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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA FRANCE

10 Juillet 2008



Comité des droits de l'homme
10 juillet 2008



Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le quatrième rapport périodique de la France sur la mise en œuvre par ce pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

À l'issue de l'examen, le Président du Comité, M. Rafael Rivas Posada, a invité la France à envisager de lever les réserves qu'elle a émises à l'égard de certaines dispositions du Pacte. Il a par ailleurs souligné la particularité de la durée de la détention provisoire, qui peut se prolonger en France jusqu'à quatre ans. Il a, également, mis en cause la rétention de sûreté, estimant que cette mesure confère aux magistrats un pouvoir discrétionnaire et constitue une sanction additionnelle à la peine imposée au délinquant. M. Rivas Posada a finalement remercié la France pour la bonne coopération dont elle est coutumière avec le Comité. Les observations finales du Comité concernant le rapport de la France seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 25 juillet.

Présentant le rapport de son pays, Mme Edwige Belliard a souligné que des avancées notables ont été faites par la France dans de nombreux domaines touchant aux droits civils et politiques, citant, notamment, les mesures prises par son pays pour favoriser le respect de la diversité, les efforts déployés par les autorités pour garantir l'égalité entre les femmes et les hommes, de même que les mesures pour améliorer la garantie des droits des citoyens face aux missions les plus régaliennes de l'État.

La délégation de la France était également composée de M. Jean-Baptiste Mattéi, Représentant permanent de la France auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, ainsi que de Mme Anne-Françoise Tissier, Sous-directrice des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères et européennes; de Mme Florence Ricaud, responsable du bureau d'aide à la décision au Conseil d'État; de Mme Olivia Diego, adjointe au chef du Bureau des questions juridiques et du contentieux au Ministère de la justice; et de M. Éric Dumand, chargé de mission pour les droits de l'homme au Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de Saint-Marin (CCPR/C/SMR/2).


Présentation du rapport

MME EDWIGE BELLIARD, Directrice des affaires juridiques au Ministère des affaires étrangères et européennes, a insisté sur l'importance que la France accorde au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui, a-t-elle dit, constitue un texte phare pour les juridictions nationales. La représentante française a tenu à rappeler l'engagement international de la France et a rappelé, à cet égard, la récente ratification de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains ainsi que l'implication de la France dans l'élaboration de la Convention sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels.

Mme Belliard a fait valoir que des avancées notables ont été faites par la France dans de nombreux domaines touchant aux droits civils et politiques. Elle a cité, en premier lieu, les mesures prises par le pays pour favoriser le respect de la diversité. Ainsi, un Conseil académique des langues régionales veille-t-il au statut et à la promotion des langues et cultures régionales, a-t-elle précisé. En outre, certains aménagements juridiques sont mis en œuvre afin d'adapter le droit à certaines pratiques culturelles.

Des efforts ont également été déployés par les autorités en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. Le législateur est notamment intervenu pour écarter certains régimes dérogatoires dans les territoires d'outre-mer, qui semblaient incompatibles avec le principe d'égalité hommes-femmes. De nouveaux mécanismes de vigilance, comme la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, ont également été créés afin d'assurer un traitement égal des citoyens.

La France, a encore dit le chef de délégation, a également pris des mesures pour améliorer la garantie des droits des citoyens face aux missions les plus régaliennes de l'État. Ainsi, la prise en charge des demandeurs d'asile a été simplifiée et enrichie grâce à la loi du 10 décembre 2003. Elle a aussi indiqué qu'en novembre 2007, un recours suspensif pour les demandeurs d'asile à la frontière se voyant opposer un refus d'entrée sur le territoire a été introduit. Le sort des détenus a également fait l'objet d'une attention soutenue, a dit Mme Belliard, ajoutant que des instances de contrôle indépendantes ont été mises en place, comme, par exemple, la Commission nationale de déontologie de la sécurité ou l'institution d'un Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

La représentante française a souligné que le rapport soumis au Comité avait été rédigé dans un esprit de coordination et de coopération, tant avec les ministères et services concernés qu'avec des instances indépendantes. Le rôle central dans ce processus de concertation est assuré par la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui compte en son sein de nombreux représentants de la société civile. C'est donc par un dialogue toujours plus étoffé avec ses partenaires indépendants et la société civile que le Gouvernement entend poursuivre l'effort de vigilance et d'exigence qui s'impose dans le domaine bien particulier des droits de l'homme, a conclu Mme Belliard.

Le quatrième rapport périodique de la France (CCPR/C/FRA/4), fournissant des précision concernant les réserves émises par l'État partie à certains articles du Pacte, indique notamment que l'article 16 de la Constitution française confère au Président de la République des pouvoirs dérogatoires en cas de crise institutionnelle mettant en péril la République, dont l'étendue ne peut être limitée a priori par une clause conventionnelle. Cette procédure très exceptionnelle est encadrée par la consultation du Conseil constitutionnel et satisfait aux exigences de l'article 4 du Pacte. Le rapport indique par ailleurs qu'à la suite de l'observation du Comité sur la question, une étude a été menée sur l'applicabilité de principe des dispositions du droit international, en matière de lutte contre la discrimination à l'égard des femmes, à l'ensemble des départements, régions et collectivités d'outre-mer. En France, la loi sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes a été adoptée le 23 mars 2006. Ce texte prévoit, notamment, l'obligation de négocier des mesures de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans un délai de cinq ans, et la neutralisation des effets du congé de maternité sur la rémunération.

Le rapport de la France se penche également sur les violences commises par une personne dépositaire de l'autorité publique. La France indique, à ce sujet, que le dispositif statistique du Ministère de la justice permet, en l'état actuel, de rendre compte uniquement des condamnations prononcées par les tribunaux correctionnels. Les infractions commises par une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions font l'objet d'un traitement particulier, puisqu'elles correspondent, en droit pénal français, à une circonstance aggravante. S'agissant des sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre des agents de la force publique, le rapport mentionne qu'en 2005, parmi les 2'936 sanctions disciplinaires prononcées à l'égard de policiers, 96 se rapportaient à des violences avérées, dont 16 ont conduit à la radiation des agents concernés. Le rapport précise que les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont prises en compte dans l'enseignement des règles déontologiques. Le rapport souligne encore que la procédure de placement à l'isolement a été modifiée par deux décrets du 21 mars 2006, lesquels sont entrés en vigueur le 1er juin 2006. Le rapport donne également des informations sur l'état des suicides en prison et sur le traitement des mineurs délinquants.

S'agissant du droit d'asile, le rapport indique que la loi no 2003-1176 du 10 décembre 2003, entrée en vigueur le 1er janvier 2004, a modifié en profondeur le droit d'asile appliqué en France. La France estime à cet égard que la prise en compte des persécutions d'origine non étatique et la création d'une forme de protection complémentaire à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés constituent de véritables avancées. Le rapport indique également que la France s'est dotée progressivement d'une législation antiterroriste spécifique, régulièrement actualisée depuis la loi du 9 septembre 1986. Ce corpus législatif ne crée nullement un droit d'exception, assure le rapport, mais seulement un droit spécialisé et dérogatoire comme il en existe en droit pénal économique et financier ou en droit de la criminalité organisée, dans lequel le droit de la lutte antiterroriste s'insère. Ce sont les autorités judiciaires qui déterminent si une affaire relève des lois antiterroristes. La possibilité ouverte par la loi du 23 janvier 2006 de recourir à une garde à vue de six jours en matière terroriste est strictement encadrée par l'article 706-88 du Code de procédure pénale. Le rapport apporte encore des informations sur les actions thématiques générales et actions particulières en ce qui concerne les populations d'outre-mer.


Renseignements complémentaires

La délégation a fourni des renseignements complémentaires en réponse à la liste des points à traiter qui lui avaient été adressées au préalable par le Comité (CCPR/C/FRA/Q/4), ainsi qu'aux observations et questions du Comité.

S'agissant du cadre constitutionnel et juridique de l'application du Pacte, une modification importante est intervenue en ce qui concerne les réserves de la France sur l'article 14. Il s'agit d'une restriction à la possibilité de former un appel, désormais limitée aux tribunaux de police.

S'exprimant au sujet de l'application directe du Pacte par les tribunaux nationaux, la délégation a indiqué que les dispositions du Pacte ont régulièrement été invoquées devant les tribunaux judiciaires et que le juge administratif a également reconnu l'effet direct de plusieurs articles du Pacte. Répondant à des questions complémentaires des experts, la délégation a confirmé que le Pacte était couramment invoqué devant les tribunaux, citant, à titre d'exemple, l'invocation du principe de non-révocabilité dans le domaine de la législation douanière, l'invocation du principe de non-discrimination dans le cas d'une caution réclamée par un propriétaire de logement, l'invocation du devoir d'information de l'intéressé en cas d'internement d'office.

Sur le sujet de la réforme de la justice, la délégation a expliqué que le mode de recrutement des magistrats avait été modifié et que la formation qui leur est dispensée sera modernisée pour être plus ouverte sur le droit européen et international. Par ailleurs, la réforme de la carte judiciaire contribue à l'efficacité et à la qualité de la justice, a fait valoir la délégation.

S'agissant du mécanisme de suivi des communications présentées par des particuliers, la délégation a fait savoir que chaque fois qu'une communication individuelle a donné lieu à un constat de violation, le gouvernement a fourni au Comité toutes les informations pertinentes.

La délégation a par ailleurs confirmé que la loi sur la Commission nationale consultative des droits de l'homme avait été approuvée et que la France était donc en conformité avec les Accords de Paris sur les institutions nationales de protection et de promotion des droits de l'homme.

Répondant à une question sur les mesures antiterroristes et le respect des droits garantis par le Pacte, la délégation a précisé que la qualification terroriste d'une infraction permet, outre une aggravation des peines ainsi que les régimes spécifiques de garde à vue et de détention provisoire, la mise en œuvre de techniques d'investigations spéciales et d'un traitement judiciaire spécifique.

La durée de la garde à vue ne peut être prolongée jusqu'à une durée de six jours que dans des cas exceptionnels, à savoir quand il existe un risque sérieux de l'imminence d'une action terroriste en France et si les nécessités de la coopération internationale le requièrent impérativement. La garde à vue de six jours n'a, à ce jour, été utilisée qu'une seule fois, a précisé la représentante française.

Le placement en détention provisoire, considéré comme exceptionnel, est de la compétence du juge des libertés et de la détention. Afin de tenir compte de la grande complexité des infractions en lien avec le terrorisme, la durée de la détention provisoire peut atteindre quatre ans en cas de qualification criminelle terroriste. Cette mesure peut toutefois faire l'objet d'un appel et d'un droit de recours.

Répondant aux questions posées par le Comité sur l'égalité hommes-femmes, la délégation a indiqué que si les femmes ne représentent que 17,2% des dirigeants d'entreprises dans le secteur privé, ce taux est de 20,3% dans le secteur des services. Pour ce qui est de la fonction publique, les femmes représentaient, fin 2005, 59% des emplois mais seulement 15% des 7362 emplois supérieurs. Elle a, à cet égard, fait état de quelques actions engagées pour améliorer la parité, notamment de la création d'un réseau de coordonnateurs sur égalité hommes-femmes pour favoriser les échanges de bonnes pratiques. D'autres mesures sont à l'étude, comme des dispositions visant à favoriser l'assouplissement de l'impératif de mobilité géographique et l'adoption d'une charte de gestion du temps permettant de mieux concilier travail et famille. Des dispositions légales ont également été prises afin de lutter contre le harcèlement sexuel, a fait valoir la délégation, qui a précisé que 53 condamnations ont été prononcées en 2005 et 64 - dont 6 peines d'emprisonnement ferme - en 2006.

Abordant la question de la violence à l'égard des femmes, la délégation a indiqué qu'une étude avait été menée pour évaluer l'ampleur du phénomène et que des mesures législatives et de soutien aux victimes avaient été prises. Soulignant la nette augmentation du nombre de procédures enregistrées, la délégation a indiqué qu'en 2006, 52 171 affaires de violences conjugales avaient été enregistrées. Les condamnations ont également fortement augmenté, passant de 656 en 1994 à 12 584 en 2006.

Répondant aux questions du Comité s'agissant de cas de mauvais traitements infligés par les forces de l'ordre, la délégation a cité, au nombre des mesures prises pour y pallier, une sensibilisation soutenue des militaires de la gendarmerie dans le cadre de la formation initiale. Toutes les plaintes reçues par les unités de gendarmerie sont transmises à l'autorité judiciaire, a indiqué la délégation, précisant qu'au cours des deux dernières années, aucun militaire de la gendarmerie n'avait fait l'objet d'une condamnation pénale. La police nationale est également sensibilisée et éduquée au respect de toutes les personnes indépendamment de leur nationalité. Tout fonctionnaire de police qui s'écarte des règles éthiques s'expose à une sanction à la fois pénale et disciplinaire. En 2006, a précisé la délégation, 3228 sanctions disciplinaires ont été prononcées à l'égard de policiers, parmi lesquelles 114 se rapportaient à des violences avérées. Huit cas ont conduit à une révocation. La délégation a par la suite fait valoir que d'importants efforts sont déployés pour améliorer la formation des policiers en matière des droits de l'homme. Elle a précisé que le nombre d'allégations de violences s'élevait à 653 en 2005, 639 en 2006 et 682 en 2007. Dans près de 85% de ces cas, il s'agissait de violences légères. Le nombre de personnes mises en cause et gardées à vue progresse. Concernant le suivi des allégations de violence, la délégation a déclaré que les rapports de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) ne mentionnent que 14 affaires dans lesquelles il avait été fait usage de violence lors d'une expulsion du territoire. Concernant les réponses disciplinaires apportées, la délégation a indiqué qu'en 2007, 153 personnes avaient poursuivies, soit 34% de plus qu'en 2005.

Des travaux d'observation menés sur les établissements pénitentiaires ont montré que la France connaît des difficultés liées à l'ancienneté de son parc pénitentiaire et à la surpopulation carcérale, a reconnu la délégation, assurant que des efforts seraient entrepris pour rénover les prisons et augmenter le nombre de places. Une politique ambitieuse de développement des aménagements de peine a, par ailleurs, été engagée. La délégation a en outre informé le Comité que la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), créée en 2000, est notamment chargée d'examiner les plaintes concernant l'administration pénitentiaire. Depuis sa création, la Commission a été saisie de 71 plaintes ou réclamations; elle a, notamment eu à enquêter sur les circonstances de 12 décès de détenus dont 7 suicides.

La délégation a ensuite fait état des pratiques mises en place dans le cadre de la lutte contre la traite des êtres humains. Le dispositif législatif a notamment été renforcé pour lutter contre l'esclavage domestique. La loi incrimine aussi la traite des êtres humains. Parallèlement, les pouvoirs publics sont résolument engagés dans la lutte contre la pédopornographie et la cybercriminalité, a déclaré la délégation.

Répondant à une question des experts sur le travail des prisonniers en Polynésie française, la France a indiqué que ce travail est facultatif sur le territoire métropolitain comme en Outre-Mer.

La délégation a par ailleurs souhaité rassurer le Comité quant aux préoccupations exprimées à l'égard de la rétention de sûreté et la rétroactivité. Le placement en rétention de sûreté ne peut s'appliquer qu'à des personnes condamnées pour des faits commis après l'adoption de la loi, a souligné la délégation, alors que la surveillance de sûreté est une mesure uniquement destinée à empêcher la récidive du crime. La délégation a par la suite expliqué qu'une rétention de sûreté signifie, de fait, un échec de la réinsertion. Il ne s'agit pas d'une prolongation de la détention; la personne concernée sera placée dans un établissement spécialisé, avec un suivi spécifique. Cette décision peut donner lieu à un appel.

S'agissant de questions du Comité sur l'expulsion des étrangers, la délégation a souligné qu'il fallait différencier les mesure d'éloignement du territoire décidées pour motif de séjour irrégulier, et les mesures d'expulsion adoptées pour motif d'ordre public. Dans le premier cas, les mesures d'éloignement ne peuvent être prononcées qu'après un examen individuel de la situation, a indiqué la délégation. Les mesures d'expulsion sont prises pour des motifs graves d'ordre public et constituent des mesures d'exception. Elle a précisé que 224 arrêtés d'expulsion ont été exécutés en 2006. En ce qui concerne les violences commises lors de l'exécution de mesures d'éloignement, la délégation a indiqué que, depuis 2001, seules 14 affaires mettant en cause des représentants des forces de l'ordre ont été enregistrées.

Répondant par la suite à diverses questions s'agissant de la politique d'immigration de la France - qu'elle a jugées être d'ordre plus politique que technique - la délégation a affirmé que les conditions de délivrance des permis de séjour par la France sont parmi les plus libérales qui soient. Elle a affirmé que si le nombre d'expulsions est effectivement en augmentation, il y a 300 à 500'000 étrangers en situation irrégulière en France, qui démontrent que la France n'agit pas dans ce domaine. S'agissant d'une observation portant sur les emplois que les Français ne veulent plus et qui sont occupés par les étrangers, la délégation a répondu que des dispositions règlent quels types d'emploi peuvent être occupés par quels ressortissants et que ces modalités dépendent en partie des accords bilatéraux qui ont été conclus. S'agissant de la séparation des couples résultant de la conduite à la frontière de l'un des partenaires, la délégation a dit que les couples qui décident de séjourner illégalement en France prennent un risque et un risque d'autant plus grand lorsqu'il y a des enfants.

En ce qui concerne le regroupement familial, le législateur a souhaité que le demandeur du regroupement familial puisse accueillir sa famille dans des conditions acceptables. Il exige notamment que l'étranger justifie d'un logement convenable et de ressources suffisantes. La délégation a également indiqué que l'utilisation des empreintes génétiques pour prouver la filiation déclarée intervient dans un cadre très strict.

Répondant à des observations du Comité sur les violences antisémites et l'enseignement de la tolérance, la délégation a expliqué que la législation en matière de lutte contre l'antisémitisme ne se distingue pas des mesures de lutte contre le racisme. Certains incidents s'inscrivant dans une recrudescence de l'antisémitisme ont toutefois conduit l'État à prendre un certain nombre de mesures comme l'élaboration d'un outil statistique et l'adoption de mesures législatives, notamment la loi du 3 février 2003 punissant plus lourdement les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe. En conséquence de ces efforts, le nombre total d'actes racistes a nettement diminué en 2007, a indiqué la délégation. Elle a aussi apporté des informations sur la sensibilisation des jeunes à la tolérance. S'agissant des inquiétudes exprimées par le Comité à l'égard de la loi du 15 mars 2005 interdisant, notamment le port ostensible de signes religieux dans les établissements publics, la délégation a indiqué que cette loi sur la laïcité réaffirmait la mission républicaine de l'École et vise à protéger l'unité de la communauté scolaire contre la montée des communautarismes religieux. Depuis son entrée en application, seuls 46 élèves ont été exclus de leur établissement scolaire, démontrant que les principes de la loi ont été bien acceptés.

S'agissant de questions portant sur la protection des enfants, la délégation a fait état d'une diminution conséquente du nombre de mineurs en détention provisoire, diminution qui tient, notamment, à la mise en œuvre de mesures alternatives.

Répondant aux questions portant sur la non-discrimination et la protection des minorités, la délégation a confirmé que la France ne reconnaissait pas l'existence juridique de minorités au sein de la communauté nationale. Ceci ne signifie pas pour autant que la prise en compte de la diversité ne soit pas prise en compte, a-t-elle assuré, mentionnant, au nombre des mesures démontrant la volonté de valoriser la diversité, l'organisation d'un enseignement des langues et cultures d'origine. Ainsi, 404 351 élèves ont suivi un enseignement de langues régionales en 2005 et 2006.

La délégation a aussi démontré que le droit français permet une prévention efficace des cas d'apatridie.

En matière de lutte contre la discrimination professionnelle, la délégation a affirmé que la prise de conscience à l'égard de ce phénomène progresse. Plus de 200 entreprises ont ainsi signé la Charte de la diversité, a fait valoir la délégation, qui a également informé le Comité de la possibilité d'un recours juridictionnel qui peut être adressé à la Haute autorité contre les discriminations (HALDE). La délégation a aussi rappelé que le concours est la voie principale d'accès à la fonction publique et que la procédure anonyme est une garantie du respect du principe d'impartialité.

Répondant à des questions des experts sur des cas d'actes racistes, la délégation a indiqué que les attitudes racistes au travers de discours ou de la presse peuvent faire l'objet de poursuites. S'agissant spécifiquement des actes racistes perpétrés par des policiers, la délégation a indiqué que le dispositif statistique actuel ne permet pas d'isoler les violences racistes qui ont été commises par des personnes dépositaires de l'autorité publique. Elle a précisé que 274 affaires ont été enregistrées en 2007. Évoquant le Plan «Espoir banlieue», la délégation a expliqué que ce programme vise à promouvoir l'égalité des chances de l'ensemble des citoyens, notamment par un désenclavement des transports, l'amélioration de l'habitat et le renforcement de la police de quartier.

Précisant par la suite le contenu et la portée des mesures prévues, elle a notamment indiqué qu'il y aurait une politique d'acquisition des logements, de même que la création de nouveaux logements sociaux. Il est également prévu de renforcer l'accompagnement éducatif et les élèves méritants seront soutenus en vue d'un accès aux grandes écoles. Les entreprises seront aussi encouragées à accueillir des jeunes de quartiers défavorisés.

En ce qui concerne les inquiétudes manifestées par le Comité à l'égard de la question de l'établissement de fichiers de données personnelles par la police, notamment le fichier Edwige qui prévoit une base de données sur des enfants de plus de 13 ans considérés comme «dangereux», la délégation a répondu que la France accordait beaucoup d'importance à la protection des données personnelles et que la législation prévoyait que les données ne peuvent pas être utilisées pour d'autres motifs que leur but premier et ne pouvaient pas être maintenues au-delà de la période d'utilité. Des dérogations existent toutefois pour ce qui est des données sensibles. Toute personne peut demander à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) de vérifier que les données le concernant sont correctes et limitées à ce qui est prévu par la loi; préservation de l'ordre public, outil de renseignement visant à lutter, par exemple, contre l'économie souterraine.

La délégation a rappelé que la loi française proscrit absolument l'éloignement d'un étranger à destination d'un pays où l'on estime qu'il y a un risque sérieux pour sa vie ou son intégrité. Cette règle s'applique même si l'étranger s'est vu refuser une demande d'asile. Elle s'impose quels que soit les faits qui peuvent être reprochés à l'intéressé, y compris des actes en lien avec le terrorisme. La délégation a indiqué que chaque fois que l'étranger allègue d'un risque dans son pays d'origine, une enquête approfondie est menée, sur la base de la situation individuelle de la personne.

Répondant aux questions complémentaires des experts s'agissant de la garde à vue et la détention préventive, la délégation a indiqué que les avocats n'assistent pas aux interrogatoires pendant la période de garde à vue. La décision, par le juge d'instruction, d'une détention prolongée, répond à un soupçon renforcé. Elle a aussi indiqué que c'est le juge qui décide d'une éventuelle détention provisoire; l'intéressé peut faire appel de cette décision et déposer autant de demandes de mise en liberté qu'il le souhaite. La délégation a reconnu que les détentions provisoires peuvent être longues, l'objectif étant de faire tomber des réseaux et non de condamner une seule personne qui ne serait pas seule en cause. La délégation a encore informé le Comité qu'il existe en France une Commission des victimes de détention abusive. Il n'y a pas d'interrogatoire les yeux bandés en France, a encore souligné la délégation.

On peut porter plainte contre la police exactement comme on le ferait contre son voisin de palier a souligné la délégation, faisant état des divers moyens à la disposition des victimes, hormis la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS).

Un membre du Comité ayant demandé si une enquête avait été menée s'agissant des cambriolages successifs du domicile d'une candidate à la présidence, et ayant rappelé à l'État partie ses obligations en vertu du devoir de protection de la vie privée, la délégation a répondu que dès le moment où une plainte a été déposée, il y automatiquement enquête.

S'agissant des observations et questions des experts sur le traitement des plaintes et des requêtes individuelles des détenus, la délégation a assuré que toutes les décisions administratives peuvent faire l'objet d'un recours. Il existe, par ailleurs, une commission de surveillance instituée auprès de chaque établissement pénitentiaire, qui peut recevoir les plaintes des détenus. Ceux-ci peuvent aussi correspondre sous pli fermé avec de nombreuses autorités judiciaires auxquelles des plaintes peuvent être adressées. Les Parlementaires peuvent également être saisis par les détenus, a dit la délégation.


Observations et questions des membres du Comité

Une experte, appelant la France à abandonner toutes ses réserves au Pacte, s'est en particulier étonnée de l'importance accordée en France à la sphère des pouvoirs présidentiels.

Concernant les expulsions et notamment les expulsions par voie aérienne de personnes vers l'Afrique du Nord, la même experte a suggéré que le Pacte pourrait être utile à cet égard et permettre de structurer ces procédures.

Au sujet des minorités nationales, l'experte s'est étonnée de ce que la France ne reconnaisse pas le terme de «minorité». Y a-t-il en France suffisamment d'informations sur les personnes qui peuvent se sentir désavantagées et différentes?

Un autre sujet de préoccupation exprimé est celui de la longueur de la détention préventive pour les personnes soupçonnées de liens avec le terrorisme. Est-ce le Conseil constitutionnel qui a décidé du délai maximum de quatre ans pour la détention préventive, a demandé la même experte? Pour quelqu'un qui a purgé la peine encourue en cours de détention préventive, la durée de cette détention peut-elle rester indéfinie tant que la charge de la preuve n'a pas pu être apportée? Comment définir les critères qui établiraient la dangerosité d'une personne, a encore demandé un expert. La personne détenue a-t-elle la possibilité de se présenter devant un juge pour savoir quelle sera la durée de sa détention, a encore souhaité savoir un membre du Comité.

S'agissant de la responsabilité des membres des forces de l'ordre dans le décès de personnes appréhendées, un expert s'est référé à une étude d'Amnesty International faisant état d'acquittements controversés. Il a relevé qu'en cas de plainte, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) n'est pas une instance à laquelle on peut accéder directement si l'on est simple citoyen, a relevé l'expert.

En ce qui concerne les assurances demandées lorsqu'il y a décision d'expulsion, des enquêtes sont-elles menées pour savoir ce que sont devenues des personnes expulsées? Mentionnant des cas où des personnes ont été renvoyées en Afrique du Nord, notamment en Tunisie, le Comité a relevé que l'État partie ne semble pas avoir pris de mesures pour s'assurer que les personnes en question ne seront pas mises en danger dans leur pays d'origine.

Des experts ont souligné que les préoccupations du Comité demeuraient vives en ce qui concerne la très faible représentation des femmes dans des fonctions de cadre. Une experte a également souligné que des organisations non gouvernementales ont saisi le Comité de problèmes rencontrés par des femmes immigrées, qui souffrent de difficultés d'intégration et notamment de problèmes d'accès à l'emploi. Que compte faire l'État partie pour améliorer la situation? L'experte a aussi évoqué le problème du harcèlement sexuel et souhaité savoir comment, concrètement, la France encourageait les victimes à dénoncer les coupables. Un autre expert a relevé qu'un tout récent rapport de l'Observatoire de la délinquance indique qu'un cas de violence sur quatre est un cas de violence conjugale. Face à ce problème très grave, quels sont les progrès accomplis par la France et quels sont les nouveaux moyens qui ont été mis en œuvre pour résoudre ce problème ?

Un membre du Comité, évoquant des situations portées à sa connaissance au cours desquelles des personnes auraient été violentées lors de leur expulsion du territoire français, a invité la France à renforcer les mesures de contrôle pour éviter que des situations comme celles-ci ne se reproduisent.

Un expert a évoqué les méfaits et les conséquences déplorables de la colonisation et a déploré que le pays des droits de l'homme ait pu se compromettre de cette manière. La France continue, dans certaines situations, à manquer de respect envers les étrangers, a-t-il regretté.

Une experte a indiqué que le Rapporteur spécial contre le racisme avait signalé la prévalence, en France, d'un «racisme élitiste», faisant référence à des débats tolérés, de la part de groupes d'intellectuels comme le Club de l'Horloge. Que compte faire l'État partie pour censurer les discours à portée raciste ?

S'agissant de la présence de membres de l'Assemblée nationale d'origine musulmane ou nord-africaine, le Comité a pris note de la réponse de la France indiquant qu'en vertu du principe d'égalité devant la loi de tous les citoyens, il n'y avait pas de considération de ces spécificités; mais la France ne peut pas ne pas reconnaître qu'il n'y a pas de députés d'origine musulmane ou nord-africaine à l'Assemblée générale, ce qui pose un problème de représentation de la société française.

Un membre du Comité a encore souhaité savoir si la France se penchait sur les épisodes plus sombres de son histoire, comme ceux liés à la colonisation, dans le cadre de l'enseignement dispensé dans les écoles.

Concernant l'indépendance du système judiciaire, le Comité a souhaité savoir comment la loi organique entrée en vigueur en 2005 affectait le fonctionnement de la magistrature. Quelle est la composition du Conseil supérieur de la magistrature et quelle est l'ampleur de la portée de sa juridiction? Combien de cas ont été traités à ce jour?

Un expert a fait référence au phénomène grandissant de la tenue de fichiers par la police, et souhaité en premier lieu avoir des informations sur le fichier Edwige qui doit constituer une base de données des enfants de plus de 13 ans considérés comme «dangereux». Un autre fichier, nommé «Stic», contient des données sur des accusés et témoins, qu'en est-il, a demandé d'expert. Combien de fichiers y a-t-il, quelles sont les conséquences liées au fait d'avoir son nom sur un fichier? Peut-on avoir accès à son dossier facilement pour savoir ce qu'il contient? Les fichiers semblent, par ailleurs être parfois interconnectés; quelles précautions sont-elles prises pour ne pas mettre en cause des individus innocents, a encore demandé l'expert, soulignant les conséquences graves que peuvent avoir ce type de bases de données sur les droits des personnes.

Pour ce qui est des expulsions des immigrés clandestins, une experte a noté que d'après les informations transmises au Comité, un quota de 20 000 a été fixé comme objectif officiel. En outre, la procédure peut être accélérée vers des pays soi-disant sûrs. Dans cette liste figure notamment le Niger ou le Sénégal, qui ne sont pourtant pas des pays sans risque. Pour ce qui est de la Guyane et la Guadeloupe, il n'y a apparemment pas de possibilité de recours suite à une décision d'expulsion. Le Comité a également indiqué que des cas d'enfants expulsés sans leurs parents ont été signalés au Comité.

Réponses de la délégation française aux questions complémentaires des experts

Répondant aux questions et observations complémentaires des experts s'agissant des droits des femmes, la délégation a indiqué que la féminisation de l'emploi en France est incontestable et que les femmes représentent aujourd'hui près de la moitié de la population active. Elle a toutefois reconnu que des discriminations demeurent, comme en témoigne le fait que le chômage des femmes est de deux points supérieur à celui des hommes et l'écart de rémunération moyen reste de 19%. Une politique volontariste et dynamique est toutefois menée depuis plusieurs années pour lutter contre ces problèmes. Elle a cité, à cet égard, la loi salariale du 23 mars 2006 pour l'égalité salariale et la création d'une Conférence tripartite chargée, en particulier, de garantir la résorption des écarts salariaux entre hommes et femmes. S'agissant des femmes immigrées, leurs besoins sont pris en compte dans le cadre de trois axes, à savoir l'accès au droit, l'accès à l'emploi et la lutte contre les pratiques traditionnelles nuisibles. Confirmant que plus de 47 500 plaintes pour violences à l'encontre de conjoints ou ex-conjoints ont été enregistrées en France en 2007, la délégation a relevé que ces données montrent que les femmes victimes sont de plus en plus préparées à briser la loi du silence. En ce qui concerne la situation des femmes dans les territoires d'Outre-Mer, la délégation a assuré que l'État veille à prohiber tout ce qui pourrait conduire à une rupture d'égalité entre les hommes et les femmes. Il a aussi été précisé que la situation des femmes dans ces territoires a beaucoup évolué et que les femmes se sont considérablement émancipées.

La délégation a insisté, s'agissant des reconduites à la frontière, sur le fait que tous les dossiers font l'objet d'un examen personnel. La délégation a nié le fait qu'il y ait des quotas d'éloignement. La loi française proscrit totalement l'éloignement des mineurs, a encore dit la délégation en réponse à un expert. S'agissant du cas mentionné, il peut toutefois s'être agi d'un refoulement, c'est à dire du renvoi à la frontière. Ce type de situation est possiblement intervenu à Mayotte qui reçoit chaque mois entre 200 et 400 personnes venues en bateau depuis les Comores. Dans ce contexte, si des mineurs sont présents, ils sont confiés aux tiers dignes de confiance qui les accompagnaient au départ.

S'agissant des observations sur la prévalence d'un racisme élitiste, la délégation a relevé que les intellectuels sont soumis aux mêmes obligations que les autres citoyens français.

Concernant les allégations sur l'usage abusif d'armes à feu par des policiers, la délégation a expliqué que s'il y a suspicion d'abus, un service de police différent que celui où exercent les policiers concernés est saisi; dans des cas graves, la CNDS peut être saisie.

S'agissant de l'interdiction du port du voile, la délégation a précisé que cette disposition ne s'appliquait que dans les écoles, et n'était valable que depuis la maternelle jusqu'au baccalauréat. Le voile n'est donc pas interdit à l'université et en aucun cas dans les rues de Paris, a fait valoir la délégation.


Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires sur la mise en œuvre du Pacte en France, le Président du Comité, M. RAFAEL RIVAS POSADA, notant qu'au nombre des préoccupations récurrentes du Comité figure la question des réserves au Pacte, a invité la France à étudier les faits nouveaux afin d'envisager de lever ces réserves.

La question de la durée de la détention provisoire, qui peut s'étendre en France jusqu'à quatre ans, semble tout à fait singulière en regard d'autres législations, a par ailleurs déclaré le Président du Comité. Il a aussi mis en cause la rétention de sûreté, estimant que cette mesure confère aux magistrats un pouvoir discrétionnaire et constitue une sanction additionnelle à la peine imposée au délinquant.

L'absence de statistiques dans les cas de violences racistes perpétrées par des policiers a aussi été mentionnée comme un sujet de préoccupation persistant du Comité. M. Rivas Posada a finalement remercié la France pour la coopération dont elle est coutumière s'agissant des questions relatives aux droits de l'homme et les informations très instructives qu'elle avait apportées.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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