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Communiqués de presse

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS: AUDITION DES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES

01 Mai 2006

Comité des droits économiques,
sociaux et culturels

1er mai 2006


Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a tenu, cet après-midi, une séance publique au cours de laquelle il a procédé à l'audition de plusieurs représentants d'organisations non gouvernementales qui se sont exprimés au sujet des situations qui prévalent, du point de vue des droits économiques, sociaux et culturels, dans trois des cinq pays dont les rapports seront examinés au cours de la session, à savoir le Canada, le Mexique et le Maroc.

S'agissant du Canada, plusieurs intervenants ont attiré l'attention sur la situation des jeunes filles, en particulier des jeunes filles autochtones, victimes de violence et souvent réduites à la situation de sans-abri. La discussion a aussi porté sur le montant du revenu minimum qui, dans certaines provinces, permet tout juste à ses bénéficiaires d'atteindre le seuil de pauvreté. Un autre représentant a déploré que l'État canadien continue de refuser de reconnaître l'existence du droit des autochtones sur des terres ancestrales.

En ce qui concerne le Mexique, des représentants d'organisations non gouvernementales ont souligné que certains progrès enregistrés en matière de droits sociaux masquent, en fait, le recul d'autres indicateurs de la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels. Ils ont en outre déploré l'absence de prise en compte par les autorités, au moment de la formulation des politiques, des aspirations de certains segments de la population.

La représentante d'une organisation non gouvernementale s'intéressant à la situation au Maroc a dénoncé les conditions de l'accord de libre-échange que ce pays vient de signer avec les États-Unis.

Des représentants et représentantes des organisations non gouvernementales suivantes sont intervenus: Justice pour les filles, Forward, Confédération des Six-Nations, Groupe de travail national sur les femmes et le logement, Fonds de protection de l'agriculture organique, Income Security W.G. and Hamilton's Community, First Nations Child and Family Caring Society, Bureau d'aide juridique afro-canadien, Organisation nationale anti-pauvreté, Conseil canadien pour les réfugiés, Nation indienne du lac Lubicon, Centre sur la pauvreté et les droits de l'homme, Communauté St James, Low Income Families Together, FIAN International (Réseau d'information et d'action pour le droit à se nourrir), Grupo pro Derechos Económicos, Sociales, Culturales y Ambientales en Chiapas, des coalitions d'organisations de la société civile mexicaine et 3D Three.


Le Comité reprendra ses travaux demain matin, mardi 2 mai à 10 heures, pour entamer l'examen du rapport initial de Monaco (E/1990/5/Add.64).


Aperçu des déclarations des organisations non gouvernementales

Concernant le Canada

La représentante de Justice pour les filles a dénoncé le problème des jeunes adolescentes canadiennes qui se retrouvent sans abri suite à des sévices sexuels subis à leur domicile. Les autorités de police ferment les yeux sur ces actes et les hommes violents ne sont pas inquiétés, a affirmé la représentante, estimant que l'élimination du problème exige d'agir sur ces deux facteurs. Or, les programmes du Gouvernement canadien sont inefficaces dans ce domaine. Le Comité doit donc demander au Gouvernement des informations précises sur les moyens qu'il met en œuvre en faveur des jeunes filles. Il doit notamment pourvoir des logements et abris sûrs, non mixtes, à leur intention, afin qu'elles puissent échapper au cycle de violence. Les responsables des exactions doivent être sanctionnés.

Une autre représentante de Justice pour les filles a dénoncé les violations systématiques de leurs droits dont sont victimes les jeunes filles autochtones au Canada: ni la justice, ni l'école ne les protègent; elles sont criminalisées par le système judiciaire, elles sont victimes de brutalités policières et les hommes, en général, se sentent libres de les agresser. Le Canada doit revoir entièrement son système judiciaire à cet égard. La représentante a demandé que soit créé un mandat de rapporteur spécial sur la question des jeunes filles autochtones.

Une représentante de Forward s'est déclarée particulièrement préoccupée du sort des femmes incarcérées en hôpital psychiatrique, car incapables de supporter la violence dont elles sont victimes, reléguées au statut de sans-abri ou qui se sont vues retirer la garde de leurs enfants par l'État. La représentante a demandé au Comité de blâmer le Gouvernement canadien pour les violations flagrantes de leurs droits fondamentaux dont sont victimes toutes ces femmes. Le Gouvernement canadien doit impérativement reconnaître ses erreurs et respecter les dispositions du Pacte en matière de droit au logement, de protection sociale et de lutte contre l'exclusion sociale, notamment.

La représentante de la Confédération des Six-Nations a déclaré que son organisation s'opposait résolument à la vente d'une parcelle de terre appartenant aux autochtones par le Gouvernement canadien à un promoteur privé. Cette affaire constitue en effet une violation du droit à l'autodétermination des peuples autochtones. Une femme a été sérieusement blessée lors d'un raid de police le 20 avril dernier contre des autochtones qui tentaient de faire valoir leurs droits.

La représentante du Groupe de travail national sur les femmes et le logement a déploré que le Gouvernement canadien ne respecte pas ses engagements en matière de conditions de logement des femmes à faible revenu et qu'il ne prenne pas les mesures nécessaires dans ce domaine, notamment, l'adoption d'une stratégie nationale de logement; la mise à la disposition des de logements subventionnés; le lancement d'un programme de construction de nouveaux logements et la levée des mesures discriminatoires sur les prêts et hypothèques.

Un représentant du Fonds de protection de l'agriculture organique s'est présenté comme un agriculteur canadien menacé dans son activité par l'introduction d'organismes génétiquement modifiés dans la chaîne de production alimentaire. Il a dénoncé le fait que le Canada ne prévoie rien en matière de protection des consommateurs et des cultures. Des sociétés commerciales se sont appropriées des brevets sur les semences indispensables, et aucune étude n'a été menée sur les effets des OGM pour la santé humaine. Les consommateurs ont, ainsi, quasiment perdu leur droit à l'autodétermination et à la santé, a estimé le représentant, selon lequel la loi canadienne doit réglementer la production d'OGM et protéger les droits des fermiers.

Un représentant du Income Security W. G. and Hamilton's Community a déploré que le droit à un niveau de vie adéquat ne soit pas réellement appliqué par le Canada. Le représentant a aussi attiré l'attention sur l'insuffisance de l'assistance sociale, les expulsions fréquentes de personnes indigentes, et la nécessité dans laquelle se trouvent certaines familles, incapables de se nourrir, de s'adresser à des banques alimentaires. Il a déploré de graves lacunes statistiques et un manque d'études sérieuses à ce sujet.

La représentante de la First Nations Child and Family Caring Society a dénoncé la loi canadienne sur les enfants indiens qui a pour effet de les marginaliser. Ils souffrent de grave négligence de la part du gouvernement, qui préfère dépenser son argent pour retirer les enfants de la garde de leurs familles. Deux rapports sur la question confirment cette triste constatation. La solution consiste à dépenser une partie (0,5%) du surplus budgétaire canadien à la résolution de ce problème.

Un représentant du Bureau d'aide juridique afro-canadien s'est déclaré préoccupé par certaines violations des droits de citoyens afro-canadiens en matière d'éducation, de droit au logement et de discrimination raciste. Cette communauté est, au Canada, au bas de l'échelle socio-économique. Près de 40% d'entre eux vivent près du seuil de pauvreté, les femmes et les enfants sont particulièrement fragiles dans ce domaine. L'éducation doit être le moyen privilégié d'action en direction de cette communauté. Mais on doit constater que la formation ne suffit pas, étant donné le racisme à l'embauche qui prévaut sur le marché du travail. Cet aspect est régulièrement passé sous silence dans tous les rapports présentés par le Canada, a enfin regretté le représentant.

Une représentante de la Organisation nationale anti-pauvreté a dénoncé le fait que les autorités provinciales ne respectent pas les engagements souscrits par le Canada en matière de droits économiques, sociaux et culturels, en particulier en ce qui concerne les droits des enfants, la lutte contre l'appauvrissement de la société et la protection sociale. La représentante a prié le Comité de demander au Gouvernement canadien des informations précises sur les mesures qu'il a prises en réponse aux observations finales qu'il a adoptées suite à l'examen de son dernier rapport.

Une représentante du Conseil canadien pour les réfugiés a remercié le Comité pour la pression qu'il a exercée pour que le Gouvernement canadien applique le principe du droit au regroupement familial pour les familles réfugiées. Malheureusement, d'autres problèmes demeurent en suspens dans ce domaine: le Canada n'assure pas en effet toute la protection due à ces familles en vertu de ses obligations et la représentante a déploré ici que de nombreuses familles restent séparées (jusqu'à quatre, voire cinq ans) par les décisions arbitraires et sans appel possible de fonctionnaires de l'immigration.

Deux représentants de la Nation indienne du lac Lubicon ont regretté que le Gouvernement canadien ait procédé à des saisies illégales de terres appartenant aux peuples autochtones de l'Alberta. Ces terres sont actuellement exploitées par des sociétés industrielles, avec des conséquences graves pour la santé de la jeunesse locale. L'État canadien continue de refuser de reconnaître l'existence des droits des autochtones sur ces terres. Le Comité devrait engager le Gouvernement canadien à prendre des mesures pour empêcher la dégradation de l'environnement et pour sauvegarder la santé des populations.

La représentante du Centre sur la pauvreté et les droits de l'homme de Colombie britannique a insisté sur l'importance des gouvernements provinciaux dans l'application des obligations du Canada au regard du Pacte. Il faut donc analyser de près l'action des provinces pour mesurer les progrès réellement accomplis au Canada. En Colombie britannique, on constate que la situation des femmes a régressé ces dernières années, suite à l'adoption de mesures de démantèlement social délibérées par le gouvernement. Ce dernier n'a pas de stratégie de réduction de la pauvreté (des femmes et des familles monoparentales notamment), et ce malgré le fait que la province est extrêmement riche. Les droits syndicaux sont délibérément remis en cause par l'action gouvernementale, de même que la sécurité sociale (avec des coupes pouvant atteindre 25% dans les prestations).

La représentante de la Communauté St James a déploré que l'insuffisance des mesures d'intégration des Canadiens fraîchement naturalisés, situation qui entraîne souvent une situation de marginalisation et de précarité économique et, au bout du compte, une augmentation de la violence. Il est regrettable, a dit la représentante, de constater que le gouvernement de l'Ontario, par exemple, n'ait pas agi dans le bon sens: absence de politique de parité salariale, de protection des migrants, de sécurisation des conditions de travail, entre autres. Elle a aussi relevé qu'il semblait parfois que les Canadiens n'ont pas conscience de l'existence du Pacte. Le Comité peut contribuer à la prise de conscience et à faire du Canada le modèle qu'il peut et doit être aux yeux du monde.

Au cours de l'échange de vues qui a suivi ces exposés, et en réponse à des questions de membres du Comité, la représentante de Justice pour les filles a dit que son organisation avait choisi d'insister sur un aspect très limité des problèmes que rencontrent les jeunes filles, mais que cela ne préjugeait naturellement en rien de l'existence d'autres problèmes. Le problème de l'âge du consentement, très bas au Canada, est en effet un grave problème qui mérite d'être signalé, a-t-elle notamment ajouté. Une autre représentante a déclaré que certains aspects du droit foncier n'avaient pas changé depuis la colonisation et que les femmes autochtones étaient juridiquement marginalisées dans tous les aspects de la société canadienne. Quant à la question de savoir s'il est vraiment «un crime» d'être une femme autochtone au Canada, comme s'en étonnait un expert, une représentante a rappelé que plus de trente d'entre elles avaient été récemment victimes de disparition, un crime odieux motivé par une haine spécifique non reconnue comme telle par les tribunaux. Une autre déléguée a confirmé de son côté que le salaire minimal est, selon les régions, insuffisant pour permettre de dépasser le seuil de pauvreté, et qu'il convenait de l'élever au moins à ce niveau. Enfin, les statistiques canadiennes montrent que l'aide sociale en matière de logement reste très en deçà des besoins, ce qui peut s'expliquer par des considérations idéologiques: la pauvreté se concentre dans des groupes déjà marginalisés, qui ne bénéficient pas de protection particulière dans la Constitution.


Concernant le Mexique

Une représentante de la Coalition des organisations de la société civile a présenté dans ses grandes lignes un rapport général compilé par cent cinq organisations non gouvernementales mexicaines. Elle a rappelé que les inégalités dans le développement continuent d'être un problème au Mexique. Les progrès en matière de droits économiques, sociaux et culturels ne se sont pas véritablement concrétisés, malgré l'ouverture politique perceptible depuis vingt ans. Il faut incriminer ici une absence de consultation avec la société civile quant aux choix économiques qui ont été pris et qui ont des répercussions sur l'exercice des droits garantis par le Pacte. Les droits des paysans sont par exemple directement affectés par les importations de nourriture en provenance des États-Unis.

Les indices de développement humain sont très disparates au sein même du pays, a noté la représentante. En 2004, la concentration de la pauvreté en milieu urbain a augmenté de 50% par rapport à 2000. Quant à la politique de micro-crédit, mal appliquée, elle ne bénéficie pas aux personnes qui en ont le plus besoin. Le Gouvernement mexicain doit donc engager une véritable politique sociale à même de résorber les inégalités, a conclu la représentante.

Une représentante de la Coalition des organisations de la société civile s'est exprimée en particulier sur le droit à l'alimentation, dont l'application souffre de lacunes au Mexique. Le pays ne dispose en effet pas d'une véritable législation en la matière, ce qui rend illusoire la défense des droits de la population. D'autre part, la représentante a relevé que l'introduction récente d'un salaire minimal n'a pas suffi à assurer l'indépendance alimentaire généralisée de la population. La sous-nutrition est un véritable problème au Mexique.

Un représentant de la Confédération des organisations civiles pour la démocratie a déclaré que la situation économique dans la région du Chiapas s'était détériorée depuis quelques années. Le programme social fédéral appliqué actuellement à cette région ne suffit pas à garantir l'amélioration des conditions générales de vie, ce qui s'explique en partie par le fait que de nombreuses familles sont exclues du programme. Le gouvernement exerce en effet par ce biais des pressions sur les populations locales pour changer le mode de propriété de la terre. On assiste donc à une concentration des terres, avec des effets très déstabilisants, en particulier une émigration vers les États-Unis.

Le représentant du Conseil des communautés opposées au projet hydroélectrique La Parota a dénoncé le projet de déplacement de plus de vingt mille paysans de leurs terres, suite à la construction de la centrale hydroélectrique «La Parota». Le représentant a rapporté que les paysans ont décidé de s'opposer fermement à ce projet, ce qui a entraîné des frictions avec les autorités et notamment une criminalisation du mouvement de résistance, et même à des assassinats de militants. Au plan judiciaire, les tribunaux ont en partie validé les revendications des paysans. Le gouvernement n'en tient pas compte, qui prévoit d'utiliser l'armée pour appliquer son projet au mépris du respect des droits de la population. Le Comité doit exiger du Gouvernement mexicain qu'il annule ce projet.

La représentante de FIAN international a attiré l'attention du Comité sur l'affaire de l'usine mexicaine Continental, dans laquelle un conflit du travail a pu être réglé grâce à une intervention du Gouvernement mexicain. Pour la représentante, ce dossier est symptomatique de la manière dont la justice peut être mise en œuvre pour appliquer les obligations des États en matière de droits économiques, sociaux et culturels. La représentante a appelé au contrôle du respect de ces obligations par des organisations des droits de l'homme transnationales, comme cela a été fait dans le cas Continental.

En réponse à des questions d'experts, une représentante a confirmé que l'augmentation des budgets sociaux masquait, en fait, une diminution des ressources dans d'autres domaines, par exemple en matière d'infrastructures médicales. L'éducation bilingue (au profit des populations autochtones) a elle aussi subi des coupes radicales, ce qui met en péril l'intégration de ces populations.


Concernant le Maroc

Pour la représentante de 3D->Three de Genève, le Comité doit rappeler aux États que le respect des traités commerciaux ne doit pas se faire au détriment des droits de l'homme. 3D->Three se déclare très préoccupé par l'accord de libre-échange passé entre le Maroc et les États-Unis, qui aura des effets désastreux sur l'approvisionnement en médicaments de la population marocaine, compte tenu des droits de propriété intellectuelle.

À un expert qui s'étonnait de la présence d'une seule ONG marocaine et du fait que rien n'ait été dit sur la situation de la pauvreté dans ce pays, la représentante de 3D->Three a répondu que le problème d'accès aux médicaments était symptomatique d'autres problèmes qui existent au Maroc, ce qui explique l'accent qu'elle avait souhaité mettre sur ce point.

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