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Communiqués de presse Commission des droits de l'homme

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME : PLUSIEURS HAUTS RESPONSABLES INSISTENT SUR L'IMPORTANCE DU DROIT AU DÉVELOPPEMENT

17 Mars 2004


17.03.2004

Il est souligné qu'il faudrait davantage d'efforts pour mieux répartir
les bienfaits de la mondialisation et promouvoir la réalisation
des droits économiques, sociaux et culturels


La Commission des droits de l'homme a poursuivi cet après-midi son débat de haut niveau en entendant les déclarations du Vice-Premier Ministre de la République tchèque, du Ministre des affaires présidentielles et de l'administration publique du Botswana, des Ministres de la justice du Rwanda et de l'Argentine, et des Ministres des affaires étrangères de la Bosnie-Herzégovine, de la Côte d'Ivoire, du Timor-Leste et de la Finlande. Sont également intervenus le Vice-Ministre des affaires étrangères de la Pologne et le Ministre adjoint des affaires étrangères du Viet Nam. Le Président du Comité international de la Croix-Rouge a également fait une déclaration.

Le responsable vietnamien a estimé que le temps est venu pour la Commission des droits de l'homme d'accorder l'attention qu'elle mérite à la question de la promotion du droit au développement, longtemps entravée par des considérations d'ordre politique. Il est temps pour la Commission de mettre en œuvre une approche générale de tous les droits : civils, politiques, économiques, culturels et sociaux. C'est la seule façon pour cet organe de regagner toute sa crédibilité, particulièrement dans les pays en développement, a-t-il affirmé. Le Ministre des affaires étrangères de Timor-Leste a quant à lui regretté que seule une poignée de pays riches fasse preuve de compassion et de sagesse en allouant 0,7% de leur PIB à l'aide économique internationale.

Le ministre des affaires étrangères de la Finlande a lui aussi insisté sur l'importance des droits économiques, sociaux et culturels, estimant qu'il conviendrait de déployer davantage d'efforts en vue de mieux répartir les bienfaits de la mondialisation. À cet égard, il faudrait trouver les moyens d'impliquer le monde des affaires dans un dialogue constructif visant à améliorer les droits de l'homme au niveau individuel.

Le Vice-premier Ministre de la République tchèque a rappelé que le principe d'universalité des droits de l'homme doit demeurer le socle fondamental du système international de protection des droits de l'homme. Il a appelé de ses vœux la recherche, par les membres de la Commission d'un équilibre plus juste entre les impératifs d'ordre politique et les nécessités inhérentes à la protection des droits de l'homme. Plusieurs intervenants ont à cet égard estimé que les différences politiques, culturelles et historiques entre les États ne devraient pas entraver la volonté de poursuivre sincèrement les objectifs de la Commission des droits de l'homme.

En fin de séance, les représentants du Costa Rica, de la Lettonie et de Cuba ont exercé le droit de réponse.

La Commission des droits de l'homme doit entendre demain, à partir de 10 heures, une trentaine d'orateurs dans le cadre de la dernière journée de son débat de haut niveau qui se déroulera sans interruption jusqu'à 18 heures.


Débat de haut niveau

M. DANIEL K. KWELAGOBE, Ministre chargé des affaires présidentielles et de l'administration publique du Botswana, a exprimé les condoléances de son pays aux victimes de l'attentat de Madrid et rendu hommage au défunt Haut Commissaire aux droits de l'homme, Sérgio Vieira de Mello. Il a également rappelé que, pour les Africains, le souvenir des terribles attentats de Nairobi, Dar es-Salaam et Mombasa reste encore très vif. La Commission des droits de l'homme, a poursuivi le Ministre, est l'un des organes les plus importants pour la défense des droits humains et l'application des normes et valeurs universelles. Le Botswana a confiance dans la mission de cet organe mais estime néanmoins que son fonctionnement pourrait être amélioré. En outre, le mandat des rapporteurs spéciaux et certaines de leurs méthodes de travail suscitent la réserve du Botswana, a poursuivi M. Kwelagobe, pour qui les États ne devraient pas avoir à se justifier d'allégations parfois non vérifiées. Le Ministre a toutefois rappelé l'importance pour la communauté internationale de continuer à s'opposer à toutes les violations des droits de l'homme, pour autant qu'elles soient avérées.

Le Botswana a une longue histoire de refus et d'opposition à la discrimination raciale, laquelle est sanctionnée par la Charte des droits et le Code pénal national. Le Botswana est aussi, depuis des décennies, un sanctuaire pour les réfugiés politiques de l'Afrique entière, a ajouté le Ministre. C'est dans le pays encore que se déroulera, dans quelques jours, le prochain Forum mondial de la société civile, qui traitera également de questions relatives à la promotion des droits de l'homme et de questions humanitaires. Sur un plan pratique, le Gouvernement poursuit un programme d'action en faveur de l'égalité entre les sexes. Il a pris des mesures concernant la luttte contre le VIH/sida et l'éducation des femmes et des fillettes, qui sont les principales victimes des entraves au développement. Enfin, a fait valoir le Ministre, le Botswana est fermement engagé en faveur de la protection des libertés individuelles, comme en témoignent l'indépendance effective du pouvoir judiciaire et l'existence d'organes de recours juridique indépendants.

MME EDDA MUKABAGWIZA, Ministre de la justice du Rwanda, a déclaré que l'échec des États face à leur obligation de protéger le Rwanda contre le génocide avait pour cause, selon la Commission, l'absence de volonté politique. Ce constat d'incapacité, bien qu'essentiel, reste insuffisant, car l'incapacité de protéger l'humanité et la dignité humaine par absence de volonté politique nie la raison d'être de la Commission, a t-elle souligné. Mme Mukabagwiza a relevé que dix ans après le génocide au Rwanda, la plupart des planificateurs du génocide bénéficient de l'asile de plusieurs pays occidentaux et africains membres de la Commission dans lesquels ils se sont exilés pour échapper à la justice. Elle a appelé ces États à coopérer activement avec le Rwanda et le Tribunal international pour le Rwanda, dans le domaine de la justice, et à manifester ainsi une volonté sincère de lutter contre l'impunité du crime de génocide. Sur le plan de la justice nationale, les juridictions Gacaca participent à l'établissement de la vérité sur le génocide et contribuent à cimenter l'unité et la réconciliation nationale, a précisé la Ministre. Au cours de cette année, ces juridictions seront étendues à l'ensemble du territoire rwandais, a-t-elle indiqué.

Le génocide de 1994 a laissé des conséquences incommensurables, a déclaré Mme Mukabagwiza. Le Gouvernement rwandais remercie tous les États qui ont appuyé ses efforts de reconstruction, a-t-elle ajouté. Mais, malgré l'allocation de 5% du budget national au Fonds d'assistance aux victimes et rescapés du génocide, l'énormité des conséquences est telle que la plupart de ces personnes ne vivent toujours pas, à ce jour, dans des conditions de dignité humaine. Parmi ces groupes particulièrement vulnérables, se trouvent les femmes et enfants de sexe féminin, victimes de viols systématiques utilisés comme arme de guerre durant le génocide et dont un grand nombre ont été infectées par le VIH/sida. La Ministre rwandaise de la justice a appelé à une mobilisation exceptionnelle et au devoir de solidarité de tous à l'égard des victimes et rescapés du génocide. Elle a salué l'initiative de lutte contre la violence exercée à l'égard des femmes lancée par la Ministre des affaires étrangères de la Suisse il y a deux jours. Quant aux responsabilités dans la planification et l'exécution du génocide, elles restent niées par ceux dont l'implication a été la plus lourde, a souligné Mme Mukabagwiza. Le Gouvernement rwandais appelle toute la communauté internationale à se joindre au peuple rwandais pour condamner toutes les manifestations et campagnes de révisionnisme du génocide. S'agissant de la bonne gouvernance au Rwanda, elle a indiqué que la création d'un bureau de l'Ombusdman, actuellement à pied d'œuvre, constitue un des mécanismes mis en place pour protéger l'État et les individus contre les plus grands maux de la société, à savoir la corruption, la discrimination et la mauvaise gestion des biens publics. La communauté internationale et les Nations Unies devraient garder à l'esprit qu'aucun moyen n'est à écarter pour aider le Rwanda, a insisté la Ministre en guise de conclusion.

M. CYRIL SVOBODA, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la République tchèque, a déclaré que si la communauté internationale souhaite se doter d'un système de protection des droits de l'homme de haute qualité, cet objectif doit être considéré dans les politiques étrangères des États comme étant aussi important que la défense des intérêts économiques. Mais cela ne suffit pas, a-t-il ajouté; il importe également que les mécanismes internationaux relatifs aux droits de l'homme aient une portée effective. La République tchèque n'ignore pas que le dialogue entre États peut être difficile en raison de l'existence de systèmes de valeurs différents. Toutefois, le principe d'universalité des droits de l'homme doit demeurer la base essentielle du système international de protection de ces droits, a souligné M. Svoboda. Une autre condition essentielle pour le bon fonctionnement des mécanismes internationaux des droits de l'homme réside dans leur interconnexion, a-t-il poursuivi. Ainsi, il importe d'établir un échange régulier d'informations entre les mécanismes des droits de l'homme et les organes de traités. Il serait par ailleurs opportun, le cas échéant, de supprimer les doubles emplois dans certains mandats.

M. Svoboda a par ailleurs insisté sur l'importance des systèmes nationaux de protection des droits de l'homme. Les pays qui protègent les droits de l'homme de leurs concitoyens avec le plus de constance et d'efficacité apparaissent comme les mieux qualifiés pour contrôler la mise en œuvre des normes internationales de droits de l'homme, a-t-il affirmé. Il a rappelé que si la Commission a été instituée en tant qu'organe politique, il importe de ne pas laisser cette dimension l'emporter sur les intérêts et nécessités propres à la protection des droits de l'homme. La Commission devrait se pencher sur les mesures qui permettraient de parvenir à un plus juste équilibre entre ces deux pôles, a-t-il suggéré. Par ailleurs, si nous voulons préserver l'autorité des décisions de la Commission, nous devons mobiliser une volonté sincère de les mettre en œuvre, a-t-il déclaré. Il faudrait réfléchir à la façon de tirer toutes les conséquences des manquements de certains États à coopérer sincèrement à la mise en œuvre des décisions prises par la Commission, a insisté le Vice-Premier Ministre tchèque.

M. JAKOB KELLENBERGER, Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a rendu hommage aux victimes de l'attentat de Madrid et a rappelé que la communauté internationale dispose des instruments nécessaires à la protection des États et des individus contre les menaces à leur sécurité. Les États doivent agir, prendre des mesures de protection et mettre leurs lois en œuvre. Cela pose en définitive la question de l'équilibre entre le respect des libertés individuelles et la lutte contre le terrorisme. Il n'y a cependant, pour M. Kellenberger, aucune incompatibilité fondamentale entre la sécurité de l'État et la protection des droits individuels.

En ce qui concerne les personnes disparues, M. Kellenberger a évoqué l'angoisse de milliers de familles dans le monde devant la disparition d'un parent dans le cadre d'un conflit armé, expérience souvent plus douloureuse encore que la mort proprement dite. Agissant sur la base du mandat conféré par les Conventions de Genève, le CICR cherche donc à rétablir les liens familiaux et à faire la lumière sur le sort des personnes disparues lors de conflits armés et guerres civiles. Le CICR a lancé, il y a deux ans, un processus consultatif qui a abouti récemment à une série de recommandations. Celles-ci suggèrent en particulier qu'il convient de prendre des mesures pour intégrer le droit international dans les législations internes. Il s'agit aussi d'établir un ensemble de règles de comportement qui garantiront que personne ne puisse disparaître pendant un conflit. La prévention exige aussi de prendre certaines mesures pratiques: échanges de nouvelles avec les familles; mise à disposition de moyens d'identification, pour les membres des forces en présence; traitement décent des dépouilles humaines, entre autres. Les familles doivent être soutenues et informées sur le sort de leurs parents portés disparus. Elles doivent aussi pouvoir être assurées que les auteurs des enlèvements répondront de leurs actes. Enfin, M. Kellenberger a fait remarquer que la majorité des personnes disparues en cas de conflit sont des hommes, ce qui place les femmes en position d'endurer non seulement beaucoup d'angoisse et de chagrin, mais aussi de graves difficultés économiques. En effet, suite à la disparition du chef de famille, leurs ressources financières sont réduites et, leur statut juridique n'étant pas toujours clair, elles se retrouvent souvent privées de toute aide officielle, pensions de veuves ou allocations.

M. GUSTAVO OSVALDO BELIZ, Ministre de la justice, de la sécurité et des droits de l'homme de l'Argentine, a rappelé que deux attentats avaient eu lieu à Buenos Aires, l'un le 17 mars 1992, contre l'ambassade d'Israël et l'autre, le 19 juillet 1994, le plus grave attentat de l'histoire du pays, visant l'Association mutuelle argentine. La lutte contre la barbarie et le terrorisme doit être menée sans sacrifier le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales et dans le cadre des normes internationales en la matière, a t-il souligné. Selon un décret adopté deux mois après l'entrée en fonction du Président de l'Argentine, les individus accusés d'avoir commis des crimes contre l'humanité pendant les années de dictature et dont l'extradition est requise par d'autres États doivent se soumettre aux formalités habituelles d'extradition. En outre, le pouvoir judiciaire a ordonné la réouverture des affaires de torture, enlèvements, violences sexuelles et autres violations qui avaient auparavant été closes, a indiqué M. Béliz.

Le Ministre argentin a déclaré que, comme de nombreux pays dits en développement, l'Argentine fait face à un véritable génocide social en raison des plans de restructuration économique et de la pauvreté extrême qui en est la conséquence et qui constituent un défi énorme pour les droits de l'homme et le développement durable. Le Président Nestor Kirchner a confié au Secrétaire des droits de l'homme de l'Argentine le mandat de servir de médiateur dans les conflits sociaux aigus ayant des conséquences sur les droits individuels et collectifs. Le Secrétaire a œuvré, en coopération avec la société civile, à l'élaboration d'un plan national pour les droits de l'homme, d'un plan pour les droits de l'enfant et d'un plan national contre la discrimination. S'agissant des travaux de la Commission des droits de l'homme, le Ministre a expliqué que divers représentants des procédures thématiques avaient déjà visité l'Argentine. L'Argentine appelle à juger positivement la proposition du Secrétaire général des Nations Unies visant à l'établissement d'un comité pour la prévention du génocide, ainsi que l'initiative du Haut Commissaire par intérim de créer un mandat de rapporteur spécial sur le trafic des femmes et des enfants, a t-il ajouté.

M. BAMBA MAMADOU, Ministre d'État, Ministre des affaires étrangères de la Côte d'Ivoire, a rappelé que moins de deux mois après le déclenchement de la crise militaro-politique dans le pays, la Côte d'Ivoire a pris elle-même l'initiative de demander aux Nations Unies l'envoi d'une commission internationale d'enquête sur toute l'étendue du territoire. En agissant ainsi, a déclaré le Ministre, le pays a voulu faire savoir au monde entier sa ferme volonté de s'ouvrir à toutes visites permettant de prendre la juste mesure des violations des droits de l'homme consécutives à la crise. Il a par ailleurs évoqué toute une série d'actions illustrant l'attachement de son pays aux droits de l'homme. À cet égard, il a souligné que conformément au paragraphe 6 des accords de Linas- Marcoussis relatifs aux droits humains, un projet de loi portant création d'une commission nationale des droits de l'homme a déjà été adopté par le Gouvernement et sera examiné par le Parlement, actuellement réuni en session extraordinaire.

Le Ministre ivoirien a également déclaré que son pays entend poursuivre sa coopération avec les différents mécanismes de la Commission des droits de l'homme en accueillant, dans un proche avenir, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies sur les personnes déplacées, le Rapporteur spécial sur les migrants et le Rapporteur spécial sur le mercenariat. Le Ministre a assuré la commission que le dialogue interivoirien se poursuit avec, en perspective, le programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion. À cet égard, il a salué l'adoption à l'unanimité, par le Conseil de sécurité le 27 février 2004, de la résolution 1528 autorisant l'envoi de casques bleus en Côte d'Ivoire. Il s'est félicité de l'adoption de cette résolution qui permettra l'accélération du dialogue entre le Gouvernement et toutes les forces politiques impliquées en vue d'un retour rapide à la paix et à la normalité dans la perspective d'élections justes, ouvertes, transparentes et sécurisées en 2005. Il a enfin informé la Commission que son pays présenterait incessamment un projet de plan de stabilisation de l'Afrique de l'Ouest, à la prochaine réunion du Conseil de médiation et de sécurité de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).

M. DAO VIET TRUNG, Ministre adjoint des affaires étrangères du Viet Nam, a exprimé l'espoir que les efforts communs et l'esprit de coopération permettront à tous les États membres des Nations Unies de trouver les moyens efficaces de faire face aux défis auxquels est confrontée la communauté internationale - guerres, conflits armés, terrorisme, pauvreté, épidémies - et qui continuent de menacer la paix et la sécurité, entravant la promotion des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. Trung a présenté les nombreuses mesures prises par son gouvernement pour promouvoir les droits de l'homme et les libertés fondamentales au Viet Nam. De nombreux textes de lois ont ainsi été amendés, favorisant l'émergence de l'état de droit dans le pays, a-t-il fait valoir. Il a souligné que le Viet Nam appuie pleinement la notion d'universalité des droits de l'homme. Il est impossible, a insisté M. Trung, de distinguer les droits civils et politiques des droits économiques, sociaux et culturels. Tous ces droits doivent être promus de façon harmonieuse, a-t-il affirmé. Il a néanmoins reconnu que, dans un monde multidimensionnel, l'universalité des droits de l'homme doit être conciliée avec les spécificités culturelles et historiques de chaque pays.

M. Trung a affirmé que le peuple vietnamien est pleinement conscient du fait que, pour assurer à chacun de ses citoyens la jouissance de ses droits individuels, un État doit, en premier lieu, jouir du droit de vivre en paix, dans l'indépendance, la liberté et le développement. Aussi, a-t-il estimé que le moment est venu pour la Commission d'accorder une juste attention à la question de la promotion du droit au développement, promotion longtemps entravée par des considérations d'ordre politique. Il est temps pour la Commission de mettre en œuvre une approche générale de tous les droits: civils, politiques, économiques, culturels et sociaux. C'est la seule façon pour cet organe de regagner toute sa crédibilité, particulièrement dans les pays en développement, a déclaré le Ministre adjoint des affaires étrangères. Compte tenu de leurs différences sur les plans politique, économique, historique et culturel, il est inévitable que les États aient des approches différentes en matière de droits de l'homme, a-t-il poursuivi. Toutefois, ces différences ne devraient pas nuire à l'esprit de coopération internationale sur la base du dialogue et du respect mutuel, au nom de la promotion des droits de l'homme. Aucun pays ne devrait s'accorder le droit d'instrumentaliser la notion de droits de l'homme pour exercer sur un autre État des pressions de nature politique ou imposer ses conditions dans le domaine économique, a souligné M. Trung.

M. ERKKI TUOMIOJA, Ministre des affaires étrangères de la Finlande, a rappelé que la mondialisation affecte la vie de tous et a des effets bénéfiques indiscutables. L'augmentation de la richesse qu'elle induit permettra à certains de sortir de l'extrême pauvreté, a-t-il fait valoir. Quant aux militants des droits de l'homme, ils n'ont pas manqué de faire le meilleur usage possible de la transmission facilitée de l'information et de la transparence accrue: les violations des droits de l'homme peuvent en effet aisément être exposées à une très large audience. Reste que la mondialisation a un défaut majeur: l'accès aux richesses qu'elle suscite reste très inégalitaire, a relevé le Ministre finlandais des affaires étrangères. À cet égard, il a souligné que les efforts en vue d'une répartition égalitaire des bienfaits de la mondialisation passent par des mesures prises à l'échelle des États eux-mêmes, ce qui suppose l'existence des conditions inhérentes à la bonne gouvernance, en termes de primauté du droit, de démocratie, de respect des droits de l'homme et d'indépendance de la justice. Mais, a fait remarquer le Ministre, les États ne sont plus les seuls à devoir faire preuve de responsabilité dans ce domaine: la responsabilité sociale des sociétés transnationales prend de l'importance, comme en témoigne l'initiative du "Pacte mondial" lancée par M. Kofi Annan. Il faut donc trouver des moyens d'impliquer le monde des affaires dans un dialogue constructif visant à améliorer les droits de l'homme au niveau individuel. Toujours dans ce contexte de mondialisation, M. Tuomioja a mis l'accent sur l'importance que revêt le respect des droits économiques, sociaux et culturels et a formulé le souhait que soit reconduit le mandat du Groupe de travail chargé de l'élaboration d'un protocole additionnel au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

M. Tuomioja a par ailleurs dénoncé l'impunité, qui laisse le champ libre aux violations des droits humains. Il est impératif que les responsables de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre ou de génocides soient poursuivis, a-t-il souligné. C'est évidemment le rôle des États, a-t-il concédé, d'enquêter et d'engager les procédures juridiques; mais la Cour pénale internationale doit également jouer un rôle important à cet égard, notamment en aidant des États dont le système judiciaire est confronté à de lourds problèmes. Enfin, le Ministre finlandais a rappelé qu'une attention particulière doit être accordée aux groupes les plus exposés et en particulier aux femmes. Celles-ci sont victimes de violences qui constituent la violation des droits humains la plus répandue au monde, et la plus ignorée aussi, selon les termes d'un rapport d'Amnesty International, a souligné M. Tuomioja. Cette violence est intolérable et doit être dénoncée par les juridictions nationales, au même titre que les crimes dits d'honneur, toutes les formes de violence domestique ainsi que les trafics dont les femmes et les enfants sont encore victimes jusqu'en Europe, a-t-il insisté.

M. JOSÉ RAMOS-HORTA, Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Timor-Leste, a déclaré que, face aux forces de la barbarie qui ont commis l'attaque contre les Nations Unies à Bagdad et l'attentat de Madrid, qui ont imposé un régime médiéval brutal au peuple afghan et qui essaient d'inverser le cours des transformations démocratiques qui se produisent en Afghanistan et en Iraq, le choix nous appartient soit de nous montrer faibles face aux défis et de nous retirer d'Afghanistan et d'Iraq, soit de prendre le parti de ceux qui aspirent à un système de gouvernement libre et démocratique. Comme elles l'ont fait dans mon propre pays ainsi qu'en Afghanistan et au Kosovo, les Nations Unies doivent diriger la transition politique en Iraq et la Banque mondiale doit se voir confier la reconstruction économique, a déclaré M. Ramos-Horta. Le Timor-Leste se félicite de l'énergie et des ressources déployées dans la lutte contre le terrorisme mais tient à souligner que les droits de l'homme ne sauraient être sacrifiés dans ce processus, a précisé le Ministre des affaires étrangères. En outre, il ne faudrait pas perdre de vue d'autres combats, tels que le combat moral contre la pauvreté, l'illétrisme et l'exclusion, a-t-il ajouté. Il a regretté que seule une poignée de pays riches ait fait preuve de compassion et de clairvoyance en allouant 0,7% de leur PNB à l'aide publique au développement.

Après avoir salué le travail réalisé par le Bureau du Haut Commissariat au Timor-Leste ainsi que par les organisations non gouvernementales, M. Ramos-Horta a évoqué les développements positifs récents que constituent, dans son pays, la présentation au Parlement d'une législation visant à créer un bureau d'ombudsman; le lancement d'une initiative visant à développer un plan national d'action sur les droits de l'homme; ainsi que les progrès réalisés par la Commission Vérité et Réconciliation et par l'Unité chargée des crimes graves. Le Gouvernement du Timor-Leste s'est engagé à faire en sorte que ceux qui ont commis des violations massives des droits de l'homme et du droit humanitaire au Timor-Leste en 1999 aient à rendre des comptes. La Commission Vérité et Réconciliation a déjà reçu plus de 7 000 déclarations, émanant pour la plupart de survivants ou de familles de victimes. S'agissant de la présentation de rapports aux organes de traités, M. Ramos-Horta s'est demandé si les maigres ressources du Timor-Leste ne devraient pas plutôt être consacrées au développement du pays qu'à la production de rapports destinés aux dits organes internationaux. Il a estimé que les réformes proposées dans ce domaine devraient prendre en compte la capacité des États parties à s'acquitter de leurs obligations. Indiquant que son pays a établi des relations diplomatiques avec la Palestine ainsi qu'avec l'État d'Israël, le Ministre des affaires étrangères du Timor-Leste a déploré que la feuille de route acceptée par toutes les parties ne soit pas appliquée. Il a en outre instamment prié les autorités du Myanmar à faire plus pour gagner la confiance de la communauté internationale, en démontrant qu'elles sont vraiment engagées en faveur d'une transition pacifique vers la démocratie.

M. JAKUB T. WOLSKI, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Pologne, a déclaré que son pays, qui s'apprête à rejoindre l'Union européenne, s'associait pleinement aux priorités de l'Union en matière de droits de l'homme, qu'il s'agisse d'abolition de la peine de mort, de protection des droits des enfants, d'éradication de la torture ou du rôle des défenseurs des droits de l'homme dans le monde. Ces sujets sont d'une importance capitale, et il importe que la Commission s'y intéresse de près, comme c'est son rôle. À cette fin, la Pologne estime que cette session devrait être consacrée au renforcement de la crédibilité de la Commission afin que sa raison d'être soit parfaitement comprise par tous les pays du monde. Étant donné la complexité des problèmes qui lui sont soumis, il est clair pour M. Wolski que la Commission doit favoriser le dialogue comme instrument de travail, dialogue qui suppose une capacité d'écoute mutuelle. Ce dialogue constructif a marqué la dernière session du groupe de travail intergouvernemental sur le droit au développement, dont les réflexions devraient faciliter les négociations sur le projet de résolution de cette année portant sur cette question, l'une des plus importantes aux yeux de la Pologne.

Un autre domaine auquel la Pologne est attachée concerne la question de la bonne gouvernance, à savoir le renforcement de l'état de droit et le respect des droits de l'homme et des principes de la démocratie. Notion politiquement et culturellement neutre, la bonne gouvernance est, pour le Ministre polonais, un indicateur objectif de la responsabilité qu'assument les gouvernements vis-à-vis du développement économique, social et politique des sociétés. Il s'agit à la fois d'un outil et d'une méthode pour l'application de politiques efficaces et transparentes. Au cours de la présente session de la Commission, la Pologne, au nom également de quatre partenaires, présentera un projet de résolution sur la bonne gouvernance; elle veillera également à promouvoir cette idée dans d'autres instances des Nations Unies et au-delà.


Exercice du droit de réponse

M. MANUEL GONZALEZ- SANZ (Costa Rica), en réponse à l'intervention du Ministre des affaires étrangères de Cuba, a fait valoir que son pays n'hésite jamais à dénoncer respectueusement les violations des droits de l'homme dans quelque pays que ce soit. L'arrogance, l'intimidation et les efforts infructueux visant à générer l'animosité des pays arabes contre son pays sont inacceptables et incompatibles avec la dignité qui doit présider aux travaux de la Commission, au caractère sérieux que revêt le conflit au Moyen-Orient et aux excellentes relations qui unissent Costa Rica aux pays arabes.

M. JANIS KARKINS (Lettonie) a noté des inexactitudes concernant la Lettonie dans le discours du Vice-ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie. L'affirmation selon laquelle la réforme du système éducatif mènerait à l'élimination de la langue russe dans le secondaire n'est pas exacte car la réforme exige que 60% des sujets de dixième année dans les écoles minoritaires soient enseignés en langue lettone et 40% dans les huit langues minoritaires, y compris le russe, le polonais, et l'ukrainien. Quant aux accusations selon lesquelles les droits des individus qui n'ont pas la nationalité lettone sont violés en Lettonie, et concernant les insuffisances de la démocratie en Lettonie, elles sont infondées et injustes. S'il y a eu des insuffisances dans la démocratie en Lettonie, c'est bien pendant l'occupation soviétique. Quant aux personnes qui n'ont pas la nationalité lettone, ils disposent de documents d'identité et jouissent de la protection totale de l'État. Leurs droits humains et libertés fondamentales sont garantis, la seule exception étant faite à certains droits politiques, comme le droit de voter et de se porter candidat aux élections. Mais ces derniers peuvent être obtenus grâce au processus de naturalisation mis en place.

M. RODOLFO REYES RODRÍGUEZ (Cuba) a demandé à l'ambassadeur du Costa Rica si ce qu'a dit le Ministre des affaires étrangères de Cuba n'est pas absolument vrai. Le Costa Rica n'a pas condamné Israël et n'a pas voté contre l'extension des territoires occupés, a t-il rappelé.

M. MANUEL GONZALEZ-SANZ (Costa Rica) a répondu à l'intervention précédente en déplorant que de telles déclarations, empreintes d'arrogance et d'irrespect, expliquent les reproches de politisation faits la Commission. Le Costa Rica ne se laissera pas intimider et, s'il décide d'être coauteur de la résolution en question, il ne manquera pas de le faire savoir en temps et lieu et en toute transparence.

M. RODOLFO REYES RODRÍGUEZ (Cuba), en réponse à l'intervention du Costa Rica, a constaté que ce pays n'avait pas répondu à la question de savoir s'il ferait ou non, cette année, le jeu du Gouvernement des États-Unis en présentant une résolution qui condamne le peuple cubain. Cette résolution et les accusations mensongères qu'elle contient ne sont en effet qu'un prétexte pour justifier le blocus illégal contre l'île. Le représentant de Cuba a aussi déclaré regretter vivement le rôle de la délégation du Costa Rica lors des précédentes sessions, délégation qui a été la seule à avoir été coauteur d'un projet odieux parrainé par les États-Unis. Quoi qu'il en soit, Cuba attend toujours une réponse à sa question initiale.

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