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LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTEND LES MINISTRES DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA BELGIQUE ET DU ROYAUME-UNI

18 Avril 2002



Commission des droits de l'homme
58ème session
18 avril 2002
Matin





Elle se penche sur la situation des droits de l'homme
en Colombie et poursuit l'examen des questions relatives
aux droits de l'enfant et aux droits des femmes



La Commission des droits de l'homme a entendu, ce matin, des déclarations du Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Belgique et du Secrétaire d'État aux affaires étrangères du Royaume-Uni. Au titre de l'organisation des travaux, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme a présenté son rapport sur la situation des droits de l'homme en Colombie, au sujet duquel plusieurs délégations ont fait des déclarations, notamment le Vice Président et Ministre de la défense de la Colombie. La Commission a ensuite reprise son débat sur les droits de l'enfant et l'intégration des droits fondamentaux des femmes.

Au titre de la promotion et de la protection des droits de l'homme, la Commission a également entendu une brève intervention de la Représentante spéciale sur les défenseurs des droits de l'homme, Mme Hina Jilani, qui a présenté son rapport sur la question, qui rend compte notamment des missions qu'elle a effectuées en Colombie et au Kirghizistan. En tant que pays concerné par ce rapport, le Kirghizistan a fait une déclaration.

Le Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Belgique, M. Louis Michel, a déclaré que l'on assiste dans de nombreux pays, et aussi dans nos démocraties, à une certaine banalisation face à l'émergence de courants et d'idées xénophobes. M. Michel a souligné que l'évaluation de son propre bilan en matière de droits de l'homme est essentielle, bien que l'autocritique n'exclut pas le droit de regard sur l'autre. Il a souligné qu'en Belgique, une attention particulière a été réservée à son passé colonial, et le Gouvernement belge a estimé qu'il était indiqué de présenter à la famille de Patrice Lumumba et au peuple congolais ses profonds et sincères regrets et ses excuses pour la douleur qui leur a été infligée en raison de l'apathie et de la froide neutralité du gouvernement de l'époque. S'agissant de la situation au Moyen Orient, la communauté internationale a le devoir d'intervenir, pourquoi pas en organisant une grande conférence internationale qui assurerait aux deux parties le soutien et la confiance de la communauté internationale dans la recherche d'une solution juste et durable.

Le Secrétaire d'État aux affaires étrangères du Royaume-Uni, M. Jack Straw, a pour sa part déclaré que, comme toute nation, Israël a le droit de se défendre contre le terrorisme. La terreur dont ont souffert les Israéliens, en particulier du fait des attentats suicides, est déplorable; mais leurs actions militaires en Cisjordanie ne sont pas de nature à protéger Israël contre de nouvelles attaques et ont déjà infligé de nouvelles souffrances au peuple palestinien, a déclaré M. Straw avant d'affirmer qu'Israël doit retirer ses forces dès maintenant et respecter les résolutions du Conseil de sécurité ainsi que les exigences du droit humanitaire international. Il a noté que, ces dernières décennies, la principale préoccupation de ceux qui œuvraient à la défense des droits de l'homme avait pour objet les pays où l'État avait trop de pouvoir. De tels pays existent encore aujourd'hui, mais ce sont de plus en plus souvent les pays dans lesquels l'État a trop peu de pouvoir ou dans lesquels l'État s'est effondré qui suscitent des préoccupations. L'une des tâches essentielles de la politique étrangères moderne consiste à offrir des systèmes d'alerte précoce des crises futures, a-t-il ajouté avant d'avertir que la lutte contre le terrorisme ne doit pas devenir un prétexte pour mettre en veilleuse les normes de droits de l'homme si difficilement établies au cours des cinquante dernières années.

L'Iraq a exercé son droit de réponse suite à la déclaration de M. Straw qui a nommément cité son pays parmi d'autres.

Présentant son rapport sur la situation des droits de l'homme en Colombie, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Mary Robinson, a notamment déclaré que le plus grand défi auquel est confronté le pays réside dans le maintien de la primauté du droit constamment mis en danger par le conflit armé qui perdure, l'escalade de la violence, l'application de la Loi sur la sécurité nationale et de la Loi sur le terrorisme, la mauvaise administration de l'appareil judiciaire et l'émergence d'une menace paramilitaire. En réponse à la présentation de ce rapport, le Vice-Président de la République de Colombie, M. Gustavo Bell Lemus, a exhorté une fois de plus les organismes internationaux à faire des efforts pour bien comprendre la complexité de la réalité colombienne. Il a déploré que le rapport de Mme Robinson persiste dans les mêmes schémas d'analyse que ceux qui avaient été observés antérieurement.

Suite à la présentation du rapport sur la situation des droits de l'homme en Colombie, ont également fait des déclarations les représentants du Canada et de l'Espagne (au nom de l'Union européenne et des pays associés) ainsi que ceux des organisations non gouvernementales suivantes : Franciscain international, Fédération syndicale mondiale, Amnistie internationale, Service international pour les droits de l'homme, Commission colombienne de juristes, Commission internationale de juristes et Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples.

Ont fait des déclarations au titre des droits de l'enfant et de l'intégration des droits fondamentaux des femmes les représentants de la Nouvelle-Zélande et de la Jordanie ainsi que des organisations non gouvernementales suivantes: Fédération internationale des femmes diplômées des universités (au nom de plusieurs ONG), Human Rights Advocates (également au nom de plusieurs ONG), Comité interafricain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants en Afrique (au nom de plusieurs ONG), Association internationale pour la défense de la liberté religieuse, Commission colombienne de juristes, Organisation mondiale contre la torture, Alliance internationale d'aide à l'enfance, Fédération internationale Terre des hommes, International Human Rights Law Group, Franciscain international, Association internationale pour la liberté religieuse et International Educational Development.

Cet après-midi, à 15 heures, la Commission entendra les institutions nationales de droits de l'homme et devrait achever son débat sur les droits de l'enfant et l'intégration des droits fondamentaux des femmes.



Déclarations des Ministres des affaires étrangères de Belgique et du Royaume-Uni

M. LOUIS MICHEL, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de Belgique, a remercié la Haut-Commissaire aux droits de l'homme pour la détermination avec laquelle elle a défendu les droits de l'homme pendant les cinq années de son mandat. Il a exprimé la reconnaissance de la Belgique pour «votre engagement et pour la vision humaniste que vous aspirez à nous faire partager». Nous faisons face à de plus en plus de violations massives des droits de l'homme, à l'exclusion de groupes ethniques entiers, à la recrudescence d'actions violentes, à l'augmentation d'élections à risque, à la déliquescence des structures de l'État dans de nombreux pays et aussi dans nos démocraties à une certaine banalisation face à l'émergence de courants et d'idées xénophobes. La promotion de la démocratie et des droits humains demande ainsi une approche plus intégrée et plus globale qu'auparavant, en particulier entre les États et les organisations internationales compétentes, les organisation non gouvernementales, les entreprises privées et les citoyens.

Le Ministre belge des affaires étrangères a souligné que la défense des droits de l'homme est au centre de la prévention des conflits : il s'agit d'encourager un développement économique durable tout comme de créer ou de renforcer un système démocratique; il faut mobiliser nos énergies pour favoriser le développement humain auquel chaque personne a droit; il s'agit aussi de soutenir l'État de droit, les médias indépendants, l'égalité des genres. Des actions de prévention à long terme incluent également des mesures spécifiques en situation de post-conflits en créant un climat propice à la reconstruction. Il a également plaidé en faveur de la reconstruction ou la consolidation d'États . Dans ce contexte, la mondialisation est le fruit d'une double conjonction : le politique a perdu sa primauté et les moyens technologiques instrumentalisés par les pouvoirs financiers l'ont débordé. La politique n'a pas prévu les effets fulgurants des libertés libérées. Or, la question du rôle et de la capacité de l'État sera et devra être posée parce qu'elle est le cœur existentiel de la démocratie. Les mesures de prévention des conflits dont nous disposons offrent un éventail de possibilités, telles que des missions d'enquête sur le terrain, de médiation ou de déploiement d'observateurs.

Le drame qui se joue actuellement au Moyen-Orient nous interpelle tous. Les populations touchées par une telle violence, palestiniennes et israéliennes, sont à bout de force. Littéralement. Cela nous interpelle de manière particulièrement pressante. La communauté internationale a le devoir d'intervenir, en créant un cadre, et pourquoi pas en organisant une grande conférence internationale qui assurerait aux deux parties le soutien et la confiance de la communauté internationale dans la recherche d'une solution juste et durable. Devant ce drame, la Belgique demeure en effet convaincue que la Commission des droits de l'homme a un rôle à jouer, en appui également à la relance des efforts de paix.

Le Ministre des affaires étrangères de la Belgique a souligné que l'évaluation de son propre bilan en matière de droits de l'homme est essentielle. Mais l'autocritique n'exclut pas le droit de regard sur l'autre. La Commission doit donc continuer de dénoncer légitimement les pratiques de non-droit, d'où qu'elles viennent et sans que ces dénonciations soient imputées à quelque clivage que ce soit, d'ordre géopolitique, philosophique ou autre. En Belgique, une attention particulière a été réservée à son passé colonial. La Commission d'enquête du Sénat sur l'assassinat de Patrice Lumumba a voulu clarifier les circonstances de ce drame et le Gouvernement belge a estimé qu'il était indiqué de présenter à la famille de Patrice Lumumba et au peuple congolais ses profonds et sincères regrets et ses excuses pour la douleur qui leur a été infligée « en raison de l'apathie et de la froide neutralité du gouvernement de l'époque. » La Belgique a aussi saisi cette occasion pour soutenir les efforts accrus de l'Union européenne en faveur des pays de la région et pour intensifier la coopération bilatérale. Par ailleurs la lutte contre toutes les formes de racisme nous interpelle tous et appelle de notre part une vigilance constante. Pour sa part, le Gouvernement belge a pris des mesures pour faire face à des actes odieux de racisme commis récemment à l'égard d'une communauté civile et religieuse qui fait partie de longue date de notre société dans le contexte dramatique du conflit du Moyen-Orient.

M. Michel a rappelé que c'est au lendemain de la Conférence de Durban que la communauté internationale a connu une des manifestations les plus douloureuses de la mondialisation du fanatisme, sans parler de celles parfois moins visibles mais non moins cruelles qui continuent à ravager plusieurs régions du monde. La volonté résolue de lutter contre les fléaux que sont la pauvreté, le racisme, l'intolérance, le terrorisme constitue un développement majeur dans les relations internationales. Le respect des droits de l'homme et du droit humanitaire international s'impose à tous et en toutes circonstances. Il faut aussi veiller à ce que la lutte contre le terrorisme respecte strictement les droits de l'homme.

M. JACK STRAW, Secrétaire d'État aux affaires étrangères et au Commonwealth du Royaume-Uni, a affirmé que l'entrée en vigueur du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le 1er juillet prochain, constituera un important pas en avant pour la primauté du droit dans le monde. La décennie écoulée a vu le déclin historique de l'autoritarisme, tant à gauche qu'à droite, s'est-il félicité. Ainsi, la démocratie, les droits de l'homme et la primauté du droit prennent-ils le dessus sur la tyrannie, l'oppression et le règne de la peur. Cela n'est pas dû au fait que ceux qui sont sortis victorieux de la guerre froide auraient imposé leurs valeurs aux autres; cela est simplement dû au fait que dans tous les pays, les uns après les autres, les peuples ont choisi ces valeurs comme étant celles qu'ils souhaitaient voir présider à leur destinée.

Au cours de l'essentiel de l'histoire de la Commission des droits de l'homme, a poursuivi M. Straw, la principale préoccupation de ceux qui œuvraient à la défense des droits de l'homme avait pour objet les pays où l'État avait trop de pouvoir. De tels pays existent encore aujourd'hui, mais ce sont de plus en plus souvent des pays dans lesquels l'État a trop peu de pouvoir ou dans lesquels l'État s'est effondré qui suscitent des préoccupations. Là où la pauvreté, les conflits et l'oppression ont fait échouer l'État, que ce soit en Afrique centrale ou en Afghanistan, il ne saurait y avoir de protection des droits de l'homme. Là où les droits de l'homme sont ignorés, l'expérience prouve que les criminels et les terroristes prospèrent et que la sécurité régionale et globale est menacée parce que le chaos se répand. Que ce soit au sujet du nettoyage ethnique en Europe du Sud-Est, du génocide au Rwanda ou du chaos en Afghanistan qui a conduit aux attentats du 11 septembre, les violations des droits de l'homme auraient dû alerter la communauté internationale bien plus tôt des menaces sécuritaires qui émergeaient. Cela s'applique aussi à l'Iraq, où les violations flagrantes des droits de l'homme avaient commencé à l'intérieur du pays bien avant l'invasion et l'annexion du Koweït en 1990, a rappelé M. Straw. Il en découle que l'une des tâches essentielles de la politique étrangères moderne consiste à offrir des systèmes d'alerte précoce des crises à venir.

Le Secrétaire d'État britannique a souligné que le combat pour les droits de l'homme doit constituer l'un des principaux éléments de la lutte contre le terrorisme. Il a ajouté qu'il n'a avait pas de contradiction entre les deux. La lutte contre le terrorisme ne doit pas devenir un prétexte pour «mettre en veilleuse» les normes de droits de l'homme si difficilement établies au cours des cinquante dernières années. Israël, comme tout autre pays, a le droit de se défendre contre le terrorisme, a-t-il poursuivi. La terreur dont ont souffert les Israéliens, en particulier du fait des attentats suicides, est déplorable, mais leurs actions militaires en Cisjordanie ne sont pas de nature à protéger Israël contre de nouvelles attaques et ont encore accentué les souffrances du peuple palestinien. Israël doit retirer ses forces dès maintenant et respecter les résolutions du Conseil de sécurité ainsi que les exigences du droit humanitaire international. La Russie aussi a souffert d'attaques terroristes, a poursuivi M. Straw. Il a indiqué que le Royaume-Uni reconnaît qu'il y a des extrémistes en Tchétchénie qui ont des liens avec Al-Qaïda. Il n'en demeure pas moins que les actions militaires doivent respecter les normes internationales en matière de droits de l'homme et le Royaume-Uni se réjouirait de tout nouvel effort russe pour répondre à ces préoccupations, a déclaré le Secrétaire d'État.

Un monde globalisé ne saurait se passer de valeurs mondiales, a déclaré M. Straw. En Corée du Nord et en Iraq, les violations des droits de l'homme vont de pair avec un isolement presque total par rapport aux avantages que peut apporter un monde globalisé. Les problèmes de la Birmanie ont la même origine, a-t-il estimé. En Chine, a également déclaré M. Straw, des progrès économiques considérables ont transformé la vie de millions de personnes. Mais alors que les gens se voient dénier leur droit à la liberté d'expression et leurs libertés politiques, leur potentiel ne peut s'exprimer pleinement. Le Royaume-Uni est gravement préoccupé par le traitement que la Chine réserve aux dissidents et aux minorités religieuses, ainsi que par l'utilisation de la peine de mort et de la torture dans ce pays, sans parler de sa conduite au Tibet et au Xinjiang. Il en va de l'intérêt de la Chine de répondre aux préoccupations internationales, a affirmé M. Straw. Il a par ailleurs affirmé que l'on a vu au Zimbabwe comment l'érosion de la primauté du droit sur plusieurs années a entraîné une atteinte aux droits de l'homme, le système électoral ayant en outre été manipulé et l'effondrement de l'économie accéléré. «Nous nous protégeons nous-mêmes en protégeant les droits de l'homme», a déclaré le Secrétaire d'État britannique avant de préciser que les droits de l'homme ne sont pas une option mais un élément indispensable pour notre sécurité et notre prospérité.


Examen du rapport de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Colombie

MME MARY ROBINSON, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a présenté son cinquième rapport sur la situation des droits de l'homme en Colombie (E/CN.4/2002/17). Elle a précisé qu'elle avait effectué deux visites en Colombie en qualité de Haut-Commissaire aux droits de l'homme. Elle a détaillé les mesures importantes prises par le Gouvernement colombien comme la création du Bureau du médiateur. Elle a informé la Commission que le mandat du Bureau du Haut-Commissariat en Colombie avait été prolongé jusqu'en avril 2003 et que le Haut Commissariat a été autorisé à ouvrir deux autres bureaux, à Cali et à Medellín. Elle a fait savoir qu'au cours de son mandat, le Bureau du Haut Commissariat en Colombie avait reçu 1414 plaintes et effectué 164 visites sur le terrain. En outre, le Bureau a permis de former 70 procureurs, 380 représentants municipaux et 55 conseillers pour le Bureau du ministère public.

S'agissant de la situation générale dans le pays, elle a déclaré que le plus grand défi était le maintien de la primauté du droit constamment mis en danger par le conflit armé qui perdure, l'escalade de la violence et l'application de la Loi sur la sécurité nationale, la Loi sur le terrorisme, la mauvaise gestion de l'appareil judiciaire et l'émergence d'une menace paramilitaire. Préoccupée par la détérioration de la situation des droits de l'homme dans le pays, elle a notamment signalé des violations du droit à la vie, de l'intégrité des personnes, de la liberté et de la sécurité des personnes. Dans un tel contexte, elle a exprimé sa déception devant l'échec des pourparlers de paix entre le Gouvernement et la guérilla des FARC. Elle a appelé les parties au conflit à adopter un accord général pour le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire. La Haut Commissaire s'est inquiétée de l'escalade de la violence, des attaques perpétrées contre des biens civils et des infrastructures, ce qui porte atteinte à la capacité de l'État d'assurer la réalisation des droits de l'homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels et la fourniture de services sociaux de base.

Mme Robinson s'est déclaré gravement préoccupée par l'affaiblissement des capacités de l'État à mettre en œuvre ses recommandations et par le retrait de l'État de nombreuses régions du pays en raison de l'extension du conflit armé, ce qui entrave la bonne gouvernance. Dans le même temps, a-t-elle observé, l'État renforce son armée au détriment des institutions civiles. Elle a illustré son propos en citant l'exemple de l'adoption et de la mise en œuvre de la Loi sur la sécurité nationale et la défense. Cette loi subordonne les civils au pouvoir militaire, a-t-elle précisé en se félicitant que la Cour constitutionnelle colombienne l'ait déclarée anticonstitutionnelle. La Haut-Commissaire a ensuite attiré l'attention sur le renforcement des groupes paramilitaires, ce qui confirme la faiblesse de l'État. Elle a également exprimé sa préoccupation devant les allégations selon lesquelles nombre des personnes récemment élues au Parlement représentent des groupes paramilitaires. En outre, un certain segment de la société en est venu à considérer les activités des groupes paramilitaires comme normales et certains candidats proposent même de les officialiser en armant un million de civils. La Haut-Commissaire a estimé que la communauté internationale avait le devoir de dénoncer toute tentative d'entraîner les civils dans le conflit.

La Haut-Commissaire a ensuite attiré l'attention sur les enlèvements récents de membres du Congrès, d'élus municipaux, et d'autres hommes politiques, y compris un candidat à la présidence. Dans ce contexte, l'impunité qui continue de régner s'avère particulièrement préoccupante, a-t-elle observé. Elle s'est en outre inquiétée des déplacements massifs de population à l'intérieur du pays, de la situation des défenseurs des droits de l'homme, des journalistes et des universitaires. De même, la situation des femmes et des enfants, ainsi que celle des groupes vulnérables comme les communautés afro-colombiennes, est très préoccupante. Dans ce contexte, Mme Robinson a attiré l'attention de la Colombie sur les recommandations formulée par la Rapporteuse spéciale sur la violence à l'égard des femmes et par la Représentante spéciale du Secrétaire général sur les défenseurs des droits de l'homme qui s'est rendue en Colombie en 2001. Dans la perspective des prochaines élections présidentielles, elle a déclaré que le futur gouvernement devrait prendre des mesures pour démontrer son engagement en faveur de la démocratie et du respect des droits de l'homme. En conclusion, elle a indiqué que ses services restaient à la disposition du Gouvernement colombien pour l'aider à trouver des solutions pacifiques au conflit en cours.

Dans son Rapport sur la situation des droits de l'homme en Colombie (E/CN.4/2002/17), la Haut Commissaire aux droits de l'homme, Mme Mary Robinson, dresse le bilan de l'évolution de la situation en 2001 et propose une liste de 21 recommandations au Gouvernement colombien. Elle invite le Gouvernement à renforcer et enrichir le dialogue et la coopération avec son Bureau, afin de l'aider à s'acquitter pleinement de son mandat. Elle l'engage à prendre les mesures et décisions requises pour garantir la légalité, renforcer les institutions civiles et renoncer aux politiques et aux programmes incompatibles avec ces objectifs. En particulier, elle engage les autorités à être spécialement attentives aux dispositions de la loi relative à la sécurité nationale qui ne sont pas conformes aux règles internationales, ainsi qu'à s'abstenir de promulguer une législation pénale ou une réglementation incompatible avec les engagements pris à l'échelle internationale. La Haut-Commissaire invite instamment l'État colombien à assurer le suivi et la mise en œuvre des recommandations internationales en la matière, en tenant compte des engagements découlant de l'examen du rapport semestriel du Bureau de Colombie. De même, elle exhorte le Gouvernement à inviter les représentants et rapporteurs thématiques de la Commission à se rendre dans le pays et à aider à recenser les difficultés rencontrées dans les différents thèmes et formuler des propositions visant à les surmonter. En particulier, elle recommande que les Rapporteurs spéciaux sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression, sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, et sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones, ainsi que le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, soient invités à se rendre dans le pays.

La Haut-Commissaire encourage à nouveau le Gouvernement, les groupes armés et la société colombienne à poursuivre leurs efforts pour parvenir à une solution négociée du conflit armé, en assurant une participation représentative de la population civile qui n'exclue pas les femmes. Elle exhorte également les autorités à poursuivre cet objectif essentiel dans le cadre de l'action de l'État, indépendamment des changements de gouvernement. En outre, elle recommande à nouveau aux parties de considérer comme urgente l'adoption d'un accord global sur les droits de l'homme et le droit international humanitaire. Elle invite instamment les groupes armés qui ne relèvent pas de l'État à libérer sans conditions et sans délai toutes les personnes qu'ils ont prises en otage. Elle rappelle aussi que les personnes privées de liberté dans le cadre d'un conflit armé doivent être dans tous les cas traitées avec humanité et que les malades et les blessés doivent recevoir, en temps voulu, les soins médicaux dont ils ont besoin. Elle invite instamment les groupes armés à permettre aux organismes humanitaires de se mettre en contact avec les personnes privées de liberté. La Haut-Commissaire engage fermement l'État colombien à combattre effectivement le paramilitarisme et à en obtenir le démantèlement définitif, en arrêtant tous ceux qui sont les instigateurs de ce mouvement, l'organisent, le commandent, en font partie, le soutiennent et le financent, y compris les agents de l'État qui lui sont liés, pour ensuite les traduire en justice et leur appliquer les peines prévues.

La Haut-Commissaire lance un appel aux autorités des trois pouvoirs de l'État pour qu'elles respectent et garantissent sans réserve l'autonomie et l'indépendance des personnels judiciaires, en faisant en sorte que la faculté d'administrer la justice, qui appartient au pouvoir judiciaire, soit reflétée dans les règles, les décisions et les mesures adoptées ou mises en œuvre par l'État. De même, elle demande instamment à l'État de prendre les mesures requises pour enquêter sur les violations graves des droits de l'homme et les infractions au droit international humanitaire, pour les réprimer et pour assurer aux victimes une réparation, devant les juridictions ordinaires, ainsi que pour éviter l'impunité. Elle invite instamment aussi l'État colombien à mettre en œuvre tous les moyens requis pour assurer la protection des responsables de l'administration de la justice et de tous ceux qui interviennent dans un procès pénal, en tant que victimes, témoins à décharge, représentants de la partie civile ou responsables des enquêtes.

M. GUSTAVO BELL LEMUS, Vice-Président de la Colombie et Ministre de la défense nationale, a déclaré que les faits décrits dans le rapport de Mme Robinson attestent de l'importance de la présence du Bureau de la Haut-Commissaire en Colombie en tant que mécanisme de collaboration de la communauté internationale en vue de surmonter une problématique qui s'est aggravée au fil du temps. Bien que l'État ait pris une série de mesures visant à mettre fin à cette situation, les efforts consentis restent insuffisants et n'ont pas permis d'atteindre les résultats escomptés. Le Vice-Président a exhorté une fois de plus les organismes internationaux à s'efforcer de bien comprendre la complexité de la réalité colombienne.

M. Bell Lemus a regretté que le rapport de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme persiste dans les mêmes schémas d'analyse que ceux qui avaient été observés antérieurement. Ainsi, par exemple, l'imputation à la force publique de conduites violant les droits de l'homme tend à assimiler des faits isolés commis par quelques-uns de ses membres à une pratique institutionnelle et systématique de l'État. Le lancement par le Gouvernement colombien d'une stratégie de lutte contre l'impunité témoigne de sa volonté politique de promouvoir une nouvelle approche de ce phénomène. Il convient également de rappeler l'engagement qui a été pris au plus haut niveau par la Commission intersectorielle des droits de l'homme auprès des secrétaires généraux des centrales ouvrières en vue de l'éclaircissement des cas de violations des droits de l'homme dont ont été victimes des dirigeants syndicaux et des travailleurs.

La principale stratégie employée par le Gouvernement vis-à-vis des droits de l'homme a été la recherche de la paix, a déclaré M. Bell Lemus. Il a toutefois rappelé que pour négocier, il faut être deux, et que dans le cas présent, la guérilla des FARC, au lieu de chercher la désescalade de la guerre, a augmenté ses attaques contre la population civile et les infrastructures du pays. C'est en revanche l'inverse de ce qu'affirme la Haut-Commissaire aux droits de l'homme qui s'est produit pour ce qui est des négociations avec l'un des autres groupes – l'ELN – avec lequel s'est engagé un processus de paix, a rappelé le Vice-Président. Quant à ce qui a trait à la population déplacée par la violence, le Gouvernement a adopté divers décrets qui ont permis au Réseau de solidarité nationale d'améliorer notablement ses programmes humanitaires et d'investir plus efficacement ses ressources toujours plus limitées.

MME MARIE GERVAIS-VIDRICAIRE (Canada) a rappelé son appui à la Haut-Commissaire pour les efforts menés par son bureau en Colombie. Elle s'est déclarée préoccupée par l'escalade du conflit et par la détérioration de la situation des droits de l'homme dans ce pays, et a condamné les attaques contre la population civile, en particulier contre les défenseurs des droits de l'homme, les syndicalistes et les dirigeants de communautés. Elle a condamné les assassinats et les arrestations de membres du Congrès et les menaces contre les candidats à la présidence. La représentante a appelé les forces armées au respect du droit international humanitaire, à la cessation des déplacements forcés de civils et au respect de la volonté du peuple colombien qui doit pouvoir s'exprimer à travers un processus démocratique. Elle a exhorté le Gouvernement colombien à prendre des mesures contre les agents de l'État qui seraient en rapport avec les forces paramilitaires ou faisant l'objet d'allégations crédibles. Elle a rappelé qu'il faut mettre fin au conflit par l'adoption d'une solution politique et négociée. Elle a enfin souligné que la signature d'un accord humanitaire constitue un grand pas en faveur de la signature de futurs accords de paix.

M. JOAQUÍN PÉREZ-VILLANUEVA Y TOVAR (Espagne, au nom de l'Union européenne et des pays associés), a appelé le Gouvernement de la Colombie à mettre en pratique les recommandations formulées dans le rapport de la Haut Commissaire aux droits de l'homme. Il a fait part de consultations constructives entre l'Union européenne et les représentants de la Colombie en vue de rédiger une déclaration du Président de la Commission sur la situation des droits de l'homme en Colombie. Il a exprimé son appui aux efforts du Président Pastrana en vue de résoudre le conflit par le dialogue et la négociation. Se félicitant des efforts pour tenir des élections libres, il s'est toutefois inquiété des menaces, attaques, enlèvements et assassinats de candidats. Il a demandé le respect de toute personne qui exerce ses droits politiques et la libération immédiate de tous les candidats enlevés.

Le représentant a déclaré que l'Union européenne condamnait tous les actes terroristes perpétrés par des groupes armés, ainsi que toutes les violations des droits de l'homme. Il a exhorté tous les groupes de la guérilla à respecter le droit international humanitaire et l'autorité de l'État. Préoccupée par l'expansion des groupes paramilitaires, l'Union européenne demande instamment au Gouvernement colombien d'adopter des mesures pour contrer ce phénomène. Il a exhorté le Gouvernement à lutter contre l'impunité et à traduire en justice tous les responsables de violations des droits de l'homme. Le représentant a vivement condamné l'assassinat de l'archevêque Duarte et a exhorté le Gouvernement à assurer la protection de toutes les personnes engagées dans la défense des droits de l'homme.

Le représentant de l'Union européenne a demandé au Gouvernement colombien d'adopter des mesures pour protéger les populations autochtones et les minorités. Il s'est également inquiété de la situation des personnes déplacées à l'intérieur du pays et a demandé au Gouvernement de faire le nécessaire pour assurer leur protection.

MME ALESSANDRA AULA (Franciscain international, au nom de plusieurs autres ONG) a exhorté le Gouvernement colombien à mettre en œuvre immédiatement la décision de la Cour constitutionnelle relative à l'anticonstitutionnalité de la loi 684 de défense et de sécurité nationale; à respecter totalement et immédiatement les recommandations contenues dans les rapports de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et du Représentant spécial sur les défenseurs des droits de l'homme; à permettre en permanence aux mécanismes de la Commission de se rendre en Colombie. La Commission devrait en outre combattre le «paramilitarisme», a déclaré la représentante.

MME AIOLA AVELLE (Fédération syndicale mondiale) a déclaré qu'un ancien militaire colombien lui avait dit que les paramilitaires constituaient la sixième division de l'armée. En 2001, 166 syndicalistes ont été assassinés en toute impunité, des milliers de personnes ont été déplacées et les crimes contre les syndicalistes sont méthodiques. Elle a déclaré que le principal responsable de ces crimes est l'État. En effet, le terrorisme d'État frappe la Colombie depuis de nombreuses années. Une partie de ces assassinats sont confiés aux paramilitaires. La représentante a par ailleurs soutenu la demande en faveur d'une Commission d'enquête de l'Organisation internationale du travail en Colombie. Elle a également demandé que le rapport de la Haut-Commissaire sur la situation des droits de l'homme en Colombie soit présenté à l'Assemblée générale des Nations Unies.

M. TESSA MACKENZIE (Amnistie internationale) s'est déclaré préoccupé par l'extension du conflit dont les deux parties continuent d'ignorer le droit international humanitaire. Elle a souligné que 80 % des meurtres commis, hormis les personnes tuées lors de combats, l'ont été par des groupes paramilitaires qui se sont développés et ont étendu leur terrain d'opération. Reconnaissant que 400 membres de groupes paramilitaires ont été arrêtés en 2001, ce qui démontre la volonté du Gouvernement de les combattre mais n'est pas nécessairement un signe que leurs liens avec les forces de sécurité ont été rompus. Dans la mesure où les parties au conflit ignorent totalement les recommandations qui leur ont été faites, Amnistie internationale estime indispensable que la Commission signifie vivement au Gouvernement sa volonté de le voir observer les recommandations de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme. Elle a demandé à la Commission d'exhorter le Gouvernement colombien à tenir compte des recommandations qui lui ont été faites; d'appeler les parties au conflit à respecter le droit international humanitaire; à garantir l'accès des zones de conflit aux organisations humanitaires.

M. ADRIAN CLAUDE ZOLLER (Service international pour les droits de l'homme) a attiré l'attention de la Commission sur l'extrême gravité de la situation en Colombie et a déclaré que depuis l'an dernier, la situation a continué à se détériorer dans ce pays. Aucune des parties ne respecte le droit humanitaire, a-t-il fait observer. Les paramilitaires opèrent ouvertement, se font élire au Parlement et contrôleront bientôt le pouvoir puisque rien n'est fait contre eux, a-t-il ajouté. L'impunité règne en Colombie, a insisté le représentant. Sans la présence du Bureau du Haut-Commissariat à Bogotá, la situation serait pire encore, a affirmé le représentant. Il a toutefois estimé que le projet de déclaration du Président de la Commission sur la situation en Colombie, actuellement en cours de négociation, est trop faible

MME NATALIA LÓPEZ ORTIZ (Commission colombienne de juristes) a déclaré que la plupart des assassinats, enlèvements et déplacements sont le fait du terrorisme d'État ou de la guérilla. Plus de 60% de la population colombienne connaît une situation économique et sociale précaire. L'État ne répond pas au problème de l'impunité, de graves violations des droits de l'homme sont dissimulées. Elle a déclaré que la réticence de l'État à adopter une politique respectueuse des droits de l'homme et interdisant le paramilitarisme explique l'échec des négociations de paix, et continue d'entraîner des violations des droits de l'homme. Elle a invité la Haut-Commissaire aux droits de l'homme à présenter son rapport à l'Assemblée générale, afin que les Nations Unies renforcent leurs activités en Colombie.

M. FEDERICO ANDREU (Commission internationale de juristes) a rappelé que la loi colombienne de sécurité nationale avait été déclarée anticonstitutionnelle et a accusé cette loi d'établir un état de siège qui se situe en dehors du contrôle des autorités et constitue un coup d'État contre l'état de droit en Colombie. C'est pourquoi il a salué le courage des magistrats colombiens. Il a exhorté le Gouvernement colombien à garantir la sécurité des magistrats de la Cour et à veiller à son indépendance. Le représentant s'est également inquiété du projet de loi sur le terrorisme déposé au Parlement qui prévoit une légalisation des groupes paramilitaires, porte atteinte à la liberté de la presse et militarise la population civile. Il a demandé à la Commission d'exhorter le Gouvernement à respecter le droit international humanitaire. Il a estimé que la Haut-Commissaire devrait soumettre un rapport sur la situation des droits de l'homme en Colombie à l'Assemblée générale des Nations Unies.

M. JULEN ARZUAGA (Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples) a dit craindre que les mécanismes mis en place en Colombie dans le cadre du renforcement de la législation antiterroriste ne soient utilisés pour s'attaquer en toute impunité à tous les groupes politiques et à toutes les organisations populaires qui, pacifiquement ou non, s'opposent au système.


Suite du débat sur les droit de la femme et les droits de l'enfant

MME TUI DEWES (Nouvelle-Zélande) a souligné que beaucoup reste à faire pour assurer à tous les enfants la jouissance des droits énoncés dans la Convention relative aux droits de l'enfant. L'importance de l'éducation des enfants ne saurait être négligée et la priorité doit être accordée à la protection de l'enfant contre toute forme d'exploitation, d'abus et de danger, a précisé la représentante. À cet égard, la session extraordinaire que l'Assemblée générale tiendra le mois prochain sur les droits de l'enfant constituera une occasion de contribuer à un plan d'action visant à traiter de toutes ces questions. L'an dernier, la Nouvelle-Zélande a ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant portant sur l'implication des enfants dans les conflits armés. Le pays œuvre actuellement à la ratification du Protocole facultatif portant sur la vente des enfants, a indiqué la représentante. Elle a par ailleurs indiqué que son pays appuierait le projet de résolution sur l'élimination de la violence contre les femmes présenté à la Commission et s'est dit attristée de constater la persistance de pratiques violentes contre les femmes dont atteste le rapport de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes. Nombre de ces pratiques sont fondées sur des idéologies culturelles qui contribuent à la marginalisation des femmes au sein des sociétés.

MME SAJA MAJALI (Jordanie) a déclaré que les droits de l'enfant et de la femme sont au premier rang des préoccupations de son pays. Plusieurs lois ont été amendées cette année, concernant les femmes et les filles, le mariage et l'âge du mariage pour les filles - qui a été fixé à 18 ans, les droits de l'enfant, la famille, les droits de succession, la question des crimes d'honneur et la violence domestique. La représentante s'est déclarée préoccupée par la situation des civils, et particulièrement des enfants, dans les territoires occupés de Palestine et a condamné les violations des droits de l'homme dans cette région. Elle a appelé la communauté internationale à faire face à ses responsabilités et à faire en sorte que les droits des femmes et des enfants, en particulier, soient garantis. Elle a appelé le Gouvernement d'Israël à appliquer le droit humanitaire international, et en particulier la quatrième Convention de Genève.

MME CONCHITA PONCINI (Fédération internationale des femmes diplômées des universités, au nom de plusieurs organisations non gouvernementales) a s'est félicitée de la coopération entre la division de la femme et le Haut Commissariat aux droits de l'homme en vue de prendre en considération les droits des femmes. Elle a ensuite demandé que l'Institut international de recherche et de formation pour la promotion de la femme soit pourvu des ressources nécessaires et que l'Institut soit resté 7 mois sans qu'un directeur ait été nommé. La représentante a estimé qu'il serait utile d'étudier de manière croisée l'interaction des diverses formes de discrimination. La représentante a ensuite attiré l'attention sur les femmes réfugiées ou déplacées à l'intérieur de leur pays. De même, elle a souligné les discriminations à l'égard des femmes migrantes, particulièrement vulnérables. Elle a insisté sur le droit à l'éducation, à un logement décent, à la participation économique et a expliqué qu'il importe d'adapter les définitions de ces droits aux besoins et aux activités spécifiques des femmes. Il importe aussi d'assurer l'égalité d'accès des femmes au crédit et à la propriété de la terre. Elle a prié les États de mettre en œuvre tous les engagements pris à l'occasion de la Conférence de Beijing sur les femmes.

MME BIRTI SCHOLZ (Human Rights Advocates, au nom de trois ONG) a condamné les trafics d'enfants et de femmes, ainsi que l'esclavage et les abus sexuels dont ils sont victimes. Elle s'est félicitée des mesures que la communauté internationale a engagées contre ces pratiques et a demandé qu'elle fasse encore plus d'efforts pour combattre ce phénomène qui ne cesse de faire des victimes. Le Protocole additionnel à la Convention des nations unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, est le premier instrument juridique international pour lutter contre cette traite. La représentante a prié les membres de la Commission qui n'ont pas encore ratifié ce protocole de le faire. Elle a recommandé que la Commission prenne des mesures pour prévenir les actions d'abus perpétrés par le personnel des Nations Unies contre les femmes à l'avenir. Elle a recommandé que la Commission prie les gouvernements et les Nations Unies d'examiner la question de la demande de sexe commercial.

MME BERHANE RAS-WORK (Comité inter-africain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants en Afrique, au nom également du Mouvement international pour l'Union fraternelle entre les races et les peuples) a tout d'abord demandé à la Commission d'observer une minute de silence pour les victimes de mutilations génitales au nom de la tradition. Elle a expliqué que des progrès avaient été faits dans ce domaine, notamment lorsque le responsable est un père, un frère ou un oncle. Elle a rappelé que la Commission avait recommandé, lors de sa cinquante-sixième session, la tenue de trois séminaires pour aider la Rapporteuse spéciale sur la violence à l'égard des femmes à s'acquitter de son mandat, et a demandé à la Commission de faire appliquer ses résolutions.

M. WILFRED WONG (Association internationale pour la défense de la liberté religieuse) a attiré l'attention sur la situation des enfants des rues qui sont exploités commercialement ou sexuellement et souvent assassinés en toute impunité. Il a dénoncé la situation des délinquants juvéniles qui sont souvent incarcérés avec des adultes, ce qui les rend vulnérables à l'exploitation. Il a dénoncé la surpopulation des prisons pour les délinquants juvéniles et les mauvais traitements auxquels ces détenus sont soumis, notamment aux Philippines, au Brésil, en Colombie et en Inde. Il a exhorté aux gouvernements de veiller à faire respecter le droit à la vie des enfants des rues. Il a demandé à la Commission de nommer le plus rapidement possible un rapporteur spécial sur la situation des enfants des rues.

MME NATALIA LÓPEZ ORTIZ (Commission colombienne de juristes) a souligné l'importance des missions de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes. Elle a déploré que les crimes qu'elle dénonce demeurent le plus souvent impunis. En Colombie, la violation à l'égard des droits des femmes est devenue une pratique courante et jouit de l'impunité. Ces actes de persécutions systématiques ont un effet immédiat négatif sur la participation des femmes à la vie politique, notamment. La représentante a demandé à la Commission d'exhorter les pays visités par la Rapporteuse spéciale à prendre des engagements pour combattre ces actes.

MME BIRTI SCHOLZ (Human Rights Advocates) a attiré l'attention sur les exécutions de délinquants juvéniles et a observé que leur nombre avait diminué. Elle s'est félicitée du fait que le Président du Pakistan ait commué la peine d'un délinquant juvénile condamné à la peine de mort. Elle s'est félicitée de l'annonce faite par l'Iran qu'il n'y aurait plus d'exécutions. Toutefois, elle a attiré l'attention sur deux exécutions prévues aux États-Unis dont l'une dans l'État du Texas.

MME JOANNA BOURKE (Organisation mondiale contre la torture - OMCT) a attiré l'attention de la Commission sur la situation des femmes au Soudan et au Nigéria, pays où sont pratiqués notamment à leur encontre la lapidation et les coups de fouet jusqu'à ce que mort s'ensuive. Elle a par ailleurs dénoncé la torture pratiquée au Tchad, où, en outre, femmes et enfants sont détenus dans les mêmes prisons que les hommes. L'OMCT souhaiterait que le Secrétaire général des Nations Unies nomme un expert indépendant qui serait chargé de réaliser l'étude demandée par l'Assemblée générale sur la question de la violence contre les enfants. Cette étude pourrait étudier l'opportunité qu'il y aurait à nommer un rapporteur spécial sur la violence contre les enfants.

MME HELENA GEZELIUS (Alliance internationale d'aide à l'enfance) est préoccupée par l'acceptation encore trop étendue du châtiment corporel des enfants. C'est une violation de leurs droits, a-t-elle affirmé. La Convention relative aux droits de l'enfant exige de l'État qu'il protège ses droits. La représentante a déclaré que la Commission peut avoir un effet immédiat sur l'interdiction des châtiments corporels envers les enfants. Plusieurs pays ont déjà interdit les châtiments corporels à la maison, à l'école, dans des institutions, ou ont inscrit cette interdiction dans leur code pénal. Elle a appelé la Commission à poursuivre l'examen de la question des châtiments corporels et à aider les États à éliminer cette pratique. Elle a demandé au Haut-Commissariat aux droits de l'homme d'envisager d'accorder une assistance aux États qui veulent abolir cette pratique, et a estimé qu'une une réforme juridique serait nécessaire pour aboutir à une solution durable. Elle a demandé à la Commission de demander aux Rapporteurs spéciaux sur la torture, la violence contre les femmes et le droit à l'éducation de fournir des informations sur ces situations et de faire rapport sur les efforts faits dans différents pays afin d'éradiquer cette pratique.

MME ALEXANDRA TUNDO (Fédération internationale Terre des hommes) s'est déclarée préoccupée par l'accroissement de trafic des enfants. Elle a expliqué que les trafiquants bénéficient d'un vide juridique et du manque d'harmonie des législations nationales. Elle s'est félicitée de l'initiative de l'Union européenne d'harmoniser les législations de ses membres. Elle a fait part des résultats d'une enquête mondiale qui atteste d'un trafic du Népal vers l'Inde pour la prostitution, de l'Europe de l'Est vers l'Allemagne, en Colombie ou ailleurs. Citant l'exemple de la Grèce, qui rapatrie les enfants albanais vers leur pays d'origine, elle a expliqué que le rapatriement était une mesure valable si ces enfants ne risquaient pas d'être à nouveau victimes de ce trafic. Il importe donc de d'assurer des conditions de sécurité du rapatriement, a-t-elle observé. Mme Tundo a insisté sur le fait que ces enfants sont souvent victimes des trafiquants et des autorités des pays de destination.

MME QUDSIA ZUHRA (International Human Rights Law Group) a attiré l'attention de la Commission sur les souffrances et privations endurées par les femmes et les filles en Afghanistan au cours des 23 années de conflit que le pays a connues. Elle a lancé un appel en faveur de la poursuite de l'aide apportée à ce pays et a demandé au Gouvernement afghan d'adopter des lois en faveur des femmes et des filles. La moitié des sièges de la Grande Assemblée devrait être réservée aux femmes, a-t-elle notamment estimé. Elle a rappelé les besoins d'assistance des Afghans réfugiés, notamment dans les pays voisins, afin qu'ils puissent retourner dans leur pays.

M. JOSEPH LEGONOU (Franciscain international) a attiré l'attention sur un centre créé par son organisation à Lomé, au Togo, pour venir en aide aux filles domestiques et aux femmes portefaix (porteuses de fardeaux), qui exercent des activités proches du travail forcé. Il a également dénoncé l'augmentation du nombre d'abus corporels et sexuels subis par nombre de fillettes. Il a ajouté que le travail des filles domestiques n'est souvent pas rémunéré à sa juste valeur. Le représentant a noté que le Gouvernement du Togo a pris des mesures, en coopération avec les organisations non gouvernementales, pour protéger les droits fondamentaux de l'enfant en élaborant un projet de code togolais qui harmonise toutes les conventions internationales

M. JOHN TAYLOR (Association internationale pour la liberté religieuse) a mis l'accent sur l'éducation des enfants et sur la nécessité de favoriser un système d'éducation qui renforce la tolérance aux autres. Il a dénoncé certains groupes qui font mauvais usage de la religion pour diffuser l'intolérance et la haine. Ainsi, il faut que les dirigeants politiques et les dignitaires religieux prennent position pour assurer un système éducatif qui soit un vecteur de tolérance. Ils doivent faire leur autocritique et purifier leur enseignement de tout élément contraire à l'esprit des grandes religions. Il a rappelé les résultats de la Conférence organisée à Madrid par le Rapporteur spécial sur la liberté de religion, M. Abdelfattah Amor, estimant que le Document final de cette conférence sur les programmes scolaires et la tolérance devrait être utilisé par les gouvernements pour élaborer leurs principes éducatifs et leurs programmes scolaires.

MME KAREN PARKER (International Educational Development) a déploré l'obstination dont fait preuve le Japon en ce qui concerne la question de l'indemnisation des victimes de l'esclavage sexuel en temps de guerre pratiqué par le Japon par le passé. En ce qui concerne le conflit au Sri Lanka, de nombreux cas de viols de femmes tamoules par des membres des forces armées gouvernementales restent non résolus. Le viol et d'autres formes de violence contre les femmes constituent aussi une question grave non résolue dans le Cachemire occupé par l'Inde, ainsi qu'aux Moluques, en Indonésie.


Droit de réponse

Le représentant de l'Iraq a répondu à l'intervention faite ce matin par M. Jack Straw en rappelant que l'uranium appauvri avait été utilisé en Iraq et continuait à provoquer de nombreux cancers. Il a dénoncé les bombardements sur l'Iraq depuis 1991 au mépris du droit international. Il a dénoncé les attaques contre l'Iraq de la part d'un pays qui a une longue tradition colonialiste. Il a dénoncé l'embargo imposé à l'Iraq qui est en fait un véritable génocide de la population iraquienne.


Présentation du rapport sur les défenseurs des droits de l'homme

MME HINA JILANI, Représentante spéciale du Secrétaire général sur les défenseurs des droits de l'homme, a regretté, au vu des contraintes de temps, de ne pouvoir présenter son deuxième rapport à la Commission (E/CN.4/2002/106 à paraître en français). Dans le texte qu'elle a fait distribuer en salle, elle fait notamment observer que les communications qu'elle avait reçues concernent toutes les parties du monde, y compris les démocraties émergentes et les vieilles démocraties. Toutefois, la majorité de ces communications concernent les pays en proie aux conflits armés et les pays où les garanties institutionnelles existent mais ne sont pas appliquées. Elle s'est inquiétée des violations commises à l'égard du personnel des organisations non gouvernementales qui œuvrent pour la promotion et la protection des droits de l'homme, notamment à l'égard d'avocats des droits de l'homme, de syndicalistes, de défenseurs des populations autochtones et de journalistes. Elle a indiqué que les tentatives visant à empêcher l'action des défenseurs des droits de l'homme consistent, entre autres, en campagnes d'intimidation ou de diffamation, en des intimidations et des menaces proférées par les forces de police. Les défenseurs des droits de l'homme sont également victimes d'arrestations et de détention pour des motifs douteux.

Mme Jilani a indiqué qu'au cours de l'année écoulée, 34 défenseurs des droits de l'homme avaient été tués, 10 avaient disparu et 7 avaient été torturés ou soumis à des mauvais traitements. Elle a estimé que cette tendance était particulièrement préoccupante, notamment en Amérique latine où le plus grand nombre de défenseurs des droits de l'homme a été tué. Toutefois, elle note comme signe encourageant que c'est aussi la région où elle a été le plus facilement invitée. Elle s'est également déclarée préoccupée par le fait que les violations à l'égard des défenseurs des droits de l'homme sont le plus souvent perpétrées par des officiers de police. Cet état de fait démontre que les forces de police sont en quelque sorte complices des violations des droits de l'homme commises à l'égard des défenseurs des droits de l'homme. Dans un tel contexte, l'impunité pour ces crimes est particulièrement préoccupante.

S'agissant des législations adoptées par certains pays à la suite des événements du 11 septembre, Mme Jilani a relevé que désormais certains pays assimilaient la défense des droits de l'homme à une menace à la souveraineté et à l'intégrité nationales, ce qui place les défenseurs des droits de l'homme dans une situation d'«état de siège». Ce contexte rend l'exécution de son mandat d'autant plus délicate, a-t-elle précisé.

Dans un additif à son rapport (Add.1), Mme Hina Jilani, rend compte de la mission qu'elle a effectuée au Kirghizistan, du 30 juillet au 4 août 2001. La Représentante spéciale y expose ses principales préoccupations concernant la situation des défenseurs des droits de l'homme au Kirghizistan, en particulier certaines considérations relatives à la liberté d'association et de réunion ainsi que la situation de certaines catégories de défenseurs des droits des droits de l'homme (membres d'organisations de défense des droits de l'homme, journalistes, groupes de jeunes et militants écologistes). Elle exprime en outre son inquiétude au sujet de l'indépendance de l'appareil judiciaire, des droits des minorités ethniques, de la tolérance religieuse et des femmes œuvrant à la défense des droits fondamentaux.

La Représentante spéciale adresse au Gouvernement du Kirghizistan certaines recommandations afin que les restrictions imposées par voie législative et réglementaire à la liberté de réunion, d'association et d'expression soient réexaminées dans un souci de mise en conformité avec l'esprit de la Constitution et les obligations incombant au Kirghizistan en vertu des normes juridiques internationales relatives aux droits de l'homme. Le Gouvernement est vivement engagé à veiller à ce que les réformes législatives en cours d'examen renforcent les garanties en faveur de la protection des droits de l'homme et prévoient la création d'un dispositif efficace de mise en œuvre. Afin d'améliorer le climat dans lequel travaillent les défenseurs des droits de l'homme, un dialogue devrait s'établir entre le Gouvernement et la société civile et il faudrait prendre des mesures visant à instaurer une confiance et un respect mutuels. L'abandon des poursuites contre les défenseurs des droits de l'homme constituerait un pas dans la bonne direction.

La Représentante spéciale prie instamment le Gouvernement du Kirghizistan de diligenter des enquêtes sur les violations perpétrées à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme et de traduire les responsables en justice. Les agents de l'État reconnus responsables de tels agissements devraient être poursuivis afin d'en finir avec la propension grandissante de ces agents à recourir à l'intimidation à l'égard des défenseurs des droits de l'homme. La Représentante spéciale prie instamment le Gouvernement de respecter le droit des citoyens à participer à des manifestations et réunions pacifiques et de respecter les normes internationales en vigueur concernant l'usage de la force contre des manifestants. Mme Jilani recommande au Gouvernement de renforcer les organes d'État – en particulier le pouvoir judiciaire – afin de conforter la confiance de la population et d'infléchir dans le bon sens la situation en matière de droits de l'homme dans le pays, ou de s'engager à assurer une meilleure protection des défenseurs des droits de l'homme. Enfin, la Représentante spéciale prie instamment le Gouvernement d'adopter les mesures voulues pour assurer une large diffusion à la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme et la faire respecter. Cette déclaration ainsi que les textes des autres instruments relatifs aux droits de l'homme devraient en particulier être mis à la disposition des écoles et des établissements d'enseignement supérieur.

Mme Jilani s'est également rendue en Colombie du 23 au 31 octobre 2001. Ses observations sur cette visite figureront au document à paraître sous la cote E/CN.4/2002/106/Add.2.

M. AMIR SHAGIVALIEV (Kirghizistan), s'exprimant en qualité de partie intéressée en réponse au rapport présenté par Mme Jilani. Il a reconnu que les mécanismes existants de protection des défenseurs des droits de l'homme étaient trop faibles. Il a ensuite attiré l'attention sur l'histoire récente du pays qui a connu de vastes changements et reste en proie à de nombreuses difficultés. Il a fait part de nombreux efforts en cours et a fait référence à plusieurs décrets présidentiels visant à améliorer la protection des droits de l'homme. Il a précisé que certains organes devaient encore être réformés. Pour ce faire, le Président a établi un mécanisme de supervision de l'exercice des fonctions et de la légalité de tous les organes de l'État au Kirghizistan. Par ailleurs, il a fait savoir que son pays comptait de nombreuses organisations non gouvernementales et a insisté sur la bonne coopération de son pays avec les institutions de l'ONU ce qui témoigne de la bonne volonté.




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