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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA ZAMBIE

10 Juillet 2007

Comité des droits de l'homme
10 juillet 2007

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le troisième rapport périodique présenté par la Zambie sur la mise en œuvre par ce pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant des observations préliminaires à l'issue de l'examen du rapport, le Président du Comité, M. Rafael Rivas Posada a relevé les inquiétudes exprimées par de nombreux membres du Comité s'agissant de la prévalence en Zambie du droit coutumier et de certaines coutumes allant à l'encontre des principes les plus fondamentaux du Pacte. Le Comité ne prétend pas affaiblir les us et coutumes d'une culture, quelle qu'elle soit, a-t-il assuré; mais il est indispensable qu'un État partie au Pacte adapte son droit interne afin de le rendre conforme aux dispositions universelles de cet instrument, a-t-il souligné.

Le Comité adoptera, dans le cadre d'une séance privée, des observations finales concernant la Zambie, qui seront rendues publiques à la fin de la présente session.

Présentant le rapport de son pays, Mme Gertrud Imbwae, Secrétaire permanente au Ministère de la justice de la Zambie, a attiré l'attention sur les efforts déployés par son pays aux fins de la promotion et de la protection des droits de l'homme - efforts au rang desquels figurent l'examen approfondi de la Constitution et le considérable travail de sensibilisation aux questions des droits de l'homme. Mme Imbwae a indiqué que, si les dispositions du Pacte ne prévalent pas sur celles du droit interne, les principes du Pacte sont repris dans la législation nationale. Mme Imbwae a par ailleurs souligné qu'aucun condamné n'a été exécuté depuis 1997, en raison du moratoire sur la peine de mort imposé par le chef de l'État, ceci en dépit du consensus qui règne au sein de la population en faveur de la peine de mort. Elle a en outre reconnu qu'il subsiste en Zambie des problèmes qui relèvent du droit coutumier et qu'une harmonisation avec les dispositions du Pacte s'impose.

La délégation zambienne était également composée de M. Love Mtesa, Représentant permanent de la Zambie auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des départements de l'immigration, de la santé, de l'éducation et de la justice, ainsi que des services pénitentiaire et policier. Elle a fourni aux experts des compléments d'information sur le cadre d'application du Pacte; les questions relatives au droit coutumier; la situation des femmes; la peine de mort; le surpeuplement carcéral; ainsi que sur l'affaire Lubuto. S'agissant de cette dernière, un membre du Comité a estimé que le crime pour lequel M. Lubuto a été jugé (vol aggravé) n'est pas de nature à mériter la peine de mort.

Certains membres du Comité ont relevé une contradiction manifeste entre l'affirmation de l'intégration des principes du Pacte dans la loi zambienne et le refus du pays d'admettre la prévalence du Pacte sur la législation nationale. De vives préoccupations ont en outre été exprimées à l'égard de la persistance de la discrimination et des violences à l'encontre des femmes; dans ce domaine, des pratiques relevant des us et coutumes entrent en conflit avec les principes du Pacte, a-t-il été souligné.

Le Comité entamera demain après-midi, à 15 heures, l'examen du troisième rapport périodique du Soudan (CCPR/C/SDN/3).

Présentation du rapport de la Zambie

Présentant le rapport de son pays, MME GERTRUD IMBWAE, Secrétaire permanente au Ministère de la justice de la Zambie, a attiré l'attention sur les efforts déployés par son pays aux fins de la promotion et de la protection des droits de l'homme - efforts au rang desquels figurent l'examen approfondi de la Constitution et le considérable travail de sensibilisation de la population aux questions des droits de l'homme.

Le troisième rapport périodique de la Zambie (CCPR/C/ZMB/3) attire l'attention du Comité sur le fait que le pays s'est pleinement engagé à s'acquitter de ses obligations inscrites dans le Pacte, tout en admettant qu'il faut à cet effet entreprendre et mettre en œuvre davantage de mesures. Le rapport note que l'action de la Zambie est entravée, notamment, par la pandémie du VIH/sida, dont les effets préjudiciables affectent la répartition des ressources humaines, crée le problème des orphelins et ne cesse de réduire des ressources sanitaires d'ores et déjà inadéquates. Le faible degré de connaissance des droits de l'homme parmi les agents de l'État chargés d'appliquer la loi et dans la population en général fait également obstacle à l'application du Pacte dans le pays. La Zambie a, par ailleurs, subi un ralentissement de l'économie dû principalement à la baisse de production de l'industrie minière, contribuant ainsi au caractère insatisfaisant de l'exercice des droits de l'homme, poursuit le rapport. Il mentionne également des pratiques culturelles négatives et des lois archaïques qui nuisent à l'égalité des hommes et des femmes.

Le rapport fait cependant état de mesures positives mises en place depuis la présentation du dernier rapport. Il mentionne, notamment, la création de la Commission des droits de l'homme; de l'autorité d'examen des plaintes contre la police; de l'unité chargée du respect des normes professionnelles et juridiques de la police; de l'unité de soutien des victimes et de l'unité chargée des crimes sexuels. Une Division du développement intégrant hommes et femmes a également été créée pour assurer la mise en œuvre de stratégies telles que la politique nationale pour l'égalité des sexes et le Plan d'action national. Le système pénal zambien a, par ailleurs, prévu l'abolition des punitions corporelles et la suppression des punitions cruelles. Des mesures ont aussi été adoptées pour réduire la mortalité et la malnutrition infantile de façon à augmenter l'espérance de vie.

Renseignements complémentaires fournis par la délégation zambienne

Répondant à une liste de questions préalablement adressée à la Zambie (CCPR/C/ZMB/Q/3), Mme Imbwae a indiqué, s'agissant du cadre constitutionnel et juridique de l'application du Pacte, que les dispositions du Pacte ne prévalent pas sur celles du droit interne. Il n'en demeure pas moins que les principes du Pacte ont bel et bien été repris dans la législation nationale, a-t-elle fait valoir. Elle a rappelé qu'un groupe de travail avait été mis en place en 2003 pour réévaluer la Constitution et que l'intégration des droits civils et politiques dans la Constitution avait été renforcée suite aux recommandations de ce groupe de travail.

Répondant à une question, la délégation zambienne a par la suite indiqué qu'une Commission nationale des droits de l'homme a été créée dont le mandat est de présenter des rapports et de faire des recommandations pouvant conduire à des changements constitutionnels. La procédure de présentation de ces rapports peut toutefois être retardée en raison des moyens restreints dont dispose l'État. La délégation a rappelé que les dirigeants des différents partis ont décidé de mettre en place une conférence constitutionnelle. Les propositions d'amendements à la Constitution doivent ensuite être adoptées par le Parlement, ce qui requiert une longue procédure, a souligné la délégation.

S'agissant de l'affaire Lubuto c. Zambie, Mme Imbwae a informé le Comité que M. Lubuto se trouve toujours en prison, la Constitution n'ayant pas encore été amendée en ce qui concerne le délit pour lequel il a été condamné. Mme Imbwae a rappelé que le «vol aggravé» commis par M. Lubuto constitue un délit grave méritant la peine de mort. De fait, a souligné Mme Imbwae, aucun condamné n'a été exécuté depuis 1997, en raison du moratoire imposé par le chef de l'État - et ceci en dépit du consensus qui règne au sein de la population en faveur de la peine de mort.

La délégation a par la suite précisé que le nombre de prisonniers condamnés à mort en Zambie s'élève actuellement à 297. Le Président a l'intention de signer un décret commuant ces sentences de mort en peines de prison à vie, a fait savoir la délégation.

Mme Imbwae a reconnu qu'il subsiste en Zambie des problèmes qui relèvent du droit coutumier, notamment en matière d'égalité entre les sexes. Une harmonisation avec les dispositions du Pacte s'impose, a-t-elle admis, soulignant qu'une commission a été chargée d'évaluer la législation zambienne et d'identifier les lois coutumières qui ne sont pas conformes à cet instrument, en vue de les abolir. De manière générale, la violence contre les femmes reste un défi, a ajouté Mme Imbwae. Elle a indiqué que le Code pénal a été modifié pour prévoir des sanctions plus strictes à l'encontre de ceux qui commettent ce type de violence. En outre, de nouvelles dispositions pour assurer l'égalité entre les sexes ont été introduites dans la Constitution, a-t-elle fait savoir.

La délégation a expliqué qu'en cas de conflit entre le droit coutumier et la législation nationale, c'est le droit écrit qui prévaut sur le droit coutumier. Ce sont essentiellement les questions ayant trait à la famille - telles que le divorce, l'héritage ou encore la dot - qui sont régies par les us et coutumes, a souligné la délégation. Elle a fait part de l'existence de tribunaux locaux fonctionnant sur la base du droit coutumier et dont les jugements interviennent immédiatement à la fin des audiences. En cas de désaccord avec la décision de ces tribunaux, le plaignant peut s'adresser à un tribunal ordinaire où, contrairement à ce qui se passe dans les tribunaux locaux, il pourra disposer de l'assistance d'un avocat.

La délégation a souligné qu'un grand nombre de personnes sont illettrées et ne connaissent que leur culture; aussi, une pression soudaine pour changer les coutumes serait-elle mal perçue, a-t-elle déclaré en réponse à certains membres du Comité qui recommandaient à la Zambie de rendre le droit coutumier aux dispositions du Pacte.

En ce qui concerne la situation des femmes - et notamment des discriminations et violences dont elles sont victimes -, la délégation a reconnu que les dispositions législatives en vigueur ne sont pas suffisantes et qu'il convient de les compléter afin de protéger les femmes contre les violences. La Zambie, a précisé la délégation, prépare à l'intention du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes un rapport périodique qui décrira en détail les mesures prises par la Zambie pour améliorer la situation des femmes.

La délégation a par ailleurs insisté sur la distinction qui existe entre les «avortements légaux», pratiqués, avec l'autorisation de trois médecins, en cas de complications en cours de grossesse, et «avortements illégaux», sanctionnés par la législation.

La délégation a indiqué ne pas avoir non plus de statistiques à fournir s'agissant des violences commises contre les femmes et a assuré le Comité qu'elle s'efforcerait d'obtenir ces chiffres ultérieurement.

La délégation a fait part des mécanismes de recours et de plaintes en cas de pratiques policières abusives. Un enquêteur général fait office d'ombudsman et se charge des plaintes à l'encontre des fonctionnaires et des magistrats, a-t-elle indiqué. Elle a par ailleurs fait part des programmes de formation et de sensibilisation des membres des forces de l'ordre aux principes des droits de l'homme mis en place dans le pays grâce au soutien financier de plusieurs institutions ou organisations comme l'UNICEF et Care International. La délégation a indiqué ne pas être en mesure d'apporter de réponse aux questions spécifiques soulevées par des membres du Comité concernant deux affaires mettant en cause un recours excessif de la force de la part de la police.

Interrogée sur les conditions de détention, la délégation a reconnu, comme le soulignait un expert, que certaines cellules de prison prévues pour 20 personnes en contenaient près de 100. Toutefois, des mesures sont prises pour rénover d'anciennes prisons et construire de nouveaux centres de détention, a fait savoir la délégation. En outre, des textes de lois ont été modifiés afin de proposer des peines alternatives à l'emprisonnement.


Observations des experts et conclusion

Présentant au cours du dialogue des observations sur la situation en Zambie, les membres du Comité se sont félicités des bonnes intentions affichées par la Zambie, mais ont exprimé une certaine préoccupation quant à la mise en œuvre effective et l'application réelle des lois. Les situations laissant apparaître une incompatibilité entre les droits des femmes et le droit coutumier ont retenu l'attention, certains experts relevant que le droit coutumier entrave la liberté des femmes. La Zambie ne peut invoquer les us et coutumes pour faire fi des droits des homosexuels, a-t-il été souligné. Mention a également été faite de restrictions régulièrement imposées à la liberté d'expression de certains journalistes et de membres de partis d'opposition, en dépit d'un discours et d'une législation admettant apparemment la pluralité d'opinion. Un expert s'est félicité de ce que le processus de révision constitutionnelle prévoie d'élargir les compétences de la Commission nationale des droits de l'homme et a suggéré qu'un représentant de cette Commission fasse à l'avenir partie de la délégation zambienne.

Présentant des observations préliminaires sur la mise en œuvre du Pacte en Zambie, le Président du Comité, M. RAFAEL RIVAS POSADA a relevé les inquiétudes exprimées par de nombreux membres du Comité s'agissant de la prévalence du droit coutumier et de certaines coutumes allant à l'encontre des principes les plus fondamentaux du Pacte. Le Comité ne prétend pas affaiblir les us et coutumes d'une culture, quelle qu'elle soit, a-t-il assuré; mais il est indispensable qu'un État partie au Pacte adapte son droit interne afin de le rendre conforme aux dispositions universelles de cet instrument, a-t-il souligné. M. Rivas Posada a par ailleurs rappelé qu'il ne saurait être dérogé aux droits visés par le Pacte; la législation doit clairement stipuler que ces droits ne peuvent en aucun cas être suspendus.

Le Président a conclu en invitant la Zambie à transposer dans la législation nationale les dispositions du Pacte. La Zambie doit redoubler d'effort pour diffuser et faciliter la compréhension du Pacte, a-t-il ajouté. Il a enfin exprimé l'espoir qu'à l'avenir, la Zambie présentera ses rapports dans les délais impartis.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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