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Communiqués de presse

LE CONSEIL EST INVITE A TRAVAILLER AVEC L’ENSEMBLE DU SYSTEME DE L’ONU POUR INTEGRER UNE DIMENSION SEXOSPECIFIQUE DANS LES PROCESSUS DE PAIX

29 Octobre 2002



Conseil de sécurité
29 octobre 2002
4635e séance (reprise) – matin




Le Conseil de sécurité a achevé ce matin son débat sur les femmes, la paix et la sécurité. Ce débat, entamé hier, a été l’occasion pour une trentaine de délégations de commenter les 21 recommandations* contenues dans le rapport du Secrétaire général visant à répondre aux besoins spécifiques des femmes, pendant et après les conflits, par l’intégration d’une dimension sexospécifique dans toutes les étapes des processus de paix et par une participation plus active des femmes à ces processus, conformément à la résolution 1325 du 31 octobre 2000.

Présentée comme «une étape importante dans la reconnaissance de la contribution des femmes au maintien et à la promotion de la paix et de la sécurité», la résolution 1325, en particulier la question de son suivi, a fait l’objet de plusieurs propositions. Ainsi, la représentante du Japon, à l’instar d’autres délégations, a proposé que le Conseil de sécurité, en consultation avec les Etats Membres intéressés, élabore une «feuille de route» précisant les types et les domaines d'action, le calendrier et les institutions spécialisées qui devraient assumer leur responsabilité dans ce domaine. La résolution 1325 touchant plusieurs domaines, plusieurs délégations ont souhaité que son suivi ne se limite pas seulement à l’intervention du Conseil mais engage aussi le système des Nations Unies dans son ensemble. Il est important, a par exemple estimé le représentant de l’Egypte, que le Conseil de sécurité maintienne l’équilibre délicat entre son travail et celui des autres organes de l’ONU et respecte le rôle «fondamental et essentiel» de l’Assemblée générale lorsqu’il s’agit des questions humanitaires, économiques et sociales.

Le rôle des réseaux des femmes et de la société civile a également été souligné par des délégations comme celles du Chili et de l’Egypte qui ont annoncé respectivement la tenue, les 4 et 5 novembre 2002 à Santiago, d’une conférence internationale sur les femmes et le maintien de la paix, et d’une autre, au Caire, en 2004. Le souci d’une coordination efficace des efforts a conduit la plupart des délégations à appuyer l’idée de créer une unité chargée de la sexospécificité au sein du Département des opérations de maintien de la paix. Ces délégations ont aussi encouragé le Secrétaire général à assurer d’ici à 2015 la parité entre les sexes au sein de l’ONU et souscrit à son intention de nommer davantage de femmes aux postes de représentants et d’envoyés spéciaux.

Outre les délégations citées, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Bangladesh, Philippines, Australie, Pakistan, Canada, République de Corée, Namibie, Maroc, Nouvelle-Zélande, Autriche (au nom du Réseau de la sécurité humaine), Afrique du Sud, Jamaïque, Indonésie et Inde.



LES FEMMES, LA PAIX ET LA SÉCURITÉ

Déclarations

Mme FUMIKO SAIGA (Japon) s'est d'emblée félicitée du rapport du Secrétaire général sur les femmes, la paix et la sécurité ainsi que de l'étude menée par sa Conseillère spéciale pour la parité entre les sexes et la promotion de la femme. J'attends avec intérêt la publication, prévue d'ici à la fin de la semaine, de l'évaluation basée sur un travail de terrain qui est menée par des experts indépendants sous les auspices de l'UNIFEM, a-t-elle ajouté. La foi que le Japon a en l'éducation des femmes se reflète à titre d'exemple au niveau de l'aide économique qu'il a fournie à l'Afghanistan pour remettre en l'état l'école pour filles à Kaboul qui a été endommagée au mois d'avril dernier, ainsi que pour la construction d'un centre de formation professionnelle pour femmes. La représentante a en outre proposé que le Conseil de sécurité, en consultation avec les Etats Membres intéressés, élabore une «feuille de route» précisant les types d'action, et les domaines d'action, le calendrier et les institutions spécialisées qui devraient assumer leur responsabilité dans ce domaine. Elle a rappelé que la question des «femmes, paix et sécurité» est étroitement liée à d'autres questions, notamment à celles des «enfants et les conflits armés», et de «la protection de la population civile en temps de conflits armés». A cet égard, elle a suggéré que cette question soit intégrée aux délibérations et activités en cours dans l’ensemble du système des Nations Unies, y compris le Conseil de sécurité.

M. IFTEKHAR AHMED CHOWDHURY (Bangladesh) a indiqué que l’essentiel de la déclaration de sa délégation faite au Conseil de sécurité en mars 2000 restait d’actualité. La paix demeure inextricablement liée à l’égalité entre hommes et femmes. L’accès égal et la pleine participation des femmes aux processus de décisions et aux efforts de prévention et de règlement des conflits sont essentiels pour le maintien et la promotion de la paix et de la sécurité, a souligné M. Chowdhury, rappelant qu’elles constituent la majorité des réfugiés et personnes déplacées dans le monde. Bien qu’elles aient commencé à jouer un rôle important dans le règlement des conflits, le maintien et la consolidation de la paix, les femmes continuent d’être sous-représentées dans le processus de prise de décisions liées à ces questions. Aujourd’hui, nous souhaitons que le Conseil de sécurité examine et approuve les recommandations du Secrétaire général, de la Conseillère spéciale pour la parité entre les sexes et la promotion de la femme, Mme Angela King, et de l’Equipe spéciale interorganisations sur les femmes, la paix et la sécurité.

Le Bangladesh insiste pour que le Conseil de sécurité demande à toutes les parties aux conflits armés qu’elles respectent pleinement les normes internationales relatives aux droits et à la protection des femmes et des petites filles. Il faut également que le Conseil s’assure que les auteurs de crimes liés au sexe ne bénéficient d’aucune impunité. Le Conseil doit, lorsque cela est approprié, envisager d’inclure des conseillers ou des unités chargés des questions d’égalité dans les opérations de maintien de la paix multidimensionnelles. Les femmes doivent par ailleurs participer aux négociations de paix, comme cela a été par exemple le cas en République démocratique du Congo. En apportant leur expérience à la table des négociations, les femmes offrent une dimension concrète en vue de solutions aux nombreux problèmes auxquels elles sont confrontées en temps de guerre.

M. AHMED ABOUL GHEIT (Egypte) s’est montré préoccupé face à la violence croissante contre les femmes et les petites filles pendant les conflits. C’est la raison pour laquelle, a-t-il dit, l’Egypte a organisé la conférence de Charmel-Cheikh pour lancer un nouveau mouvement sur les femmes, la paix et la sécurité. La Conférence a prévu l’organisation d’une réunion, en 2004, qui traiterait de la question des femmes et de la paix, en mettant l’accent sur leur contribution au règlement des conflits. Se félicitant de l’existence d’unités chargées de la sexospécificité dans les missions en République démocratique du Congo (RDC) ou en Sierra Leone, le représentant s’est attardé sur les souffrances des femmes palestiniennes et l’aggravation de leur situation durant l’occupation. Ces femmes, a-t-il insisté, sont tuées pendant des opérations militaires d’Israël ou tombent sous les attaques des colons. Ces femmes opprimées se voient, en outre, privées de leur moyen de subsistance. Le représentant a donc souligné la nécessité absolue du retrait des forces israéliennes et de la restitution des terres conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du principe de la «terre contre la paix». Concluant, M. Aboul Gheit a souligné l’importance pour le Conseil de maintenir l’équilibre délicat entre son travail et celui des autres organes de l’ONU et de respecter le rôle fondamental et essentiel de l’Assemblée générale lorsqu’il s’agit des questions humanitaires, économiques et sociales. Il a aussi souligné la nécessité pour les pratiques humanitaires de rester conformes aux principes de la Charte des Nations Unies et des dispositions du droit international humanitaire. A ce propos, le représentant s’est réjoui que le Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale ait prévu la protection des droits des femmes.

M. ENRIQUE MANALO (Philippines) a noté que deux ans après que les Etats Membres se furent accordés sur la Plate-forme d’action de Beijing, beaucoup restait à faire en termes de parité dans les domaines du maintien de la paix et du désarmement. Pour enregistrer des progrès dans la mise en œuvre de perspectives sexospécifiques dans les domaines de la paix et de la sécurité, a-t-il estimé, les gouvernements doivent tirer les leçons des expériences vécues par les femmes et les petites filles en situation de conflit armé. Par ailleurs, le délégué a rappelé que les situations de conflit engendrent souvent la perpétration de viols et de violences sexuelles au cours desquels les femmes sont infectées par le VIH/sida. En outre, elles sont victimes d’enlèvements de la part des groupes militaires ou paramilitaires qui les obligent aussi à se prostituer ou organisent leur trafic. Mais en tant que victimes des conflits, l’expérience des femmes et leurs souffrances peuvent être utiles pour trouver des solutions et prendre des mesures concrètes visant à s’attaquer aux causes profondes des conflits, a-t-il ajouté.

De l’avis de M. Manalo, les mesures et mécanismes adéquats doivent être adoptés par toutes les institutions des Nations Unies et autres organisations humanitaires; les biens et services, mais aussi l’accès aux programmes sociaux et économiques doivent être garantis à ces groupes vulnérables. Le délégué a demandé au Conseil de sécurité de promouvoir la participation des femmes à la recherche de solutions aux conflits armés et dans le maintien et la consolidation de la paix. Ceci suppose qu’il faut sensibiliser les gouvernements aux questions de parité par le biais du dialogue, de l’organisation et du renforcement des organisations de femmes, ainsi que par une révision des législations, politiques et programmes liés au maintien de la paix dans une perspective sexospécifique.

M. PETER TESCH (Australie) a souligné l’importance pour toute stratégie de prévention des conflits d’insister sur la promotion des femmes. Il a ensuite appelé à la diligence et à la créativité pour donner aux femmes le rôle qui devrait leur revenir dans les processus de paix. En cela, a-t-il estimé, le Conseil de sécurité peut jouer un rôle important dans l’élaboration des mandats et dans la mise à disposition des ressources nécessaires. Le représentant a aussi expliqué que le programme de la coopération en faveur du développement de son pays reconnaît les dimensions sociales et sexospécifiques des conflits et appuie, en conséquence, une participation accrue des femmes dans la prise de décisions et leur accès aux ressources. Le représentant s’est aussi attardé sur la politique australienne de la paix, des conflits et du développement, lancée en juin dernier. Cette politique, a-t-il dit, met l’accent sur la prévention des conflits et la consolidation de la paix tout en assurant la poursuite de programmes plus traditionnels tels que les opérations humanitaires et de reconstruction. Cette nouvelle politique d’assistance vise aussi à améliorer l’intégration des principes sexospécifiques dans tous les projets. A l’avenir, l’Australie entend appuyer les communautés qui oeuvrent en faveur d’un règlement pacifique des conflits. Le rôle que les femmes peuvent jouer dans la consolidation de la paix bénéficiera d’une attention particulière, a affirmé le représentant.

M. JUAN GABRIEL VALDES (Chili) a observé qu’au moment même où il parlait, des communautés entières souffraient de la guerre ou du terrorisme et que les femmes et les petites filles étaient particulièrement affectées en raison de leur sexe et de leur position dans la société: un certain nombre de mesures peuvent être prises pour empêcher que ceci continue, a-t-il estimé. Parmi elles, lever les obstacles qui empêchent les femmes de participer aux processus de décisions et d’atteindre les échelons les plus élevés du pouvoir. En ce sens, le Chili soutient l’idée de faire une priorité d’inclure une perspective sexospécifique aux opérations de maintien de la paix: ceci est un élément clef, a insisté le délégué, pour garantir l’égalité des sexes de manière durable.

La délégation chilienne juge également essentielle la nomination d’un nombre accru de femmes aux postes de représentant ou d’envoyé spécial du Secrétaire général pour les missions de la paix, ainsi que le recrutement de femmes comme observateurs militaires, ou pour la police civile et les droits de l’homme. Il est temps, a poursuivi M. Valdes, de jeter un pont entre les intentions et la réalité. Nous avons évoqué tous les aspects de la question au cours de nos discussions, nous disposons d’une quantité importante d’informations et nous avons promis d’adopter une série de mesures pour jeter les bases d’un cadre juridique international solide. Mais nous n’avons pas été capables de mettre en œuvre ces mesures, a-t-il déploré, ajoutant que c’était là la tâche des gouvernements autant que du système des Nations Unies et de la société civile. En conclusion, le délégué a souhaité que la Conférence internationale sur les «Femmes et le maintien de la paix», qui se tiendra au Chili les 4 et 5 novembre prochains, ouvrira de nouvelles perspectives pour une mise en œuvre concrète des mesures débattues.

M. MUNIR AKRAM (Pakistan), dénonçant la violence dont sont victimes les femmes au Jammu-et-Cachemire, a, en outre, demandé aux Nations Unies et aux organisations non gouvernementales de préparer une étude sur le nombre des femmes appauvries par la situation de conflit. Il a appelé la communauté internationale à prendre les mesures qui s’imposent pour indemniser ces femmes. Il a demandé aux organisations humanitaires, dont le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) de mener des opérations de secours pour apaiser les souffrances de ces femmes. Les considérations politiques, a-t-il dit, ne devraient pas compromettre la réponse des organisations humanitaires à ces femmes qui souffrent d’un conflit sanglant sur leur terre. Le Conseil de sécurité doit renforcer le respect et la mise en œuvre des principes du droit international humanitaire et des droits de l’homme. Le Conseil, a insisté le représentant, doit éviter toute sélectivité dans la mise en œuvre de ses résolutions. La Charte des Nations Unies contient des dispositions, notamment le Chapitre VI, qui peuvent être utilisées pour promouvoir la mise en œuvre des résolutions.

Le représentant a ensuite fait plusieurs propositions en souhaitant notamment l’adoption d’une déclaration qui qualifie de crimes de guerre tout acte violence contre les femmes; l’élaboration d’une étude sur les crimes commis contre les femmes dans les situations de conflits; la présentation par les différentes opérations de maintien de la paix d’un rapport sur la situation des femmes et la participation des femmes dans les processus de paix. Le représentant a aussi jugé utile que les fonds et programmes de l’ONU répondent plus efficacement aux besoins des femmes. Il a conclu en appelant le Conseil à impliquer d’autres organes de l’ONU ainsi que des représentants de la société civile dans une discussion approfondie sur la question.

M. GILBERT LAURIN (Canada) a souligné que deux ans après l’adoption de la résolution 1325 (2000), qui a marqué un véritable tournant en reconnaissant que la guerre influe différemment sur les femmes et les petites filles et que les femmes apportent une contribution essentielle à la consolidation de la paix et à la reconstruction, nous sommes plus proches du commencement que de la fin. Le Canada, a-t-il assuré, appuie l’appel lancé par le Secrétaire général en faveur d’une plus grande intégration des perspectives sexospécifiques à l’ensemble des activités du Conseil de sécurité et du système des Nations Unies. Le Conseil doit veiller à ce que la dimension sexospécifique soit sérieusement prise en considération dans ses analyses et transparaissent dans ses décisions: cette démarche, a insisté le délégué, doit devenir routinière.

Le Canada, a poursuivi M. Laurin, accueille favorablement le rapport du Secrétaire général et se félicite du large éventail de mesures recommandées, espérant qu’elles auront un effet catalyseur pour les actions des Etats Membres. Il a appelé l’attention sur l’aide-mémoire adopté par le Conseil en mars 2002 et demandé également qu’il soit explicitement fait référence aux considérations sexospécifiques dans le mandat de tous les représentants spéciaux du Secrétaire général. Enfin, jugeant primordial d’intégrer une perspective sexospécifique aux opérations de maintien de la paix, il a prié la Cinquième Commission d’autoriser les ressources requises pour renforcer la capacité du Département des opérations de maintien de la paix dans ce domaine.

M. SUN JOUN-YUNG (République de Corée) a estimé que le caractère concret des recommandations du Secrétaire général est un élément dont il faut se féliciter. Insistant sur l’importance de la prévention des conflits, il a souhaité qu’en la matière, une attention accrue soit accordée aux femmes. Si les femmes peuvent contribuer de manière significative à l’édification d’une paix nouvelle, elles sont des facilitatrices et des négociatrices efficaces pour préserver la paix, a ajouté le représentant. Il a donc plaidé pour un nombre accru de représentantes ou d’envoyées spéciales du Secrétaire général avant d’estimer que le rôle des femmes dans la prévention peut aussi être élargi au niveau local. Il a ainsi souhaité que des cours de formation à l’intention des femmes soient inclus dans les processus de prévention des conflits. Avec une plus grande contribution des femmes, la probabilité d’un conflit pourrait être écartée, a affirmé le représentant.

M. MARTIN ANDJABA (Namibie) a regretté que bien peu ait été fait, d’un point de vue pratique, pour améliorer le sort des femmes et des petites filles en situation de conflit. Elles continuent d’en souffrir de façon disproportionnée: une large majorité des réfugiés et déplacés sont des femmes; elles sont soumises au viol, à l’exploitation sexuelle, au trafic et à d’autres formes de déshumanisation; elles ne sont ni suffisamment représentées aux différentes étapes de prise de décisions dans les processus de paix ni dans les opérations de maintien de la paix. En situation d’occupation étrangère, les femmes et les petites filles subissent des préjudices particuliers, a poursuivi le délégué en appelant de ses vœux une prochaine étude sur le sort de ces femmes. M. Andjaba a par ailleurs souhaité une analyse sur l’impact des sanctions dans une perspective sexospécifique.

Le représentant a fortement appuyé la nécessité d’accroître la participation des femmes aux opérations de paix dans tous leurs aspects, au plus haut niveau et dans les processus de décisions: la participation des femmes aux négociations des accords de paix doit devenir une pratique commune. De même, les perspectives sexospécifiques doivent être effectivement intégrées aux mandats des missions de paix et la représentation des femmes au Siège des Nations Unies et dans les missions doit quant à elle être renforcée. A cet égard, le délégué a appuyé la recommandation du Secrétaire général visant à atteindre la parité de 50/50 entre hommes et femmes pour les postes d’envoyé spécial et de représentant spécial, d’ici à 2015.

M. MOHAMED BENNOUNA (Maroc) a tout d’abord évoqué la situation particulièrement tragique de la femme palestinienne confrontée à l’insécurité quotidienne et à la pénurie des moyens de subsistance imposés par l’occupation israélienne. Commentant par ailleurs les deux années écoulées depuis l’adoption de la résolution 1325 (2000), il a regretté de constater que malgré tous les efforts déployés, femmes et filles demeuraient les principales victimes des conflits armés où elles sont confrontées à toutes formes de violence, notamment violence et exploitation sexuelles. De même, elles sont parfois forcées de participer aux hostilités ou de servir dans des camps où elles subissent différents sévices, servent de main d’œuvre bon marché dans les camps de réfugiés, tandis que les décès et disparitions engendrés par les conflits armés confèrent aux femmes des charges additionnelles: elles sont alors embrigadées facilement dans des activités illégales telles le trafic de drogues ou la prostitution au service de réseaux. C’est pourquoi, de l’avis de M. Bennouna, la formation du personnel des opérations de maintien de la paix s’avère cruciale pour le sensibiliser aux vulnérabilités particulières des femmes et des filles.

Le Maroc appuie la proposition de créer un poste de conseiller pour la parité entre les sexes au sein du Département des opérations de maintien de la paix. Mais le maintien d’une paix durable après conflit ne pourra être atteint que si les femmes participent pleinement à toutes les négociations et aux structures qui en découlent, a-t-il poursuivi. Ceci requiert toutefois au préalable le renforcement de l’état de droit, le respect des droits de l’homme et la mise en place d’institutions démocratiques, a souligné M. Bennouna. Pour le délégué, tout effort de reconstruction après-conflit nécessite impérativement la prise en compte des aspects sexospécifiques dans tous les programmes et activités entreprises dans les politiques sociales, éducatives, économiques et budgétaires. Enfin, il a observé qu’avec la mondialisation de certains réseaux porteurs de violence et parfois de terreur, seule la régulation par le droit dans le cadre des Nations Unies permettra d’y faire face.

M. DON MACKAY (Nouvelle-Zélande) a appuyé les recommandations du Secrétaire général, contenues dans son rapport «Femmes, paix et sécurité», notamment celle qui souligne la nécessité de mettre fin à l’impunité des crimes commis en période de conflit armé. En tant que fervent partisan de la Cour pénale internationale, la Nouvelle-Zélande appelle les Etats à s’assurer que la parité, ainsi qu’une expertise appropriée en matière de droits des femmes et la violence à leur encontre, soient retenues dans le recrutement des enquêteurs, procureurs et juges. Le délégué a réaffirmé le soutien de son pays à la nécessité de faire participer des femmes aux négociations de paix, expliquant que la région du Pacifique avait reconnu leur rôle salutaire dans la promotion de la paix à Bougainville ou dans les îles Salomon.

Par ailleurs, le représentant a jugé que l’intégration des femmes et la prise en compte d’une perspective sexospécifique étaient des éléments essentiels au succès des opérations de maintien de la paix. La Nouvelle-Zélande, a-t-il indiqué, célèbre cette année le 25e anniversaire de l’intégration des femmes à ses forces armées et le démantèlement des unités de femmes. Celles-ci ont participé aux opérations internationales de paix notamment au Cambodge, en Bosnie-Herzégovine, au Timor oriental ou à Bougainville. Les femmes représentaient 8 à 10% de chaque bataillon néo-zélandais déployé au Timor oriental, a-t-il souligné. Mais les femmes doivent aussi être impliquées dans les processus de reconstruction des sociétés et leurs intérêts doivent être pris en compte, a poursuivi le représentant qui a appelé les Etats et les institutions spécialisées des Nations Unies à veiller à ce qu’une perspective sexospécifique soit intégrée dans les programmes de réhabilitation et de reconstruction.

M. GERHARD PFANZELTER (Autriche), s’exprimant au nom du Réseau de la sécurité humaine, a expliqué que le rôle du Réseau est de sensibiliser les décideurs politiques à la notion de sécurité humaine, d’enrichir le débat international sur la question de renforcer le respect des normes actuelles par le biais d’actions concrètes. En réponse à la résolution 1325 du Conseil de sécurité, le Réseau, a rappelé le représentant, a organisé un atelier sur l’intégration d’une dimension sexospécifique dans les efforts de sécurité humaine qui s’est tenue à Oslo en janvier 2001. Il a poursuivi en soulignant l’importance d’une éducation en matière des droits de l’homme que le Réseau s’engage à promouvoir.

La deuxième priorité du Réseau, a-t-il dit, est de répondre aux besoins des petites filles. Il s’est ensuite félicité des efforts entrepris par l’ONU et d’autres acteurs pour renforcer la capacité d’alerte rapide en matière d’exploitation sexuelle et de trafic des femmes. Concluant sur la nécessité d’assurer une protection adéquate aux femmes déplacées, le représentant a appuyé la recommandation du Secrétaire général d’impliquer davantage les femmes dans les négociations de paix et les opérations de maintien de la paix. Il a manifesté l’intention du Réseau de présenter les candidates les plus qualifiées.

Mme JEANETTE NDHLOVU (Afrique du Sud) a mis l’accent sur les efforts déployés par son pays pour trouver des solutions durables aux souffrances des pays en conflit en Afrique, en particulier dans la région des Grands Lacs. L’Union africaine, a-t-il aussi souligné, reconnaît l’importance qu’il y a à tenir compte de la contribution des femmes aux processus de paix. C’est la raison pour laquelle dès 1998, un Comité des femmes pour la paix et le développement a été établi, dans le cadre de ce qui était alors l’Organisation de l'unité africaine. Mais en Afrique, beaucoup reste à faire, a convenu la représentante en faisant allusion aux différents conflits qui continuent de secouer le continent. L’Afrique, a-t-elle affirmé, a compris la nécessité d’assurer une intégration véritable de tous, en particulier des femmes, dans cette nouvelle ère de paix, de reconstruction et de développement qui s’ouvre à elle.

La représentante a, dans ce cadre, souligné la conformité du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) et les objectifs de développement de la Déclaration du Millénaire, en particulier en ce concerne la promotion des femmes et des petites filles. En la matière, elle a plaidé pour que les compétences de négociation des femmes soient bien utilisées dans les efforts de paix. Il faut, a-t-elle dit, un nouveau partenariat entre hommes et femmes pour la paix, la sécurité et le développement. Ce partenariat doit être effectif à tous les niveaux de la société et des institutions gouvernementales ou publiques. Ce partenariat doit aussi se faire avec les organisations non gouvernementales et la société civile afin de promouvoir l’importance du rôle des femmes dans les situations de conflit. La représentante a conclu en se félicitant des recommandations du Secrétaire général.

Mme ADRIANA PULIDO SANTANA (Venezuela) a estimé que la promotion de la femme et l’égalité entre les sexes sont des questions qui relèvent de l’Assemblée générale et de la Commission de la condition de la femme de l’ECOSOC. Néanmoins, le fait que le Conseil de sécurité se saisisse du thème spécifique de «femmes, paix et sécurité» s’inscrit dans l’esprit de coopération entre les principaux organes des Nations Unies, a estimé la représentante. Saluant le rapport du Secrétaire général, elle a fait valoir la nécessité de donner une base juridique aux délits relevant de la violence contre les femmes et d’envisager la possibilité d’indemniser ses victimes. Elle a également appuyé les recommandations visant à intégrer les femmes aux différentes étapes de la reconstruction et de la réhabilitation ainsi qu’aux processus de désarmement, démobilisation et réinsertion.

Mais la mise en œuvre de telles pratiques supposera le renforcement de la coopération entre les différents organismes des Nations Unies et une meilleure intégration de leurs activités, qu’il s’agisse de maintien de la paix, d’opérations humanitaires ou de processus de reconstruction. Il s’agira de même de renforcer les mécanismes et structures des Nations Unies pour s’assurer qu’une perspective sexospécifique sera intégrée de manière systématique à toutes les activités en relation avec la paix et la sécurité. Et de s’assurer de collecter toutes les données sur les diverses situations de violations des droits des femmes et des petites filles, à partir desquelles il sera possible d’établir une analyse la plus proche possible des réalités.

M. STAFFORD NEIL (Jamaïque) s’est félicité du fait que les statuts des Tribunaux spéciaux pour le Rwanda, l’ex-Yougoslavie et la Sierra Leone reconnaissent la violence liée au sexe. A cet égard, il a recommandé que les statuts des futurs tribunaux spéciaux créés par le Conseil de sécurité comprennent des dispositions à cet effet. Il conviendrait également que l’on nomme des juges ayant une compétence particulière des questions relatives aux violations des droits des femmes et des enfants. Le représentant s’est aussi félicité des progrès accomplis dans ce domaine, citant l’exemple de l’action menée par les groupes de femmes, en Afghanistan, en République démocratique du Congo, au Kosovo, en Sierra Leone et au Timor oriental. Toutefois, il a considéré qu’il faudrait s’employer à établir des mécanismes formels supplémentaires en vue de faciliter la participation des femmes au processus de prise de décisions politiques.

Le représentant a en outre salué la participation des groupes de femmes aux réunions élargies du Conseil de sécurité et applaudi les efforts du Conseil en vue d’intégrer une dimension sexospécifique aux opérations de maintien de la paix. Dans ce contexte, il a suggéré que la contribution apportée par les conseillers chargés de la question de sexospécificité au Kosovo (MINUK), au Timor oriental (ATNUTO), en République démocratique du Congo (MONUC) et en Sierra Leone (MINUSIL) pourrait servir de modèle pour l’avenir. Le Conseil, a déclaré le représentant, devrait toutefois veiller à l’application de ses résolutions et s’assurer que ces missions sur le terrain établissent des contacts avec les groupes locaux de femmes. En outre, il considère qu’il faudrait renforcer la capacité du Secrétariat de proposer des conseillers chargés de l’intégration d’une perspective sexospécifique.

Mme DEWI WAHAB (Indonésie) a estimé, comme le Secrétaire général, que la communauté internationale n’avait pas réussi à transformer ce qu’elle sait déjà de l’impact des conflits armés sur les femmes en politiques spécifiques et processus de planification et mise en œuvre dans toutes les opérations de paix, activités humanitaires ou de reconstruction. L’engagement du Conseil de sécurité en faveur d’une implication des femmes et des organisations qui les représentent sur le terrain permettra, selon la déléguée, de renforcer leur statut politique et sa pertinence. Aussi, la recommandation relative à la participation pleine et entière des femmes aux processus de paix mérite-t-elle davantage de considération de la part de la communauté internationale. L’Indonésie s’associe donc au Secrétaire général pour appeler les Etats Membres, les donateurs et la société civile à apporter leur soutien financier et politique aux initiatives de femmes et de réseaux de femmes en faveur du renforcement de la paix.

La contribution de tous les membres et de tous les secteurs de la société sont nécessaires au maintien de la paix ou à la prévention des conflits. L’implication des femmes et des petites filles est non seulement nécessaire dans ce domaine mais aussi pour la préservation de la famille et, au-delà, de l’harmonie sociale. La représentante a donc estimé que tout investissement dans l’éducation et la protection des femmes était un investissement dans l’éducation et la protection de la société.

M. VIJAY K.NAMBIAR (Inde) a émis des doutes quant à la nécessité absolue d’une parité entre les sexes dans les opérations de maintien de la paix. Serait-il de l’intérêt de la paix et de l’égalité entre hommes et femmes d’exposer ces dernières aux situations de conflit? s’est interrogé le représentant. Sa délégation se dit plutôt favorable à un rôle accru des femmes comme représentantes spéciales du Secrétaire général et au sein du Département des opérations de maintien de la paix. La réintégration des femmes après les conflits est un élément important, a poursuivi le représentant. Tout accord de paix doit intégrer la perspective sexospécifique. Soulignant, par ailleurs, le nombre de femmes victimes des attentats terroristes, le représentant a souligné que plus personne ne peut poser en membre de la coalition mondiale contre le terrorisme et parrainer, dans le même temps, le terrorisme. Les deux actes terroristes les plus meurtriers ont lieu en Inde, a dit le représentant en citant les évènements du 14 mai 2002 dans l’Etat du Jammu-et-Cachemire. Les femmes et les enfants, a-t-il souligné, assurent l’avenir des sociétés. Ils doivent pouvoir vivre dans la sécurité. On parle beaucoup de la nécessité de sauvegarder les intérêts des femmes et des enfants mais beaucoup moins de la coopération nécessaire à la croissance économique qui seule peut éliminer la pauvreté et la misère, facteurs responsables de la marginalisation des femmes et des enfants, a conclu le représentant.



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*Les recommandations sont parues sous la cote S/2002/1154. Elles sont divisées en huit chapitres concernant l’atténuation des conflits armés sur les femmes et les petites filles; le cadre juridique international de leur protection; leur implication dans les processus de paix; et l’intégration d’une démarche sexospécifique dans les opérations de maintien de la paix, les opérations humanitaires, les efforts de reconstruction et de relèvement ainsi que dans les initiatives de désarmement, de démobilisation et de réinsertion.



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