Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT PÉRIODIQUE DE LA BELGIQUE

13 Juillet 2004

Comité des droits de l'homme
13 juillet 2004

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et aujourd'hui, le quatrième rapport périodique de la Belgique en portant son attention notamment sur la correctionnalisation des délits de presse à caractère raciste et les sanctions financières à l'égard des partis politiques ouvertement racistes ou xénophobes, sur la violence à l'égard des femmes, sur la répression de la traite des êtres humains et sur les violences policières et l'utilisation excessive de la force lors de l'éloignement d'étrangers, notamment en ce qui concerne l'affaire Sémira Adamu.

À cet égard, M. Claude Debrulle, Directeur général à la Direction générale de la législation et des libertés et des droits fondamentaux, a informé le Comité de la condamnation le 12 décembre 2003 de quatre agents de la force publique pour coups et blessures involontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur la personne de Sémira Adamu.

Au sujet des étrangers qui sont maintenus dans la zone de transit de l'aéroport de Bruxelles, la délégation a précisé que les étrangers qui ne se sont pas vus octroyer l'entrée sur le territoire ou qui ont été libérés par décision de justice mais sans autorisation de séjour sont maintenus en zone de transit jusqu'à leur embarquement pour la destination de leur choix au frais du service des étrangers.

M. Debrulle, qui a présenté le rapport de la Belgique, a notamment fait état de la mise en place d'un service des tutelles des mineurs étrangers non accompagnés, l'octroi du droit de vote aux élections communales aux étrangers ainsi que l'introduction dans le code pénal belge du titre «d'infractions terroristes» et de la notion de «groupe terroriste». Il a également signalé l'adoption imminente du projet de loi portant assentiment de la Convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité et son protocole additionnel relatif à l'incrimination d'actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques.

Au cours du débat, la délégation a notamment répondu à de nombreuses questions sur la modification de sa loi de compétence universelle, indiquant notamment que la plupart des plaintes déclarées irrecevables selon les nouvelles dispositions, l'ont été en vertu de l'arrêt Yerodia de la Cour internationale de justice qui stipulait qu'une juridiction nationale ne pouvait juger un chef d'état, de gouvernement ou un ministre en exercice au moment des faits.

Plusieurs experts ont interrogé la délégation sur l'accès à un médecin ou à un avocat dès la mise en détention et lors de la garde à vue. La délégation a répondu à cet égard qu'une proposition de loi est à l'examen afin de réformer en profondeur la procédure pénale mais que ces questions continuent de faire débat. Elle a sollicité l'aide du Comité pour éclairer ce débat. La délégation a par ailleurs répondu à de nombreuses questions sur les services de contrôle des services de police et sur les violences policières, ainsi que sur la surpopulation carcérale, reconnaissant qu'il s'agit d'un problème lancinant depuis de nombreuses années.

La délégation belge était également représentée par M. François Roux, Représentant permanent auprès des Nations Unies à Genève; M. Philippe Nayer, Conseiller à la Direction générale de la Communauté française de Belgique et de la Région Wallonne; Mme Sylviane Friart de la Direction générale de la législation et des libertés et des droits fondamentaux; Mme Marie-France Berrendorf de la Direction générale, exécutions des peines et des mesures; Mme Sarah Vermeulen de la Direction générale de la législation pénale et des droits de l'homme; M. George Pijl de la Direction de la Politique de Sécurité et de Prévention; M. Geert de Vulder de l'Office des étrangers; et M. Bart Lemmens du Ministère de la Communauté flamande.

Les observations finales du Comité concernant le rapport de la Belgique et des autres rapports qui seront examinés au cours de la session seront adoptées en séance privée et rendues publiques à la fin de la session.


Le Comité entamera demain, à partir de 10 heures, l'examen du rapport initial de la Namibie (CCPR/C/NAM/2003/1).



Présentation du rapport de la Belgique

M. CLAUDE DEBRULLE, Directeur général de la Direction générale de la législation et des libertés et des droits fondamentaux et chef de la délégation belge, présentant le quatrième rapport périodique de son pays, a mis l'accent sur la méthode d'élaboration du rapport qui s'est efforcé de répondre le plus précisément possible aux préoccupations, recommandations et demandes de complément d'information émanant du Comité. Dans le cadre de la préparation et de la rédaction du rapport, toutes les instances fédérales et fédérées ont été impliquées ainsi que le reflète la composition de la délégation.

Évoquant des progrès récents significatifs, M. Debrulle a cité la ratification par la Belgique du Protocole n°13 de la Convention européenne des droits de l'homme, relatif à l'abolition de la peine de mort ainsi que la mise en conformité du droit belge avec la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Dans le cadre des garanties juridiques, mécanismes et instances chargés de l'égalité et de la lutte contre la discrimination, il a mentionné la nouvelle loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination, l'entrée en fonction en février 2004 de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes et l'adoption d'une loi ouvrant le mariage à des personnes de même sexe quelle que soit leur nationalité. La reconnaissance de la dissolution du mariage par répudiation se voit en principe refusée en Belgique et certains partenariats enregistrés à l'étranger pourront être assimilés à un mariage.

Dans le domaine de la protection des droits des enfants et de la famille, M. Debrulle a fait état de la mise en place d'un service des tutelles des mineurs non accompagnés qui est chargé de superviser une tutelle spécifique sur les mineurs étrangers non accompagnés candidats réfugiés ou se trouvant sur le territoire belge sans autorisation. Il a également mentionné la création prochaine d'un service «adoption internationale» et l'extension du service d'entraide judiciaire internationale notamment en matière de rapts parentaux; la mise en place prochaine de la Commission nationale pour les droits de l'enfant; et la création d'un service des créances alimentaires responsable du paiement d'avances sur la pension alimentaire et du recouvrement de la pension alimentaire.

Dans le domaine des droits politiques, M. Debrulle a évoqué la loi du 19 mars 2004 qui octroie le droit de vote aux élections communales aux étrangers résidant en Belgique depuis moins de cinq ans mais ne leur octroie pas l'éligibilité. S'agissant de la problématique générale de l'arriéré judiciaire, M. Debrulle s'est référé à différentes solutions structurelles à long terme telles que les protocoles de coopération conclus avec certaines autorités judiciaires et qui prévoient la mise en œuvre d'un ensemble de mesures et de moyens dont le renfort en personnel, ou la banque de données Phénix, qui devrait permettre de tenir une comptabilité plus précise des affaires qui arrivent devant les tribunaux.

M. Debrulle a par ailleurs fait mention de l'entrée en vigueur de la loi sur le mandat d'arrêt européen le 1er janvier 2004 qui régit l'arrestation et la remise de personnes recherchées pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine entre la Belgique et les autres États membres de l'Union européenne. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la loi du 19 décembre 2003 transpose la décision-cadre européenne et introduit dans le code pénal belge le titre «d'infractions terroristes» ainsi que la notion de «groupe terroriste». Il a également signalé l'adoption imminente du projet de loi portant assentiment de la Convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité et son protocole additionnel relatif à l'incrimination d'actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques. Le chef de la délégation belge a enfin informé le Comité de la décision du Tribunal correctionnel de Bruxelles du 12 décembre 2003 dans l'affaire Sémira Adamu qui a condamné quatre agents de la force publique pour coups et blessures involontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur la personne de Sémira Adamu.


Le quatrième rapport périodique de la Belgique (CCPR/C/BEL/2003/4) attire l'attention sur l'adoption d'un arsenal juridique en vue de lutter contre la traite des êtres humains et en particulier l'adoption de mesures d'aide aux victimes. À cet égard, le rapport note que le problème de la traite a été au premier rang des priorités de la présidence belge de l'Union européenne. Particulièrement sensibilisé à la difficile question des déplacements internationaux d'enfants, le département de la justice a développé une action concertée tant sur le plan international que sur le plan national en vue de renforcer la lutte contre les enlèvements internationaux d'enfants. L'échange rapide d'informations, la concertation sur les procédures à mettre en œuvre et la collaboration entre les différents intervenants compétents en matière d'enlèvements internationaux d'enfants, sont en voie de devenir des axes importants de l'action du Ministère de la justice. Il est envisagé de désigner un magistrat de référence en matière d'enlèvements internationaux d'enfants par ressort de cour d'appel, ou même par arrondissement judiciaire. Le renforcement de la concertation entre tous les intervenants permettra de développer une banque de données intégrée, le Ministère de la Justice tenant à jour depuis 1998 des statistiques précises sur les situations qu'il traite.

Un groupe de travail concernant la maltraitance des enfants a été mis sur pied en novembre 1998 et examine actuellement les mesures concrètes qui pourraient être prises en vue d'une collaboration plus efficace entre le secteur psycho-médico-social et le secteur judiciaire, afin d'assurer une meilleure prise en charge du phénomène de la maltraitance telles que des directives en matière de politique criminelle, des instructions administratives, des accords de coopération et des adaptations de la législation. En 1998, le gouvernement de la Communauté française a institué l'observatoire de l'enfance, de la jeunesse et de l'aide à la Jeunesse. La Communauté flamande, quant à elle, a crée un Commissariat aux droits de l'enfant en 1997. La communauté francophone de Belgique a fait des efforts particuliers pour améliorer l'accueil des enfants migrants et un décret de 1998 garantit à tous les mineurs le droit d'être scolarisés, quel que soit leur statut légal.

Le rapport fait par ailleurs état de diverses mesures pour remédier aux restrictions à la liberté d'expression, des efforts pour combattre le racisme ainsi que d'initiatives récentes sur le financement des partis politiques antidémocratiques et sur la lutte contre le racisme sur l'internet.


Examen du rapport

La délégation belge a fourni des renseignements complémentaires demandés par les membres du Comité concernant la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Répondant à une question sur le droit à un recours effectif des personnes se trouvant illégalement en Belgique, la délégation a souligné qu'il fallait distinguer entre les personnes en séjour illégal mais qui peuvent revendiquer le statut de victime de la traite des êtres humains : dans ce cas, la loi belge leur permet, notamment lorsqu'elles acceptent de participer à l'action judiciaire, de bénéficier de garanties, de maintenir leur séjour en Belgique avec un statut temporaire et d'échapper à la procédure d'éloignement. Dans l'hypothèse où l'infraction dont la personne est victime n'est pas liée à la traite, la délégation a indiqué que la personne peut faire valoir les procédures engagées en dommages et intérêts pour retarder l'éloignement. En outre, si la personne doit être éloignée du pays, une disposition permet de se constituer partie civile à distance.

S'agissant de l'adoption de la loi permettant de sanctionner financièrement les partis politiques ouvertement racistes en les privant de la possibilité de bénéficier d'un financement public, la délégation a indiqué que l'article 15 ter de la loi, relatif à la limitation et au contrôle des dépenses électorales. Un texte d'application a été adopté prévoyant la possibilité pour un tiers au moins des membres de la commission chargée de contrôler le financement des partis politiques de porter plainte devant le Conseil d'État, s'il apparaît qu'un parti ne respecte pas les droits de l'homme ou adopte un comportement raciste. Ce texte doit encore faire l'objet d'un examen par le Sénat. La délégation a suggéré au Comité d'envoyer un encouragement au Parlement belge, et au Sénat en particulier, à faire diligence pour l'adoption de cette loi.

Pour ce qui est des délits de presse à caractère raciste, la délégation a indiqué que la Constitution a été modifiée pour correctionnaliser ces délits. Elle a par ailleurs cité l'exemple d'un arrêt de la Cour de Cassation qui a mené à la condamnation de trois associations proches du Vlaams Blok en mai dernier. En outre, la délégation a fait valoir que la Belgique s'est dotée d'un Centre pour l'égalité des chances qui peut se constituer partie civile pour des délits racistes.

Plus généralement, la délégation a fait valoir que la réponse à la propagande raciste et à la discrimination raciale en général n'est pas seulement pénale mais ressort de diverses mesures permettant de rassembler de façon large la société afin de trouver des moyens innovants de changer les mentalités et les comportements.

Répondant à une question sur la violence conjugale, la délégation a fait valoir le perfectionnement des outils permettant de mesurer ce phénomène. Elle a ajouté que l'augmentation du nombre des faits de violence enregistrés par la police est probablement liée aux initiatives de sensibilisation et aux mesures permettant aux victimes de dénoncer plus facilement ces faits. En outre, elle a fait valoir l'importante augmentation des condamnations qui se sont montées à 500 pour l'année 2002. Elle a également mis l'accent sur l'adoption d'une loi qui prévoit l'attribution du logement familial au conjoint victime d'actes de violence de la part de son partenaire et donne une assise légale à l'éloignement des auteurs de violence. La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur l'adoption du plan d'action pour la période 2004-2007 qui fixe les priorités d'action, les responsabilités des différents services et un outil de suivi. Elle a en outre évoqué la mise sur pied de sessions de formation sur la problématique de la violence à l'intention des membres du parquet ainsi que des juges d'instruction.

En réponse à une autre question, la délégation belge a garanti que les allégations de violences policières font l'objet de la plus grande attention de la part du Comité permanent de contrôle des services de police (Comité P) qui engage non seulement des enquêtes réactives mais aussi des enquêtes proactives. La délégation a rappelé que la plupart des brutalités alléguées le sont dans le cas d'interpellations qui exigent un certain usage de la force. Réaffirmant la détermination du Gouvernement à sanctionner des faits de brutalités inacceptables, elle a toutefois souligné que nombre d'accusations sont manifestement infondées.

S'agissant de l'évaluation de l'efficacité des procédures de contrôle des services de police, la délégation a indiqué qu'en ce qui concerne de contrôle externe, le Comité P qui en a la charge fait preuve d'une indépendance exemplaire. La délégation qui a reconnu en revanche la difficulté d'évaluer l'efficacité du contrôle interne de la police locale.

En réponse à des questions supplémentaires sur l'indépendance du Comité P, la délégation a indiqué qu'il existe quatre institutions indépendantes de contrôle qui rendent compte au Parlement : la Cour des comptes, la Commission de protection de la vie privée, le Comité de contrôle des services de renseignements et le Comité de contrôle des services de police (Comité P). Personne ne doute de l'indépendance des trois premières. Pour ce qui est du Comité P, son contrôle porte sur la protection des droits et l'efficacité des services de police. En revanche, il ne porte pas sur le contrôle de l'action judiciaire ou de l'action publique. Il n'a pas non plus pour mission première d'examiner des plaintes individuelles. Dans la pratique, le Comité P travaille en partenariat avec d'autres services, telles que l'inspection générale et les autres services de contrôle. En outre, les membres du Comité P n'ont pas de liens avec les services de police. Il lui appartient d'enquêter sur les méthodes des services de police. Un bras opérationnel, le service d'enquête, a été créé pour examiner les plaintes et les dénonciations ainsi que pour enquêter sur les crimes et délits commis par des fonctionnaires de police. Il enquête mais ne juge pas, c'est le Comité P qui décide de la suite à donner aux enquêtes. Il n'y a aucune raison de mettre en doute le travail du Comité P, a affirmé la délégation. Même si le service d'enquête est composé largement de fonctionnaires de police, ceux-ci sont détachés et soumis à l'autorité et à l'évaluation exclusives du Comité P. Ils ont en outre toutes les garanties d'action indépendante vis-à-vis de leur service d'origine auquel ils ne sont pas obligés de retourner.

Pour ce qui est d'autres institutions de contrôle, tels que des Médiateurs ou une commission nationale des droits de l'homme, la délégation a rappelé que la Belgique a une tradition de juridictions administratives chargées du contrôle de l'action publique et que les médiateurs sont une institution très récente dont les compétences sont complémentaires des juridictions administratives. Il existe un Centre d'égalité des chances qui a plus de dix ans et a des compétences importantes, en particulier en matière de lutte contre le racisme et de traite des êtres humains. Il a en outre le pouvoir d'engager des actions en justice. La délégation a toutefois reconnu qu'il n'existe pas de commission nationale des droits humains même si un groupe de travail se penche sur la création d'une telle institution.

En ce qui concerne le comportement des soldats belges dans le cadre de l'opération de la mission des Nations Unies en Somalie, la délégation a indiqué que 270 dossiers ont été ouverts et que le nombre de poursuites devant le Conseil de guerre était limité à 31. L'autorité militaire a été informée de deux condamnations, l'une pour infraction à la loi tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, l'autre pour meurtre et vol. Dans deux autres cas, il y a eu suspension du prononcé en faveur de militaires coupables d'attentats à la pudeur.

La délégation belge a par ailleurs précisé que le chiffre de 270 cas qu'elle vient de mentionner est à prendre avec précaution car tous ces cas ne recouvrent pas des comportements de racisme ou des actes inadmissibles commis par des soldats belge en Somalie. La délégation a donné quelques exemples des peines prononcées. Elle a en outre précisé qu'une loi a été adoptée qui abroge la compétence des juridictions militaires pour des crimes commis en temps de paix par des militaires. Si de tels événements devaient se reproduire, les militaires impliqués comparaîtraient devant une juridiction de droit commun.

S'agissant de l'affaire Sémira Adamu, décédée lors de son rapatriement vers le Togo en septembre 1998, la délégation a informé du jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Bruxelles le 12 décembre 2003, condamnant quatre des gendarmes mis en cause à des peines d'emprisonnement et à des amendes et reconnaissant l'État belge civilement responsable et à ce titre redevable de dommages et intérêts aux parties civiles.

En ce qui concerne les cas d'utilisation excessive de la force lors de l'éloignement d'étrangers, la délégation a indiqué que l'ensemble de la procédure est soumis à la Commission Vermeersch chargée de l'évaluation des instructions en matière d'éloignement. Celle-ci a déposé des conclusions préliminaires et proposé notamment une amélioration de la protection juridique et du suivi médical. Son rapport final sera soumis en septembre 2004 et devra se prononcer notamment sur les mesures préventives dans les pays d'origine et les problèmes spécifiques de certains groupes tels que les mineurs non accompagnés ou les femmes enceintes.

La délégation a précisé que l'arrêté ministériel du 11 avril 2000 réglementant l'usage de la force lors des procédures d'expulsion est examiné par la Commission et sera probablement révisé par un nouveau texte.

En réponse à une question sur l'exercice de régularisation, la délégation a indiqué que c'était là une opération unique qui a concerné quelques 50 000 personnes dont 80% ont été régularisés.

Au sujet de la traite des êtres humains, la délégation a insisté sur l'importance accordée par le Gouvernement belge à cette problématique. En particulier, un projet de loi vient d'être approuvé cette semaine pour améliorer la protection des mineurs et punir plus sévèrement les personnes qui se livrent à la traite ou à l'exploitation des mineurs, a indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs rappelé que la Belgique est un pays de transit vers le Royaume-Uni et que les informations relatives au manque de ressources humaines et matérielles pour assurer l'accueil des victimes se réfèrent au trafic d'immigrants clandestins à destination du Royaume-Uni et non à la traite au sens d'exploitation.

La délégation a en outre précisé qu'un service de tutelle des mineurs étrangers non accompagnés est opérationnel depuis le mois de mai dernier.

S'agissant de l'accès à un médecin ou à un avocat dès la mise en détention, la délégation a indiqué qu'une proposition de loi est à l'examen afin de réformer en profondeur la procédure pénale, notamment en ce qui concerne ces questions. Elle a rappelé que le délai de garde à vue est de heures en Belgique et ce délai bref ne doit pas être perdu de vue lorsqu'on parle d'accès à un avocat. S'agissant de l'accès à un médecin, elle a précisé que l'accès d'une personne arrêtée à un médecin de son choix n'est pas garanti.

La délégation a en outre indiqué qu'à la suite des observations du Comité au sujet de l'accès à l'avocat et au médecin durant la garde à vue, une commission de travail a été formée pour examiner cette observation. Celle-ci a jugé qu'il n'était pas opportun de systématiser cet accès mais cette question continue de faire débat. En ce qui concerne le médecin, sa mission, en droit belge, est essentiellement celle de médecin légiste : il a pour mission de constater un mauvais état de santé et d'apporter des soins et non d'être le garant du bon état de santé du détenu. La délégation a fait appel à l'aide du Comité pour éclairer ce débat et a indiqué qu'elle porterait les remarques des membres du Comité, notamment sur les horaires très stricts de visite par un avocat ou un médecin, à la commission chargée d'examiner cette question.

Au sujet des étrangers qui sont maintenus dans la zone de transit de l'aéroport de Bruxelles, la délégation a précisé que le fait d'être en possession d'un visa est une condition nécessaire mais toutefois pas suffisante pour se voir octroyer l'entrée sur le territoire en application de la loi Schengen. Dans le cas où l'entrée sur le territoire n'est pas octroyée, la personne reste en zone de transit jusqu'à son embarquement sur le premier vol de retour. Dans le cas où il n'y aurait pas de vol avant 24 heures, la personne est transférée au centre INAD qui est équipé de façon à offrir un hébergement adéquat. Lorsqu'une personne est mise en liberté par décision de justice, mais que l'accès au territoire ne lui a pas été octroyé, elle est également libérée en zone de transit et a la possibilité de partir à tout instant pour la destination de son choix au frais du service des étrangers. Une assistance est donnée aux personnes en zone de transit, notamment trois repas par jour. La délégation a précisé qu'un recours existe auprès du Conseil d'État mais que la mise en liberté de la personne ne remet pas en cause la décision de refus d'accès au territoire.

S'agissant de l'information et de l'accès à un avocat ou à un médecin pour les étrangers placés en centre INAD (passagers inadmissibles sur le territoire), la délégation a indiqué que ces personnes reçoivent une information complète sur les raisons de leur inadmissibilité sur le territoire. Elles peuvent contacter et avoir un entretien avec un avocat mais ceci dans les locaux de la police fédérale. Le centre INAD ne dispose pas d'un service médical propre mais utilise le service médical de l'aéroport. La délégation a en revanche indiqué que les personnes placées dans la zone de transit ne peuvent recevoir de visites de familles ou de proches. Toutefois, des organisations non gouvernementales se sont récemment vu accorder un droit d'accès.

Au sujet des recours contre une décision d'expulsion, la délégation a indiqué qu'une instruction du Ministère de l'intérieur fait en sorte que, dans la pratique, il n'est plus procédé à des éloignements d'étrangers si le Conseil d'État n'a pas statué sur les recours en suspension en extrême urgence introduits par les personnes concernées.

En réponse à une question sur la «double peine», la délégation a indiqué qu'une loi sera soumise au Parlement cet automne qui prévoit que les gens qui mènent une vie de famille en Belgique, y sont nés ou y ont grandi, ne peuvent être expulsés après avoir été condamnés pénalement en Belgique.

S'agissant de la question de la surpopulation carcérale, la délégation a reconnu que c'est là un problème lancinant depuis de nombreuses années maintenant en Belgique, qui porte à s'interroger sur plusieurs problématiques liées à la façon de punir et d'assurer l'exécution des peines prononcées ainsi qu'à l'utilité de la peine d'emprisonnement. Des efforts sont toutefois faits par le pouvoir exécutif notamment pour remédier à l'augmentation constante de la détention préventive, à l'allongement des peines et pour trouver d'autres modalités d'exécution des peines, comme la surveillance électronique ou les emprisonnements subsidiaires.

En ce qui concerne le statut légal des détenus, la délégation a indiqué que les discussions sur cette question sont très avancées et qu'on peut espérer un projet de loi très prochainement sur cette question.

Sur le problème des personnes présentant des troubles mentaux en prison, la délégation a rappelé qu'il faut distinguer entre les internés qui présentent des troubles mentaux et qui doivent être placés dans des établissements de défense sociale, les délinquants atteints d'un trouble mental et les handicapés mentaux. Elle a relevé la difficulté de trouver des médecins compétents ainsi que des places dans des établissements spécialisés. Les internés qui ne trouvent pas de place dans ce type d'établissement sont placés dans les annexes psychiatriques des prisons qui sont souvent surpeuplées et où ils ne bénéficient pas d'un traitement et d'un accompagnement appropriés, a reconnu la délégation.

En ce qui concerne l'applicabilité de l'article 14 du Pacte sur le droit à un procès équitable aux décisions des juridictions d'instruction statuant sur la détention provisoire, la délégation a indiqué que la Cour de cassation a nuancé sa jurisprudence en considérant que cette disposition est applicable devant les juridictions d'instruction dans la mesure où son inobservation avant la saisine du juge du fond risquerait de compromettre gravement le caractère équitable du procès.

En réponse à une question sur la non-reconnaissance des mosquées en Belgique, la délégation a rappelé les compétences respectives de l'État fédéral et des entités fédérées. Si le culte musulman est reconnu de longue date par l'État fédéral, les régions prennent le relais pour ce qui est de la gestion des communautés. Deux conditions doivent être remplies : la soumission par l'exécutif des musulmans de Belgique, organe représentatif du culte musulman, d'une demande globale au niveau fédéral puis de demandes particulières au niveau fédéré. Des dissensions apparues au sein de l'organe représentatif musulman qui doivent mener à son renouvellement à l'automne prochain ont retardé les procédures, mais une fois formé, il pourra soumettre la reconnaissance des mosquées et la titularisation des imams avec l'obligation qui en découle pour l'État, à savoir de les rémunérer et de financer leur établissement.

S'agissant du Centre fermé pour mineurs d'Everberg, la délégation a indiqué qu'un rapport d'évaluation a été publié qui analyse les documents qui réglementent le fonctionnement du centre, les difficultés de gestion et la capacité d'accueil du centre. Il apparaît que les fluctuations très importantes du taux d'occupation causent des problèmes de gestion. Le rapport constate que des progrès restent à faire dans le suivi des plaintes des jeunes placés mais que les plaintes émanent de l'extérieur sont dans l'ensemble bien traitées. En outre, la délégation a confirmé qu'il existe un règlement intérieur spécifique du centre qui traite des conditions de vie, des contacts avec l'extérieur et des plaintes introduites par les mineurs placés. Elle a également confirmé que des projets pédagogiques ont été mis en place.

S'agissant des mineurs étrangers, la délégation a fait valoir qu'avec l'entrée en vigueur du régime de tutelle des mineurs étrangers non accompagnés (MENA), un système d'accueil a été mis en place qui répartit les compétences entre les différentes instances de sorte qu'il n'y ait plus de mineurs enfermés et qu'ils bénéficient d'un accompagnement psychosocial. Toutefois, la délégation a reconnu que des accords de coopération restent à conclure avec les entités fédérées pour qu'il y ait une mise en place effective de ce système. Chaque mois, environ 300 mineurs étrangers non accompagnés font l'objet d'un enregistrement. À l'heure actuelle, une soixantaine de tuteurs ont été agréés seulement. On tente de combler ce déficit par des mesures d'encouragement et des accords avec des associations.

Au sujet d'informations selon lesquels des mineurs rapatriés auraient disparus, la délégation a indiqué ne pas avoir eu connaissance de tels cas et assuré qu'une attention particulière est portée aux conditions d'accueil des mineurs rapatriés dans leur pays d'origine.

En réponse à une question sur les mesures prises pour lutter contre la pornographie enfantine, la délégation a indiqué que les services de police sont actifs dans la lutte contre la pornographie enfantine sur l'internet. Elle a toutefois relevé les difficultés liées à l'identification et à la localisation des sites dont la plupart sont à l'étranger, ainsi qu'aux courts délais de préservation des données. Mais elle a assuré de la détermination du Gouvernement belge de lutter contre ce phénomène, comme en témoigne l'adoption de la Convention contre la cybercriminalité.
Répondant à une question sur la répudiation, la délégation a précisé que le Parlement a adopté à l'issue d'un débat très vif, une disposition de droit international privé qui place des conditions restrictives et cumulatives à cette forme de dissolution du mariage. Cette décision a été prise du fait que, dans un certain nombre de situations, il a été constaté que la femme pouvait avoir intérêt à ce que cette répudiation soit reconnue afin, par exemple, de pouvoir se remarier.

S'agissant de l'incrimination des actes terroristes en droit interne, la délégation a fait valoir que le Gouvernement belge et le Parlement ont beaucoup investi pour transposer la décision-cadre de l'Union européenne sur cette question. Il s'est efforcé de calibrer cette infraction à travers un certain nombre d'infractions de droit commun, et deux dispositions supplémentaires ont été inclues pour éviter les risques de dérives dans la qualification des «groupes terroristes» ainsi que pour éviter une interprétation visant à réduire ou entraver des droits et libertés fondamentaux, telles que le droit de grève, de manifestation et de réunion par exemple. En outre, un recours en annulation a été introduit contre cette loi et la Cour d'arbitrage sera appelée à se prononcer sur sa légalité prochainement, a indiqué la délégation.

En ce qui concerne la loi de compétence universelle, la délégation a rappelé qu'elle a été adoptée à l'unanimité par le Parlement en 1993 afin de poursuivre les crimes de guerre. La loi a ensuite a été élargie en 1999 pour inclure les crimes de génocide et les crimes contre l'humanité. C'est dans ce cadre qu'une cinquantaine de plaintes ont été déposées. Cette expérience porte notamment à conclure que si les victimes ont été aussi nombreuses à se tourner vers la Belgique c'est qu'elles n'avaient malheureusement pas d'autre recours. Il faut aussi reconnaître qu'un petit pays comme la Belgique ne peut s'occuper de rendre la justice seul. En ce qui concerne les plaintes qui ont été abandonnées depuis l'adoption de la nouvelle loi, la délégation a précisé que la plupart d'entre elles l'ont été car elles étaient irrecevables en vertu de l'arrêt Yerodia de la Cour internationale de justice, qui ne permet pas à une juridiction nationale de juger un chef d'État ou de gouvernement, ni un ministre en exercice au moment des faits.

Au sujet des fondements juridiques de la loi de compétence universelle, il a été considéré que la Convention de Genève fondait elle-même la compétence universelle des États sans critère de rattachement. La nouvelle loi ne fait que modifier la précédente en introduisant des critères de rattachement. Pour ce qui est des plaintes qui sont déclarées irrecevables au regard des nouvelles dispositions, la délégation a posé la question de savoir si, dans le cadre d'un changement de politique pénale, l'État peut être accusé de ne pas faire droit à un procès équitable?

S'agissant de l'entraide judiciaire internationale, la délégation a fait valoir que le fait d'en faire une faculté et non une obligation, permet d'user d'une faculté d'appréciation en fonction des garanties fournies quant à la protection des droits de la défense.

Au sujet de la responsabilité de l'État pour des violations des dispositions du Pacte en dehors du territoire, la délégation a indiqué que la Belgique n'a pas eu à sa connaissance à appliquer ce principe, mais qu'une réponse plus approfondie sera apportée ultérieurement. Elle a toutefois indiqué que sur le principe, l'État belge a toujours répondu positivement lorsque sa responsabilité a été mise en cause au regard de ses obligations internationales.

La délégation a par ailleurs réaffirmé le souci qui anime son pays d'associer largement la société civile à l'élaboration des rapports de la Belgique. Les autorités belges sont également largement disposées à associer les organisations non gouvernementales au suivi des recommandations des organes conventionnels.




S'agissant des réserves de la Belgique au Pacte, notamment sur la possibilité d'appel aux jugements d'assise, la délégation a indiqué qu'il n'existait pas de proposition pour introduire un tel appel. En outre, elle a indiqué que dans le cadre de la refonte du code pénale, la question se posera sûrement de savoir si la Belgique restera fidèle à l'institution du juge d'instruction ou adoptera le système anglo-saxon.


Remarques de conclusion

M. ABDELFATTAH AMOR, Président du Comité des droits de l'homme, s'est félicité de la qualité, du sérieux et de la précision du rapport de la Belgique autant que des réponses aux questions écrites comme orales. La discussion a été particulièrement utile et instructive, a jugé M. Amor. Il a salué la vie juridique toujours active de la Belgique qui est en constante recherche de solutions pratiques et s'attache à rendre le droit effectivement en mesure d'accompagner la réalité. Il a pris note de la bonne volonté des autorités belges d'aller de l'avant comme en témoigne les projets de lois prometteurs, même si tant qu'ils restent à l'état de projet, le Comité ne peut les examiner. Il s'est félicité de ce que la Belgique ait tiré les leçons du drame de la Somalie et a salué la volonté d'établir un dialogue pluriculturel.

Toutefois, au-delà de l'énoncé des grandes orientations politiques nationales, il a souligné l'importance d'en mesurer l'impact et la mise en œuvre effective. Il a rappelé que toutes les questions sont toujours susceptibles de progrès mais en a relevé particulièrement trois qui méritent une attention et une action soutenue des autorités belges : le développement de la discrimination et de l'extrémisme politique qui professe le rejet de l'autre, d'une part, et contre lequel il convient de lutter, y compris en s'attaquant à son financement, qu'il soit public ou même privé; la réforme de la loi de compétence universelle, d'autre part, dans le cadre de laquelle il convient non seulement de ne pas oublier les victimes mais qu'il convient de ne pas décrédibiliser; enfin la question de la répudiation, dont M. Amor a rappelé qu'il s'agit là d'un terme très lourd et qui est en contradiction avec le Pacte. M. Amor a par ailleurs exprimé sa préoccupation quant au respect de la diversité religieuse notamment en ce qui concerne la reconnaissance du culte musulman ainsi que la position de la Belgique à l'égard de ce qu'elle qualifie de «sectes».



* *** *

VOIR CETTE PAGE EN :