie tant par les autorités centrafricaines que par la population qui a soif de justice au regard des multiples violations dont elle a été victime. À cet égard, elle a fait valoir que le souci majeur de l'État était de modifier son droit interne de façon à répondre aux obligations en vertu du Statut de Rome mais que, malheureusement, les réformes du Code pénal et du Code de procédure pénale dans ce sens n'ont pas encore abouti. L'État centrafricain demeure néanmoins engagé à l'aboutissement des poursuites complémentaires devant la Cour pénale internationale pour les crimes de guerre, notamment, afin d'assurer une meilleure répression des malfaiteurs aujourd'hui éparpillés dans la nature, a indiqué la délégation.

En ce qui concerne les procédures menées contre des personnes impliquées dans les tentatives de coup d'État, la délégation a confirmé qu'un procès pénal s'est tenu contre les auteurs de violations graves au cours de la tentative de 2001. En ce qui concerne l'équité de ce procès, la délégation a reconnu que malgré le respect des droits de la défense, la procédure d'enquête préliminaire a été faite en violation flagrante des règles de procédure pénale. Les infractions relevées étaient notamment pour atteinte à la sûreté de l'État, meurtre, assassinat, désertion, rébellion et détention illégale d'armes de guerre, a précisé la délégation, qui a également indiqué que, dans un souci d'apaisement et de réconciliation nationale, une ordonnance d'amnistie a été prise après le sursaut patriotique du 15 mars 2003. Aujourd'hui, les autorités ne sauraient envisager des poursuites sur les faits connexes aux événements du 28 mai 2001 car la loi d'amnistie vise toutes les infractions commises en relation avec ces événements. En ce qui concerne les événements de 2002-2003, le Dialogue national a recommandé que les personnalités civiles et militaires impliquées dans les crises militaro-politiques de 1960 à nos jours soient réhabilitées au cas par cas, question qui sera définitivement réglée par la Commission Vérité et Réconciliation qui est en voie de création, a jouté la délégation.

S'agissant des nombreuses filles et femmes victimes de viols et de violences inhérents à ces différents événements militaro-politiques, la délégation a attiré l'attention sur le projet d'assistance humanitaire en faveur de ces femmes qui a été mis en place par le Gouvernement centrafricain, en partenariat avec les Nations Unies, pour assurer leur prise en charge psychologique, médicale et juridique et celle de leurs familles, et qui a bénéficié directement à quelques cinq cent personnes. Toutefois, ce projet est limité dans sa zone d'intervention et des pourparlers sont en cours pour l'étendre aux provinces et à toutes les zones qui ont constitué le théâtre des combats, afin d'assurer l'identification et la prise en charge de toutes les victimes. Bien entendu, les nouvelles autorités considèrent ces viols comme des crimes de guerre et se sont résolument engagées à poursuivre leurs auteurs devant les juridictions pénales internationales ou nationales, a affirmé la délégation.

Droit à la vie et interdiction de la torture

La délégation a précisé que les crimes passibles de la peine de mort en droit pénal centrafricain sont les crimes contre la sûreté de l'État, le charlatanisme et la sorcellerie lorsqu'ils ont provoqué la mort et les crimes contre les particuliers. En outre, aucun mineur coupable des tels crimes ne s'est vu appliquer cette sanction. Si un certain nombre de condamnations ont été prononcées au cours des trois dernières années, la délégation a fait remarquer que les dernières exécutions remontent à 1981. Toutefois, l'éventualité de l'abolition de la peine de mort reste une question délicate au regard de la situation sécuritaire, de la dissémination des armes de guerre et du contexte sous-régional marqué par les conflits. Les autorités, par crainte de voir la République centrafricaine devenir un sanctuaire pour les criminels, n'envisagent pas l'abolition de la peine de mort.

La délégation a par ailleurs reconnu que des cas isolés d'exactions ont été commises sur la population civile par des militaires ayant participé au changement du 15 mars 2003 et des éléments tchadiens. Elle a assuré que les nouvelles autorités ont pris des mesures énergiques pour enrayer ces cas et que les militaires reconnus coupables ont été soit radiés de l'armée et traduit devant la justice, soit rétrogradés et soumis à des sanctions militaires. Par ailleurs, les autorités mettent l'accent sur le rétablissement de la paix et la sécurisation des populations, a fait valoir la délégation qui a précisé que les éléments tchadiens qui ont aidé au sursaut patriotique viennent d'être indemnisés et rapatriés au Tchad en avril 2004.

En réponses aux informations selon lesquelles l'Office centrafricain de répression du banditisme aurait commis de nombreuses exécutions sommaires, la délégation a indiqué que les cas d'exécutions relevés et imputables à ce service découlent pour la plupart des opérations effectuées sur le terrain et des moyens utilisés par les agresseurs. Si ces cas regrettables peuvent être constatés visiblement avant le 15 mars 2003, il y a lieu de relever que depuis cette date, des efforts louables ont été déployés grâce à l'éducation aux droits de l'homme dispensée par le Bureau des Nations Unies à Bangui et à l'intervention efficace des autorités judiciaires dans le contrôle et la surveillance de la police judiciaire, a fait valoir la délégation. En effet, il ne se passe pas un jour sans que le ministère public vérifie et contrôle de manière inopinée la régularité des détentions et des poursuites judiciaires sont systématiquement engagées à l'encontre des responsables en cas de manquement grave aux devoirs de leurs charges, a-t-elle assuré. À cet égard, elle a cité le cas particulier d'un capitaine présumé responsable de la mort d'une personne en garde à vue et qui a été mis aux arrêts et déféré devant un juge.

Au sujet de la réconciliation nationale, la délégation a rappelé que le Dialogue national qui a regroupé 350 délégués représentant toutes les couches sociopolitiques du pays du 9 septembre au 27 octobre 2003 a scellé la réconciliation entre tous les Centrafricains. À l'issue des travaux, les participants ont adopté à l'unanimité des résolutions et recommandations devant garantir la gestion de l'État parmi lesquels la création d'un fonds d'indemnisation des victimes des crises que le pays a connues, l'institution d'un Médiateur de la République et d'une Commission réconciliation et vérité. Pour ce qui est du Fonds d'indemnisation, la délégation a reconnu que l'État était dans l'incapacité de l'alimenter en l'état actuel des finances mais que le président de la République a la responsabilité de collecter des fonds auprès de bailleurs de fonds extérieurs. Un comité de suivi a en outre été créé avec pour mandat de veiller et d'évaluer l'exécution des Actes du Dialogue par les entités concernées sans oublier leur vulgarisation sur toute l'étendue du territoire national.

La délégation a précisé les formations dispensées aux forces de défense et de sécurité en matière de droits de l'homme et de droit humanitaire international grâce à l'appui du Bureau des Nations Unies en Centrafrique et qui ont eu un impact positif sur le comportement des agents des forces de l'ordre et de sécurité. Elle a également fait noter que depuis 2003, tous les centres d'instruction et de formation militaires ont intégré l'enseignement des droits de l'homme et du droit international humanitaire dans leurs programmes de formation.

En réponse à une question sur les mutilations génitales féminines, la délégation a souligné la complexité du phénomène qui ressort de pratiques coutumières et de croyances profondément enracinées. Elle a toutefois indiqué que la politique nationale de promotion de la femme a retenu comme l'une de ses priorités, la lutte contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes, et que le Gouvernement a mis en place un Comité national de lutte contre les pratiques néfastes et les violences à l'égard des femmes, qui a un rôle de collecte de données, d'information et de sensibilisation. Selon les données de l'enquête à indicateurs multiples de 2000, le taux de prévalence des femmes excisées est de 36%. La délégation a précisé que ce chiffre se base sur un échantillonnage de 5000 femmes et que la pratique de l'excision ne concerne que deux ou trois ethnies réparties sur une partie seulement du territoire. Elle a par ailleurs fait valoir que la pratique est en régression.

Interrogée sur les crimes passibles d'une peine de travaux forcés, la délégation a cité notamment les actes d'anthropophagie, les menaces d'assassinat ou d'empoisonnement, les coups et blessures sur un enfant de moins de quinze ans et la privation volontaire d'aliments ou de soins à un enfant. Toutefois, elle a précisé que les personnes condamnées à des peines de travaux forcés ne l'exécutent plus depuis la chute de l'Empereur Bokassa faute de chantiers, et qu'actuellement, deux personnes condamnées aux travaux forcés sont emprisonnées à la maison d'arrêt de Ngaragba.

Interdiction de l'esclavage, de la servitude et du travail forcé ou obligatoire

La délégation a déclaré que le phénomène du trafic des enfants est quasi inexistant en République centrafricaine jusqu'à ce jour. Un seul cas, celui d'un enfant togolais, est survenu en 2000. Grâce à l'action de l'UNICEF, cet enfant a pu retrouver sa famille.

S'agissant de l'enrôlement de jeunes de 17 ans dans la rébellion avant le 15 mars 2003, la délégation a indiqué qu'en l'absence d'une enquête spécifique, il est très difficile de confirmer ces informations et rappelé que la rébellion était constituée, pour la plupart, de soldats de l'armée régulière et de quelques éléments tchadiens.

Sécurité de la personne, protection contre les arrestations arbitraires, droit à un procès équitable et traitement des détenus

La délégation a indiqué que depuis février 2002, le Bureau des Nations unies pour la Centrafrique (BONUCA), en partenariat avec le Ministère de la justice, a entrepris la réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale centrafricains qui datent de l'indépendance. Dans ses grandes lignes, la réforme porte notamment sur la criminalité transnationale, le crime organisé, l'avortement thérapeutique, la détention provisoire, la propagation volontaire du VIH/sida, l'incorporation dans la législation nationale des infractions prévues par le Statut de la Cour pénale internationale, le financement du terrorisme, le trafic de migrants.

La délégation a par ailleurs précisé les compétences du Tribunal militaire permanent et assuré que ses procédures offrent des garanties conformément au Pacte. Elle a toutefois indiqué que le BONUCA travaille en étroite synergie avec le Ministère de la défense nationale et de la justice à l'élaboration d'un véritable Code de la justice militaire. La délégation a par ailleurs estimé difficile de confirmer l'existence d'une justice militaire expéditive.

S'agissant de l'indépendance de la justice, la délégation a fait valoir qu'elle est inscrite dans l'Acte constitutionnel n°2 et qu'elle est garantie par l'indépendance des juges qui ne sont soumis qu'à l'autorité de la loi.

Reconnaissant que la situation de nombreuses prisons est en deçà des règles minima en matière de détention et que l'accès à la nourriture et à la santé demeure une source de grave préoccupation, la délégation a fait valoir les efforts du Gouvernement pour réhabiliter la prison centrale de Ngaragba et améliorer les conditions de détention.


Égalité entre les sexes et principe de non-discrimination

Au sujet de la faible représentativité des femmes au sein du Conseil national de transition, la délégation a souligné que les membres de ce conseil n'ont pas été désignés par le Gouvernement mais par chacun des groupes représentatifs qui ont envoyé les délégués de leur choix.

En ce qui concerne les droits et devoirs de respectifs des époux dans le cadre du mariage, la délégation a indiqué qu'ils sont régis part le Code de la famille de 1997, toujours en vigueur, qui stipule notamment que le mari est chef de famille.

Liberté de circulation, d'expression, de réunion et d'association

En réponse à une question sur les personnes déplacées ou réfugiées suite aux différentes crises militaro-politiques qu'a connues le pays, la délégation a fait valoir que la loi d'amnistie adoptée dans le cadre de la gestion consensuelle et de la réconciliation nationale a favorisé le retour des réfugiés et des exilés et un Comité a été créé pour accueillir les rapatriés et permettre leur réinsertion. Les personnes déplacées ont également toutes pu réintégrer leurs foyers.

S'agissant des dignitaires du régime Patassé qui ont trouvé refuge dans des missions diplomatiques, la délégation a indiqué qu la question n'est plus d'actualité car les nouvelles autorités ont opté pour une gestion consensuelle et ont intégré les anciens dignitaires. La délégation a démenti toute allégation de chasse aux sorcières faisant valoir, à l'appui de son affirmation, la récente tenue du deuxième Congrès du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MPLC), parti de l'ancien Président, et auquel les caciques de l'ancien régime ont participé sans être inquiétés.

La délégation a par ailleurs affirmé l'engagement ferme des nouvelles autorités à réhabiliter le Haut Conseil de la Communication dans ses fonctions. Elles ont fait procéder à la révision de la loi relative à la liberté de la communication afin de les adapter au contexte de la mondialisation et s'attèlent à la mise en place d'un Comité ad hoc chargé de réguler les activités de la presse pendant la transition et lors des campagnes électorales.

La délégation a en outre affirmé que personne n'est à la date d'aujourd'hui sous le coup d'une condamnation pour délit d'opinion. Elle a également confirmé que l'incitation à la haine nationale raciale ou religieuse est formellement interdite par la législation nationale.


Observations préliminaires

M. ABDELFATTAH AMOR, Président du Comité des droits de l'homme, s'est félicité des efforts des nouvelles autorités pour que l'état de droit soit enfin établi, pour que la population voie enfin ses droits protégés et pour le rétablissement de la sécurité. Il s'est félicité de la rédaction d'une nouvelle constitution et a pris acte de la volonté des autorités d'assurer le retour à la vie institutionnelle et à une vie politique pacifiée, notamment avec les élections programmées en 2005.

M. Amor a toutefois souligné que bien des questions restent source de préoccupations ou d'interrogations. À cet égard, il a notamment évoqué la question des disparitions qui n'ont pas toujours fait l'objet de recherche approfondie; les violences policières qui si elles ne sont pas systématiques, relèvent à tout le moins d'une pratique; ou encore la situation déplorable dans les prisons. S'agissant des garanties des personnes détenues, il a rappelé que toute personne détenue même à titre préventif a droit à être assistée. Il a également exprimé sa perplexité quant à la condition des enfants et le trafic d'enfants ainsi que sur la question de leur enrôlement dans les différents groupes armés. Il a par ailleurs exprimé sa vive préoccupation face à la condition de la femme, jugeant en particulier la pratique des mutilations génitales féminines préoccupante et inadmissible. En effet, les traditions ne peuvent pas justifier l'injustifiable et il est anormal qu'il n'y ait pas de sanctions de ces pratiques inhumaines et indéfendables, a-t-il déclaré. Il s'est également inquiété de la perception générale des femmes, dont le rôle au sein de la famille est second voir secondaire, et qui ont peu de place dans les institutions. S'agissant de l'évolution politique depuis l'indépendance, M. Amor a égrené la longue litanie des violences et coups d'État qu'a connue la République centrafricaine depuis l'indépendance, comme si ce pays n'avait jamais connu d'évolution normale et que ses institutions n'aient jamais fonctionné pour le mettre à l'abri de la violence politique et de l'impunité.


M. MALEYOMBO a reconnu que le peuple centrafricain a beaucoup souffert et subi des crimes abominables. Lors du dialogue national, une autopsie des diverses crises depuis l'indépendance a été faite et les Centrafricains ont exprimé clairement qu'ils ne veulent plus de la guerre et des coups d'État. L'unique rêve des Centrafricains est de vivre en paix et la seule ambition du Gouvernement de transition est de garantir le retour à la légalité constitutionnelle, de rétablir la paix et de rendre au peuple ses droits et sa dignité, a assuré M. Maleyombo. Il a également affirmé la volonté de la République centrafricaine de renouer le dialogue et de réintégrer la communauté internationale en dépit des graves difficultés économiques et financières que connaît le pays.

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