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Communiqués de presse Procédures spéciales

JOURNEE MONDIALE DE L’ALIMENTATION

15 Octobre 2008



Le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur le droit a l’alimentation, a transmis le message suivant à l’occasion de la journée mondiale de l’alimentation, ce 16 octobre 2008

Un nouveau système de production est nécessaire pour faire face à la crise alimentaire mondiale

La violation quotidienne du droit à l’alimentation pour des centaines de millions de personnes dans le monde entier a son origine dans un système de production dépassé et inadéquat, plutôt que dans une production d’un volume insuffisant. Selon le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter, une approche basée sur les droits de l’homme peut contribuer à identifier des solutions durables à la crise.


La situation de la faim dans le monde est alarmante. La crise a plongé plus de 100 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté. 925 millions de personnes vont se coucher le ventre creux aujourd’hui : elles étaient 848 millions entre 2003 et 2005. Les progrès vers la réalisation des Objectifs de développement du millénaire ont subi un recul net, dans toutes les régions.

Les prix des denrées alimentaires sur les marchés internationaux ont baissé après avoir atteint des sommets en juin 2008, quand le niveau des prix alimentaires réels était de 64% au-dessus de leurs niveaux de 2002. Mais les prix sur les marchés domestiques restent à des niveaux historiquement élevés.

Dans de nombreux pays, en particulier les pays en développement importateurs nets de denrées alimentaires, l’augmentation brutale des prix en 2007 et au cours de la première moitié de 2008 a laissé des traces profondes dans les ménages les plus pauvres. Ces familles ont réduit la quantité de nourriture qu’elles consomment. Elles ont dû remplacer leur régime alimentaire par un régime plus pauvre en micronutriments notamment, si nécessaires au développement des enfants. Elles ont économisé sur les frais liés à l’éducation et à la santé, ce qui a des répercussions terribles sur la santé et l’éducation de millions d’enfants. Elles ont peut-être dû vendre des ressources productives –terre ou outils – qu’il leur faudra du temps pour rétablir.

Mais il y a un espoir dans cette crise. En effet, si les bonnes décisions sont prises maintenant, ce choc pourrait avoir des effets salutaires, car il représente une opportunité, pour les gouvernements et agences internationales, de tirer les leçons de ce qui s’est passé.

Ce que la crise a démontré, c’est qu’il ne faut pas confondre la lutte contre la faim dans le monde avec la lutte pour l’augmentation des volumes de production ou pour la baisse des prix internationaux. Bien sûr, la demande en denrées agricoles est en hausse, et le changement climatique pèse sur la capacité de régions entières à se nourrir: c’est un défi qu’il nous faut relever. Et les prix hauts ont eu un impact énorme sur les plus pauvres, pour qui ils représentent une taxe régressive car ce sont ces familles qui consacrent la plus grande proportion de leur budget à l’alimentation.

Mais le vrai défi est ailleurs : pas uniquement dans l’augmentation des volumes produits, mais dans notre capacité à garantir que cette production accrue augmentera les revenus de ceux qui en ont le plus besoin : les petits agriculteurs qui sont à peine en mesure de vivre de leurs récoltes, les paysans sans terre, les pêcheurs; le défi n’est pas uniquement dans le maintien d’aliments disponibles à des prix abordables, mais dans la réduction de l’écart entre les prix payés aux agriculteurs et ceux payés par les consommateurs. En effet, c’est la seule manière de soulager les pauvres qui subissent des prix alimentaires élevés sans rendre encore plus difficile la situation des petits producteurs, qui constituent la majorité des mal-nourris de notre planète.

Ancrer la quête de solutions à la crise alimentaire globale dans le droit à l’alimentation signifie d’abord que les gouvernements devront adopter des solutions qui prennent en compte les besoins des plus vulnérables. Les initiatives publiques doivent garantir que les solutions proposées leur bénéficieront, et ne pas se contenter d’augmenter la quantité de nourriture pour le seul bénéfice de ceux qui ont les moyens de la payer.

Trouver des solutions qui répondent tant aux besoins des consommateurs urbains qu’à ceux des petits producteurs est possible: ces deux groupes de victimes ne doivent pas être perçus comme ayant des intérêts opposés mais comme devant être soutenus par des stratégies complémentaires.

Il nous faut aider les petits agriculteurs dans leur capacité de produire et les protéger des conséquences de la volatilité des prix internationaux et des risques qu’entraîne une concurrence déloyale de la part des producteurs agricoles des pays industrialisés massivement subsidiés par l’argent des contribuables ; il nous faut renforcer leur capacité de négocier des prix rémunérateurs avec les acteurs de l’agro-alimentaire qui fixent unilatéralement les prix des récoltes ; il nous faut promouvoir et développer des formes de production agricole plus respectueuses de l’environnement, qui utilisent des intrants moins dépendants des prix du pétrole ou des attentes des entreprises propriétaires de brevets sur des variétés de plantes.

Il nous faut soutenir les consommateurs urbains pauvres par le biais de systèmes de sécurité sociale, des programmes de nourriture contre travail ou de cash contre travail, qui puissent renforcer leur pouvoir d’achat et les aider à surmonter des périodes de prix élevés.

Ces deux groupes ont le droit d’être protégés de la volatilité des prix internationaux ; les interventions publiques, qu’elles prennent la forme de la constitution de stocks alimentaires, achats publics ou distribution d’un côté, ou la forme d’une meilleure protection des producteurs locaux face au dumping de produits agricoles importés, de l’autre, devraient permettre de mieux isoler les évolutions des marchés domestiques de l’imprévisibilité et souvent, l’irrationalité des marchés mondiaux.

La violation quotidienne et massive du droit à l’alimentation trouve sa source dans un mode de production dont les limites sont devenues claires, et non pas dans une insuffisance de l’offre alimentaire. Un nouveau système doit être mis en place, sur les ruines de l’ancien.

Le droit à l’alimentation devrait nous servir de boussole et nous guider dans cette entreprise.
Ceci car le droit à l’alimentation requiert une coordination des initiatives aux niveaux international et national. Et parce que les implications institutionnelles de sa reconnaissance, en tant que droit de l’Homme inscrit en droit international, peut offrir une contribution décisive à la lutte contre la faim, en favorisant la mise en place de mécanismes de recours contre les gouvernements ne s’acquittant pas de leurs obligations, en renforçant les droits de ceux qui travaillent la terre ou les droits des femmes à avoir un accès égal aux ressources productives, ou en affirmant les responsabilités des transnationales au regard du droit à l’alimentation.

Défendre le droit à l’alimentation aujourd'hui, c’est faire qu’il devienne réalité demain.

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