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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DU SOUDAN

12 juillet 2007

Comité des droits de l'homme
12 juillet 2007



Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et aujourd'hui, le troisième rapport périodique du Soudan sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant en fin d'examen des observations préliminaires sur ce rapport, le Président du Comité, M. Rafael Rivas Posada, a notamment reconnu que le Soudan a consenti et consent encore des efforts énormes pour surmonter tous les obstacles générés par les longs conflits qu'a connus le pays. Les principaux problèmes qui se posent au Soudan ont trait à l'immunité et à l'impunité, a-t-il déclaré. Il faut encore que le pays déploie des efforts pour protéger les secteurs les plus vulnérables de la société, notamment les femmes, a-t-il ajouté. Il lui faut aussi protéger les enfants, en particulier eu égard à l'âge de la responsabilité pénale, qui est beaucoup trop bas. La question des réfugiés reste un autre sujet de préoccupation, a poursuivi le Président du Comité. De nombreux efforts restent également à déployer pour se débarrasser des derniers vestiges des conflits internes, a-t-il conclu.

Le Comité adoptera, dans le cadre d'une séance privée, ses observations finales sur le rapport du Soudan, qui seront rendues publiques à l'issue de sa session, le vendredi 27 juillet prochain.

Le chef de la délégation soudanaise, M. Abduldaim Zamrawy, Sous-Secrétaire du Ministère de la justice du Soudan, a concédé que le Soudan est encore loin de la perfection et que la situation est loin d'être idéale. Des violations subsistent sans doute ici ou là et certaines lacunes persistent, a-t-il reconnu. Il n'en demeure pas moins qu'ont été mis en place les mécanismes permettant de lutter contre ces violations et de traduire les responsables en justice, a-t-il fait valoir. S'agissant du Darfour, M. Zamrawy a assuré que le Gouvernement s'acquitte de la tâche qui lui incombe en matière de protection des civils et ce, dans les conditions difficiles qui prévalent au Darfour.

Présentant le rapport du Soudan, M. Ibrahim Mohamed Kheir, Représentant permanent auprès des Nations Unies à Genève, a assuré que le pays entend poursuivre sa coopération avec les mécanismes de droits de l'homme de l'ONU. Depuis 1997, a-t-il affirmé, le Soudan a énormément avancé en matière de droits civils et politiques; à cette époque, il n'y avait pas de système multipartite au Soudan, ni de liberté de la presse. Ce qui se déroule au Soudan, a insisté le représentant, c'est une véritable révolution du point de vue des droits civils et politiques. Évidemment, nous ne sommes pas parfaits et chacun sait ce qui se passe au Darfour, a-t-il ajouté. Mais depuis le cessez-le-feu, pas une seule balle n'a été tirée, a-t-il affirmé. En outre, le Gouvernement a accepté l'envoi d'une force hybride Union africaine-ONU. M. Kheir s'est dit persuadé que les problèmes de droits de l'homme qui peuvent subsister au Darfour finiraient par se régler à l'amiable.

La délégation soudanaise était également composée de représentants du Ministère de la justice, du Département des droits de l'homme, de la Mission permanente à Genève et du Procureur de la République. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne notamment les crimes commis au Darfour et les enquêtes menées à ce sujet; la décision du Conseil de sécurité de déférer à la Cour pénale internationale la situation au Darfour; la question de l'amnistie; la situation des femmes et la pratique des mutilations génitales féminines; le droit à un procès équitable; ou encore les questions relatives aux personnes déplacées et réfugiées.


Le Comité examinera, demain matin, un projet de commentaire général révisé de l'article 14 du Pacte (droit à un procès équitable). Il entamera lundi prochain, 16 juillet à 15 heures, l'examen du deuxième rapport périodique de la République tchèque (CCPR/C/CZE/2).


Présentation du rapport

M. IBRAHIM MOHAMED KHEIR, Représentant permanent du Soudan auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué qu'il savait gré au Comité de ses efforts et de son engagement en faveur de l'humanité. Le Comité nous a beaucoup aidé lors de l'examen de nos précédents rapports et nous avons tiré profit des résultats de cet examen, a-t-il ajouté. Il a souligné que le Soudan entend poursuivre sa coopération avec le Comité, de la même manière qu'il coopère avec le Conseil des droits de l'homme et d'autres mécanismes de droits de l'homme.

Dans le monde universitaire, a poursuivi M. Kheir, on a tendance à aller chercher les réponses aux questions que l'on se pose dans les statistiques et dans les livres; mais ici, les réponses doivent être recherchées sur le terrain, a-t-il affirmé. Depuis 1997, a déclaré le Représentant permanent, le Soudan a énormément avancé en matière de droits civils et politiques; c'est désormais un pays différent. À cette époque, a-t-il insisté, il n'y avait pas de système multipartite au Soudan, ni de liberté de la presse, pas plus qu'il n'y avait de cessez-le-feu. M. Kheir a fait remarquer que le Gouvernement soudanais ne finance aucun journal et que les chaînes de télévision et les stations de radio se sont multipliées dans le pays. Outre la télévision publique, il existe désormais six chaînes de télévision privées, a-t-il fait valoir.

Ce qui se déroule au Soudan, a déclaré le Représentant permanent, c'est une véritable révolution du point de vue des droits civils et politiques. Évidemment, nous ne sommes pas parfaits et chacun sait ce qui se passe au Darfour, a-t-il ajouté. Mais depuis le cessez-le-feu, pas une seule balle n'a été tirée, a-t-il affirmé. En outre, le Gouvernement a accepté l'envoi d'une force hybride Union africaine-ONU. M. Kheir s'est dit persuadé que les problèmes de droits de l'homme qui peuvent persister au Darfour finiraient par se régler à l'amiable. Rappelant que l'article premier du Pacte a trait au droit à l'autodétermination, il a par ailleurs insisté sur le jalon historique que constitue le processus engagé au Sud-Soudan.

Le Chef de la délégation soudanaise, M. ABDULDAIM ZAMRAWY, Sous-Secrétaire du Ministère de la justice du Soudan, a rappelé que le pays avait présenté son rapport initial en 1991 et son deuxième rapport périodique en 1996. Ce troisième rapport périodique a été préparé avant la signature de l'Accord de paix global de 2005 et avant l'adoption de la Constitution provisoire de la même année, a-t-il fait observer, insistant sur la nécessité d'y apporter quelques éléments de mise à jour. L'Accord de paix global, a-t-il rappelé, a mis fin à une guerre civile qui a duré près d'un demi-siècle; il a permis de résoudre bien des problèmes qui se posaient non seulement au Sud-Soudan mais aussi dans bien d'autres provinces. Quant à la Constitution provisoire de 2005, elle a permis de mettre en place les institutions qui permettront d'instaurer un système démocratique rationnel. Cette Constitution répartit les tâches entre le Gouvernement central et les gouvernements locaux, a précisé M. Zamrawy. Il a fait part des initiatives prises par le pays s'agissant de la mise en place d'un tribunal constitutionnel et d'une commission chargée des droits des non-musulmans ainsi que de l'adoption d'une loi électorale, d'une loi sur les droits de l'homme et d'une loi régissant les agissements des forces de l'ordre, entre autres. C'est à l'aune de l'application pratique des décisions qui sont prises que doivent être évalués les efforts déployés par le Soudan, a souligné M. Zamrawy.

Le Soudan est encore loin de la perfection et la situation est loin d'être idéale, a concédé M. Zamrawy. Des violations subsistent sans doute de-ci de-là et certaines lacunes persistent, a-t-il reconnu. Il n'en demeure pas moins qu'ont été mis en place les mécanismes permettant de lutter contre ces violations et de traduire les responsables en justice, a-t-il fait valoir. Il a par ailleurs attiré l'attention sur l'ampleur du travail réalisé par le Ministère de la justice sur l'ensemble du territoire national.

S'agissant du Darfour et sans vouloir entrer dans le détail, M. Zamrawy a assuré que le Gouvernement s'acquitte de la tâche qui lui incombe en matière de protection des civils et ce, dans les conditions difficiles qui prévalent au Darfour. Le Gouvernement soudanais assume ses responsabilités et compte bien traduire en justice toutes les personnes qui se sont rendues coupables de crimes contre l'humanité, a-t-il insisté. Plutôt que la confrontation, plutôt que condamner, il vaut mieux dialoguer si l'on veut contribuer à la résolution des problèmes sur le terrain, a-t-il ajouté. Un plan d'action a été adopté que la partie soudanaise s'apprête à débattre avec le Comité d'experts, a indiqué M. Zamrawy. En conclusion, il a exprimé l'espoir que le présent dialogue avec le Comité permettra de jeter les bases des structures qui permettront au Soudan de respecter l'ensemble des droits civils et politiques.

Le troisième rapport périodique du Soudan (CCPR/C/SDN/3) indique notamment que les citoyens qui se trouvent dans les régions contrôlées par le Gouvernement au sud du Soudan jouissent de tous les droits et libertés énoncés dans la Constitution et la loi, qui correspondent à ceux que consacre le Pacte. Ces droits incluent le droit à l'autodétermination et à l'autonomie, qui est exercé par le biais du Conseil de coordination des États du Sud, ainsi que des assemblées législatives et des conseils des ministres locaux et d'autres organes de collectivités locales. Le rapport note toutefois qu'on constate des violations flagrantes du Pacte dans les régions contrôlées par le mouvement rebelle au sud du Soudan. Il souligne en outre que l'égalité devant la loi est garantie à chacun sans distinction de race, de sexe, de religion, de langue, d'opinion politique, d'origine sociale, de situation économique ou de toute autre condition sociale. En matière de statut personnel, l'État applique les dispositions de la loi sur le statut personnel de 1991 et les codes du statut personnel des autres groupes confessionnels qui sont fondés sur leurs propres préceptes religieux et coutumes. Ainsi, les dispositions de la loi sur le statut personnel qui sont fondées sur la charia islamique s'appliquent seulement aux musulmans, insiste le rapport. Il indique par ailleurs que la Constitution actuelle octroie au Président le droit de prendre, avec l'accord du Premier Vice-Président, des mesures dérogeant aux obligations souscrites par le Soudan au titre du Pacte, tout en prévoyant des garanties adéquates pour éviter que ces mesures ne soient incompatibles avec les autres obligations que le droit international impose au Soudan et pour assurer qu'elles n'entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe ou la langue. Le rapport indique que les législateurs soudanais, tout comme ceux de nombreux autres pays, ne voient pas de raison d'abolir la peine de mort; cette peine est cependant réservée aux crimes les plus graves susceptibles de compromettre la sécurité publique, tels que le meurtre de premier degré, le trafic de stupéfiants et la haute trahison. Les femmes âgées de moins de 55 ans qui souhaitent rejoindre leur mari à l'étranger doivent prouver que celui-ci habite bien dans un autre pays en fournissant des documents émanant du consulat soudanais dans le pays concerné, indique par ailleurs le rapport. Les femmes qui prennent part à des conférences scientifiques ou à des séminaires de formation ne sont pas soumises à de telles exigences. Le Président a récemment émis un décret visant à dissoudre le Comité sur les déplacements des femmes, fait savoir le rapport.

Aborde la question des réfugiés, le Gouvernement soudanais a continué à élargir la définition du terme de réfugié, afin qu'un grand nombre de réfugiés puissent être acceptés pour des motifs purement humanitaires, par exemple lors de famines ou de catastrophes naturelles. En conséquence, le Soudan doit actuellement subir une lourde charge du fait de la présence de plus d'un million de réfugiés, originaires principalement d'Éthiopie, d'Érythrée, du Tchad et du Congo, qui sont arrivés au Soudan dans les années 60 et qui y sont restés, partageant les moyens de subsistance du peuple soudanais, en dépit de la pénurie de ressources et du manque d'aide internationale. Le rapport précise que le Soudan s'est toujours tenu à cette politique, jusqu'à ce que des situations dangereuses ne surviennent, la plus grave étant le conflit qui sévit dans les États du Darfour ? conflit provoqué par l'arrivée de ces réfugiés venus avec des membres de leur famille, amenant avec eux des traditions différentes, des maladies et des armes ? et qui a mené à ce que l'on appelle aujourd'hui la crise du Darfour.

Le rapport indique notamment que l'application des peines islamiques (houdoud) pour les crimes les plus graves ne sont exécutables qu'après que tous les recours ont été épuisés et si les garanties d'un procès équitable ont été assurées tout au long de la procédure. S'agissant de l'excision, le rapport note qu'il s'agit d'une tradition ancestrale de la société soudanaise, assimilée en droit soudanais à des blessures intentionnelles passibles d'une peine d'emprisonnement et d'une amende, sans préjudice de l'acquittement du prix du sang (diyya) à titre de réparation. Il est difficile de réprimer de tels actes, car, entre autres, ils sont commis à l'insu des autorités et sur des enfants mineurs avec le consentement de leurs parents. Le rapport insiste sur le fait que la Constitution accorde aux hommes et aux femmes des droits égaux. S'agissant des allégations d'esclavage formulées contre le Soudan au plan international, le rapport affirme qu'elles ne sont que l'écho de campagnes de désinformation menées par des organisations internationales douteuses et des organisations soudanaises d'opposition, qui cherchent à ternir l'image du Soudan au plan international, diviser son peuple et prolonger la guerre. Pour ce qui est des allégations de disparitions forcées dans la région des Monts Nouba, le Ministre de la justice a constitué en 1996 un comité chargé d'enquêter sur les cas de disparition forcée mais il convient de noter qu'il est extrêmement difficile de déterminer exactement l'adresse des personnes recherchées compte tenu de la mauvaise qualité des infrastructures et de leur déplacement continu dans différentes régions du Soudan. Au nombre des difficultés rencontrées dans l'application des articles du Pacte, le rapport relève l'intervention étrangère, à savoir l'invasion du territoire par des pays voisins et l'apport d'un soutien important au mouvement rebelle.


Examen du rapport

Renseignements complémentaires

Répondant à une liste de questions écrites qui lui avait été préalablement adressée (CCPR/C/SDN/Q/3 et Add.1), la délégation soudanaise a rappelé que toute personne dont les droits humains ont été violés peut s'adresser à la Cour constitutionnelle, en vertu de l'intégration des principes du Pacte dans la Constitution. La délégation a cité plusieurs cas de personnes s'étant adressées à cette Cour.

La délégation a par ailleurs fait état de membres des forces armées ayant commis des violations au Darfour et qui ont été poursuivis et inculpés de viol, pillage avec port d'arme, vol à main armée, assassinat prémédité ou meurtre et soumis à des peines allant des coups de fouet à la peine capitale. De manière générale, les dénonciations de violations commises par des membres de la police ou des forces armées ont donné lieu à des enquêtes et conduit à des sanctions, a insisté la délégation.

S'agissant de la situation au Darfour, la délégation a rappelé le contexte historique et social à l'origine du conflit. Elle a en outre fait valoir qu'une Commission nationale d'enquête sur les violations commises dans cette région du pays avait été mise en place par le Gouvernement soudanais en 2005 et que suite au rapport présenté par cette Commission, le Soudan avait reconnu qu'il y avait eu de graves violations des droits de l'homme perpétrés par ceux qui ont participé aux événements du Darfour. Plus de 150 coupables ont été désignés, a signalé la délégation, parmi lesquels des représentants des forces armées et de défense. En outre, plus de 70 condamnations ont été prononcées à l'encontre de personnes ou de groupes ayant perpétré des violences à l'encontre des femmes, a-t-elle précisé, ajoutant que les cas cités ne concernaient que ceux présentés devant les tribunaux spécialement mis en place pour juger des crimes les plus graves, les autres délits étant examinés dans le cadre de procédures civiles et dans le cadre des travaux des tribunaux ordinaires. Certaines des personnes inculpées ont déposé des recours qui sont actuellement en voie d'examen, a précisé la délégation.

En ce qui concerne le régime d'amnistie décidé en marge de l'Accord de paix, la délégation a souligné que la grâce présidentielle ne couvrait que les crimes de droit public et non les crimes contre les droits des citoyens, ni les crimes figurant dans les textes et conventions internationales.

Répondant à une question sur les mesures prises pour donner suite à l'Accord de paix global, la délégation a insisté sur le fait qu'en approuvant le principe de l'autodétermination pour le Sud-Soudan, l'État soudanais n'avait pas agi sous pression, mais parce qu'il était convaincu que le moment était venu pour le Sud d'établir son État indépendant. Au nombre des démarches accomplies pour rendre cet Accord effectif, la délégation a cité la création d'une Commission du tracé des frontières; le travail accompli pour faciliter le retour des réfugiés; et l'établissement d'un Conseil de recensement démographique.

En ce qui concerne les violences commises contre les femmes, en particulier dans le contexte du Darfour, la délégation a signalé qu'un net recul de ces violences était constaté depuis 2003. Les crimes contre les femmes doivent être punis quelles que soient les personnes qui les perpètrent, a insisté la délégation, précisant qu'un décret doit être prochainement pris afin d'empêcher toute immunité ou impunité en faveur de quiconque se rend coupable de tels actes.

Interrogée sur la raison pour laquelle les femmes soudanaises ne peuvent transmettre la nationalité à leurs enfants, la délégation a indiqué que les modifications apportées à la Constitution en 2005 établissait de ce point de vue l'égalité entre hommes et femmes.

La délégation a par ailleurs indiqué que le taux d'alphabétisation des femmes s'élève à 49% et le taux de femmes diplômées à 58%.


Questions et observations des experts

S'agissant des statistiques relatives aux poursuites engagées à l'encontre de membres des forces de l'ordre, un membre du Comité a relevé que le plus haut gradé ayant fait l'objet de poursuites était un capitaine, et s'est étonné que des poursuites n'aient pas été engagées à l'encontre de personnes ayant des grades plus élevés.

L'expert a en outre fait part de ses préoccupations suite aux informations faisant état de mise à disposition d'aéronefs ou autres matériels ayant servi à perpétrer des attaques contre les populations civiles de certains villages; il incombe en effet aux autorités de ne pas se montrer complices de telles attaques illégales.

Un membre du Comité a rappelé que le rapport de la Commission d'enquête créée par le Conseil de sécurité et bien d'autres sources ont indiqué que les forces gouvernementales soudanaises, directement ou indirectement, étaient venues appuyer les agissements des milices janjaouid. Qu'en est-il des enquêtes menées au sujet de ce rôle direct ou indirect des forces gouvernementales? Qu'a-t-il été fait pour désarmer ces milices? Pourquoi ce désarmement est-il si lent en dépit de son acceptation officielle?

Une autre experte a relevé que, selon la délégation soudanaise, la décision du Conseil de sécurité relative à la coopération du Soudan avec la Cour pénale internationale est une décision politique - la délégation ayant affirmé que le Soudan peut lui-même juger des infractions qui relèvent de la compétence de la Cour. Quels sont les textes qui permettent de traiter des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, a demandé l'experte? Il a par ailleurs relevé qu'il est toujours plus facile pour un homme de divorcer, alors qu'une femme doit s'adresser à un tribunal. Il faut absolument que le Soudan prenne des mesures drastiques pour éradiquer la pratique indigne des mutilations génitales féminines, a par ailleurs souligné cette experte.

Un autre expert s'est félicité de l'interdiction de la torture énoncée dans la Constitution provisoire, ainsi que de l'intention du pays de ratifier la Convention contre la torture sans autre réserve - apparemment - que celle ayant trait à l'application de la charia. Il s'est toutefois enquis des mesures envisagées pour assurer que la législation nationale intègre une définition de la torture conforme non seulement aux dispositions de l'article 7 du Pacte mais aussi à celles de l'article premier de la Convention susmentionnée, étant donné que ces deux articles n'ont pas la même portée. Comment la délégation réagit-elle aux allégations de torture systématique perpétrée par des officiels soudanais qui sont rapportées par diverses sources? Il a par ailleurs relevé que certains chiffres font état de 8000 cas d'enlèvements enregistrés, alors que selon d'autres sources, le nombre de personnes qui auraient été enlevées et se trouveraient actuellement au Soudan pourrait être bien supérieur et atteindre 40 000 personnes. Qu'en est-il du nombre d'affaires d'enlèvement actuellement en cours d'examen, a insisté l'expert?

Un expert a souligné qu'il ne pensait pas que l'application de la peine capitale ou la flagellation soient les meilleurs moyens de garantir les droits de l'homme de la population.


Réponses de la délégation

S'agissant des crimes commis au Darfour et des enquêtes menées à ce sujet, la délégation a affirmé que les dispositions qui ont été prises en la matière jusqu'à présent prouvent le sérieux de la démarche adoptée s'agissant de ces questions. La situation sécuritaire globale, la présence d'armes, l'insuffisance des infrastructures - notamment de transports -, ainsi que les mouvements de population constituent autant de difficultés pour l'audition de témoins et le recueil de statistiques, a expliqué la délégation. Elle a toutefois fait observer que les cas portés à l'attention des commissions d'enquête nationale et internationale ont été examinés dans leur totalité. Toutes les régions du Soudan disposent de parquets, et les juges sont en nombre suffisant, de sorte qu'il n'y a pas de problème du point de vue de la capacité de la justice à traiter ces affaires, a fait valoir la délégation.

Depuis 2005 et l'Accord d'Abuja, on peut parler d'une amélioration relative de la situation sécuritaire, a poursuivi la délégation. Un certain nombre de personnes ont d'ores et déjà été inculpées, a-t-elle insisté. Le conflit au Darfour et les problèmes tribaux sont généralement résolus par la réconciliation tribale, a-t-elle ajouté.

En ce qui concerne la résolution 1593 (2005) du Conseil de sécurité déférant à la Cour pénale internationale la situation au Darfour, la délégation a réitéré son point de vue selon lequel cette résolution est incompatible avec les droits de l'homme car elle laisse apparaître que tous les États ne sont pas traités de la même manière. C'est une résolution politique et non pas une résolution juridique, a affirmé la délégation. Cette résolution ne respecte pas l'égalité de tous les êtres humains, a-t-elle insisté. D'ailleurs, le Soudan n'a pas ratifié le statut de la Cour pénale internationale, notamment parce que cette Cour avait accepté d'exempter certains États de poursuites.

La délégation a par ailleurs déclaré que si les citoyens concernés avaient pensé que les forces gouvernementales étaient complices des attaques perpétrées contre leurs villages, ils seraient venus protester dans la capitale. Or, lorsqu'ils y sont venus, c'est au contraire pour y trouver refuge parce qu'ils savaient que les autorités les protègeraient, a fait remarquer la délégation.

Plus de 200 organisations non gouvernementales étrangères travaillent au Darfour, où l'on trouve en outre de nombreux travailleurs sociaux, a par ailleurs indiqué la délégation. En 2006, une étude menée conjointement par l'OMS, l'UNICEF, la FAO et le PNUD en collaboration du Ministère de la santé afin d'évaluer la situation nutritionnelle dans la région du Darfour a montré une réduction des taux de malnutrition et de mortalité, a en outre fait valoir la délégation.

Aucun retour forcé n'a été imposé au Darfour et un accord a été signé avec l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour contrôler les étapes du processus de retour volontaire dans cette région, a d'autre part indiqué la délégation.

La délégation a par al suite souligné que l'on ne peut demander au Soudan de mener des procès en temps de guerre; cela ne s'est jamais fait, ni pour le Rwanda, ni pour l'ex-Yougoslavie. Certes, a-t-il ajouté, il faut agir contre les violations même en temps de guerre, mais le Comité doit prendre en considération des circonstances particulières, notamment les conditions sécuritaires instables et la difficulté de désarmer toutes les factions agissant au Darfour.

Dans le Sud-Soudan, le retour des personnes déplacées est en cours et concerne actuellement 620 000 personnes, a fait savoir la délégation. Le chef du Gouvernement du Sud-Soudan est automatiquement le Vice-Président du Soudan, a d'autre part souligné la délégation. En outre, des ministres du Sud-Soudan doivent également prendre part au Gouvernement d'unité nationale, occupant en particulier le poste important de Ministre des affaires étrangères.

Il reste encore dans les pays voisins du Soudan des réfugiés que les autorités ne sont pas encore parvenues à convaincre qu'ils auraient de meilleures conditions de vie s'ils revenaient dans leur région d'origine.

La situation de la femme au Soudan n'est peut-être pas une des meilleures qui soit; mais ce qui caractérise le Soudan, c'est ce mouvement intellectuel dans le cadre duquel se fait l'amélioration de la condition de la femme, a par ailleurs souligné la délégation. Elle a rappelé la grande réunion de l'Union des femmes du Soudan qui s'est déroulée à Djouba, dans le sud du pays.

La délégation a par ailleurs rappelé qu'il interdit aux médecins et autres cadres médicaux de pratiquer les mutilations génitales féminines. Le taux de prévalence de cette pratique ne cesse de baisser chaque année, a fait valoir la délégation. Mais étant donné que cette question relève d'une tradition sociale, il faudra du temps pour éradiquer totalement cette pratique, a-t-elle admis.

La délégation a par ailleurs assuré que l'amnistie décrétée dans le pays ne porte que sur quelques types de crimes et délits; elle vise à instaurer la confiance auprès des membres des milices afin qu'ils retournent à la vie civile.

La loi stipule clairement qu'aucun aveu extorqué sous la torture ne sera admis devant un tribunal, a par ailleurs indiqué la délégation.

Le droit à un procès équitable est garanti au Soudan par toute une série de textes, a fait savoir la délégation. La Constitution soudanaise stipule très clairement que le système judiciaire est indépendant, a-t-elle rappelé. Ainsi, aucun juge ne peut-il être démis sans une décision de la plus haute autorité judiciaire. Les juges sont indépendants au Soudan, y compris vis-à-vis du chef de l'État, et personne ne peut les influencer que ce soit directement ou indirectement. Au Soudan, la séparation entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif est totale, a insisté la délégation. La délégation a estimé que les allégations selon lesquelles le droit à un procès équitable n'est pas garanti expriment à l'évidence une mauvaise compréhension des articles de la Constitution prévoyant toutes les garanties nécessaires au déroulement d'un procès en bonne et due forme.

La délégation a par ailleurs rappelé que la charia est l'une des principales sources de droit dans le nord du Soudan. Elle s'applique pour des délits tels que le vol, l'apostasie ou l'adultère, a précisé la délégation. Nous sommes d'avis que les punitions et sanctions imposées en vertu de la charia ne sont pas inhumaines et sont compatibles avec le Pacte, a-t-elle ajouté. La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur l'existence d'une commission chargée des droits des non-musulmans dont le mandat est de veiller à ce que les droits des non-musulmans ne soient pas bafoués du fait d'une application de la charia. Sur environ 430 parlementaires, 180 sont chrétiens, a par ailleurs indiqué la délégation. Elle a en outre rappelé que l'enseignement de l'islam n'est pas obligatoire.

La délégation a par ailleurs précisé qu'une règle générale inscrite dans la constitution transitoire veut que la peine de mort ne soit pas appliquée à des personnes de moins de 18 ans, sauf en cas de meurtre. C'est en effet la charia qui prévaut dans ce cas, mais elle n'est pas la source de législation dans le sud du pays, a précisé la délégation.

Répondant à d'autres questions sur l'application de la charia et sa conformité avec les dispositions du Pacte, la délégation a exprimé sa conviction que les punitions imposées par la charia ne sont en aucun cas inhumaines. Elle a dit que le Soudan se montrait toutefois disposé à examiner les articles de la Constitution de 1999 qui poseraient problèmes, en relation avec les dispositions du Pacte.

La délégation a exprimé la vive opposition du Soudan à toute forme d'extrémisme religieux qui viserait à établir la suprématie d'une croyance sur une autre. Elle a rappelé que la charia ne s'applique pas dans le sud du pays. Des problèmes sont susceptibles d'intervenir dans la capitale, située dans une région musulmane mais où cohabitent différentes religions. Une commission a de ce fait été mise en place pour garantir les droits des non-musulmans, démontrant la volonté du Soudan d'établir dans le pays un esprit de tolérance. La délégation a souligné qu'aucun article de la Constitution ne stipule que le Soudan est un État islamique. Les chrétiens sont représentés dans les instances gouvernementales a ajouté la délégation, notant que le Parlement comptait 145 chrétiens sur 430 parlementaires. La délégation a aussi affirmé que la loi garantissait à toutes les minorités le droit d'utiliser leur langue et de pratiquer leur culture.

S'agissant d'allégations de torture, la délégation a indiqué, en se référant à trois cas concrets, que le Gouvernement s'attachait à identifier les coupables. Elle a assuré le Comité qu'un engagement avait été pris par le Soudan envers le Comité d'experts et qu'aucune immunité ne serait accordée dans les cas de torture. Il a ajouté que le Soudan avait l'intention de ratifier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

S'agissant de une question relative à des cas d'enlèvement de femmes et d'enfants, le chef de la délégation a dit que son pays avait reconnu que ce phénomène, qui avait pris de l'ampleur au cours de la guerre civile, était néfaste et a mis en place, en 1999, un Comité chargé de rechercher les personnes enlevées partout où des conflits s'étaient produits et ce, malgré l'opposition des chefs des tribus qui préféraient négocier avec les responsables locaux plutôt que d'engager des procédures juridiques qui pourraient pousser les ravisseurs à éliminer les personnes enlevées. Entre mars 2004 et novembre 2006, le Comité a répertorié 11 237 cas d'enlèvement. Jusqu'à présent, 3340 personnes ont pu être rendues à leurs familles et les recherches se poursuivent pour les autres, a indiqué la délégation, précisant que pour ceux qui commettent ces enlèvements, la loi prévoit une sanction de 7 ans de prison qui peut être commuée en amende ou réparation aux victimes.

Soulignant que l'armée soudanaise n'engageait pas de jeunes en dessous de 18 ans, le chef de la délégation a indiqué que le problème de mobilisation d'enfants dans l'armée était apparu au moment où les factions du Sud-Soudan ont intégré l'armée nationale, car celles-ci comptaient des enfants. Exprimant la préoccupation de son pays par rapport à ce phénomène et soulignant sa volonté d'y remédier, il a assuré que des mesures ont été engagées pour démobiliser les enfants intégrés.

La délégation a indiqué qu'il n'existait aucune restriction générale au droit de se déplacer librement au Soudan, mais qu'évidemment, l'état de guerre au Darfour ne permettait pas de se déplacer tout à fait librement dans cette région. Il a indiqué que, depuis 2006, diverses mesures ont toutefois été appliquées pour faciliter le transit et les déplacements du personnel humanitaire et des ressources. Aucun retour forcé n'a été imposé. Les efforts effectués par le gouvernement pour assurer le retour sécurisé des réfugiés ayant fui le sud Soudan, est freiné toutefois par les milices.

S'agissant de la liberté de la presse et d'expression, la délégation a affirmé que les critiques à l'égard du Gouvernement ne constituent pas un délit. La liberté de la presse et des médias est respectée au Soudan. Elle a par ailleurs déclaré qu'il arrive que des manifestations dégénèrent, mettant en danger l'ordre public ou n'ayant pas obtenu les autorisations nécessaires. Dans ces cas, elles sont dispersées, a indiqué la délégation. Mais l'utilisation de la force est régie par le parquet, sauf dans des circonstances exceptionnelles précisées dans la loi. La délégation a mentionné deux enquêtes en cours concernant la mort de manifestants. Elles visaient à établir s'il y avait eu, dans ces cas, un recours disproportionné à la force par les forces de l'ordre. La délégation a par ailleurs indiqué que les restrictions relatives à la création de partis politiques, prévues par la loi de 2001 sont caduques puisqu'une nouvelle constitution est désormais en vigueur.

En conclusion, le chef de la délégation a exprimé la volonté du Soudan d'appliquer les dispositions du Pacte, application que le présent dialogue contribue à faciliter, a-t-il dit. Il a promis que le Soudan continuerait à coopérer avec les Nations Unies, dans tous les domaines. Il a indiqué que le Soudan sollicitait l'appui de la communauté internationale dans divers domaines qui lui permettront de poursuivre son développement, notamment dans les domaines de la paix et du renforcement des capacités. La communauté internationale ne s'est pas acquittée des engagements qu'elle a souscrits à l'égard du Soudan, tant du point de vue financier que du point de vue de son engagement à faire pression sur les parties qui n'ont pas encore signé l'Accord de paix, a souligné la délégation. Des factions continuent à opérer qui mettent en péril la paix au Darfour, a-t-elle insisté. Actuellement, plus d'un million d'armes légères circulent au Darfour, a en outre rappelé la délégation; comment garantir la paix et la sécurité dans ce contexte? Il convient donc de lutter contre la prolifération de ce type d'armes au Darfour et de trouver une véritable solution à ce problème, a souligné la délégation.


Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires sur ce rapport, le Président du Comité, M. RAFAEL RIVAS POSADA, a notamment exprimé sa reconnaissance à la délégation pour ce fructueux dialogue qui a permis au Comité de recevoir des informations exhaustives, ce qui témoigne de la volonté du Gouvernement d'aller de l'avant sur la voie des droits de l'homme. Le Soudan a consenti et consent encore des efforts énormes pour surmonter tous les obstacles générés par les longs conflits qu'a connus le pays, a-t-il reconnu.

Les principaux problèmes qui se posent au Soudan ont trait à l'immunité et à l'impunité, a déclaré M. Rivas Posada. Il faut encore que le Soudan déploie des efforts pour protéger les secteurs les plus vulnérables de la société, notamment les femmes, a-t-il ajouté. Il lui faut aussi protéger les enfants, en particulier eu égard à l'âge de la responsabilité pénale, qui est beaucoup trop bas. La question des réfugiés reste un autre sujet de préoccupation, a poursuivi le Président du Comité. De nombreux efforts restent également à déployer pour se débarrasser des derniers vestiges des conflits internes, a-t-il conclu.

Au cours du débat, d'autres membres du Comité sont intervenus pour relever, notamment, des lacunes persistantes notamment dans le domaine de la protection des femmes et la poursuite de membres des forces armées et de la police qui se sont rendus coupables d'exactions. Les membres du Comité ont aussi exprimé leur préoccupation s'agissant de la mise à disposition par le gouvernement de fonds et de matériel aux milices janjawouid qui, selon de nombreuses sources, continueraient à perpétrer des violations du droit à la vie au Darfour. Ce droit, ont rappelé les experts, s'applique même en cas de conflit.

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