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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME POURSUIT L'EXAMEN DU DEUXIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DU MALI

26 Mars 2003



Comité des droits de l'homme
77ème session
26 mars 2003
Matin




Le Comité des droits de l'homme a poursuivi, ce matin, l' examen du deuxième rapport périodique du Mali en entendant les réponses de la délégation aux questions posées hier par les experts Comité. Le Président du Comité a présenté des observations préliminaires; des observations finales seront adoptées en séance privée au cours de la session et rendues publiques à la clôture, le vendredi 4 avril.
En fin de séance, le Président du Comité, M. Abdelfattah Amor, tout en se disant sensible aux efforts de la délégation du Mali, a souligné que les informations et les réponses apportées sont trop souvent théoriques ou font état de projets. Il a constaté que de nombreuses questions restent en suspens en ce qui concerne l'application dans les faits de sanctions s'agissant d'un certain nombre de violations, en particulier s'agissant de l'excision, de l'esclavagisme ou de la violence domestique. M. Amor a également regretté l'absence d'exemples concrets de l'application des dispositions du Pacte.
En réponse aux questions des membres du Comité, la délégation du Mali a réaffirmé son engagement en faveur des droits de l'homme tout en indiquant que le Gouvernement est impliqué dans un grand chantier non seulement pour traduire les dispositions du Pacte dans sa loi interne mais encore pour faire changer les mentalités et assurer le respect des droits, en particulier ceux de la femme et des enfants, dans la pratique. À cet égard, le Mali a requis l'aide du Comité en particulier pour l'aider à dynamiser sa Commission nationale consultative pour les droits de l'homme.
Le Comité poursuivra ses travaux demain après-midi à partir de 15 heures, pour entendre un rapport de l'Expert juridique du Comité contre le terrorisme du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Examen du rapport du Mali
En réponse aux questions du Comité, la délégation du Mali a réaffirmé son engagement en faveur des droits de l'homme tout en indiquant que le Gouvernement est impliqué non seulement dans un grand chantier pour traduire les dispositions du Pacte dans sa loi interne mais aussi pour faire changer les mentalités et assurer le respect des droits, en particulier ceux de la femme et des enfants, dans la pratique.
En ce qui concerne la place des femmes et leur participation, la délégation a d'abord indiqué que les femmes représentent 55, 5% de la population totale. Elle a affirmé que la femme est le centre primordial de la société malienne et que le Gouvernement fait tous les efforts pour corriger les violations existantes à l'encontre des femmes tout en jugeant que ces violations ne sont pas très nombreuses.
S'agissant de la violence domestique, la délégation a rappelé qu'elle est punie selon le Code pénal et qu'en outre, un grand nombre d'organisations et d'associations existent afin d'aider les victimes des violences domestiques. Le Ministère de la femme a entrepris des campagnes de sensibilisation à cet égard. En outre, la délégation a mis l'accent sur l'existence d'une police des mœurs auprès de laquelle les femmes peuvent déposer plainte pour violence domestique. À ce sujet, plusieurs membres du Comité ont rappelé que les dispositions du Pacte exigent que des législations spécifiques soient adoptées et ont demandé au Mali d'adopter des lois punissant explicitement la violence domestique et contre les femmes en général.
S'agissant de la demande de plusieurs membres du Comité sur la part des femmes dans des organes gouvernementaux, en particulier à l'Assemblée nationale et au Conseil économique et social, la délégation a indiqué qu'elle fournirait ces chiffres ultérieurement. À cet égard, plusieurs membres ont souligné l'importance symbolique de la participation des femmes à ce genre d'organes afin de faire évoluer les mentalités sur le rôle et la place de la femme dans la société.
En ce qui concerne l'invocation de la coutume pour expliquer certaines violences à l'encontre des femmes, plusieurs experts ont rappelé qu'il faut que les États qui ont ratifié les instruments internationaux, jouent leur rôle et édifient leur société en respectant leurs engagements internationaux en matière de protection et de promotion des droits de l'homme.
La délégation a indiqué que la question de l'héritage fait partie du projet de nouveau code de la famille actuellement en cours de rédaction. Elle a précisé que jusqu'à présent, l'héritage se fait soit selon les règles coutumières soit celles du droit positif, au choix des familles.
La délégation a également affirmé que dans ce nouveau code de la famille, l'âge du mariage, pour les filles comme pour les garçons, sera de 18 ans minimum.
Sur la pratique du «lévirat», la délégation a précisé qu'elle vise en premier lieu à assurer la sécurité des veuves et leur prise en charge ainsi que celle de leurs enfants par la famille et, en particulier, le frère du défunt, mais que la décision effective pour la veuve d'épouser son beau-frère est soumise à son accord. À cet égard, la délégation a indiqué que de moins en moins de femmes acceptent ce mariage.
Concernant les mutilations génitales, la délégation a indiqué de nombreuses organisations non gouvernementales œuvrent contre l'excision par le biais de campagnes de sensibilisation et d'information, notamment sur les dangers qu'elle représente pour la santé des femmes. En outre, un Comité national de lutte contre les mutilations génitales a été créé et une loi sur la santé de la reproduction a été adoptée qui interdit notamment la pratique de l'excision dans les hôpitaux. Un Programme national de lutte contre l'excision a en outre été mis en œuvre.
La délégation a par ailleurs indiqué qu'il n'y a aucun problème pour qu'un enfant de mère malienne acquière la nationalité de sa mère et que cela se fait de façon automatique.
En ce qui concerne le sida, la délégation a précisé que le taux d'infection est de 1,7% au Mali. Elle a souligné que l'implication du Mali dans la lutte contre le sida a été reconnue par l'ONUSIDA. En ce qui concerne la prévention dans le cadre des opérations de maintien de la paix, le représentant a indiqué qu'un travail de prévention est bien mené et qu'il s'est traduit par un taux d'infection plus faible dans les forces armées.
Sur la question des minorités et de la composition ethnique de la population, la délégation a répondu que le brassage de la population est tel au Mali que la question des minorités n'existe pas et qu'en outre, ce brassage est également le fondement de la tolérance qui prévaut au Mali.
Concernant ces filles que l'on appelle «les bonnes», la délégation a réitéré que ce phénomène est avant tout lié à la pauvreté qui règne dans les campagnes et fait que les jeunes filles partent à la ville travailler notamment pour aider leur mères à préparer leur trousseau. La délégation a en outre indiqué que des mesures sont prises pour aider ces jeunes filles et que des spots de télévision sont notamment diffusés pour rappeler qu'il est interdit d'employer des filles mineures. Plusieurs membres du Comité ont demandé comment le Programme national d'aide à ces filles leur a effectivement bénéficié et comment le Gouvernement fait pour d'une part les protéger et de l'autre recevoir leurs plaintes.
Sur la question des réfugiés, la délégation a mis en exergue le brassage qui existe entre les populations malienne, sénégalaise et mauritanienne qui rend difficile leur décompte. Pour les réfugiés libériens et sierra-léonais, elle a précisé qu'un centre de transit a été créé. Elle a en outre indiqué que la question des apatrides ne se pose pas vraiment car toute personne résident au Mali pour demander sa naturalisation.
S'agissant de l'application du Pacte dans le droit interne, la délégation a rappelé que la Cour constitutionnelle est habilitée à examiner la constitutionnalité des lois et peut annuler une loi non conforme aux instruments internationaux. Il est en outre possible de faire valoir des violations des droits de l'homme devant tous les tribunaux du pays puisque les dispositions du Pacte sont supérieures à toute autre loi, a indiqué la délégation.
En ce qui concerne l'indépendance de la justice, la délégation a précisé que le projet de nouveau code la magistrature vise à la renforcer. Il a été précisé que la présidence du Conseil supérieur de la Magistrature par le Président de la République est purement honorifique.
La délégation a par ailleurs indiqué qu'un projet de décret est à l'étude afin de redynamiser la Commission nationale consultative des droits de l'homme. À cet égard, la délégation a sollicité l'aide du Comité pour la rédaction de ce décret afin de dynamiser la Commission et impliquer davantage les organisations non gouvernementales. En outre, la délégation a précisé que, selon le programme décennal de la justice, l'éducation aux droits de l'homme doit être intégrée aux programmes scolaires.
En ce qui concerne la garde à vue, la délégation a précisé qu'elle est réglementée par le nouveau Code pénal. C'est le Procureur qui prend la décision de la prolonger, en particulier afin de respecter la présomption d'innocence. Assurant que la règle est la liberté plutôt que la détention, la délégation a souligné que les demandes de liberté conditionnelle sont accordées chaque fois que cela est possible.
Pour ce qui est de la surpopulation dans les prisons, la délégation a indiqué que le Ministère de la justice a organisé l'évacuation d'un grand nombre de prévenus qui n'ont pas été jugés. Elle a précisé que le nouveau code de procédure pénale prévoit en outre que les personnes incarcérées sans jugement au-delà d'un certain délai doivent être relâchées.
La délégation a par ailleurs réaffirmé qu'il y a un moratoire sur la peine de mort et que la tendance est à l'abolition. La délégation a précisé que toutes les peines ont été commuées.
Au sujet des préoccupations exprimées par certains membres du Comité quant à la régularité du processus électoral, la délégation a souligné la grande difficulté que représente l'enregistrement des électeurs et la délivrance de cartes d'identités au Mali, notamment du fait de la grande dimension du pays, de l'insuffisance des voies de communication et du fort taux d'analphabétisme.
En réponse à une question sur le Parlement des enfants, la délégation a expliqué qu'il s'agit d'un groupe d'enfants organisés comme le Parlement national et qui peut interpeller ce dernier sur toutes les questions qui concernent les enfants. La Cité des enfants quant à elle est un lieu à vocation éducative et culturelle destiné à tous les enfants.
Concernant la question du trafic d'enfants, la délégation a indiqué que le Mali a donné suite aux recommandations de la réunion de Cotonou sur le trafic d'enfants et qu'il travaille à l'harmonisation des politiques en la matière entre les autres pays de l'Afrique francophone.

Observations préliminaires
M. ABELFATTAH AMOR, Président du Comité des droits de l'homme, s'est dit sensible à l'effort fait par la délégation pour répondre aux questions du Comité. Toutefois, il a souligné que les informations et les réponses apportées sont souvent théoriques ou font état de projets. De nombreuses questions demeurent sur l'application dans les faits de sanctions pour un certain nombre de violations. À cet égard, M. Amor a cité les exemples de l'excision, de l'esclavagisme et de la violence domestique dont il est dit que ce sont des pratiques interdites par la loi mais dont on ne sait pas exactement quelles sanctions sont prises. M. Amor a regretté l'absence d'exemples concrets de l'application des dispositions du Pacte. Il a souligné la responsabilité de l'État pour assurer que le nouveau Code de la famille soit conforme aux dispositions du Pacte. M. Amor s'est en particulier interrogé sur l'ampleur du phénomène du «lévirat», ou encore sur l'attitude de l'État face à la polygamie.



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