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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU CHILI

10 Mai 2004

Comité contre la torture
MATIN 10 mai 2004


Le Comité contre la torture a entamé ce matin l'examen du troisième rapport périodique du Chili sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Juan Martabit, Représentant permanent du Chili auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a souligné que son gouvernement a récemment fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention par lesquelles il reconnaît la compétence du Comité pour connaître des plaintes individuelles et d'autres États parties. Le Chili reconnaît également la compétence du Comité des droits de l'homme pour connaître des plaintes individuelles fondées sur l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques concernant les cas de torture, a-t-il ajouté.

L'importante délégation chilienne était notamment composée de Mme Amira Esquivel, Directrice des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères, et d'autres représentants du Ministère des affaires étrangères et du Ministère de la justice, ainsi que de responsables des carabiniers chiliens. Elle a notamment souligné que les réformes mises en œuvre par son gouvernement ont permis d'améliorer la proximité et la transparence du système judiciaire. Le justiciable chilien a aujourd'hui plus volontiers recours à la justice pour faire valoir ses droits. Des mécanismes internes de contrôle de l'activité policière fonctionnent pleinement aujourd'hui, a-t-elle souligné. Ces organismes mettent en œuvre une action constante de prévention des traitements cruels, inhumains ou dégradants. La délégation chilienne a par ailleurs souligné la mise en place d'une Commission nationale sur l'emprisonnement politique et la torture qui sera chargée d'indemniser les victimes privées de liberté et torturées pour des motifs politiques par des agents de l'État au cours de la période allant du 11 septembre 1973 au 10 mars 1990.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Chili, Mme Felice Gaer, a salué la franchise du rapport chilien, notamment en ce qui concerne les obstacles législatifs qui doivent être surmontés par le pouvoir exécutif dans son effort de promotion des droits humains. La rapporteuse s'est toutefois demandée pourquoi on ne retrouvait pas, dans la définition chilienne de la torture, l'ensemble des éléments de la définition figurant dans la Convention. Elle s'est notamment demandée si des mauvais traitements commis par la police en dehors des locaux de la police pouvaient bien être considérés comme des actes de torture.
M. Ole Vedel Rasmussen, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Chili, s'est dit impressionné par les droits accordés aux détenus, soulignant toutefois que le droit de consulter un médecin ne semble pas encore reconnu. Il a en outre exprimé son inquiétude s'agissant de la surpopulation carcérale. M. Rasmusen a par ailleurs demandé à la délégation si les heures de début et de fin des interrogatoires et les noms des personnes chargées de les mener sont consignés par écrit. Il a encouragé la mise en place d'un système de prévention de la torture efficace et indépendant.


À sa prochaine séance publique, cet après-midi à 15 heures, le Comité entendra les réponses de l'Allemagne, qui a présenté son rapport le vendredi 7 mai dernier.


Présentation du rapport du Chili

M. JUAN MARTABIT, Représentant permanent du Chili auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a affirmé que peu de temps après avoir ratifié la Convention contre la torture, le Chili s'est engagé dans un processus de retrait des réserves qu'il avait formulées s'agissant de plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. En février 2004, a-t-il souligné, le Chili a fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention contre la torture par lesquels le pays reconnaît la compétence du Comité pour connaître des plaintes individuelles et des plaintes par d'autres États parties. Le Chili reconnaît également aujourd'hui la compétence du Comité des droits de l'homme pour connaître des plaintes individuelles fondées sur l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, concernant les cas de torture. Dans le cadre de cette volonté politique d'ouverture aux mécanismes de contrôle internationaux en matière de droits de l'homme, le Chili a invité le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la question de la torture à se rendre dans le pays et continue aujourd'hui de répondre à ses questions. Le représentant a par ailleurs affirmé que les autorités nationales compétentes ont mis en application avec célérité les recommandations faites par les mécanismes spéciaux de la Commission des droits de l'homme.

MME AMIRA ESQUIVEL, Directrice des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères, a pour sa part souligné que depuis 1994, la protection du droit au respect de l'intégrité physique et psychique a été renforcée par un nombre de textes de loi inspirés par les recommandations du Comité. La pratique systématique de la torture a pris fin avec l'avènement des gouvernements démocratiques, a fait valoir Mme Esquivel, qui a ajouté que si l'on consulte les statistiques dans ce domaine, on constate une diminution quantitative et qualitative des traitements cruels, inhumain ou dégradants. Le Chili dispose ainsi à présent d'une législation plus complète permettant de mieux prévenir et de mieux sanctionner les délits. La procédure pénale a fait l'objet d'une importante réforme, mise en oeuvre dans le pays depuis une décennie. De nouvelles institutions ont été mises en place, a souligné Mme Esquivel. Il en résulte une plus grande proximité et une plus grande transparence du système judiciaire et le justiciable chilien a plus volontiers recours à la justice pour faire valoir ses droits. Mme Esquivel a fait valoir une profonde transformation de la police du point de vue de la pratique de la torture. En effet, a-t-elle souligné, des mécanismes internes de contrôle de l'activité policière fonctionnent pleinement aujourd'hui et assurent le respect des règlements disciplinaires. Il existe à présent un contrôle efficace de l'action de la police dans le pays, a-t-elle assuré.


Le troisième rapport périodique du Chili (CAT/C/39/Add.14) souligne notamment que, depuis le retour à la vie démocratique, qui a permis de mettre fin aux violations systématiques et massives des droits de l'homme, c'est au cours de la procédure pénale que les plus graves abus de pouvoir restent susceptibles de se produire. Le Gouvernement a donc élaboré un projet de réforme visant à garantir plus efficacement le respect des droits fondamentaux dans la vie de tous les jours. En janvier 2004, précise le rapport, les nouvelles dispositions étaient en vigueur dans 12 des 13 régions du pays. Une loi du 1er juillet 1998 a réformé plusieurs textes afin de qualifier le délit de torture, d'améliorer la protection des droits de la personne arrêtée et d'abolir l'arrestation sur simple soupçon. Pour ce qui est de la qualification de la torture en tant que délit, la réforme reprend la teneur de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et prévoit des peines appropriées par rapport à la gravité des faits. Par ailleurs, le rapport indique que la peine de mort a été abolie le 5 juin 2001. Il rappelle en outre que le Chili a retiré en 1999 la réserve qu'il avait formulée à l'égard du paragraphe 1 de l'article 30 de la Convention.

Depuis octobre 2000, une instruction générale demandant que les principes contenus dans la résolution de la Commission des droits de l'homme intitulée «Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» soit considérée comme devant régir le comportement de la Police de Sûreté (Investigaciones). Le rapport fait valoir la remise en vigueur du recours en amparo, réel moyen de protection de la liberté individuelle et de contrôle de la légalité de la détention. Le rapport souligne en outre la création en 2001 d'un bureau chargé de coordonner l'application de la réforme de la procédure pénale, devenu en 2003 le Département chargé de coordonner la réforme de la procédure pénale, dont la mission est de présenter et d'exécuter des plans et des programmes visant à assurer l'adaptation des personnels de police à la réforme. Le rapport précise par ailleurs qu'en matière d'extradition passive, la Cour suprême, qu'elle fasse droit ou non à la demande d'extradition, tient compte des instruments internationaux applicables, ainsi que des principes de droit international. Toutefois, aucune disposition chilienne n'interdit expressément l'extradition d'une personne lorsqu'il y a des motifs sérieux de croire que qu'elle risque d'être soumise à la torture dans le pays qui demande son extradition. Par ailleurs, aucune disposition en vigueur au Chili ne prévoit la possibilité de tenir compte de l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives pour ne pas procéder à l'expulsion, au refoulement ou à l'extradition d'un individu.


Examen du rapport du Chili

Fournissant des renseignements complémentaires aux membres du Comité, la délégation chilienne a notamment souligné que son gouvernement a défini deux projets de réforme constitutionnelle qui permettront, une fois votés par le Parlement réuni en Congrès, de faire passer les carabiniers et la Police de Sûreté qui dépendent aujourd'hui du Ministère de la défense, sous l'autorité du Ministère de l'intérieur. Le Gouvernement est actuellement engagé dans un processus de consultation avec l'opposition de manière à obtenir la majorité requise pour procéder aux réformes constitutionnelles nécessaires. La délégation a par ailleurs affirmé que le projet de loi destiné à améliorer la réparation des dommages subis par les familles de personnes disparues pendant la dictature ont été présentés au Parlement.

La délégation a par ailleurs expliqué qu'il existe des organismes internes à la Police de Sûreté qui sont chargés de procéder à des évaluations permanentes du comportement des fonctionnaires. Ces organismes mettent en œuvre une action constante de prévention des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

La délégation a indiqué qu'il n'existe pas de programmes d'enseignement relatif à la détection des cas de torture dans les écoles de médecine ou d'infirmiers.

Le nouveau code de procédure pénale ne s'appliquera pas à la région métropolitaine avant le 16 juin 2005, a indiqué la délégation. Parallèlement à la procédure pénale relative aux plaintes concernant des mauvais traitements, il existe une procédure disciplinaire, a par ailleurs précisé.

La délégation chilienne a attiré l'attention sur la mise en place d'une Commission nationale sur l'emprisonnement politique et la torture. Cette Commission, qui joue un rôle de conseil auprès du Président de la République, a pour mission d'identifier les personnes qui ont été privées de liberté et torturées pour des motifs politiques par des agents de l'État au cours de la période allant du 11 septembre 1973 au 10 mars 1990. La Commission devra accomplir sa tâche dans un délai de six mois et a d'ores et déjà reçu 10 000 demandes.

La délégation a par ailleurs informé les membres du Comité que les responsables du décès de M. Raul Osvaldo Palma Salgado, suite à des actes de torture, ont été condamnés à une peine de 10 ans de prison ferme. Elle a en outre fait état de la condamnation à des peines privatives de liberté, en vertu de l'article 330 du Code de justice militaire, de carabiniers coupables de coups mortels ayant entraîné la mort et des lésions graves. Ces peines, qui avaient été annulées par la Cour martiale, ont été confirmées par la Cour suprême.

La délégation chilienne a déclaré ne pas disposer de statistiques concernant les réparations accordées aux personnes victimes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants survenus depuis 1997. Elle a précisé que toute personne victime d'un acte de torture peut obtenir, outre la condamnation de l'autorité responsable au plan pénal, la réparation de son préjudice devant les tribunaux civils. Il en va de même lorsque l'auteur de mauvais traitement a simplement fait l'objet d'une sanction disciplinaire.

La délégation chilienne a en outre affirmé que le Ministère de l'intérieur et le Ministère de la défense étudient actuellement la possibilité de ratifier le Protocole facultatif à la Convention contre la torture. Quoi qu'il en soit, a précisé la délégation, le Chili a toujours été animé par la volonté d'adhérer aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme instituant des mécanismes de contrôle de leur effectivité.


La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Chili, MME FELICE GAER, a remercié la délégation chilienne pour la précision de ses réponses. Elle a souligné la franchise du rapport chilien, notamment en ce qui concerne les obstacles législatifs qui doivent être surmontés par le pouvoir exécutif dans son effort de promotion des droits humains. La rapporteuse s'est par ailleurs félicitée que le Chili ait fait les déclarations au titre des articles 21 et 22 de la Convention contre la torture. Toutefois, elle s'est demandée si la définition de la torture n'était pas plus restrictive que celle prévue par la Convention contre la torture. Pourquoi ne retrouve-on pas dans la définition chilienne l'ensemble des éléments présents dans la Convention? À cet égard, elle s'est demandée si des mauvais traitements qui se produisent en dehors des locaux de la police peuvent être considérés comme des actes de torture. Mme Gaer a fait état des cas de deux personnes qui ont été déboutées de leurs demandes de réparation au titre de l'article incriminant la torture, au motif que de tels actes n'avaient pas été commis dans les locaux de la police

La rapporteuse a par ailleurs demandé à la délégation si une restructuration des corps de l'armée, semblable à celle opérée au sein des forces de police, avait été entreprise. Mme Gaer a par ailleurs demandé à la délégation de bien vouloir préciser les conditions de fonctionnement des mécanismes de contrôle de la Police de Sûreté. Mme Gaer a également demandé à la délégation d'expliquer les raisons du retard pris dans l'application du nouveau code de procédure pénale à la région métropolitaine? Existe-t-il des procédures permettant de protéger les droits des citoyens de la région, en attendant l'application effective du nouveau code? Ayant pris bonne note de l'absence de disposition spécifique en droit chilien interdisant l'extradition d'un étranger vers un pays où existe un risque sérieux de torture, la rapporteuse a demandé à la délégation de préciser si les tribunaux sont à même de combler cette lacune en appliquant directement les dispositions pertinentes de la Convention contre la torture.


M. OLE VEDEL RASMUSSEN, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Chili, a souligné que les deux principaux corps de police, qui relèvent toujours du Ministère de la défense, devraient pouvoir bénéficier de l'expertise des organisations non gouvernementales en ce qui concerne l'enseignement relatif aux droits de l'homme. Le corapporteur a en outre souligné que le rapport ne fait état d'aucun enseignement relatif à la prévention de la torture dispensé aux forces militaires. Il s'est en outre dit impressionné par les droits accordés aux détenus, soulignant toutefois que le droit de consulter un médecin ne semble pas encore reconnu. Le corapporteur a par ailleurs demandé à la délégation de bien vouloir préciser si les heures de début et de fin des interrogatoires étaient consignées par écrit, ainsi que les noms des personnes chargées de les mener. Il s'agit là, a-t-il fait remarquer, de garanties de protection importantes contre les actes de torture.

M. Rasmusen a en outre exprimé son inquiétude quant aux nombreuses allégations faisant état de traitements inhumains ou dégradants commis dans les établissements pénitentiaires. Il semblerait que la surpopulation carcérale soit un problème important au Chili, a-t-il souligné. Le corapporteur a par ailleurs demandé à la délégation s'il était exact que les délinquants mineurs purgeaient leurs peines dans les établissements pénitentiaires destinés aux adultes, soulignant qu'il y aurait alors un risque grave d'abus, notamment sexuels. Il a suggéré à la délégation de mettre en place un système de prévention de la torture efficace et indépendant, comme le médiateur. M. Rasmusen s'est demandé si les dispositions prévoyant la nullité des aveux obtenus sous la torture ou les mauvais traitements étaient bien appliquées par les tribunaux. Il s'est enfin demandé s'il était exact que les châtiments corporels étaient toujours pratiqués sur les enfants et si le principe de subsidiarité des peines privatives de liberté applicables aux mineurs était pleinement respecté.



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