Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE TIENT UNE RÉUNION AVEC LE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LA TORTURE

02 Mai 2006

Comité contre la torture

2 mai 2006

Le Rapporteur spécial fait notamment état de la situation en Géorgie,
pays où il s'est rendu récemment et dont le rapport sera examiné demain par le Comité


Le Comité contre la torture a tenu, cet après-midi, une réunion avec le Rapporteur spécial sur la question de la torture, M. Manfred Nowak, qui a notamment rendu compte des résultats de visites sur le terrain qu'il a effectuées depuis sa nomination.

M. Nowak a indiqué avoir effectué, depuis sa nomination le 1er décembre 2004, quatre missions sur le terrain, en Géorgie, en Mongolie, au Népal et en Chine. Il a précisé avoir également mené, avec quatre autres procédures spéciales, une enquête sur la situation des détenus à Guantánamo, sans toutefois se rendre sur place.

Le Président du Comité, M. Andreas Mavrommatis, ayant souhaité savoir si M. Nowak était en mesure de présenter quelques informations sur la Géorgie, dont le rapport sera examiné demain matin par le Comité, le Rapporteur spécial a indiqué avoir bénéficié, lors de sa visite dans ce pays, d'une coopération tout à fait ouverte de la part du Gouvernement géorgien. Des amendements ont été apportés au Code de procédure pénale, a par ailleurs indiqué M. Nowak. Il a souligné que la principale préoccupation s'agissant de ce pays était que les pratiques de torture se poursuivent. De façon générale, les conditions carcérales, notamment dans les centres de détention préventive, sont désastreuses, a ajouté le Rapporteur spécial.

Prié de dire si l'on pouvait affirmer qu'il y a l'amorce d'une amélioration réelle de la situation en Géorgie, M. Nowak a souligné qu'il n'y a pas réellement de pouvoir judiciaire indépendant dans ce pays. En outre, des pressions ont été exercées sur la police afin qu'elle ait recours à la brutalité pour extorquer des aveux. Il n'en demeure pas moins que la «révolution rose» a amené certaines modifications, a constaté le Rapporteur spécial. Mais ces derniers mois, on se rend compte que, dans une certaine mesure, les choses empirent à nouveau, a-t-il déclaré.

Un membre du Comité ayant rappelé que le 27 mars dernier, des mutineries intervenues dans deux prisons géorgiennes se sont soldées par plusieurs décès suite à l'intervention des forces de l'ordre, M. Nowak a indiqué que selon certaines informations, ces émeutes auraient essentiellement pris la forme de violences entre prisonniers alors que, selon d'autres sources fiables, nombre de morts et de blessés sont dus non pas aux violences entre détenus mais aux interventions des forces de l'ordre dans les prisons concernées.

Pour ce qui est du Népal, où il s'est rendu en décembre dernier, M. Nowak a tenu à indiquer que c'est le seul pays au sujet duquel il a pu conclure que la torture y était pratiquée de façon systématique par les membres des forces de l'ordre, par l'Armée royale népalaise, mais aussi par les Maoïstes. M. Nowak a précisé que l'une des raisons qui l'ont amené à cette conclusion, c'est qu'outre toutes les preuves qui ont pu être rassemblées dans les prisons, les autorités, au plus haut niveau, ont elles-même admis que la torture «pouvait aider».

Faisant état d'allégations selon lesquelles il existerait en Fédération de Russie des lieux de détention privés ouverts par des personnes riches pour accueillir de riches détenus, un membre du Comité a souhaité savoir si le Rapporteur spécial envisageait de visiter ces lieux durant la visite qu'il doit prochainement effectuer dans ce pays. M. Nowak a indiqué être intéressé à recevoir davantage d'informations concernant de tels lieux. Le Rapporteur spécial a précisé que la date de sa visite en Fédération de Russie n'est pas encore déterminée mais que cette visite devrait intervenir soit au mois de septembre, soit au mois d'octobre 2006. Il s'agira probablement d'une mission de deux semaines, a-t-il ajouté. Les lieux visités se situeront essentiellement à Moscou, a poursuivi M. Nowak, mais aussi en République de Tchétchénie et dans un troisième endroit qui reste à déterminer.

Le Rapporteur spécial sur la question de la torture a indiqué qu'il n'accepte d'invitation d'un Gouvernement à se rendre dans un pays que si ce dernier s'engage à l'autoriser à visiter librement tout lieu de détention sans préavis et à s'entretenir en privé avec des détenus. C'est la raison pour laquelle a été annulée la visite que plusieurs procédures spéciales de la Commission des droits de l'homme, dont le Rapporteur sur la torture, prévoyaient d'effectuer à la base militaire des États-Unis à Guantánamo, a précisé M. Nowak. En effet, les autorités des États-Unis refusaient que les experts de la Commission aient une interaction avec les détenus, a-t-il rappelé. Quoi qu'il en soit, en règle générale, les autorités acceptent ces exigences associées aux visites du Rapporteur spécial et respectent les assurances qu'elles ont données à cet égard, a poursuivi M. Nowak. Les autorités chinoises ont à cet égard, d'une manière générale, respecté leur parole, a-t-il indiqué. Le seul obstacle – mais il n'est pas propre à la Chine car il se rencontre ailleurs – est qu'il y a toujours des détenus qui refusent de parler parce qu'ils ont peur, a ajouté le Rapporteur spécial. Les visites du Rapporteur spécial sont des visites d'établissement des faits mais elles sont le point de départ d'une coopération de longue haleine, a-t-il expliqué.

Il faut éviter dans toute la mesure du possible que le Rapporteur spécial et le Comité (au titre de l'article 20 de la Convention) enquêtent en même temps sur un même pays, a par ailleurs estimé M. Nowak. Le Rapporteur spécial a aussi mis l'accent sur le principe de proportionnalité s'agissant du recours à la force. Il a d'autre part souligné qu'il peut arriver que l'on inflige non intentionnellement un traitement dégradant, par exemple du fait de conditions carcérales déficientes; aussi, l'intention est-elle la distinction qu'il convient de prendre en compte dans le contexte de la définition de la torture, a-t-il estimé.

La torture fait référence à des moyens illicites destinés à obtenir des preuves et, de ce point de vue, il n'y a pas de distinction à établir entre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans la mesure où chaque individu supporte la douleur selon ses propres capacités, a souligné un membre du Comité. Il ne faut pas confondre intention criminelle et mobile, a insisté cet expert. Il faut veiller à ne pas tomber dans le piège dans lequel certains États pourraient entraîner le Comité, a insisté ce même expert, rappelant qu'il y a quelques temps, un pays a invoqué un état de nécessité pour justifier la torture de certains individus, arguant qu'il s'agissait d'éviter la commission d'un acte de terrorisme.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du troisième rapport périodique de la Géorgie (CAT/C/73/Add.1).

* *** *
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

VOIR CETTE PAGE EN :