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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

SOUS-COMMISSION : ÉCHANGE DE VUES AVEC LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

06 août 2003



Sous-Commission de la promotion
et de la protection des droits de l'homme
55ème session
6 août 2003
Après-midi




Soumission d'études sur la discrimination dans le système
de justice pénale et la responsabilité des personnels impliqués
dans les opérations de maintien de la paix




La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, un dialogue avec le Président du Comité des droits de l'homme, M. Abdelfattah Amor, avant de discuter les études présentées par deux de ses membres sur la discrimination dans le système de justice pénale et sur la responsabilité des forces armées, de la police civile des Nations Unies, des fonctionnaires internationaux et des experts participant aux opérations de maintien de la paix. Trois organisations non gouvernementales sont en outre intervenues dans le cadre du débat général sur les questions relatives à l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie.
Évoquant la rationalisation des procédures des mécanismes des droits de l'homme, M. Amor a fait savoir que le Comité des droits de l'homme s'est opposé à l'idée d'un rapport unique par les États parties suggérée par le Secrétariat et a proposé plutôt la soumission de rapports ciblés dans lesquels les États répondraient aux préoccupations exprimées lors de l'examen de leurs rapports précédents. Il a ensuite expliqué que le Comité est compétent pour juger de la compatibilité avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des réserves émises par les États ou pour examiner la situation dans un pays qui n'a pas soumis son rapport initial. Il a en outre estimé que le Comité a une compétence «quasi judiciaire» et a observé que les États, même lorsqu'ils n'étaient pas convaincus de leur bien fondé, s'efforçaient dans l'ensemble d'appliquer les recommandations du Comité. M. Emmanuel Decaux, Mme Françoise Jane Hampson et M. Soli Jehangir Sorabjee sont intervenus dans le dialogue avec M. Amor.
Mme Leïla Zerrougui a présenté l'approche qu'elle propose d'adopter pour l'étude qui lui a été confiée sur la question de la discrimination dans le système de justice pénale. Elle envisage d'étudier successivement les inégalités structurelles, la précarité du statut de la victime dans le processus pénal, les distinctions et différences parfois nécessaires pour une bonne administration de la justice, mais qui peuvent se traduire par une privation des droits fondamentaux. Les bonnes pratiques recensées au cours de l'étude serviront de base à l'élaboration de principes directeurs ou d'un guide des bonnes pratiques destinées à garantir l'accès égal aux tribunaux pour les personnes et groupes vulnérables et à assurer leur protection effective contre la discrimination dans le système de justice pénale, a-t-elle précisé. Sont intervenus suite à cette présentation M. David Weissbrodt, Mme Antoanelle-Iulia Motoc, Mme Florizelle O'Connor, M. El-Hadji Guissé, M. Ruiz Baltazar Dos Santos Alves, M. Soli Jehangir Sorabjee, M. Abdul Sattar, Mme Lalaina Rakotoarisoa et M. Absjørn Eide.
S'agissant de la responsabilité des forces armées, de la police civile des Nations Unies, des fonctionnaires internationaux et des experts participant à des opérations de maintien de la paix, Mme Françoise Jane Hampson a expliqué que la responsabilité des forces militaires est facile à traiter dans la mesure où elles sont soumises à la loi pénale et disciplinaire du pays dans lequel elles interviennent. En revanche, la responsabilité de la police civile est plus difficile à aborder notamment du fait que le personnel de police civile appartient parfois aux forces de police nationale du pays contributeur et est soumis aux règles disciplinaires de son corps d'origine. MM. Vladimir Kartashkin, Abdul Sattar, Fisseha Yimer, Soo Gil Park et David Weissbrodt ont pris part au débat qui a suivi.
En fin de séance, les organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat sur l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie : Association américaine de juristes; International Educational Development; et Japan Federation of Bar Associations.
La Sous-Commission poursuivra, demain à partir de 10 heures, l'examen de ces questions.

Dialogue avec le Président du Comité des droits de l'homme
M. ABDELFATTAH AMOR, Président du Comité des droits de l'homme, a mis l'accent sur toute l'importance que le Comité accorde à un dialogue avec la Sous-Commission, tant sur des questions de méthodes que sur des questions de fond. En ce qui concerne les méthodes de travail du Comité des droits de l'homme, M. Amor a rappelé que le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, a proposé un certain nombre de réformes dont celle visant à faire en sorte que les États parties aux différents instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme présentent un seul et unique rapport à l'ensemble des organes de traités. Le Comité des droits de l'homme n'accepte pas l'idée d'un tel rapport unique, a indiqué d'entrée de jeu M. Amor. Le Comité adhère néanmoins à l'idée de réforme avancée par le Secrétaire général, a-t-il précisé. En vue d'alléger les contraintes pesant sur les États et sur le Secrétariat, il pourrait ainsi s'avérer possible d'aller vers un rapport ciblé qui demanderait aux États de répondre aux questions et préoccupations exprimées dans les observations finales adoptés par chaque organe à l'issue de l'examen des rapports des États parties, a indiqué M. Amor. Rappelant que certains États présentent leur rapport initial avec un certain retard, voire jamais, il a souligné que des mesures ont été prises afin d'amener le Comité et les États parties à maintenir un dialogue constructif en toute occasion. Ainsi, est-il prévu que la situation des droits de l'homme dans un État déterminé peut être examinée même en l'absence de rapport de cet État partie, a rappelé M. Amor.
Abordant la question des réserves, M. Amor a rappelé que le Comité des droits de l'homme a adopté une observation générale (n°24) qui prévoit que le Comité, compte dûment tenu des principes et règles du droit international, est compétent pour examiner les réserves formulées par les États. Le Comité apprécie donc la compatibilité des réserves avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques à la lumière des buts et objectifs du Pacte. Par conséquent, il appartient au Comité de décider de la recevabilité ou de l'irrecevabilité des réserves émises par les États parties au Pacte, a insisté M. Amor.
S'agissant de «l'autorité attachée aux constatations du Comité des droits de l'homme», M. Amor a clairement affirmé que le Comité n'est pas une juridiction au sens technique du terme. On ne peut cependant s'empêcher de constater que tout se passe en fait comme s'il l'était, tout au moins partiellement, a-t-il ajouté, bien que les constations qu'il rend n'ont pas l'autorité de la chose jugée, a précisé le Président de ce Comité. À l'occasion de l'examen des rapports des États parties au Pacte, le Comité des droits de l'homme ne manque pas de leur poser des questions sur la mise en œuvre des dernières recommandations en date. Dans l'ensemble, la plupart des États donnent effet aux constations du Comité, même lorsqu'ils ne semblent pas en être pleinement convaincus, a affirmé M. Amor. Le droit international, malgré les obstacles auxquels il se heurte de temps en temps, et particulièrement aujourd'hui, continue son chemin, a-t-il conclu.
Répondant à l'intervention du Président du Comité des droits de l'homme, M. EMMANUEL DECAUX, expert de la Sous-Commission, s'est félicité que M. Amor ait fait part de l'avis du Comité sur la réforme du système et la rationalisation des procédures. Il s'est accordé à reconnaître que la soumission d'un rapport unique serait un recul et a estimé qu'il était important et utile que les conventions soient assorties d'un organe de suivi. Il s'est félicité aussi de la position exprimée par M. Amor sur la question des réserves aux traités et s'est dit d'avis qu'il fallait éviter la généralisation. Il s'est par ailleurs dit favorable à une multiplication des contacts formels ou informels avec les mécanismes des droits de l'homme.
MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a rappelé qu'hier, elle a présenté son document de travail sur les réserves aux traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, lequel a suscité un intense débat dont les conclusions allaient dans le sens de l'approche adoptée par le Comité des droits de l'homme s'agissant de cette question, telle que vient de l'exposer M. Amor. Mme Hampson a souhaité savoir si, lorsque le Comité des droits de l'homme aborde la situation dans un pays en l'absence de tout rapport et de toute délégation de ce pays, les organisations non gouvernementales et les organisations intergouvernementales sont appelées à participer à la discussion. Elle a par ailleurs souhaité savoir si, selon M. Amor, la Sous-Commission pourrait jouer un rôle dans l'examen de la compatibilité avec les droits de l'homme des mesures prises par les États dans le contexte de la lutte contre le terrorisme.
M. SOLI JEHANGIR SORABJEE, expert de la Sous-Commission, a demandé des précisions sur le statut juridique des observations faites par le Comité des droits de l'homme. En découle-t-il des obligations juridiques ou morales ? a-t-il demandé. S'agissant de la compétence «quasi judiciaire» du Comité, il a dit n'en pas voir la source et a demandé des précisions à ce propos.
M. ABDELFATTAH AMOR, Président du Comité des droits de l'homme, a affirmé que la question de la ratification universelle, ou plutôt de la mise en œuvre universelle des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme est une question particulièrement importante. Il faut pour l'étudier se pencher sur le droit mais aussi sur le «méta-droit» car combien de fois des États ont-ils été appelés à répondre à des obligations auxquelles ils n'ont pas souscrit, notamment eu égard à l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, par exemple? (l'article 18 du Pacte dispose notamment que toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; que nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix)
M. Amor a rappelé que la Commission du droit international travaille aujourd'hui sur la question de la fragmentation du droit international. Qu'on le veuille ou non, a-t-il précisé, le développement du droit international a permis de donner un espace de plus en plus important à ce droit et l'espace ainsi créé peut, dans le cadre des normes et principes généraux, enclencher, développer et affiner des règles qui lui sont propres et qui lui donnent une autonomie permettant de le distinguer des autres branches du droit. Il en va ainsi notamment du droit international des droits de l'homme, a insisté M. Amor.
M. Amor a précisé que la procédure dite de l'examen de situation (appliquée aux États parties dont les rapports accusent un retard trop important) semble jusqu'ici provoquer des réactions salutaires pour tous car à ce jour, seul un État partie n'a présenté aucun rapport ni envoyé la moindre délégation en apprenant qu'il allait faire l'objet de cette procédure.
M. Amor a en outre souligné que la discussion que le Comité des droits de l'homme a eue avec le Comité du Conseil de sécurité chargé des questions de terrorisme a été particulièrement utile.

Présentation de rapports au titre de l'administration de la justice, de l'état de droit et de la démocratie
MME LEÏLA ZERROUGUI, experte de la Sous-Commission chargée d'une étude sur la discrimination dans le système de justice pénale, a déclaré que l'étude de la Sous-Commission devait tendre à démontrer les mécanismes discriminatoires dans le système de justice pénale, à déceler la discrimination de jure dans les règles de fond ou de procédure, et à identifier les meilleures pratiques déjà adoptées au plan international, régional ou national. Mme Zerrougui a indiqué que les recherches jusque là effectuées révèlent que la dimension raciale est un fait indéniable dans la discrimination dans le système de justice pénale et que les étrangers, les minorités et les populations autochtones comptent parmi les victimes les plus ciblées par les discriminations. Elle ajoute que d'autres personnes, au motif de pauvreté, d'orientation sexuelle, de handicap physique ou mental, de sexe, par exemple, sont tout autant victimes de discriminations. Toutefois, Mme Zerrougui estime que la meilleure approche n'est pas celle qui se focalise sur les victimes potentielles et propose donc une approche plus globale. Elle a rappelé que la discrimination comportementale avait été largement couverte par l'étude réalisée par le juge Abou Sayeed Chowdhoury, ancien Rapporteur spécial de la Sous-Commission (E/CN.4/Sub.2/1982/7)
Ainsi, a poursuivi Mme Zerrougui c'est à travers l'analyse de l'encadrement juridique du processus pénal et de l'administration pénitentiaire que la victimisation des groupes et des personnes dont la précarité du statut et des droits les prédispose à la discrimination sera mise en évidence. Elle se propose donc d'étudier successivement les inégalités structurelles, la précarité du statut de la victime dans le processus pénal, les distinctions et différences parfois nécessaires pour une bonne administration de la justice, mais qui peuvent se traduire par une privation des droits fondamentaux. Il sera également question des discriminations imputables à l'encadrement institutionnel de la justice pénale, au choix d'un type de procédure, aux lois de fond et aux règles qui organisent ouvertement la discrimination ou la génèrent. Mme Zerrougui propose en outre d'adopter une approche sexospécifique. En dernier lieu, les bonnes pratiques recensées au cours de l'étude serviront de base à l'élaboration de principes directeurs ou d'un guide des bonnes pratiques pour garantir l'accès égal aux tribunaux aux personnes et groupes vulnérables et assurer leur protection effective contre la discrimination dans le système de justice pénale.
Le document préliminaire sur la discrimination dans le système de justice pénale (E/CN.4/Sub.2/2003/3), préparé par Mme Zerrougui, présente le cadre conceptuel de cette étude destinée à déterminer les moyens les plus efficaces pour assurer l'égalité de traitement dans le système de la justice pénale à toutes les personnes sans discrimination, notamment aux personnes vulnérables. Mme Zerrougui indique qu'elle n'envisage pas d'adopter une approche qui se focalise sur les victimes potentielles de la discrimination et préconise une approche globale qui, partant des sources supranationales du droit pénal et de la procédure pénale en matière de protection des droits et libertés fondamentaux, se penche sur le cadre institutionnel et les règles substantielles de jugement et d'application des peines pour identifier les discriminations de jure, les discriminations indirectes et les facteurs qui sont à l'origine de la persistance de la discrimination dans le système de justice pénale. S'agissant des femmes, la Rapporteuse spéciale estime qu'une approche sexospécifique s'impose. Une fois la problématique de la discrimination dans le système de justice pénale cernée, la Rapporteuse spéciale prévoit d'examiner les bonnes pratiques et les actions positives, qui serviront de base à l'élaboration de principes directeurs ou d'un guide des bonnes pratiques pour garantir l'accès égal aux tribunaux et assurer une protection effective aux personnes et groupes vulnérables contre la discrimination dans le système de justice pénale.
MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a présenté son document de travail sur la responsabilité des forces armées, de la police civile des Nations Unies, des fonctionnaires internationaux et des experts participant à des opérations de soutien de la paix (E/CN.4/Sub.2/2003/5, à paraître) en indiquant que cette étude couvre toutes les opérations de maintien ou d'imposition de la paix, y compris celles menées au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Elle couvre également les opérations dont les États affirment qu'elles visent à promouvoir la paix et le respect des droits de l'homme, même si elles ne bénéficient d'aucune autorité des Nations Unies. La responsabilité des forces militaires est relativement facile à traiter, dans la mesure où elles sont soumises à la loi pénale et disciplinaire du pays dans lequel elles sont envoyées. Ce qui pose davantage problème, a estimé Mme Hampson, c'est la chaîne de responsabilité pour tous les autres personnels. Pour ne prendre que le cas de la police civile, il convient d'avoir à l'esprit que, parfois, ce personnel est composé de membres de forces de police nationales mis à la disposition de la police civile des Nations Unies et soumis aux règles disciplinaires de leur corps d'origine. Dans d'autres cas, il s'agit de policiers récemment retraités qui, ne sont plus soumis à l'autorité disciplinaire nationale. Dans d'autres cas encore, le personnel peut être employé par une société privée financée par un État et on peut alors se demander dans quelle mesure cette sous-traitance remet en question le principe selon lequel ces personnels sont soumis aux codes disciplinaires nationaux. C'est la même problématique qui se pose en général dans le cas du personnel civil international, a poursuivi Mme Hampson.
Mme Hampson a fait observer que dans le cas de certaines opérations, par exemple lorsque aucune institution démocratique ne fonctionne, le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies gouverne le territoire dans les faits et est doté de la capacité de légiférer. Dans d'autres cas, le représentant spécial n'a pas cette capacité de légiférer. Mais quelles sont les règles applicables à l'exercice de cette capacité de légiférer, a demandé Mme Hampson? Elle a par ailleurs relevé que des exemples de plus en plus nombreux sont fournis s'agissant de cas où des personnes associées à de telles opérations de maintien ou d'imposition de la paix commettent de graves violations des droits de l'homme. Or, la plupart du temps, aucune information ne permet de savoir si des poursuites ont été engagées ou non contre ces personnes dans leur pays d'origine et, le cas échéant, si les poursuites engagées à leur encontre reflètent la gravité des délits présumés, a souligné Mme Hampson. Une autre question qui se pose consiste à savoir si une opération des Nations Unies est responsable de promouvoir et de protéger les droits de l'homme au sein du territoire sur lequel elle opère, a poursuivi l'experte. Il s'agit là d'un problème particulièrement aigu s'agissant en particulier des questions de prostitution et de trafic.

Examen de l'étude sur la discrimination dans le système de justice pénale
M. DAVID WEISSBRODT, expert de la Sous-Commission, a attiré l'attention de la Sous-Commission sur la discrimination dont souffrent les anciens prisonniers après avoir purgé leur peine de prison, question particulièrement préoccupante eu égard à la croissance de la population carcérale dans le monde. Dans certains États, a insisté l'expert, persiste une discrimination contre les anciens détenus qui se voient refuser le droit de vote ou de participer à la vie publique alors qu'il s'agit là de droits garantis à tous les citoyens en vertu du droit international. Lorsqu'une personne a purgé sa peine de prison, elle doit en premier lieu pouvoir avoir accès à un logement et souvent, les anciens prisonniers subissent précisément une discrimination en matière d'accès au logement, sans parler de la discrimination qu'ils subissent s'agissant de nombreux autres droits économiques et sociaux. M. Weissbrodt a demandé aux États concernés de s'efforcer de supprimer les pratiques de discrimination, officielle ou non, qu'ils maintiennent à l'encontre des anciens prisonniers. Mme Zerrougui pourrait envisager d'intégrer cette question dans le contexte de son étude, a-t-il également suggéré.
MME ANTOANELLA-IULIA MOTOC, experte de la Sous-Commission, a estimé que la question de la discrimination de jure est suffisamment vaste en elle-même et s'est félicitée de cette perspective de droit international comparé. Elle s'est aussi félicitée que Mme Zerrougui propose une approche globale de la question des victimes de discriminations.
MME FLORIZELLE O'CONNOR, experte de la Sous-Commission, a souhaité savoir si l'étude de Mme Zerrougui va tenir compte de la discrimination «comportementale» résultant du fait que les sociétés considèrent souvent comme un criminel pour toujours une personne qui a commis un crime. Il faut se demander où commence et où finit la punition.
M. EL-HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission a pour sa part posé la question de savoir où commence et où finit la justice pénale. En effet, dès qu'une infraction est commise, l'affaire est confiée à la police judiciaire et, durant l'enquête préliminaire, on constate déjà une discrimination. Il a dénoncé par ailleurs la discrimination prononcée qui touche les étrangers dès avant le procès pénal, par exemple dans les aéroports. En effet, le fait de fournir le casier judiciaire à l'administration et à l'employeur est en soi une pratique discriminatoire à l'égard d'un individu qui a payé sa dette envers la société en purgeant sa peine. La sanction continue puisque cette personne pourra se voir refuser un emploi sur la base de son casier judiciaire. M. Guissé a posé la question de savoir comment il serait possible de confiner l'usage du casier judiciaire à la seule justice, notamment pour préciser le profil de l'individu en cas de récidive, par exemple. Il a donc encouragé Mme Zerrougui à élargir son sujet vers d'autres secteurs qui sont empreints de discrimination.
M. RUI BALTAZAR DOS SANTOS ALVES, expert de la Sous-Commission, a attiré l'attention de la Sous-Commission sur l'une des causes principales de discrimination dans l'administration de la justice, à savoir la pauvreté. En ce qui concerne l'Afrique, par exemple, la pauvreté est la cause presque exclusive de discrimination dans le système de justice pénale, a-t-il insisté. Il a affirmé qu'une plus grande disponibilité de cadres compétents et une meilleure coopération entre les différents acteurs de la justice peut contribuer à l'amélioration de l'administration de la justice, en particulier dans les pays sous-développés.
M. SOLI JEHANGIR SORABJEE, expert de la Sous-Commission, a lui aussi appelé l'attention sur la pauvreté, qui empêche certaines personnes d'avoir accès à un avocat. Il a souligné l'utilité de mettre au point un système d'aide juridictionnelle.
M. ABDUL SATTAR, expert de la Sous-Commission, a également souligné que le manque de ressources des personnes traduites en justice entraînait une discrimination évidente à leur égard. Il a ensuite pris l'exemple d'un Pakistanais aux États-Unis qui avait rédigé un chèque de 250 dollars sans provision et qui a été condamné à 10 ans de prison et l'a opposé à celui d'un homme qui n'a été condamné qu'à une peine mineure pour avoir détourné des milliers de dollars. Il a rappelé que les personnes les plus fortunées peuvent s'attacher les services des meilleurs avocats et, de ce fait, le traitement par les tribunaux ne sera pas juste. Il a reconnu qu'il serait utile de développer un système d'aide juridictionnelle, tout en soulignant les problèmes de ressources que cela pose aux pays en développement et en soulevant le problème de la compétence des avocats commis d'office qui sont souvent inexpérimentés.
MME LALAINA RAKOTOARISOA, experte de la Sous-Commission, a rappelé que le principe de la responsabilité pénale des personnes morales est appliqué dans certains pays comme la France, mais reste oublié dans de nombreux autres. Elle a rappelé, à titre d'exemple, que c'est pour le compte de sociétés commerciales que la pédo-pornographie opère alors que dans beaucoup de pays, c'est la personne privée qui est poursuivie et non la personne morale.
M. ABSJØRN EIDE, expert de la Sous-Commission, a demandé des éclaircissements sur la méthode que propose de suivre Mme Zerrougui. Il a déclaré qu'il lui semblait difficile de ne pas étudier les cas spécifiques des victimes. À cet égard, il a appelé l'attention sur le cas particulier des étrangers confrontés au système de justice pénale.
MME LEÏLA ZERROUGUI, experte de la Sous-Commission, a déclaré qu'il lui semblait difficile d'examiner tous les aspects de la discrimination et qu'elle se limiterait à étudier la place de la victime dans le système de la justice pénale. Aux questions portant sur la réhabilitation et l'utilisation du casier judiciaire, elle a répondu que le rapport évoquerait les discriminations après décisions de justice, mais ne les étudierait pas en profondeur. Elle a toutefois fait savoir que la question de la pauvreté sera bien entendu examinée au titre des discriminations structurelles. S'agissant de l'incrimination des personnes morales par les systèmes de justice pénale, elle a expliqué qu'elle ne voyait pas comment intégrer cette question à son étude sur la discrimination dans le système de justice pénale.

Examen de l'étude sur la responsabilité du personnel des opérations de paix des Nations Unies
M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert de la Sous-Commission, a estimé que les questions soulevées par Mme Hampson étaient pour la plupart sujettes à controverse dans le monde juridique. Par exemple, les opérations de maintien de la paix placées sous l'égide des Nations Unies, des organisations régionales ou d'une coalition indépendante que propose d'étudier Mme Hampson posent toutes des problèmes différents, a-t-il souligné. Il a ainsi posé la question de savoir comment aborder les opérations qui n'ont pas reçu l'aval des Nations Unies et a invité Mme Hampson à la plus grande prudence dans son analyse. Il a souligné les incidences juridiques et politiques de l'étude entreprise par Mme Hampson.
M. ABDUL SATTAR, expert de la Sous-Commission, a félicité Mme Hampson pour son exposé oral sur la responsabilité du personnel des opérations des Nations Unies. Il a dit avoir l'impression qu'un nombre croissant de pays hésitent de plus en plus à engager des forces militaires dans des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. N'existe-t-il alors pas un risque qu'en retirant l'impunité, cette hésitation aboutisse à une situation où les Nations Unies ne parviendront plus à obtenir des pays qu'ils envoient des contingents pour les opérations de maintien de la paix.
M. FISSEHA YIMER, expert de la Sous-Commission, a demandé des précisions concernant les règles de recrutement du personnel envoyé sur le terrain. Par exemple, il a demandé comment expliquer la présence de militants des droits de l'homme dans les équipes d'envoyés spéciaux, par exemple.
M. SOO GIL PARK, expert de la Sous-Commission, s'est accordé à reconnaître que la question de la responsabilité du personnel de police civile soulevait plus de problèmes que celle des forces armées. Il s'est fait l'écho des préoccupations exprimées par M. Kartashkin et a demandé à Mme Hampson d'examiner attentivement les résolutions du Conseil de sécurité portant mandat du personnel en question. Il a rappelé que le Conseil s'efforçait maintenant d'introduire une composante droits de l'homme dans toutes les opérations de maintien de la paix, ce qui pose de nouvelles questions.
M. DAVID WEISSBRODT, expert de la Sous-Commission, a déclaré que le sujet faisant l'objet de l'étude de Mme Hampson, à savoir la responsabilité du personnel des opérations des Nations Unies, présente un certain nombre de difficultés. Lorsque la Sous-Commission commence à «communiquer» avec le Conseil de sécurité, il se peut qu'elle aborde des questions qui la dépassent, a souligné M. Weissbrodt. Il semble que la question de savoir si le personnel des Nations Unies doit opérer dans le cadre des règles de droits de l'homme n'a toujours pas été éclaircie, ce qui constitue un problème de taille, a relevé l'expert. Un accord existe entre le Comité international de la Croix-rouge et les Nations Unies s'agissant de l'application des Conventions de Genève et du droit humanitaire, mais il semble que cet accord n'ait pas été dûment communiqué au personnel humanitaire envoyé à l'étranger sous les auspices des Nations Unies, a par ailleurs fait remarquer M. Weissbrodt.
MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission chargée de l'étude sur la responsabilité des personnels participant à des opérations des Nations Unies a précisé que l'étude qu'on lui avait demandé de préparer n'avait pas pour objectif d'examiner la légalité des opérations de maintien de la paix, mais d'examiner ce qui se passe sur le terrain lorsque le personnel de ces opérations contrevient aux règles. S'agissant des forces armées, Mme Hampson a expliqué que les États acceptent qu'ils ont pour obligation de punir leurs propres forces armées. Toutefois, la question reste de savoir comment cette obligation est mise en œuvre, a-t-elle souligné, citant des exemples de rétrogradation, de renvoi et de retenue de solde. Prenant l'exemple du cas de soldats à un point de contrôle qui auraient tiré sur des civils, sans provocation de leur part, Mme Hampson a expliqué que le problème pouvait venir des règles qui régissent la conduite des soldats. En effet, il est possible que ce code de conduite ne soit pas conforme aux règles en vigueur dans les opérations de maintien de la paix. Dans ce cas, il convient de savoir à qui incombe la responsabilité lorsque la violation a été commise par des forces armées ou de police civile. S'agit-il de la responsabilité des Nations Unies ou de celle de l'État dont les forces de police en question sont ressortissantes ? Et, si oui, à quel titre ?
S'agissant des représentants spéciaux habilités à légiférer, Mme Hamspon s'est étonnée de voir avec quelle rapidité ils légiféraient pour s'exonérer de responsabilité, y compris devant le Conseil de sécurité qui l'a mandaté. Il importe donc de s'assurer que cette personne ait des comptes à rendre devant une instance habilitée.

Suite du débat sur l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie
M. HERNAN MOTTA MOTTA (Association américaine de juristes) a rappelé qu'en juin dernier, le Conseil de sécurité a adopté par 12 voix sur 15 la résolution 1487 renouvelant la résolution 1422 de juillet 2002 qui ordonnait à la Cour pénale internationale (CPI) de s'abstenir pendant douze mois d'engager des enquêtes ou des poursuites contre des ressortissants d'un État qui n'est pas partie au Traité de Rome sur le statut de la CPI, pour des faits en relation avec une opération des Nations Unies. Sous la pression des États-Unis, le Conseil de sécurité et ses membres qui ont voté ces deux résolutions ont violé des principes fondamentaux du droit ainsi que le statut même de la CPI qui n'autorise le Conseil de sécurité qu'à demander à la Cour de suspendre des enquêtes déjà engagées. L'abstention d'un membre permanent du Conseil de sécurité, la France, n'a pas empêché que cette résolution soit adoptée, alors que l'article 27 de la Charte des Nations Unies exige un vote positif des cinq membres permanents. Les États-Unis exercent de fortes pressions sur le Conseil de sécurité pour obtenir l'approbation de résolutions contraires au droit international en vigueur. En outre, les États-Unis ont forcé quelque 40 États à souscrire des accords bilatéraux garantissant l'immunité des citoyens des États-Unis qui pourraient être poursuivis par la Cour pénale internationale. Il convient donc de mettre en place un contrôle de la légalité des décisions du Conseil de sécurité, ce qui pourrait être fait par la Cour internationale de justice de La Haye, a suggéré le représentant.
M. MITSUYUKI SUGA (Japan Federation of Bar Associations) a observé que les juges nationaux appliquent peu les dispositions internationales et a expliqué que malgré les efforts de son association, la cour suprême du Japon continuait d'accorder peu d'attention aux traités. Il a cité l'exemple d'une décision de justice qui ne respectait pas les dispositions du Pacte relatif aux droits civils et politiques concernant la liberté d'expression : le cas a été porté devant la Cour suprême qui a jugé la décision en question compatible avec les obligations du Pacte, sans toutefois expliquer pourquoi. Il a ensuite cité l'exemple d'une décision de la Cour suprême qui reconnaît la validité de la loi japonaise qui dispose que l'héritage des enfants nés hors mariage est de la moitié de celui des enfants légitimes. Le représentant a ensuite regretté que le Japon n'ait pas ratifié le Protocole facultatif au Pacte relatif aux droits civils et politiques, ce qui permettrait des communications individuelles. Dans la mesure où le cas du Japon n'est pas unique, le représentant a suggéré que l'une des mesures les plus efficaces pour encourager l'application des instruments internationaux serait d'encourager à la ratification du Protocole facultatif aux Pacte relatif aux droits civils et politiques et des autres instruments du même type qui prévoient la possibilité de présenter des communications individuelles devant les mécanismes des droits de l'homme.
MME KAREN PARKER (International Educational Development) a jugé illégale l'occupation militaire de l'Iraq puisque les forces d'occupation se trouvent en violation flagrante des Conventions de Genève et des lois et coutumes de guerre. Elle a par ailleurs fait part de sa préoccupation s'agissant de la situation qui prévaut dans le Jammu-et-Cachemire occupé par l'Inde en matière de primauté du droit et de démocratie. Elle a d'autre part rappelé qu'un retrait de troupes indonésiennes avait été planifié aux Moluques pour juillet 2003 mais n'a toujours pas été opéré, alors que plus de 125 personnes ont été arrêtées en avril dernier pour avoir arboré le drapeau des Moluques. La représentante a donc exhorté la Sous-Commission et le Haut-Commissariat aux droits de l'homme d'accorder toute l'attention requise à la crise en cours aux Moluques ainsi qu'à la grave situation en Papouasie occidentale. Elle a par ailleurs attiré l'attention sur le déni, à travers le monde, des droits des prisonniers capturés durant un conflit armé, comme l'attestent les situations des opposants kurdes en Turquie, de l'opposition cachemirienne, des forces d'opposition iraniennes, des détenus de Guantanamo et de plusieurs conflits armés en Indonésie.



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