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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DU TADJIKISTAN

14 juillet 2005

Comité des droits de l'homme

14 juillet 2005


Le Comité des droits de l'homme a examiné hier et ce matin le rapport initial du Tadjikistan sur le respect de ses obligations en tant qu'État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le rapport a été présenté par le Ministre de la justice du Tadjikistan, M. Khalifa Bobo Khamidov, qui a notamment déclaré que la priorité de son pays demeure la consolidation des droits de l'homme et des libertés reconnus par la nouvelle constitution. Le pays est fermement engagé dans la construction d'une société où l'intérêt de la personne prime sur les intérêts de la société, a-t-il déclaré. Le Ministre par ailleurs évoqué la création d'une Commission spéciale sur le respect des obligations internationales du pays en matière de droits de l'homme.

La délégation du Tadjikistan était également composée du Procureur général de la République, du Vice-Président de la Commission pour la Sécurisation et le Respect par le Tadjikistan de ses obligations internationales en matière de droits de l'homme, du Premier Président de la Cour suprême, ainsi que du Vice-ministre de l'intérieur et du Chef du département juridique du Ministère des affaires étrangères.

Fournissant des informations complémentaires aux membres du Comité, la délégation tadjik a notamment souligné l'adoption, en avril 2004, d'un moratoire sur la peine de mort applicable tant au prononcé qu'à l'exécution de la peine capitale. La délégation a par ailleurs déclaré que des mesures concrètes sont mises en œuvre pour mettre fin à la pratique de la torture. Des mécanismes de surveillance et un contrôle judiciaire ont été aménagés afin que tous ceux qui se sont rendus coupables d'actes de torture soient poursuivis et punis.

À l'issue de l'examen du rapport, la Présidente du Comité, Mme Christine Chanet, a remercié la délégation pour la minutie dont elle a fait preuve dans ses réponses. Pour le Comité, a-t-elle affirmé, le principal sujet de préoccupation demeure le comportement du Tadjikistan à l'égard du Protocole facultatif sur l'examen des plaintes présentées au Comité par des particuliers, insistant sur les multiples problèmes de coordination et les malentendus intervenus en la matière. Elle a émis l'espoir que le Tadjikistan mettra en œuvre une approche différente concernant les communications en cours. Se félicitant de l'adoption d'un moratoire sur la peine de mort, Mme Chanet a estimé que le référendum n'était pas la voie appropriée pour abolir la peine de mort. S'agissant du droit à un procès équitable, elle a fait remarquer qu'un Procureur de la République qui poursuit et place en détention est à la fois juge et partie.

Le Comité adoptera ses observations finales sur le rapport initial du Tadjikistan à la fin de la présente session, le vendredi 29 juillet prochain.

À sa prochaine séance, cet après-midi à 15 heures, le Comité entamera l'examen du deuxième rapport périodique de la Slovénie (CCPR/C/SVN/2004/2).



Présentation du rapport du Tadjikistan

Présentant le rapport initial de son pays, M. Khalifa Bobo Khamidov, Ministre de la justice du Tadjikistan, a déclaré que les lois doivent garantir la protection et l'égalité des citoyens. Il en va de l'intérêt même des gouvernements, a-t-il ajouté. La Constitution adoptée par la République du Tadjikistan en 1994 contient une série de dispositions conformes au droit international des droits de l'homme. La priorité pour le pays demeure la consolidation des doits de l'homme et des libertés. Depuis son accession à l'indépendance, le pays a beaucoup changé, a affirmé le Ministre. «Nous sommes fermement engagés dans la construction d'une société où l'intérêt de la personne prime sur les intérêts de la société». Les droits civils et politiques d'une part et les droits économiques, sociaux et culturels d'autre part, sont les attributs intrinsèques de chaque individu, indépendamment de sa race, de sa religion ou de son sexe. Reconnaître de tels droits ne suffit pas, a admis le Ministre; il convient d'en assurer la mise en œuvre concrète. Telle est la voie dans laquelle s'est engagé le Tadjikistan, où des changements fondamentaux sont intervenus depuis l'entrée en vigueur du Pacte en 1999. Le Ministre a évoqué la création d'une commission spéciale sur le respect des obligations internationales du pays en matière de droits de l'homme. Cette commission, a-t-il précisé, prend des décisions qui ont force obligatoire et s'imposent donc à toutes les institutions publiques. Elle est notamment composée de représentants de la société civile.

Le rapport initial du Tadjikistan (CCPR/C/TJK/2004/1) indique que la Déclaration d'indépendance de la République du Tadjikistan, adoptée par le Soviet suprême le 9 septembre 1991, a proclamé le droit du peuple tadjik à l'autodétermination et la ferme volonté de l'État de se conformer au droit international, aux obligations internationales et aux principes permettant de mettre en place un État régi par la règle de droit. La République du Tadjikistan est un État souverain, démocratique, régi par la loi, laïc et unitaire qui reconnaît l'inviolabilité des droits et des libertés de l'homme, tels qu'ils sont consacrés par la Constitution tadjik adoptée par référendum le 6 novembre 1994.

Le rapport indique par ailleurs que la liberté de conscience et le droit de toute personne d'avoir les convictions et les idées de son choix sont clairement énoncés dans la Constitution. Selon l'article 8 de la Constitution, la vie publique au Tadjikistan se développe sur la base du pluralisme politique et idéologique. Aucune idéologie, y compris religieuse, ne peut être établie comme idéologie d'État. Les organisations religieuses sont séparées de l'État et ne peuvent pas s'ingérer dans les affaires de l'État. En outre, l'article 30 de la Constitution accorde à chacun la liberté d'expression et la liberté de la presse ainsi que le droit d'utiliser les médias. La loi sur la presse écrite et audiovisuelle et la loi sur la radiodiffusion et la télévision établissent et protègent le droit pour toute personne d'exprimer librement ses opinions ainsi que la liberté de rechercher, recevoir et répandre des informations.


Examen du rapport du Tadjikistan

La délégation tadjik a fourni des renseignements complémentaires sur l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dans le pays et a répondu aux questions posées par des membres du Comité.

Cadre constitutionnel et juridique d'application du Pacte

Les instruments internationaux ratifiés par le Tadjikistan deviennent partie intégrante du droit interne, a expliqué la délégation. En cas de conflit, ce sont les dispositions internationales qui prévalent, a-t-elle précisé. Le Pacte est donc directement appliqué par les tribunaux pour la résolution de cas concrets. La délégation a ajouté que les magistrats appliquent également directement la Convention relative aux droits de l'enfant. La délégation a fait état d'un projet de législation portant abolition de la peine de mort. Mais la peine capitale n'est déjà plus appliquée dans le pays en vertu d'un moratoire : les personnes condamnées à mort ont vu leurs peines commuées en réclusion criminelle à perpétuité.

La délégation tadjik a indiqué que la Cour constitutionnelle est chargée de vérifier la conformité des lois avec la Constitution et les traités internationaux. Elle a ajouté à cet égard que plusieurs articles du Code de procédure pénale avaient été déclarés non conformes au Pacte car ils restreignaient abusivement le droit à exercer un recours utile contre une décision de justice.

La délégation a par ailleurs souligné que l'État d'urgence ne permet pas aux autorités de restreindre toute une série de droits, parmi lesquels l'égalité des citoyens devant la loi, le droit à la vie, l'interdiction de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, la détention arbitraire ou encore la présomption d'innocence. Dans le cadre de l'État d'urgence, seule une décision judiciaire peut légalement restreindre l'exercice des droits et des libertés par les citoyens. Depuis l'entrée en vigueur du Pacte, a précisé la délégation, l'État d'urgence n'a jamais été proclamé.


Égalité des sexes et principe de non-discrimination

La délégation tadjik a attiré l'attention des membres du Comité sur l'adoption d'une loi sur l'égalité des droits entre les femmes et les hommes, qui a permis de promouvoir le statut de la femme dans la société. Le 20 mai 2005, le Président de la République a décidé de remédier aux déséquilibres dans la représentation politique des femmes par l'instauration d'une politique de quotas. Un comité chargé des questions relatives aux droits des femmes et concernant la famille a été mis en place. Lors des dernières élections législatives, 12 femmes ont été élues députés. L'une d'entre elles est devenue la vice-présidente du Parlement. Le pays s'est fermement engagé à promouvoir les droits de la femme, a assuré la délégation. Toutefois, il faut être conscient que la culture et la situation économique du pays ne facilitent pas cette tâche. La délégation a insisté sur l'adoption d'un grand nombre de dispositions constitutionnelles et législatives en vue d'accélérer la promotion des droits des femmes et sur la mise en œuvre de programmes destinés à promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes. À cet égard, elle notamment précisé que la discrimination fondée sur le sexe est expressément interdite par la loi. Des mesures sont également mises en œuvre pour mettre fin à la violence dont sont victimes les femmes, a ajouté la délégation.

La délégation a précisé que si le Code pénal ne prévoyait pas de disposition expresse permettant de réprimer spécifiquement les violences exercées sur des personnes à raison de leur orientation sexuelle, de telles atteintes tombaient sous le coup du droit pénal général. La délégation a par ailleurs ajouté qu'il n'était pas dans l'intention de son pays d'accorder aux personnes du même sexe le droit de se marier entre elles.

Droit à la vie

La délégation a souligné l'adoption en 2004 d'un moratoire sur le prononcé et l'application de la peine de mort. Son abolition pure et simple nécessitera des amendements à la Constitution qui ne pourront intervenir qu'après l'organisation d'un référendum. Si les dirigeants du pays sont résolus à abolir la peine capitale, il ressort des enquêtes d'opinion que 60 à 80% de la population y serait défavorable. Le Gouvernement devra donc s'efforcer d'éduquer la population. Telle est la voie dans laquelle s'est engagé le pays, où la peine de mort ne sera bientôt plus qu'un vieux souvenir. À l'heure actuelle, le Code pénal prévoit toujours la peine de mort pour les crimes les plus graves.


Droit de ne pas être soumis à la torture

Le Comité lui ayant demandé de commenter les allégations selon lesquelles la police et le personnel de sécurité auraient systématiquement recours à la torture pour extorquer des aveux aux suspects, la délégation a déclaré que l'article 18 de la Constitution interdit le recours à la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Des mesures concrètes sont mises en œuvre pour mettre fin à la pratique de la torture. Des mécanismes de surveillance et un contrôle judiciaire ont été aménagés afin que tous ceux qui se sont rendus coupables d'actes de torture soient poursuivis et punis. Les sanctions encourues par les coupables peuvent aller jusqu'à 10 ans d'emprisonnement, a précisé la délégation. Le contrôle de l'application des dispositions relatives à l'interdiction de la torture est assuré par le bureau du Procureur général.


Droit à un procès équitable

Le pouvoir judiciaire au Tadjikistan est une autorité indépendante des pouvoirs exécutif et législatif, a précisé la délégation. Les juges sont indépendants et ne sont soumis qu'à la Constitution et aux lois. Toute ingérence dans leur activité est interdite et punissable. Conformément à la Constitution, les juges de district sont nommés et révoqués par le Président de la République sur recommandation du Conseil de justice de la République. Les juges de la Cour sont élus par la chambre haute du Parlement, qui décide également de leur révocation. Jusqu'ici, les juges étaient nommés pour une durée de cinq ans. Mais des amendements apportés à la Constitution ont porté la durée de leur mandat à 10 ans. Au terme de leurs mandats, les juges peuvent être renommés ou réélus. La révocation d'un juge ne peut intervenir que dans des cas précis, réglementés par la loi.

La délégation a par ailleurs déclaré que les procès étaient toujours publics, sauf en cas d'atteinte à la sécurité de l'État. Toute personne a droit à l'assistance d'un avocat dès le début de la détention préventive. Les audiences des tribunaux de première instance et des cours d'appel se déroulent en présence de l'accusé et de son avocat. Lorsque l'intéressé n'a pas les moyens de payer les services d'un avocat, le budget local sert à couvrir les services de conseil.

Répondant à la question de savoir si les personnes accusées de terrorisme étaient soumises à des règles particulières, la délégation a souligné le rôle prépondérant du Ministère de la sécurité dans la lutte contre le terrorisme. La délégation a également souligné le rôle du Comité de la sécurité des frontières pour empêcher que les terroristes pénètrent dans le pays. Le Ministère de la justice, le Ministère des affaires étrangères et les autorités douanières participent également aux activités antiterroristes. Les personnes accusées de terrorisme ne font pas l'objet d'un traitement particulier conformément au principe d'égalité de tous les citoyens devant la loi, a assuré la délégation.

Répondant aux inquiétudes de plusieurs membres du Comité sur le fonctionnement de la justice militaire, la délégation a fait remarquer que les personnes condamnées par les tribunaux militaires sont très peu nombreuses. Elle a ajouté que les procédures applicables devant les tribunaux militaires sont respectueuses des droits et libertés des citoyens, conformément au principe d'égalité.


Liberté de conviction et de pensée

La liberté de conscience sans restriction et le droit de toute personne d'avoir les convictions et les idées de son choix sont clairement énoncés dans la Constitution, a affirmé la délégation du Tadjikistan. Nul ne peut être forcé d'adopter une conviction religieuse ou de participer ou non à des services, cérémonies et rites religieux ainsi qu'à l'enseignement religieux. L'enregistrement des organisations religieuses se fait dans le respect des dispositions légales pertinentes. Les refus d'enregistrement opposés à des organisations religieuses islamiques s'expliquent par le fait que les régions dont provenaient les demandes disposaient déjà d'un nombre suffisant d'organisations religieuses.

Les activités des partis politiques sont réglementées par la loi, a poursuivi la délégation. Pour être enregistré par l'État, un parti doit présenter une liste d'au moins 1000 membres. La demande d'enregistrement doit se faire auprès du Ministère de la justice. La loi relative à l'enregistrement contient une disposition qui interdit la création de parti politiques qui ont pour objectif ou mode d'action le renversement par la violence du système constitutionnel. Il est arrivé que des demandes de création de partis politiques soient refusées parce que les documents nécessaires à l'enregistrement n'avaient pas été présentés. Les entités concernées n'ont pas exercé de voies de recours contre ces décisions, a précisé la délégation.


Questions supplémentaires et observations de membres du Comité

Plusieurs membres du Comité ont demandé à la délégation d'apporter des éclaircissements sur le statut du Pacte en droit interne. Comment la primauté des instruments internationaux, prévue par la Constitution, est-telle assurée dans la pratique ? Un tribunal peut-il faire une application directe du Pacte lorsqu'une exception d'inconstitutionnalité est soulevée au cours d'une procédure ?

Un membre du Comité a fait remarquer que le Gouvernement du Tadjikistan n'avait, à ce jour, fourni aucune réponse à plusieurs communications qui lui avaient été envoyées concernant des cas de violations du Pacte. Soulignant les progrès importants réalisés par le Tadjikistan dans la voie de l'abolition de la peine de mort avec l'adoption d'un moratoire, un membre du Comité a demandé des informations plus précises sur les crimes graves passibles de cette peine. À quelle date remonte la dernière exécution dans le pays, a demandé un membre du Comité. Par ailleurs, le moratoire sur la peine capitale s'applique-t-il uniquement à l'exécution de cette sanction ou s'applique-t-il également à son prononcé par un tribunal ?

Une grande partie des réponses fournies par la délégation s'agissant des allégations de torture était trop juridique alors que le Comité attendait des éléments plus concrets. Par ailleurs, un membre du Comité a demandé à la délégation de réagir aux allégations selon lesquelles les possibilités pour les organisations non gouvernementales d'effectuer des visites dans les établissements pénitentiaires auraient été restreintes. Un membre du Comité a en outre demandé à partir de quel moment un prévenu pouvait bénéficier de la présence d'un avocat ?

Un membre du Comité a demandé à la délégation de préciser si le Président de la République était le seul pouvoir compétent pour nommer les juges. Un autre a fait état d'allégations selon lesquelles les châtiments corporels seraient toujours appliqués dans les institutions, il a demandé à la délégation de bien vouloir apporter des éclaircissements sur ce point. Par ailleurs, le Tadjikistan entend-il se doter de mesures permettant de lutter contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou l'appartenance ethnique ? Un membre du Comité a par ailleurs fait état d'informations selon lesquelles les avocats ne parviendraient pas à entrer en contact avec des personnes privées de liberté pendant des mois. Ces allégations sont vraies, a-t-il demandé ?


Observations préliminaires

Mme Christine Chanet, Présidente du Comité, a remercié la délégation pour la minutie avec laquelle elle a bien voulu répondre aux questions. La délégation a évoqué avec une franchise appréciable les difficultés qu'elle rencontre en tant que jeune démocratie.

Le principal sujet de préoccupation du Comité demeure le comportement du Tadjikistan à l'égard du Protocole facultatif relatif à l'examen des communications que lui adressent des particuliers qui se plaignent de violations, par un État partie, de leurs droits reconnus par le Pacte. La Présidente a souligné les multiples problèmes de coordination et les malentendus intervenus en la matière. Elle a émis l'espoir que le Tadjikistan mettra en œuvre une approche différente concernant les communications en cours.

Concernant la question de la peine de mort, Mme Chanet s'est félicitée de l'adoption d'un moratoire sur le prononcé et l'application de la peine capitale. Elle a toutefois estimé que le référendum n'était pas la voie appropriée pour abolir la peine de mort. Elle a ajouté qu'à sa connaissance, aucun État abolitionniste n'avait utilisé le référendum pour mettre fin à la peine capitale. La Présidente s'est félicitée de la franchise avec laquelle la délégation a reconnu l'absence d'égalité des armes entre le ministère public et la défense dans le cadre des procédures judiciaires. Un Procureur de la République qui poursuit et place en détention est à la fois juge et partie, a-t-elle souligné. Mme Chanet a par ailleurs déclaré que la liberté de l'opposition lui semblait soumise à de trop sévères restrictions. «Tout Président de la République doit avoir le cuir assez solide pour endurer la critique», a-t-elle déclaré.

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Le présent communiqué de presse n'est pas un compte rendu officiel et n'est publié qu'à des fins d'information.

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