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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME ACHÈVE SON DIALOGUE AVEC LA SUISSE

19 Octobre 2001



Comité des droits de l'homme
73ème session
19 octobre 2001
Après-midi





Le Vice-Président présente des observations préliminaires



Le Comité des droits de l'homme a achevé, cet après-midi, son dialogue avec la délégation de la Suisse en entendant le Vice-Président du Comité, M. David Kretzmer, qui a souligné, dans ses observations préliminaires sur le rapport de la Suisse, que si progrès ont été enregistrés dans le pays depuis la présentation du précédent rapport, des préoccupations persistent néanmoins en ce qui concerne le maintien par la Suisse des réserves qu'elle a émises à l'égard de plusieurs dispositions du Pacte.

Des préoccupations ont également été exprimées par nombre d'experts en ce qui concerne le traitement des étrangers par la police, a rappelé M. Kretzmer, qui a souligné que ces questions revêtent une importance particulière dans la mesure où la Suisse compte un nombre important d'étrangers.

La délégation suisse, dirigée par M. Heinrich Koller, Directeur de l'Office fédéral de la justice, a apporté aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, les modalités d'expulsion d'étrangers et les procédures de recours en matière d'asile; l'utilisation de balles déformantes par les polices cantonales; la liberté de circulation et d'établissement; la détention avant jugement; les questions relatives aux minorités; les possibilités de poursuite en Suisse de «touristes sexuels». À cet égard, la délégation a souligné que le projet de révision du Code pénal, qui devrait entrer en vigueur l'an prochain, facilite considérablement la poursuite pénale d'une personne ayant commis à l'étranger un acte d'ordre sexuel avec un enfant de moins de quatorze ans.

Le Comité présentera des observations finales sur le rapport de la Suisse à la fin de la session, le vendredi 2 novembre.

Lundi, le Comité tiendra des séances à huis clos pour examiner sur des communications qui lui sont soumises concernant des allégations de violations des dispositions du Pacte.



Fin de l'examen du rapport de la Suisse

Répondant aux questions des membres du Comité en ce qui concerne les réserves que la Suisse a émises à l'égard des articles 14 et 26 du Pacte - qui concernent respectivement la garantie du droit à un procès équitable et le principe général de non-discrimination - la délégation suisse a souligné, rappelant l'attachement de son gouvernement au droit international, qu'il ne saurait pour lui être question de lever une réserve sans avoir la conviction de la compatibilité de l'ordre juridique interne suisse avec les exigences de l'instrument international concerné. La délégation a rappelé que la Suisse a levé l'an dernier la réserve qu'elle avait émise à l'égard de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Le pays envisage actuellement de lever les réserves qu'il a émises à l'égard de certains paragraphes de l'article 14 du Pacte (qui concerne la garantie du droit à un procès équitable), mais examine encore attentivement la jurisprudence du Comité en la matière, a indiqué la délégation avant de préciser que les autorités entretiennent encore un certain doute pour ce qui est de l'étendue du contrôle judiciaire dans les contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil s'agissant des fonctionnaires. La délégation a néanmoins affirmé que la Suisse devrait fort probablement lever les réserves qu'elle a faites à l'égard des alinéas 1 et 3 de l'article 14 du Pacte. Pour le reste, la délégation a indiqué que le gouvernement a donné pour mandat à l'administration fédérale d'examiner s'il serait possible de lever toutes les réserves que le pays a émises à l'égard d'instruments internationaux.

S'agissant des deux cas d'expulsion d'étrangers qui se sont terminés tragiquement, mentionnés ce matin par un membre du Comité, la délégation a indiqué que dans le premier de ces cas - concernant M. Khaled Abouza Rifa - le tribunal de Zurich a décidé que le médecin impliqué avait commis une négligence dans l'examen de la situation médicale de M. Rifa. En ce qui concerne les policiers impliqués dans cette affaire, deux ont été relevés de toute charge, a précisé la délégation avant d'ajouter que pour ce qui est du chef du groupe, le tribunal a jugé insuffisantes les preuves présentées contre lui. Pour ce qui est du cas de M. Sanson Chukwy, le non-lieu a été prononcé car les policiers ont agi conformément aux directives existant dans le canton concerné (le Valais). L'avocat de M. Chukwy a néanmoins indiqué qu'il comptait faire appel de cette décision.

En ce qui concerne les informations selon lesquelles la conférence des chefs de polices cantonales aurait demandé que les forces de police soient autorisées à utiliser des balles dum-dum, la délégation a expliqué que les rapports que l'on a pu lire dans les journaux sur cette question ne sont pas exacts. Ce que les chefs de polices cantonales ont demandé, c'est de pouvoir utiliser des balles déformantes qui ont certes un effet grave mais ne sont pas des munitions dum-dum. Il n'en demeure pas moins que les autorités fédérales ne sont pas favorables à l'utilisation de ce type de munition. Certes, il relève de la compétence des cantons de décider des munitions que peuvent utiliser leurs polices, mais il incombe aux autorités fédérales de faire respecter les obligations internationales que le pays a contractées, a fait observer la délégation. Le Conseil fédéral a donc recommandé aux cantons ne pas se procurer ces munitions déformantes.

S'agissant des modalités d'expulsion des étrangers, la délégation a indiqué que lorsqu'une personne ayant fait l'objet d'une décision de renvoi dépasse le délai qui lui a été imparti pour quitter la Suisse et refuse catégoriquement de quitter la Suisse, l'intéressé peut alors être accompagné par la police cantonale de son lieu de séjour à l'aéroport, voire, dans certains cas, durant le vol. Si une personne oppose une forte résistance physique lors de tels rapatriements, des moyens de contraintes, par exemple l'usage de menottes, peuvent parfois être utilisés. Ces rapatriements sous escorte relèvent exclusivement de la compétence des cantons, a souligné la délégation. La Conférence des chefs des départements cantonaux de justice et de police et le Département fédéral de justice et police poursuivent, dans le cadre d'un projet dénommé «Passagier 2», leurs travaux portant sur l'examen des améliorations pratiques à apporter à l'exécution sous contrainte, par la police cantonale, des décisions de renvoi. Il est notamment envisagé la mise en place d'une formation spéciale à l'intention des membres des corps de police chargés d'effectuer des rapatriements sous escorte. Il est prévu que seuls les policiers qui auront suivi et réussi cette formation spécialisée seront autorisés à effectuer de tels rapatriements. L'équipe chargée de ce projet présentera en novembre prochain un rapport intermédiaire, a précisé la délégation avant d'ajouter que le rapport final de cette équipe est attendu dans le courant de 2002.

La Commission de recours en matière d'asile est un tribunal administratif spécialisé, impartial et indépendant, statuant en seconde et dernière instance sur tous les recours formés contre les décisions de l'Office fédéral des réfugiés rendues en matière d'asile et de renvoi, a expliqué la délégation. Le recours doit être déposé à la Commission de recours dans les 30 jours qui suivent la notification de la décision de première instance. Le délai peut être réduit à 10 jours en cas, par exemple, de renvoi préventif dans un État tiers. En cas de renvoi immédiat, «les demandes de restitution de l'effet suspensif du recours doivent être présentées dans les 24 heures qui suivent la notification de la décision», a indiqué la délégation.

La délégation a indiqué que la nouvelle loi sur l'asile ne prévoit pas de délai maximum global pour le traitement des demandes. Elle prévoit en revanche, pour certaines étapes de la procédure, les délais maxima dans lesquels les autorités concernées doivent rendre leur décision. À titre d'exemple, les décisions de non-entrée en matière doivent, en règle générale, être prises dans les 20 jours ouvrables qui suivent la date du dépôt de la demande.

S'agissant de la liberté de circulation, la délégation a assuré qu'il n'existe strictement aucune différence en Suisse entre un citoyen suisse et un étranger du point de vue de la liberté de circulation. C'est seulement pour ce qui est de la liberté d'établissement qu'il existe une différence entre Suisses et étrangers. En effet, selon la Constitution, si les Suisses ont le droit de s'établir librement en un lieu quelconque du pays, il n'en va pas de même pour les ressortissants étrangers puisqu'en vertu de la réglementation relative aux étrangers, les autorisations de séjour et d'établissement ne sont valables que pour le canton qui les a délivrées. C'est pourquoi la Suisse a jugé nécessaire de formuler une réserve à l'égard de l'article 12 du Pacte relatif à la liberté de circulation.

Interrogée sur la durée moyenne de la détention avant jugement dans les locaux de la police et sur le taux d'occupation des lieux de détention avant jugement, la délégation a souligné qu'en Suisse, la garde à vue est limitée à 24 heures sans possibilité de prolongation. Aucune information n'a été portée à la connaissance du gouvernement qui indiquerait que cette limite de 24 heures pour la détention policière poserait des problèmes particuliers en pratique, a assuré la délégation. Quant à l'utilisation des locaux de police pour exécuter une détention provisoire pouvant dépasser la limite de 24 heures, la délégation a indiqué qu'au 21 mars 2001, 6 815 postes de détention étaient à disposition dans l'ensemble du pays pour l'exécution des peines et des détentions provisoires. À cette même date, 5 160 personnes étaient incarcérées, ce qui correspond à un taux d'occupation des locaux de seulement 75%. Il arrive de temps à autre que la presse rapporte des sur-occupations temporaires dans les établissements pour l'exécution de la détention provisoire, a relevé la délégation. Toutefois, la situation s'est largement détendue dans ce domaine ces dernières années, a-t-elle assuré, précisant que cela est notamment dû au fait qu'aujourd'hui, un peu plus d'un tiers des peines privatives de liberté sont exécutées sous forme de travail d'intérêt général et non pas dans les prisons. Concernant la durée moyenne de détention provisoire, les statistiques montrent que dans les années 1990, 14% des personnes condamnées ont été placées en détention provisoire; la durée moyenne était de 41 jours et, dans la moitié des cas, ne dépassait pas 7 jours.


Interrogée sur la procédure existante en matière de poursuite en Suisse des personnes ayant commis des infractions sexuelles sur des mineurs à l'étranger, la délégation a souligné que le projet de révision du Code pénal transmis au Parlement par le Conseil fédéral facilite considérablement la poursuite pénale d'une personne ayant commis à l'étranger un acte d'ordre sexuel avec un enfant de moins de 14 ans. Une telle poursuite pourra en effet être intentée en Suisse même si l'infraction n'est pas punissable en droit étranger, ou si une poursuite en droit étranger est soumise à des conditions plus strictes qu'en droit suisse, a expliqué la délégation. De plus, lors des délibérations parlementaires, le Parlement fédéral a encore facilité la poursuite pénale des «touristes sexuels». Ainsi, le fait que l'auteur de l'infraction n'avait pas, au moment de l'acte, son domicile ou sa résidence habituelle en Suisse, ne fera plus obstacle à une poursuite pénale en Suisse. À l'avenir, a précisé la délégation, l'auteur d'actes sexuels avec un enfant à l'étranger ne pourra donc se soustraire à une poursuite en Suisse que si, pour le même acte, il a été acquitté à l'étranger par un jugement définitif ou a subi la sanction prononcée contre lui à l'étranger. Cette modification du code pénal devrait entrer en vigueur, selon toute vraisemblance, au cours de l'année prochaine, a indiqué la délégation. En vertu du droit actuellement en vigueur, le nombre de dénonciations enregistrées par les polices cantonales relatives à des actes d'ordre sexuel avec des enfants commis à l'étranger s'est élevé à une dénonciation en 1998, 5 dénonciations en 1999 et 8 en 2000.

S'agissant des questions relatives aux minorités, la délégation a notamment indiqué que le Gouvernement suisse soutient l'association «Radgenossenschaft der Landstrasse» qui assure un ensemble de services d'assistance aux gens du voyage. Divers cantons et communes (en particulier les cantons de Berne, des Grisons et du Tessin) ont par ailleurs réagi aux problèmes du manque d'aires de stationnement et de transit permettant aux gens du voyage de préserver leur mode de vie.

En ce qui concerne les sans-papiers en Suisse, la délégation a fait observer que ces personnes ne constituent pas un groupe homogène. Aussi, le Conseil fédéral est-il opposé à une régularisation collective des sans-papiers en raison des disparités qui caractérisent les situations de ces personnes.


Observations préliminaires sur le rapport de la Suisse

Présentant des observations préliminaires sur le deuxième rapport périodique de la Suisse, le Vice-Président du Comité, M. David Kretzmer, a constaté que des progrès ont été enregistrés dans ce pays depuis la présentation du précédent rapport suisse. Des préoccupations persistent néanmoins en ce qui concerne le maintien par la Suisse des réserves qu'elle a émises à l'égard de plusieurs dispositions du Pacte. Les membres du Comité ont cependant pris note de la volonté de la Suisse de procéder à un examen approfondi de toutes ces réserves.

La structure fédérale du pays semble créer des problèmes lorsqu'il s'agit d'assurer la mise en œuvre dans tous les cantons suisses des dispositions du Pacte, a par ailleurs relevé M. Kretzmer. Des préoccupations ont en outre été exprimées par plusieurs experts du Comité en ce qui concerne le traitement des étrangers par la police, a-t-il rappelé. Étant donné que la Suisse compte énormément d'étrangers, ces questions revêtent une importance particulière, a-t-il souligné. Il faut espérer que dans le prochain rapport, des progrès encore plus importants pourront être constatés en ce qui concerne l'égalité entre hommes et femmes en Suisse, a déclaré le Vice-Président.


La délégation suisse a assuré qu'elle accorderait la plus grande attention aux observations du Comité.




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