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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT SA JOURNÉE ANNUELLE DE DÉBAT CONSACRÉ À L'EXAMEN DES DROITS FONDAMENTAUX DES FEMMES

04 Juin 2009

Conseil des droits de l'homme
MATIN 4 juin 2009


Des appels sont lancés en faveur d'un nouveau mécanisme susceptible de pousser les États à respecter leurs engagements en faveur de l'égalité entre hommes et femmes


Le Conseil des droits de l'homme a tenu aujourd'hui sa journée annuelle de débat consacré à l'examen des droits fondamentaux des femmes, y compris aux mesures que les États et les autres parties prenantes peuvent prendre pour remédier aux violations des droits fondamentaux dont les femmes sont victimes. La réunion qui a été ouverte par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Navi Pillay, et animée par dix panélistes dont la Secrétaire d'État aux affaires étrangères chargée des droits de l'homme de la France, Mme Rama Yade.

Dans une déclaration liminaire en ouverture du débat, le Président du Conseil, M. Martin Uhomoibhi a rappelé que tous les États étaient tenus, en vertu des instruments internationaux, dont l'article 2 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes, de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour amender ou abolir les lois instituant une discrimination contre les femmes. Au cours de la réunion, la plupart des panélistes ont appelé à la création d'un nouveau mécanisme susceptible de pousser les États à respecter leurs engagements en faveur de l'égalité.

Mme Pillay a rappelé d'emblée que les traités interdisaient la discrimination fondée sur le sexe et prévoyaient des garanties pour que les femmes puissent bénéficier des mêmes droits que les hommes. Dans la réalité, les lacunes législatives et réglementaires perpétuent cependant une inégalité de fait et de droit, a observé Mme Pillay. La date butoir fixée lors de la Conférence de Beijing pour l'abrogation des lois encore discriminatoires à l'encontre des femmes a été largement dépassée sans que l'objectif ait été atteint, a déploré la Haut Commissaire, même si elle a reconnu que les progrès n'étaient pas nuls.

Mme Yade a renchéri en notant que l'on était loin en effet d'en avoir terminé avec les inégalités malgré les engagements de Beijing. Pour la France, «la création d'un mandat du Conseil des droits de l'homme sur les discriminations à l'égard des femmes serait une novation de grande portée». Ce mécanisme aurait pour mandat d'engager un dialogue continu avec les États, et assurer le suivi des recommandations et conclusions de l'examen périodique universel, de diffuser les bonnes pratiques et d'effectuer des visites sur le terrain. Plutôt que la formation d'un comité d'experts, il pourrait se faire par la nomination d'un rapporteur spécial «qui incarnerait» cette thématique.

Intervenant également comme panéliste, Mme Yakin Ertürk, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, tout en reconnaissant l'importance de dispositions inscrites dans la loi, a souligné que le droit ne constituait qu'un élément parmi d'autres. Souvent, les discriminations et les violations des droits des femmes sont commises par des personnes convaincues d'agir pour leur bien, en particulier dans le cas des crimes d'honneur. Pour elle, un nouveau contrat doit être passé entre les sexes. Ainsi, dans certaines sociétés on va désormais au-delà de la simple notion d'égalité des chances car la simple loi ne suffit pas à combler une inégalité profondément ancrée dans les habitudes et les coutumes.

Mme Pramila Patten, Membre du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a souligné que le Comité était préoccupé par la persistance de lois discriminatoires dans certains pays, qui crée un cadre totalement incompatible avec la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et les instruments de défense des droits de l'homme auxquels ces mêmes États ont adhéré. Mme Patten a recommandé elle aussi la création de nouveaux mécanismes pour la réalisation des droits reconnus par la Convention.

M. Leandro Despouy, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, a pour sa part évoqué le problème de l'inégalité devant la loi en soulignant que, dans certains cas, celle-ci résultait de la lettre même de la loi. Dans d'autres cas, elle résulte de l'application de la loi en vertu de traditions ou de préjugés. M. Despouy a évoqué plus particulièrement la participation des femmes au pouvoir judiciaire, notant qu'il avait visité des pays dans lesquels ne figurait aucune femme au sein de la magistrature.

M. Frank La Rue Lewy, Rapporteur spécial pour la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, a souligné de son côté que la liberté d'expression devait aussi être abordée du point de vue des femmes et du silence qui leur est souvent imposé. La lutte pour la liberté d'expression des femmes commence par la mise en place de mécanismes de participation. Les petites filles doivent avoir accès aux systèmes scolaires et pouvoir s'y exprimer. Les limites imposées arbitrairement par les États à la libre expression des femmes doivent être dénoncées.

Pour M. Michael O'Flaherty, membre du Comité des droits de l'homme, le concept l'égalité a évolué: il ne tient plus exclusivement compte des caractéristiques physiologiques du sexe, mais aussi des caractéristiques sociales définissant le genre. De nombreux stéréotypes sociaux pèsent sur le rôle social joué par les hommes et les femmes, souvent au détriment des droits des femmes. Selon lui, pour que les organes conventionnels puissent s'acquitter de leur tâche au mieux, il faut leur fournir des statistiques ventilées par sexe, les organisations non gouvernementales devant faire un effort accru pour diffuser ces informations.

Quant à M. Philip Alston, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, il a relevé la complexité des liens entre le droit et la pratique et l'influence de la culture. Il a affirmé avoir pu constater à quel point les législations étaient éloignées de la réalité de leur application. La responsabilisation des États n'est, d'autre part, pas une affaire gagnée d'avance, si l'on en juge par les réactions - ou l'absence de réaction - de leur part face à des crimes à grande échelle commis contre des femmes, notamment les crimes dits d'honneur.

Trois panélistes représentant la société civile ont aussi fait des présentations au cours de la réunion. Elles ont en particulier noté que s'il était important de signer les instruments internationaux, il fallait aller plus loin: la Convention sur l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes devrait ainsi être complétée, selon elle, par un mécanisme capable d'entendre la voix des femmes en butte à des discriminations quotidiennes, non couvertes par les instruments juridiques nationaux. Il a par ailleurs été souligné que l'inconvénient de privilégier l'approche juridique est qu'elle tend à montrer les femmes comme d'éternelles victimes, comme des êtres vulnérables ayant besoin d'une protection constante. Les trois panélistes ont estimé qu'un mandat spécifique devrait être créé pour contrôler la bonne application des lois en faveur de l'égalité entre les sexes.

Les États suivants ont participé au débat: Chili, Inde, Nigéria, Argentine, Mexique, République tchèque, Suisse, Luxembourg, Fédération de Russie, Lituanie, Islande, Turquie, Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), Égypte, Autriche, Italie, Canada, Pays-Bas, Tunisie, Iran, Vietnam, Vietnam et Chili. Plusieurs organisations non gouvernementales suivantes et représentants de société civile sont aussi intervenus: Cairo Institute for Human Rights Studies; Égalité maintenant; Amnesty International; la Fédération démocratique internationale des femmes; Center for Women's Global Leadership, au nom également du Réseau juridique canadien VIH/sida; Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement; et Center for Reproductive Rights) et Worldwide Organization for Women.

En début de journée, Mme Yakin Ertürk, Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes, avait répondu aux observations sur l'accomplissement de son mandat, après la présentation hier de son rapport final et le débat qui a suivi. Le Mexique a pour sa part exercé le droit de réponse suite à l'intervention, hier, d'une organisation non gouvernementale.


À la reprise de ses travaux, à 16 heures, le Conseil tiendra une réunion avec la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay, qui présentera une mise à jour des activités du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.


Conclusion du débat interactif avec les Rapporteurs spéciaux

MME YAKIN ERTÜRK, Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes, concluant le débat interactif d'hier après-midi suite à la présentation de son rapport final, s'est félicitée de la contribution des organisations non gouvernementales et délégations qui ont commenté ses travaux. Elle a regretté que certaines délégations n'aient pas été en mesure de consulter son bilan de fin de mandat, un document disponible depuis deux mois pourtant.

La Rapporteuse spéciale a estimé que le Conseil des droits de l'homme pouvait agir utilement en mettant au point des indicateurs statistiques concernant la responsabilité des États. Dans ses visites, la Rapporteuse spéciale a en effet souvent été confrontée au problème de l'absence de statistiques, ou de leur mauvaise qualité. L'Assemblée générale a déjà demandé à la Commission des statistiques de se pencher sur la disponibilité de statistiques dans ce domaine, mais le Bureau du Conseil des droits de l'homme pourrait également s'y intéresser. Plusieurs questions ont porté à juste titre sur les besoins spéciaux des femmes dalit ou handicapées, a observé la Rapporteuse spéciale, recommandant au Conseil des droits de l'homme de charger le prochain titulaire du mandat de se pencher sur ces problèmes. Le Conseil devrait en outre convoquer une réunion internationale autour de la responsabilité des États dans le domaine de la poursuite des violations des droits de femmes. Mme Ertürk observe qu'il n'est pas toujours possible d'assurer un suivi correct de ses recommandations: aussi le mandat bénéficierait-il d'être lié à une source de financement fixe.

Droit de réponse dans le cadre du débat interactif d'hier sur les exécutions extrajudiciaires

M. SALVADOR TINAJERO ESQUIVEL (Mexique) a déclaré, en réponse à l'intervention, hier après-midi, de la Commission internationale de juristes, qui a mis en cause le fonctionnement de l'appareil judiciaire mexicain, que son pays est attaché au bon fonctionnement de l'appareil judiciaire et à un accès effectif de tous à la justice, exigences fondamentales de l'état de droit et de la lutte contre l'impunité, qui sont des priorités pour le Mexique. Il a rappelé que l'examen de la situation des droits de l'homme au Mexique, qui aura lieu la semaine prochaine dans le cadre de l'Examen périodique universel, permettra de revenir plus en détail sur ces questions. Le Mexique est très attaché à la poursuite du dialogue entre la société civile et le Gouvernement.


Débat annuel sur les droits des femmes et sur les mesures prises par les États et acteurs non étatiques pour faire respecter ces droits

PREMIER DÉBAT: perspectives institutionnelles et égalité devant la loi

Présentations liminaires

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a ouvert le débat en rappelant que la création de cet espace formel de débat est la preuve que les droits des femmes sont une priorité pour le Conseil des droits de l'homme. Le Conseil a exhorté tous les États à ratifier et respecter les instruments internationaux pertinents, et notamment la Convention pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Ces instruments interdisent la discrimination fondée sur le sexe et prévoient des garanties pour que les femmes puissent bénéficier comme les hommes de leurs droits économiques, sociaux et culturels aussi bien que civils et politiques. Dans la réalité, les lacunes législatives et réglementaires perpétuent cependant une inégalité de fait et de droit, a observé Mme Pillay. La date butoir fixée lors de la Conférence de Beijing pour l'abrogation des lois encore discriminatoires à l'encontre des femmes est dépassée sans que l'objectif ait été atteint, a déploré la Haut-Commissaire.

L'inégalité devant la loi et dans la loi perdure dans de nombreux pays sous forme d'inégalités face au mariage et dans la famille, en matière de propriété foncière, d'éducation et d'emploi, ou encore de liberté de mouvement. Il serait cependant erroné de ne pas reconnaître les progrès enregistrés dans la jouissance de leurs droits par les femmes depuis quelques années. Les organes conventionnels, dont le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, ont joué un rôle important à cet égard. En 2006, un rapport a été préparé sur l'intérêt de la création d'un mécanisme explicitement chargé de prendre en charge la lutte contre les lois discriminatoires. Comme son prédécesseur Louise Arbour, Mme Pillay s'est déclarée favorable à un tel mécanisme. Le Haut-Commissariat est par ailleurs toujours prêt à aider les États à s'acquitter de leurs obligations envers les femmes et les filles, a conclu Mme Pillay.

MME RAMA YADE, Secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme de la France, a déclaré que le volontarisme est essentiel pour lutter contre les discriminations et particulièrement celles à l'encontre des femmes, qu'elles soient le fait des circonstances, des habitudes, de la coutume ou de la loi. En 1791, Olympe de Gouges, femme de lettres française, appelait, deux ans après la proclamation de la déclaration de droits de l'homme à un sursaut visant la condition féminine; «Femme, réveille-toi!», lançait-elle. Au lendemain du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, la condition des femmes a-t-elle vraiment évolué? Les droits des femmes ont progressé mais le chemin est parsemé d'embûches et les retours en arrière restent possibles. En France les femmes n'ont obtenu le droit de vote qu'en 1944 et a du attendre 1965 pour ouvrir un compte en banque sans l'autorisation de son mari. Dans le monde les inégalités persistent, Elles trouvent leur source dans le statut social inférieur attribué aux femmes. Pourtant, la Communauté internationale avait pris des engagements fermes par le plan d'action de Pékin de 1995, réitéré en 2000 par les Nations Unies; Les discriminations devaient être éliminées avant 2005. On en est encore loin. Combler le fossé entre l'égalité de fait et l'égalité de loi est difficile. Et que dire des lois qui privent les femmes de droits essentiels comme se protéger contre un mari violent qui peut en toute impunité les violer de façon répétée?

Les femmes sont parfois considérées comme incapables juridiquement, et l'administration de la justice reste empreint de stéréotypes, a poursuivi Mme Yade. Même certaines lois considérées neutres empêchent les femmes d'accéder à l'indépendance économique ou de participer à la vie publique. Le Conseil de l'Europe a adopté le 12 mai dernier une déclaration pour faire de l'égalité entre hommes et femmes une réalité. Un pas a été franchi en France avec une modification constitutionnelle exigeant la parité aux fonctions élective. L'âge au mariage des filles, qui était de 15 ans, a été aligné en 2005 sur celui des garçons, soit 18 ans, et une Charte sur l'égalité d 2004 prévoit, par exemple, que la loi de finance rende compte des actions entreprises par les autorités pour renforcer l'égalité. Lors de la présidence française de l'Union européenne, la protection des femmes était une priorité; les lignes directrices sur les violences faites aux femmes, le renforcement de la prise en compte des femmes en situation de conflit ou post-conflit en sont des exemples. Pour la France, la création d'un mandat du Conseil des droits de l'homme sur les discriminations à l'égard des femmes serait une novation de grande portée. Ce mécanisme aurait pour mandat d'engager un dialogue continu avec les États et d'assurer le suivi des recommandations et conclusions de l'Examen périodique universel, de diffuser les bonnes pratiques et effectuer des visites sur le terrain.

M. LEANDRO DESPOUY, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, a évoqué le problème de l'inégalité devant la loi en soulignant que dans certains cas il résultait de la lettre même de la loi. Dans d'autres cas, elle résulte de l'application de la loi en vertu de traditions ou de préjugés. M. Despouy a évoqué plus particulièrement la participation des femmes au pouvoir judiciaire, notant qu'il avait visité des pays dans lesquels ne figurait aucune femme au sein de la magistrature. Certains pays s'efforcent de lui cacher la réalité en lui produisant des statistiques, a-t-il expliqué. Une autre forme d'inégalité est la non exécution de sentences, quand il n'existe tout simplement pas une impunité totale face au phénomène du viol par exemple. Cela est particulièrement vrai dans les situations de conflit, notamment quand cette pratique est utilisée comme une arme de guerre, comme cela s'est vu en Bosnie. C'est un phénomène grès grave, a-t-il remarqué, notant qu'il avait été observé aussi dans la région des grands lacs en Afrique.

M. Despouy a ensuite abordé la question de la traite des femmes, celles-ci ayant des difficultés à obtenir l'aide des tribunaux, surtout lorsqu'elles sont en possession de faux papiers. En conclusion, il a estimé que les Nations Unies devaient se doter de mécanismes pour compléter ceux existants et inciter à la création de mécanismes nationaux de lutte contre la discrimination. La question de la femme demeure centrale dans la problématique des droits de l'homme, a-t-il conclu, les Nations Unies ne pouvant se voiler la face à cet égard.

M. FRANK LA RUE LEWY, Rapporteur spécial pour la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, a déclaré que, traditionnellement, la liberté d'expression est perçue sous l'angle de la liberté de la presse, en particulier. Mais il est intéressant aussi d'analyser les conditions d'expression de l'opinion des populations, y compris les populations défavorisées. La liberté d'expression peut et doit donc être aussi abordée du point de vue des femmes et du silence qui leur est souvent imposé. La lutte pour la liberté d'expression des femmes commence par la mise en place de mécanismes de participation: les femmes doivent apprendre à se forger une opinion et à l'exprimer, en se basant sur des informations pertinentes, notamment en termes de santé, d'économie et de politique. Les petites filles doivent avoir, dans ce contexte, accès aux systèmes scolaires et pouvoir s'y exprimer sans obstacle. L'accès aux mécanismes de communication est la dernière condition de la liberté d'expression. Il faut aussi dénoncer les limites imposées arbitrairement par les États à la libre expression des femmes.

M. MICHAEL O'FLAHERTY, Membre du Comité des droits de l'homme, a souligné l'immense déception qu'il partage avec d'autres de constater le profond fossé entre l'objectif à atteindre en 2005 d'éradication de la discrimination à l'égard des femmes dans les textes législatifs et la réalité aujourd'hui. Le Comité des droits de l'homme a passé en revue 50 pays, pendant 4 ans et il a relevé 113 points de préoccupations particulières: ces préoccupations sont de plusieurs ordres. Il y a d'abord les lois discriminatoires telles que celles permettant la polygamie, prévoyant l'inégalité en matière d'héritage ou dans l'attribution de la garde des enfants, ou encore affirmant l'incapacité juridique des femmes. Le deuxième domaine est celui des coutumes discriminatoires, telles que la dot ou les mutilations génitales féminines. La troisième catégorie couvre les lacunes législatives; par exemple le fait de faire porter la charge de la preuve sur la victime en cas de viol, ou en ne considérant pas un rapport sexuel forcé sans pénétration comme un viol, le viol marital, ou encore le manque de lois pour combattre le trafic des femmes. Une quatrième catégorie concerne la mise en œuvre discriminatoire des lois; on peut mentionner l'impunité pour les crimes d'honneur, les peines de complaisance pour ceux qui sont coupables de crimes à l'égard des femmes ou une tendance à fermer les yeux lorsqu'un employeur force ses salariées à passer des test de grossesse. La cinquième catégorie de préoccupations exprimées par le Comité des droits de l'homme concerne les problèmes multifactoriels tels que la discrimination dont une femme fait objet lorsqu'elle est pauvre ou appartient à un minorité ethnique.

Comment faire pour battre ces discriminations en brèche, a demandé M. O'Flaherty? D'abord, le cadre légal international doit être valorisé et appliqué, a souligné l'expert. Les articles 2 et 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques posent le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes et l'article 26 assure l'égalité devant la loi. D'autres articles traitent des atteintes aux droits en raison du sexe tel que le trafic des femmes et des petites filles. Depuis, le concept d'égalité a évolué. Il ne tient plus exclusivement compte des caractéristiques physiologiques du sexe, mais aussi des caractéristiques sociales qui définissent le genre. De nombreux stéréotypes sociaux pèsent sur le rôle social joué par les hommes et des femmes, souvent au détriment des droits des femmes. Finalement, a t-il poursuivi, pour que les organes conventionnels puissent s'acquitter des leur tâche au mieux, il faut leur fournir des données ventilés par sexe et les organisations non gouvernementales et autres acteurs doivent faire un effort accru pour diffuser les informations

MME PRAMILA PATTEN, Membre du Comité sur l'élimination de la discrimination contre les femmes, a souligné que le Comité était préoccupé par la persistance de lois discriminatoires qui crée un cadre totalement incompatible avec la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et les instruments de défense des droits de l'homme. Il y a encore des pays où, en vertu de la loi, les femmes ne peuvent pas conduire, voter, travailler de nuit, hériter ou témoigner devant un tribunal. Ces lois discriminatoires perdurent dans le plus parfait mépris de l'engagement de ces États lorsqu'ils ont adhéré à la Convention, a-t-elle observé.

Mme Patten a fait observer que «l'obéissance de l'épouse» figurait toujours dans la loi d'un grand nombre de pays. Par ailleurs, elle s'est interrogée sur l'impact de lois discriminatoires sur «les femmes» au sens large, alors que celles-ci ne constituent pas un groupe homogène. Et par ailleurs, comment peut-on parler d'égalité devant la loi, lorsque celle-ci est mal appliquée ou l'accès à la justice est impossible, a-t-elle demandé. Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes s'est efforcé de répondre à ces interrogations, tout en s'efforçant de faire abroger les lois discriminatoires dans les États parties. L'abolition de la discrimination de jure demeure essentielle; elle constitue un premier pas et une condition préalable, même si cette abolition ne suffit pas en soi pour éliminer le phénomène d'inégalité, a-t-elle rappelé. Trente ans après l'adoption de la Convention, les réformes sont beaucoup trop lentes, même si de nombreuses réformes sont intervenues dans plusieurs pays, particulièrement dans la dernière décennie. Il faut maintenant agir, a-t-elle ajouté. Mme Patten a recommandé à son tour la création de nouveaux mécanismes pour que l'on puisse parvenir à la réalisation des droits prévus par la Convention. Les pressions diplomatiques sont utiles pour rapprocher la théorie de la réalité, a-t-elle conclu.

M. PHILIP ALSTON, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a déclaré que l'inégalité entre les sexes est certainement un problème majeur pour le système des droits de l'homme, observant que la seule prise en compte de l'aspect juridique n'est peut-être pas suffisante. M. Alston a relevé dans ce contexte la complexité des liens entre la loi et la pratique, l'importance de la notion de responsabilité directe et indirecte des États et des acteurs non étatiques, et l'influence de la culture. Au plan juridique, objet du débat de ce matin, le Rapporteur spécial a indiqué qu'après avoir examiné les activités de son mandat pendant douze ans, il a pu constater à quel point les lois et projets législatifs sont éloignés de la réalité de leur application. La responsabilisation des États n'est, d'autre part, pas une affaire gagnée d'avance, si l'on en juge par les réactions - ou l'absence de réaction - de leur part face à des crimes à grande échelle commis contre des femmes sur leurs territoires, notamment les crimes dits d'honneur. Souvent, ce ne sont pas les États qui peuvent avoir un impact sur les pratiques perpétuant les inégalités au détriment des femmes, a aussi noté M. Alston. Enfin, a indiqué le Rapporteur spécial, de très nombreuses femmes sont victimes d'exécutions pour des motifs de sorcellerie: on ne peut se contenter d'envisager ce problème sous le seul angle de la légalité, il faut nécessairement tenir compte de la dimension culturelle.

MME YAKIN ERTÜRK, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, a déclaré que le droit est important, mais ne constitue qu'un élément entre bien d'autres. Souvent, les discriminations et les violations des droits des femmes ne sont pas commises par de gens cruels qui veulent du mal aux femmes mais par des gens qui leur veulent du bien. Dans le cas des crimes d'honneur, de nombreux témoignages convergent pour dire que les auteurs disent; «Elles se sont égarées et nous avons agi pour leur bien». Il y a de grandes différences entre la façon dont les États s'acquittent de leurs devoirs envers les femmes. De manière générale, il faut redoubler d'efforts, car au troisième millénaire, ces discriminations sont intolérables.

Souvent, l'égalité est inscrite dans la loi et la constitution, mais l'interprétation de cette inégalité est comprise de manière fort diverse, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. De nombreuses dispositions, par exemple des codes du travail, détricotent souvent les principes généraux constitutionnels. Il y a un déséquilibre entre les droits économiques, sociaux et culturels et les droits civils et politiques qui pèse sur la condition des femmes. Un équilibre doit être trouvé et un nouveau contrat doit être passé entre les sexes. Dans certaines sociétés, on va maintenant au-delà de la simple notion d'égalité des chances, car des lois ou dispositions neutres ne suffisent pas pour combler une inégalité profondément ancrée dans les habitudes et les coutumes.

Aperçu du débat interactif

Le représentant du Chili, intervenant en tant que pays organisateur de cette journée de débat sur les droits des femmes et au nom de Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes, a rappelé que les États s'étaient engagés à Beijing en 1995 à éliminer toutes les discriminations inscrites dans les lois comme dans la pratique, notamment l'inégalité salariale entre hommes et femmes. Il a demandé quelles recommandations les panélistes pourraient faire au Conseil afin de progresser plus concrètement et plus rapidement.

Le représentant de l'Inde a rappelé que le Parlement de son pays avait élu hier une femme à sa tête qui, en outre, est issue de la catégorie sociale la plus défavorisée de la société. Le principe de l'égalité sexuelle est inscrite dans la Constitution indienne, a-t-il souligné, précisant qu'une politique nationale de grande envergure avait été lancée en 2001 afin de parvenir à une égalité non seulement de jure mais aussi de facto. Alors que le représentant du Nigéria soulignait qu'il ne fallait pas se limiter à la promulgation de textes bien intentionnés, plusieurs États d'Amérique latine ont cité de nombreux exemples des mesures prises au plan national, le représentant de l'Argentine indiquant notamment qu'une unité pour lutter contre la violence domestique avait été créée par son gouvernement afin de protéger les victimes. Le Mexique a estimé que le Conseil jouait un rôle primordial sur cette question, l'appelant à redoubler d'efforts. Les pays européens ont indiqué par la voix de la République tchèque que le Conseil devait réfléchir à l'élaboration d'un mécanisme visant à assurer l'égalité devant la loi, ainsi qu'au renforcement des procédures spéciales. Pour sa part, la représentante de la Suisse a demandé par quels moyens de droit un État pouvait-il garantir l'égalité entre les sexes. Des déclarations ont également été faites par le Paraguay au nom du MERCOSUR, la Colombie, la Norvège, Bahreïn, l'Azerbaïdjan, les Philippines au nom de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), la Slovénie, et l'Ukraine, ainsi que la Commission nationale britannique des droits de l'homme, le Cairo Institute for Human Rights Studies et Equality Now.

M. DESPOUY a souligné l'importance de créer des organes nationaux afin de défendre les droits des femmes. Il a évoqué la pratique du Chili qui organise des auditions sur ces questions et souligné l'extrême importance que les politiques publiques fassent l'objet d'une large information dans la population. Le Rapporteur spécial sur l'indépendance de la justice a souligné que l'Examen périodique universel devrait consacrer un chapitre spécifique à l'égalité des sexes, et s'est dit favorable à la création d'un mécanisme spécifique de l'ONU, comme cela a été proposé par plusieurs délégations.

M. LA RUE LEWY a souligné la nécessité d'éliminer toutes les formes de censure qui entravent la liberté d'expression. Les politiques publiques doivent encourager la participation des femmes à la vie de la cité. Cela doit se faire dès l'école, en direction des fillettes et des jeunes filles, afin qu'elles soient encouragées à s'exprimer, via la création d'ateliers théâtre par exemple. C'est essentiel si l'on veut rompre avec les schémas établis, selon le Rapporteur sur la liberté d'expression.

M. O'FLAHERTY a convenu que l'Examen périodique universel pourrait être mieux exploité, en utilisant mieux les recommandations des organes des conventionnels notamment. Ceux-ci doivent intégrer l'inégalité dans leur action et leurs commentaires, selon lui. Cela commence aussi par une plus forte présence féminine au sein de ces organes, a-t-il observé l'expert du Comité des droits de l'homme.

MME PATTEN a estimé pour sa part que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes pourrait constituer un cadre juridique pour un éventuel nouveau mécanisme qui viserait notamment à faciliter l'échange de pratiques optimales. Elle a rappelé que les États ratifiaient parfois la Convention pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes en émettant des réserves (sur les articles 2 et 16 en particulier), ceci afin de ne pas remettre en cause certaines discriminations. La Convention devrait être intégrée dans les législations nationales, a-t-elle conclu.

M. ALSTON s'est demandé si une initiative précise comme la création d'un nouveau mécanisme pouvait faire une différence. Il s'est demandé comment on pourrait obliger les autorités à mettre en œuvre des législations déjà inscrites dans les textes. Le Rapporteur sur les exécutions extrajudiciaires a rappelé que pendant longtemps il y avait bien des lois antilynchage aux États-Unis, mais elles n'étaient pas appliquées par la police et les autorités locales. Des textes ont ensuite été adoptés qui prévoyaient la poursuite des autorités locales lorsque des lynchages se produisaient sous leur juridiction et des indemnisations pour les proches des personnes lynchées, afin d'assurer l'application de la loi.

MME ERTÜRK a souligné que cette loi antilynchage était un bon exemple de la manière dont un État pouvait tenter d'aller à l'encontre de pratiques ancrées dans la société. La criminalisation est un moyen permettant au moins d'agir sur le plan juridique afin de retirer toute légitimité à de tels actes, à défaut de les empêcher du jour au lendemain, a observé la Rapporteuse spéciale sur la violence à l'égard des femmes.

La représentante du Luxembourg a déclaré que les inégalités sont d'ordre très divers et vont du droit à la propriété à l'accès à la santé, ajoutant que les avancées de la médecine sont désespérément lentes dans les domaines qui concernent les femmes et que la mortalité maternelle reste scandaleusement élevée de par le monde. La représentante de la Fédération de Russie a rappelé que dans le cadre du Conseil des droits de l'homme il existe déjà des rapporteurs traitant de la question de la traite des femmes et de la violence, qui examinent aussi la problématique de la discrimination; c'est pourquoi elle estime qu'il n'y a pas lieu de prévoir un troisième mandat. Le représentant de la Lituanie a déclaré qu'égalité devant la loi n'assure pas automatiquement l'égalité de fait et que la législation doit s'accompagner de mesures volontaristes. La représentante de l'Islande s'est félicitée de la tenue de cette journée annuelle consacrée aux droits fondamentaux des femmes et a attiré l'attention sur une conférence qui sera organisée les 19 et 20 juin à Reykjavik sur le thème de l'inclusion des femmes dans le processus de rétablissement de la paix. La représentante de la Turquie a réclamé plus de ressources pour les mécanismes qui œuvrent pour la promotion des femmes et a souligné l'importance d'un travail législatif au niveau national, notamment en vue de la révision du code civil. La représentante de l'Allemagne a proposé un débat ouvert pour identifier les obstacles à l'abrogation des lois et coutumes discriminatoires et pour appliquer la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Plusieurs délégations ont également fait état des dispositions légales qui assurent l'égalité de la femme dans leurs pays ainsi que les progrès réalisés et les mesures prises pour promouvoir les droits de la femme, ou encore de leur coopération avec le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes: Yémen, Kazakhstan, Émirats arabes unis, Serbie, Royaume-Uni, Algérie, Chine, Indonésie, Bosnie-Herzégovine, Afrique du Sud, Malaisie.

Les organisations non gouvernementales Amnesty International et la Fédération démocratique internationale des femmes ont également participé au débat. La représentante d'Amnesty International a remarqué que l'éducation formelle, aussi importante soit-elle, ne suffit pas toujours pour rompre des inégalités profondes. La Fédération démocratique internationale des femmes a évoqué une réunion tenue pour les pays sud-américains sur les conséquences de la crise et le dépendance économique et sentimentale des femmes. Des structures sociales freinent souvent les aspirations légitimes des femmes.

M. DESPOUY a souligné à nouveau qu'un mécanisme spécifique s'imposait si l'on voulait éradiquer la discrimination sexuelle. Il est très important d'harmoniser les mécanismes existants pendant que, dans le même temps, les États feraient eux-mêmes la promotion de l'égalité hommes femmes. Le mécanisme que l'on pourrait créer pourrait inclure tous les droits, a-t-il souligné. Il serait donc souhaitable de nommer un expert indépendant qui pourrait rédiger un projet et définir les limites de ce mandat, dont l'objet serait extrêmement concret.

MME PATTEN a estimé que le mécanisme de l'Examen périodique universel et le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes pourraient se renforcer mutuellement sur ces questions. L'Examen périodique universel gagnerait beaucoup à œuvrer plus étroitement avec les organisations non gouvernementales et avec les institutions spécialisées de l'ONU, selon elle.

DEUXIÈME DÉBAT: La perspective universitaire et de la société civile

Présentations liminaires

MME MAHA ABU-DAYYEH SHAMAS, représentante de la société civile, a rappelé que l'action des Nations Unies en matière d'égalité entre les sexes et de droits des femmes est venue consacrer des efforts consentis de longue date par la société civile dans ces deux domaines. Il appartient aux États de ratifier les instruments internationaux de défense des droits de l'homme et d'assumer la responsabilité de l'action en matière d'égalité entre les sexes. Mais les défenseurs locaux des droits de la femme sont souvent aux prises avec des obstacles juridiques dans l'exercice de leur mission. Mme Abu-Dayyeh Shamas a donné comme exemple à cet égard la Constitution palestinienne, l'une des plus progressistes en matière de protection des droits des hommes et des femmes de même qu'en matière d'égalité entre les sexes quant à leurs droits et devoirs. Les femmes ont le droit de participer activement à la vie économique et sociale, la loi prévoyant la prise de mesures concrètes, dans la vie quotidienne, à cette fin. L'État de son côté est chargé de fournir le cadre institutionnel propice.

Cependant, certaines dispositions des lois palestiniennes sur le mariage et sur la famille restent très discriminatoires vis-à-vis des femmes, a reconnu la représentante, observant que l'interprétation de la loi est déterminante à cet égard. D'autres difficultés résident dans le fait que la Constitution ne fait pas mention des devoirs d'intervenants autres qu'étatiques, ce qui donne l'occasion aux autorités de se cacher derrière des prétextes religieux ou culturels pour omettre de remplir certaines de ses obligations touchant à la vie familiale de leurs administrés. D'autres sources de discrimination tiennent aux contraintes budgétaires invoquées pour des raisons de convenance. Ces contradictions internes sont caractéristiques des difficultés matérielles rencontrées par les défenseurs de l'égalité entre les sexes. Certes, il est important de signer les instruments internationaux. Mais il faut aller plus loin: la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes devrait ainsi être complétée par un mécanisme capable d'entendre la voix des femmes en butte à des discriminations quotidiennes, non couvertes par les instruments juridiques nationaux.

MME RATNA KAPUR, Directrice du Centre de recherche juridique féministe, a déclaré que la question des droits fondamentaux des femmes est souvent confondue avec la problématique de la violence contre les femmes et surtout avec la violence sexuelle. Les efforts ont porté à la réforme de la loi pénale qui traitait la femme comme un objet plutôt que comme un sujet de droits. Mais le droit ne mène pas à l'égalité. Un autre désavantage de cette approche est de montrer les femmes comme d'éternelles victimes, et comme des êtres vulnérables qui ont sans cesse besoin de protection. Le travail pour l'égalité se cantonne souvent à traiter les femmes comme des hommes de manière formelle sans aborder l'inégalité structurelle qui sous-tend l'inégalité et qui empêche une femme à briguer des postes électifs, par exemple. La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes reste une des conventions les plus prudentes et réservées de l'histoire des Nations Unies. Une façon de lutter contre le trafic des femmes peut être, au lieu miser sur mesures exclusivement répressives, d'aider les migrants et d'assurer aux un accès équivalent au marché du travail à un salaire égal dans son pays d'origine, afin de limiter le besoin ressenti de devoir migrer. Un système de suivi plus efficace des engagements pris par les États doit par ailleurs être mis en place, comme demandé par de nombreux intervenants a t-elle conclu.

MME MARIANNE MOLLMANN, représentante de la société civile, a déclaré que les expériences et recherches de la société civile montrent que les lois continuent de générer l'inégalité entre les sexes de plusieurs manières. D'abord, les textes de loi constituent parfois des discriminations directes contre les femmes, notamment dans le traitement des relations familiales - divorce, transmission de la nationalité - ou de l'incrimination du viol. La définition de la violence exclut souvent les travailleurs du sexe en tant que victimes; dans de nombreux pays, la loi prévoit que les femmes ne peuvent pas hériter de propriété foncière, avec des conséquences désastreuses pour certaines veuves totalement démunies. Les conséquences indirectes de ces lois sont une fausse perception de la place des femmes dans la vie sociale.

D'autres lois, qui se retrouvent dans la plupart des pays, sont correctement formulées mais ne tiennent pas compte des réalités, surtout dans le domaine du travail et de la santé. Leurs conséquences indirectes sont une aggravation de la situation des femmes. Ainsi l'avortement est-il encore souvent rendu impossible aux femmes ayant eu des relations sexuelles hors mariage. Trois aspects doivent faire l'objet de l'attention du Conseil: d'abord, la neutralité de genre n'est pas une attitude appropriée; ensuite, il donner des droits spéciaux aux femmes; enfin, il est évident que l'existence d'un cadre juridique n'est pas suffisante pour réaliser l'égalité entre les sexes. Un mandat spécifique devrait être créé pour contrôler la bonne application des lois en faveur de l'égalité entre les sexes.

Débat interactif

Le représentant du Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique, après avoir souligné que l'islam a conféré un statut égal à la femme à un moment de l'histoire où cela paraissait impensable, a estimé qu'un mandat sur les discriminations contre les femmes au sein du Conseil ne ferait que polariser les débats et créerait une polémique stérile, car cela serait perçu comme dirigé contre certaines catégories de pays. La représentante de l'Égypte a pour sa part estimé qu'il fallait éviter la prolifération de mandats du Conseil des droits de l'homme et que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes est l'organe le plus approprié pour traiter des questions de discrimination. Le représentant de l'Autriche a au contraire estimé qu'un rapporteur spécial changé de ces questions permettrait des avancées importantes dans ce domaine. Le représentant de l'Italie a pour sa part rappelé que les 9 et 10 septembre, son pays organisera, dans le cadre de sa présidence du G8, une conférence sur la violence contre les femmes. Le représentant du Canada a demandé aux panélistes de proposer de mesures face aux obstacles en matière d'accès des filles à l'éducation en raison des mariages précoces, du harcèlement sexuel ou des coutumes. La représentante des Pays bas a aussi demandé comment le Conseil des droits de l'homme pouvait contribuer à lutter contre les problèmes tels que l'autorité conférée au mari sur sa femme ou encore les pratiques de mariage précoce. La représentante de la Suède a souligné que le principe de l'égalité reconnu dans la Convention reste souvent de jure et pas de facto. Le représentant de Cuba a rappelé que nous vivons dans un monde où 60% des pauvres sont des femmes et que leur participation à la vie économique, politique, professionnelle reste encore aujourd'hui inférieure à celle des hommes.

La délégation de la Tunisie a souligné qu'une grande vigilance était nécessaire face aux «courants idéologiques réactionnaires» qui cherchent à cantonner la femme dans un état d'infériorité. Le représentant de la République islamique d'Iran a estimé que des consultations techniques entre États s'imposaient au sein du Conseil pour progresser dans l'établissement des droits pour les femmes, tout en tenant compte des spécificités nationales. Il a souligné l'importance de mettre l'accent sur la chasteté pour lutter contre les violences sexuelles. La représentante du Vietnam a souligné que des solutions plus concrètes et plus pratiques s'imposaient, pour en finir avec une inégalité en allant aussi aux racines du mal: la faim, l'appauvrissement, la violence, les préjugés. Le Sénégal a attiré l'attention sur la nécessaire amélioration de la situation économique des femmes: l'éradication de la pauvreté et de l'ignorance se situent au centre de la politique sénégalaise de promotion de la femme, a-t-il assuré. Le Chili a constaté des reculs dans certains pays où l'on va jusqu'à revenir sur le droit à l'éducation des filles

Les États-Unis, le Qatar, Sri Lanka, le Venezuela, le Brésil, la République démocratique du Congo, la Thaïlande, le Népal, le Maroc, la Commission européenne et l'Organisation internationale de la francophonie ont également participé au débat, présentant en particulier les mesures adoptées par ces pays pour garantir la pleine participation des femmes à la vie économique, politique et sociale.

Des représentants d'organisations non gouvernementales ont notamment observé que les efforts d'intégration des droits de la femme dans les travaux des Nations Unies doivent partir de la constatation que les femmes sont victimes de violations de leurs droits de la part d'agents étatiques. Pour développer leur potentiel, les femmes doivent avoir accès à une éducation et à une santé de qualité. Il faut déplorer à ce dernier égard les faibles progrès enregistrés pour réduire les taux de décès maternels. Quant à la violence contre les femmes et les fillettes, outre ses conséquences directes sur les victimes, elle est un facteur de désagrégation de la vie sociale.

La Fédération internationale des Ligues de droits de l'homme (FIDH) a constaté la persistance des réserves et des résistances sur cette question. Dans les faits, les discriminations persistent et il reste un long chemin à parcourir malgré l'adoption de textes établissant la stricte égalité. En conséquence, le Conseil a un rôle fondamental pour rendre tangible l'affirmation des droits des femmes. Ont également participé au débat les organisations non gouvernementales suivantes : Center for Women's Global Leadership, au nom également du Réseau juridique canadien VIH/sida; Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement; et Center for Reproductive Rights); Worldwide Organization for Women et Interfaith International (au nom également de l'Union de l'action féminine).

MME ABU-DAYYEH SHAMAS, répondant à des questions de la salle, a observé que les femmes palestiniennes connaissent des difficultés propres, compte tenu de leur statut de personnes vivant sous occupation. Les lois sont adoptées dans des contextes locaux déterminés par des considérations spécifiques, notamment en termes de moyens financiers. Il est nécessaire dans ce contexte de disposer d'un soutien extérieur, notamment des institutions des Nations Unies.

MME KAPUR a estimé, avec le représentant du Pakistan, qu'il serait en effet inacceptable de stigmatiser tel ou tel pays pour son traitement des femmes. Un mécanisme de suivi au niveau du Conseil des droits de l'homme servirait au contraire à dénoncer les mythes selon lesquels certains pays détiendraient des palmes pour la façon dont ils traitent des femmes. Ce mécanisme ne ferait pas doublon avec les activités du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a assuré Mme Kapur.

MME MOLLMANN a déclaré qu'il faut engager l'action solidaire au niveau des Nations Unies dans le domaine de la surveillance des dispositions des traités relatives aux droits des femmes. L'organe principal des droits de l'homme des Nations Unies doit disposer d'un mécanisme de ce type.

M. MICHAEL O'FLAHERTY a déclaré qu'il faut déterminer le potentiel de convergence des recommandations de l'examen périodique universel et des organes conventionnels, compte tenu de tous les engagements pris par les États. Il est très important que les droits des femmes puissent sortir d'une sorte de «ghetto sectoriel»: le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes ne peut être seul chargé de toute l'action en faveur des droits des femmes. Il serait utile de prévoir un instrument capable de combler l'énorme lacune en matière de protection de ces droits.

MME PRAMILA PATTEN a rappelé que 2005 était la date cible pour l'élimination des lois discriminatoires, un objectif qui n'as pas été atteint. L'intérêt de ce débat est d'avoir montré la persistance des discriminations législatives, parrainées par les États. L'examen périodique universel et le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes on agi utilement pour la définition du viol ou pour la consécration dans les constitutions du principe de l'égalité entre les sexes, a observé l'experte, demandant aux États de retirer leurs réserves à la Convention.

Mme Patten a par la suite souligné que l'absence de ressources financières et la capacité à rédiger des lois jouait un rôle dans la persistance de phénomènes négatifs, ce qui justifie d'autant plus selon elle la création d'un mécanisme spécial afin de promouvoir les bonnes pratiques et fournir l'assistance technique. Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes n'est pas opposé à la mise en place d'un mécanisme spécial, a-t-elle insisté.


Conclusion du Président

Le Président du Conseil, M. MARTIN IHOEGHIAN UHOMOIBHI a conclu la réunion en soulignant qu'il fallait «en faire plus immédiatement» et il s'est engagé à ce que le Conseil fasse preuve d'un tel volontarisme.

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