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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

13 Juillet 2006

Comité des droits de l'homme
13 juillet 2006


Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le deuxième rapport périodique présenté par la République centrafricaine sur la mise en œuvre par ce pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant des observations préliminaires à l'issue de cet examen, la Présidente du Comité, Mme Christine Chanet, a relevé un certain nombre de points positifs, notamment en ce qui concerne la justice pour mineurs et la dépénalisation des infractions en matière de presse. Il n'en reste pas moins que des préoccupations voire des contradictions demeurent, a-t-elle poursuivi, notamment au sujet du nouveau Code pénal qui peine à sortir et dont le contenu reste inquiétant s'agissant de la peine de mort. En ce qui concerne la garde à vue, les délais, déjà extrêmement longs, ne sont pas respectés, a par ailleurs relevé Mme Chanet.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales concernant la République centrafricaine, avant de les rendre publiques à la fin de la session, le vendredi 28 juillet prochain.

Présentant le rapport de son pays, le Haut Commissaire aux droits de l'homme et à la bonne gouvernance de la République centrafricaine, M. Thierry Maleyombo, a souligné que ce rapport témoigne du fort engagement des nouvelles autorités du pays en faveur des droits de l'homme. Le Chef de l'État compte tout mettre en œuvre pour que le respect des droits de l'homme devienne une réalité, a-t-il insisté. Il a par ailleurs tenu à rappeler la situation gravissime que connaît la République centrafricaine, sur le plan sécuritaire, depuis décembre 2005. En effet, depuis le retour à l'ordre constitutionnel, les ennemis de la République centrafricaine ont décidé de détruire les acquis de la paix, de la sécurité et du respect des droits de l'homme. Nul doute que les droits de l'homme feront les frais de ces actes d'agression car il y aura inévitablement des pertes en vies humaines et autres atteintes à la vie, a déploré le Haut Commissaire. Aussi, a-t-il lancé un appel solennel à toute la communauté internationale afin qu'elle condamne ces agressions.


La délégation centrafricaine était également composée de M. Basile Diba, Directeur général des droits de l'homme et de la bonne gouvernance et de M. Firmin Findiro, Procureur de la République auprès le tribunal de grande instance de Bangui. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, notamment, des mesures prises pour mettre sur pied une commission d'enquête chargée de mener une évaluation sur les violations des droits de l'homme commises lors des évènements de 2002 et 2003; de la création - encore non aboutie - d'une commission «vérité et réconciliation» d'un fonds d'indemnisation des victimes; de la lutte contre l'impunité; de la promotion de l'égalité entre hommes et femmes; des mutilations génitales féminines; de la peine de mort; de la garde à vue, du droit à un procès équitable et du traitement des personnes privées de liberté; ainsi que des libertés d'expression et d'association.

«Nous sommes prêts à entamer les discussions pour abolir la peine de mort, mais pour des questions sécuritaires nous estimons nécessaire de récupérer d'abord toutes les armes» qui circulent encore, a notamment indiqué la délégation.


À sa prochaine séance publique, lundi 17 juillet à 10 heures, le Comité examinera un projet de commentaire général révisé concernant l'article 14 du Pacte, qui porte notamment sur le droit à un procès équitable. Il entamera le même jour, à 15 heures, l'examen du rapport des États-Unis (CCPR/C/USA/2005/3).

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, le Haut Commissaire aux droits de l'homme et à la bonne gouvernance de la République centrafricaine, M. THIERRY MALEYOMBO, a souligné que le présent rapport témoigne du fort engagement des nouvelles autorités du pays en faveur des droits de l'homme - droits dont le non-respect a été à l'origine du sursaut patriotique du 15 mars 2003. Le Chef de l'État compte tout mettre en œuvre pour que le respect des droits de l'homme devienne une réalité, a-t-il insisté. Il a rappelé que lors de la dernière session parlementaire, l'Assemblée nationale a adopté la loi autorisant la ratification de la Convention contre la corruption ainsi que celle portant approbation de l'Accord sur les privilèges et immunités accordés aux membres de la Cour pénale internationale sur le territoire centrafricain. En outre, le Gouvernement centrafricain vient de procéder au recensement des instruments internationaux encore non ratifiés par le pays, en vue de leur ratification. Parmi ces instruments non ratifiés, une attention particulière est accordée à la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail relative aux droits des peuples autochtones et tribaux, a indiqué M. Maleyombo.

M. Maleyombo a par ailleurs tenu à rappeler la situation gravissime que connaît la République centrafricaine, sur le plan sécuritaire, depuis décembre 2005. En effet, depuis le retour à l'ordre constitutionnel, après une transition consensuelle réussie et l'organisation des élections présidentielles et législatives libres et démocratiques en mars et mai 2005, les ennemis de la République centrafricaine ont décidé de détruire les acquis de la paix, de la sécurité et du respect des droits de l'homme. Nul doute que les droits de l'homme feront les frais de ces actes d'agression car il y aura inévitablement des pertes en vies humaines et autres atteintes à la vie, a déploré M. Maleyombo. Aussi, a-t-il lancé un appel solennel à toute la communauté internationale afin qu'elle condamne ces agressions.

Le deuxième rapport périodique de la République centrafricaine (CPR/C/CAF/2004/2) souligne que le Gouvernement centrafricain considère comme une nécessité et une obligation permanente la mise en application des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le pays dispose d'atouts majeurs et importants pour offrir au peuple centrafricain les conditions matérielles nécessaires à l'amélioration de son existence et à la satisfaction de ses besoins vitaux, fait valoir le rapport. Mais ces atouts sont occultés par des contraintes qui procèdent d'une ignorance, d'un manque de volonté à tous les niveaux de la société centrafricaine, poursuit-il. Ce qui naturellement rend la perception et la réalisation des droits de l'homme mitigée, sinon difficile. Parmi les mesures prises pour l'application des dispositions du Pacte, le rapport fait état d'une politique volontariste dans le domaine de l'égalité entre hommes et femmes, avec l'existence d'un ministère spécifiquement chargé de la promotion de la femme, de l'enfant et de la famille. Le rapport reconnaît qu'il existe encore des lacunes, notamment en ce qui concerne le droit successoral et le non-respect du quota de 30 % devant être réservé aux femmes dans les postes à responsabilité. Le rapport fait par ailleurs valoir que les principes de liberté d'opinion et d'expression sont effectivement reconnus et garantis en Centrafrique à travers de nombreux textes.

Le rapport indique par ailleurs que la peine de mort fait partie de l'arsenal répressif. Il convient toutefois de relever que depuis 1981, aucune exécution capitale n'a eu lieu en République centrafricaine, souligne-t-il. Le nouveau Code pénal, qui sera bientôt adopté, ne prévoit plus la peine de mort pour les atteintes aux biens publics, ce qui constitue une avancée notable, fait également valoir le rapport. Il rappelle d'autre part que la nouvelle Constitution du 27 décembre 2004 reconnaît aux citoyens tous les droits énumérés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, dans les Pactes internationaux relatifs à ces droits et dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples du 27 juin 1981. Les insuffisances constatées dans l'application des dispositions constitutionnelles et légales ne sont pas dues à l'inexistence d'instruments juridiques, mais surtout au manque de rigueur dans l'application des dispositions de ces actes légaux. Le rapport souligne en outre que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Cette cause doit être portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Dans la réalité, on note qu'il existe une institution de police judiciaire dénommée Office central de répression du banditisme, qui pratique systématiquement des exécutions sommaires et extrajudiciaires en toute impunité à l'encontre des bandits, admet le rapport.

Examen du rapport

Cadre constitutionnel et juridique de l'application du Pacte et lutte contre l'impunité

Priée de donner des informations sur la place du Pacte dans l'ordre juridique interne, la délégation a expliqué que le Pacte a été consacré dans le préambule de la Constitution du 27 décembre 2004; il a donc une valeur supra légale. Cependant, il n'a pas été encore invoqué devant les tribunaux ou les autorités administratives, a-t-elle précisé.

Interrogée sur les mesures prises pour mettre sur pied une commission d'enquête chargée de mener une évaluation sur les violations des droits de l'homme commises lors des évènements de 2002 et 2003, la délégation a déclaré qu'une enquête, soutenue par le Programme des Nations Unies pour le développement, a été ouverte en avril 2003. Cela a permis de recenser le nombre de victimes touchées par les différents évènements politico-militaires, parmi lesquelles il y a eu beaucoup de cas de viols et de blessures. Les dossiers ont été montés et une enquête judiciaire a été diligentée qui a abouti à la saisine de la Cour pénale internationale car la justice nationale manque de ressources, a précisé la délégation. Plusieurs experts ayant regretté que la justice centrafricaine n'ait pu se saisir de ces dossiers, la délégation a expliqué que l'appareil judiciaire centrafricain est en phase de restructuration; la justice centrafricaine n'avait donc pas les moyens réels de rendre justice, d'autant plus que certains acteurs de ces évènements sont étrangers. En mal de moyens, la justice centrafricaine ne pouvait pas assumer son rôle, c'est pourquoi la Cour pénale internationale a été saisie afin de rendre justice à ces milliers de victimes, a insisté la délégation.

Pour ce qui est de la création d'une commission vérité réconciliation et d'un fonds d'indemnisation des victimes, la loi relative à ces structures a été adoptée en mai dernier, mais le Gouvernement est toujours à la recherche des fonds nécessaires pour procéder à l'indemnisation des victimes, a indiqué la délégation. Des membres du Comité s'étant inquiétés de la lenteur avec laquelle ces structures sont mises en place, la délégation a rappelé que depuis 2003, le pays a eu beaucoup à faire, notamment avec l'organisation des élections, et cela a forcément ralenti la mise en œuvre d'autres mesures. La République centrafricaine a déjà consenti beaucoup d'efforts et le pays continue sur cette voie, a fait valoir la délégation.

À la question de savoir si des contrôles ont été effectivement exercés pour mettre un terme à toutes les formes d'atteinte aux droits de l'homme et si ceux-ci ont débouché sur des poursuites et des condamnations ainsi que des réparations octroyées aux victimes, la délégation a répondu en soulignant que de nombreuses procédures judiciaires ont été déclenchées qui ont abouti à diverses sanctions: privation de liberté ou amendes. Mais la plupart des coupables sont démunis et ne peuvent pas s'acquitter des peines d'amende qui leur sont imposées, a-t-elle précisé. En République centrafricaine, il n'existe encore pas de culture du dépôt de plainte en cas de violations des droits de l'homme, a par ailleurs fait savoir la délégation.

Il est important, lorsque l'on parle d'impunité, de déterminer si elle est voulue ou non, a poursuivi la délégation en réponse à certaines remarques faites par des membres du Comité. L'appareil judiciaire centrafricain commence seulement dans les textes à jouer son rôle de garant face aux infractions commises, mais sur le plan pratique, les moyens font défaut, a expliqué la délégation. Le parquet de Bangui enregistre vingt plaintes par jour, a-t-elle indiqué, ajoutant que le tribunal de la capitale ne dispose que de deux salles d'audience qu'utilisent toutes les juridictions. Malgré cela, une certaine «gymnastique» permet de tenir quatre audiences correctionnelles par semaine, a indiqué la délégation. Mais le fait est que les tribunaux sont engorgés et qu'ils ne peuvent pas juger toutes les plaintes. L'impunité ne relève pas d'une quelconque mauvaise volonté; le dysfonctionnement provient de difficultés réelles qu'il convient de régler, a précisé la délégation.

Égalité entre hommes et femmes, lutte contre la discrimination

Il n'existe pas de dispositions spéciales visant à garantir une représentation équitable des femmes dans la vie politique, a reconnu la délégation. Toutefois, dans la pratique, le Gouvernement s'efforce de réserver aux femmes un quota relatif à leur participation dans les affaires publiques et politiques, eu égard au principe d'égalité entre hommes et femmes. En novembre 2005, les nouvelles autorités ont adopté une politique nationale de promotion de l'égalité et de l'équité entre les sexes. Malgré les progrès enregistrés, nombreuses sont encore les Centrafricaines qui méconnaissent leurs droits et leurs devoirs, a admis la délégation. Entravées par le poids des traditions, elles souffrent encore de violences et de discriminations par rapport aux hommes, a-t-elle précisé, ajoutant que le Haut Commissaire aux droits de l'homme et à la bonne gouvernance a tenu à mettre en place des réformes mais les femmes n'ont pas voulu que ces réformes soient menées. Elle a insisté sur l'absence de volonté des femmes pour participer à la vie politique et publique du pays.

Un membre du Comité a souligné que c'est à l'État qu'il incombe de donner les impulsions et de provoquer les réformes nécessaires; il ne faut pas attendre que l'évolution des mentalités se fasse naturellement.

Droit à la vie et interdiction de la torture

Priée de préciser quels sont les crimes qui sont sanctionnés par la peine capitale en vertu du nouveau Code pénal, la délégation a déclaré qu'il s'agissait de tous les crimes relevant du Statut de Rome (génocide, crime de guerre, crimes contre l'humanité) et de ceux portant atteinte à la vie (assassinat, meurtre, empoisonnement, etc…). La question de l'abolition de la peine de mort fait encore l'objet de discussions et les opinions à cet égard sont partagées; la majorité de la population s'oppose à l'abolition en raison du taux élevé de criminalité, a indiqué la délégation. Depuis 1981, la peine de mort n'a pas été appliquée, même si elle a été prononcée à plusieurs reprises, a rappelé la délégation.

Un membre du Comité a fait remarquer à cet égard que peu d'États obtiendraient l'abolition de la peine de mort par voie référendaire; il y a en la matière une fonction pédagogique de l'État qu'il ne faut pas sous-estimer.

Interrogée sur les mesures prises pour faire cesser les exécutions sommaires et extrajudiciaires dont serait responsable l'Office central de répression du banditisme, la délégation a indiqué que le parquet de Bangui a entrepris - en l'absence de plaintes des parents de victimes - des poursuites judiciaires systématiques avec arrestation et détention des auteurs de ces violations, y compris tous les agents des forces de défense et de sécurité coupables de telles pratiques. Les résultats obtenus sont encourageants, a affirmé la délégation. En effet, depuis 2005, aucun cas d'exécution sommaire ou extrajudiciaire n'a été enregistré, a-t-elle assuré. Un membre du Comité ayant néanmoins fait remarquer que des organisations non gouvernementales révélaient des cas de tortures fréquents dans le pays la délégation a assuré qu'il n'y avait pas une pratique systématique de la torture en République centrafricaine.

La délégation a ajouté que le pays s'efforçait de récupérer toutes les armes distribuées auparavant par les milices; mais cela est difficile. Pour l'instant, seul un quart des armes a pu être récupéré. «Nous sommes prêts à entamer les discussions pour abolir la peine de mort, mais pour des questions sécuritaires nous estimons nécessaires de récupérer d'abord toutes les armes» qui circulent encore, a indiqué la délégation.

Sécurité de la personne et droit de ne pas faire l'objet d'une détention arbitraire

La délégation a indiqué qu'en raison d'un manque de moyens, les services judiciaires centrafricains éprouvent de réelles difficultés à établir des statistiques criminelles.

Le Comité ayant souhaité connaître la durée maximale de la garde à vue et de la détention provisoire, la délégation a déclaré que la garde à vue peut aller jusqu'à 48 heures pour les délits et jusqu'à huit jours pour les crimes, avec possibilité d'une prorogation égale à la durée initiale. Huit jours est une durée beaucoup trop longue pour la garde à vue, a alors déclaré un membre du Comité. Quant à la détention provisoire, sa durée n'est pas encore réglementée, a poursuivi la délégation. Toutefois, le projet de nouveau Code pénal envisage une durée maximale de 6 mois, a-t-elle ajouté.

L'assistance d'un avocat et d'un médecin est prévue pendant la garde à vue ainsi que durant la détention provisoire, a fait valoir la délégation. Cette formalité est déjà respectée dans la pratique, a-t-elle assuré. La personne gardée à vue peut choisir son avocat, a ajouté la délégation. Si elle n'a pas les moyens de s'en offrir un, l'État en désigne un d'office; mais seulement pour les crimes, pas pour les délits, a précisé la délégation.

Aucune mesure n'a été encore adoptée pour réduire la durée de la garde à vue dans le cadre de la justice militaire; toutefois, il convient de relever que le Code de justice militaire est actuellement en cours de révision, a indiqué la délégation.

Mutilations génitales

Parmi les objectifs de la politique nationale de promotion de l'égalité et de l'équité entre les sexes adoptée en novembre 2005 par le Gouvernement centrafricain, figure l'éradication de la tolérance individuelle et collective à l'égard des violences contre les femmes, a souligné la délégation. La proportion de femmes et de filles excisées, qui était de 36 % en 2000, a connu une baisse suite aux campagnes de sensibilisation menées aussi bien par le Gouvernement que par les organisations non gouvernementales, a fait valoir la délégation. Il s'agit d'un phénomène de société qui fait partie de la culture de certains groupes ethniques du pays, a-t-elle souligné. Le problème se pose de manière particulièrement aiguë en milieu rural, où la majorité de la population est analphabète, a précisé la délégation. Le Gouvernement a donc adopté une stratégie qui prend pour point de départ la sensibilisation des femmes. La deuxième phase de cette stratégie est davantage axée sur la répression. Dans le projet de nouveau Code pénal, les mutilations génitales féminines ne sont pas spécifiquement citées en tant qu'infraction; elles relèvent néanmoins de que le Code qualifie d'«atteintes à l'intégrité physique».

Traitement des personnes privées de liberté

Le Comité ayant souhaité connaître les mesures prises pour garantir le droit des détenus d'être traités avec humanité et dans le respect de leur dignité, la délégation a expliqué que les établissements pénitentiaires, construits à l'époque coloniale, se trouvent aujourd'hui dans un état de délabrement avancé. La maison centrale de Bangui a été partiellement réhabilitée. La plupart des prisons de province sont tombées en ruine et certaines d'entre elles ont été réhabilitées, a précisé la délégation. Elle a souligné que les détenus reçoivent des visites périodiques du personnel médical; ils reçoivent en outre régulièrement des visites des membres de leurs familles, qui leur apportent des compléments de nourriture car le pays n'a pas les moyens d'offrir plus d'un repas par jour aux détenus. Le Haut Commissaire aux droits de l'homme et à la bonne gouvernance procède à des visites inopinées une fois par mois dans les centres de détention pour constater les conditions de détention, a également fait valoir la délégation. Parfois les organisations non gouvernementales sont associées à ces visites, a-t-elle précisé.

La délégation a affirmé avoir la conscience tranquille en ce sens que le pays s'efforce d'assurer la protection des droits de l'homme non pas pour la communauté internationale mais pour les Centrafricains eux-mêmes.

Un membre du Comité s'est dit préoccupé par la violence policière durant les gardes à vue et ayant demandé ce qui était prévu pour limiter leur durée, la délégation a assuré qu'il n'y a pas de violences sur les personnes détenues, que ce soit dans les prisons ou dans les commissariats.

Plusieurs experts s'étant enquis de la situation carcérale en République centrafricaine, la délégation a expliqué qu'il n'existait pas de statistiques précises sur la population carcérale dans le pays. Elle a toutefois assuré que le nombre de détenus ne dépasse pas les 1500, dont 300 dans la prison de Bangui.

En ce qui concerne l'administration de la justice pour mineurs, la délégation a expliqué que depuis l'instauration des tribunaux pour enfants en 2001, les mineurs ne sont pas incarcérés. Il n'y a pas de centres spécialisés pour le traitement des mineurs délinquants.

Droit à un procès équitable

Priée d'indiquer comment l'indépendance du pouvoir judiciaire est garantie, la délégation a expliqué qu'elle l'est par l'existence d'organes de gestion de la carrière des magistrats tels que le Conseil supérieur de la magistrature.

Plusieurs membres du Comité ayant souhaité en savoir davantage sur le recrutement des magistrats, relevant que les garanties textuelles sont à cet égard insuffisantes, la délégation a expliqué que, si les magistrats du siège sont inamovibles, ceux du parquet peuvent être mutés sans être préalablement consultés. La nomination des magistrats est gérée par le Conseil supérieur de la magistrature, présidé par le Président de la République et dont les membres sont eux-mêmes des magistrats. La question des émoluments est traitée dans le cadre de lois et d'organes de gestion des carrières. Les avancements, pour les magistrats, se font sur la base de la note annuelle qu'ils ont reçue. Il existe des procédures disciplinaires à l'encontre des magistrats en cas de manquement à leurs devoirs, a ajouté la délégation. Ils ne sont pas désignés à vie; il s'agit de nominations. Leur formation se fait de manière continue, a-t-elle ajouté.

La procédure relative à l'assistance judiciaire est souple, a fait valoir la délégation. Il suffit de présenter un certificat d'indigence obtenu en mairie qui, quand il est octroyé, dispense de frais de procédure.

La délégation a souligné que plusieurs voies de recours sont offertes aux personnes qui ont perdu leur procès et en demandent la révision devant les instances juridictionnelles supérieures: il s'agit de l'appel, de l'opposition, du pourvoi en cassation, du recours en révision, du recours en rétractation et de la grâce.

Liberté d'expression et d'association

Les membres du Comité ayant souhaité obtenir davantage d'informations en ce qui concerne les limitations opposables à la reconnaissance d'une association, la délégation a avancé qu'il n'existait aucune restriction aux libertés d'association et d'expression, sauf en cas de menace envers la protection de la sécurité nationale, l'ordre public ou les libertés et droits fondamentaux d'autrui.

Certains membres du Comité ayant souhaité obtenir des explications s'agissant des allégations persistantes selon lesquelles la liberté d'expression des journalistes serait menacée, la délégation a déclaré que la liberté de presse est garantie par la législation nationale, notamment par la Constitution de 2004 et par l'ordonnance du 22 février 2005 portant loi organique sur la liberté de la presse. Ces allégations sont donc sans fondement et dépourvues de preuve, a déclaré la délégation. D'ailleurs, dans son discours du 3 mai 2006, le Président de l'Union des journalistes centrafricains, à l'occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse, a adressé un satisfecit au Président de la République. «Au niveau du continent africain, nous sommes le seul État à dépénaliser les délits de presse», a fait valoir M. Maleyombo.

Autres questions

Le Gouvernement n'exerce aucune pression sur les activités des organisations non gouvernementales qui opèrent en République centrafricaine, a par ailleurs affirmé la délégation.

Des démarches ont été menées pour réactiver la Commission nationale des droits de l'homme; mais pour le moment, des difficultés financières persistent qui empêchent sa mise en route, a indiqué également la délégation.

Pour lutter contre la corruption, qui a gangrené le pays et freine le développement, un plan national d'action a été lancé, a par ailleurs souligné la délégation.

En réponse à la question d'un membre du Comité, la délégation a indiqué que le général Bombayaké avait été remis en liberté.

Priée de préciser les mesures prévues pour diffuser les informations relatives au présent rapport, à son examen et aux observations finales s'y rapportant, la délégation a indiqué qu'un compte rendu par voie de presse est prévu afin de tenir le public informé de l'ensemble de ce processus.


Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires sur le rapport centrafricain, la Présidente du Comité, MME CHRISTINE CHANET, a remercié la délégation de son rapport écrit et de ses explications, même si le rapport demeure assez formel. Des points positifs sont à souligner, notamment en ce qui concerne la justice pour mineurs et la dépénalisation des infractions en matière de presse, a-t-elle souligné. Mais cela ne veut pas dire que la liberté de la presse soit garantie, même s'il s'agit là d'un pas important, a-t-elle ajouté.

Il n'en reste pas moins que des préoccupations voire des contradictions demeurent, a poursuivi la Présidente du Comité; notamment au sujet du nouveau Code pénal qui peine à sortir et dont le contenu reste inquiétant en ce qui concerne la peine de mort.

Du fait qu'elles relèvent de l'irrationnel, certaines questions sociales, comme la sorcellerie, devraient être résolues d'une manière autre que pénale, a poursuivi Mme Chanet. En revanche, l'excision pourrait être jugée pénalement car il ne s'agit pas seulement d'un problème sanitaire, mais aussi d'un problème de discrimination à l'égard des femmes.

En ce qui concerne la garde à vue, les délais, déjà extrêmement longs, ne sont pas respectés, a poursuivi Mme Chanet. Enfin, les sanctions militaires ne sont pas assez significatives pour permettre de lutter efficacement contre l'impunité, a-t-elle estimé.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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