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Communiqués de presse Organes conventionnels

LES EXPERTS DU CEDAW CONSTATENT L’IMPACT DES DIFFICULTÉS ECONOMIQUES DE L’UKRAINE EN MATIÈRE D’EMPLOI ET DE SANTÉ DES FEMMES

06 Juin 2002

 
Comité pour l’élimination de la 
discrimination à l’égard des femmes  
555ème et 556ème séances – matin et après-midi
FEM/1201
6 juin 2002
 

 
Ils suggèrent les quotas pour améliorer la participation aux prises de décisions

 
Alors que l’Ukraine présentait aujourd’hui ses quatrième et cinquième rapports périodiques devant les experts du Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), ces derniers ont salué les avancées remarquables réalisées par un pays dont l’indépendance date de dix ans seulement.  Cependant, ils ont aussi pu regretter que l’héritage historique, source de stéréotypes et les difficultés économiques de ce pays en transition restent des obstacles, notamment dans les domaines de l’emploi et de la santé.
 
Ainsi, si les experts ont pu se féliciter de l’inexistence de mesures discriminatoires dans les textes et de la garantie des droits politiques et civils des femmes dans la Constitution, ils ont néanmoins fait remarquer que si les lois sont importantes, elles ne suffisent pas.  Il faut en effet disposer de mécanismes permettant d’atteindre les objectifs fixés, notamment pour réduire les inégalités dans le domaine de l’emploi et de la santé.  En effet, l’Ukraine présente cette particularité de disposer d’une population féminine très qualifiée, la proportion de femmes ayant fait des études supérieures est notamment de 20,5% contre 16,8% pour les hommes.  Cependant, on observe en parallèle une sous-représentation des femmes aux postes décisionnels, notamment dans la sphère publique où en 1997 les femmes constituaient 71,9% des fonctionnaires dont seulement 49,5% des aux postes de direction.  Les experts ont donc plaidé en faveur de l’adoption de mesures temporaires spéciales pour accélérer l’égalité de facto entre les hommes et les femmes, en particulier dans la vie politique.
 
      Lorsque l’avortement est un moyen de contraception, comme cela semble être le cas en Ukraine, il illustre, de l’avis de Mme Françoise Gaspard, experte de la France, l’échec des politiques de planification familiale et reflète, selon Mme Ivanka Corti, experte de l’Italie, l’état «déplorable» de la santé des Ukrainiennes.  Par conséquent, alors que la délégation a estimé que la question de la santé est «le point le plus douloureux» de la politique du Gouvernement en matière de parité, les autorités ont été vivement invitées à rectifier l’interprétation qualifiée «d’erronée» qu’elles ont de la contraception, ce à quoi la délégation a répondu que le nombre d’avortements avait considérablement baissé en 10 ans et qu’il n’était plus considéré comme un moyen de contraception.  Les conditions socioéconomiques propres à un pays en transition tel que l’Ukraine sont en outre autant d’obstacles à l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et ont été présentées par le Ministre des affaires familiales et des jeunes de l’Ukraine, Mme Dovzhenko, comme une des raisons principales du fléau de la traite des femmes. 
 
Le Comité entamera vendredi 7 juin l’examen du rapport initial et du deuxième rapport périodique combiné du Suriname.
 

EXAMEN DES QUATRIEME ET CINQUIEME RAPPORTS PERIODIQUES COMBINES DE L'UKRAINE
 
Rapport (CEDAW/C/UKR/4-5)
 
      Le document contient notamment des données statistiques et de la documentation générale sur la période écoulée depuis l'indépendance. 
 
Il détaille les textes de loi relatifs à la lutte contre la discrimination envers les femmes dans les domaines politique, social, économique et culturel, les mesures temporaires spéciales pour accélérer de facto l'égalité entre l'homme et la femme ainsi que les initiatives visant à lutter contre les stéréotypes.  Il explique par ailleurs que la traite des femmes, qui ne se manifeste pas de manière uniforme, est de mieux en mieux connue.  Sous le couvert d'entreprises artistiques, des groupes de touristes étrangers incitent les Ukrainiennes à quitter leur pays et les vendent ensuite dans des maisons de prostitution.  Pour les années 1995 à 1997, 16 cas ont été enregistrés.  En 1997, 77 demandes d'enquêtes, rapports et communications ont été envoyées par les services de répression ukrainiens et le Bureau national d'Interpol en Ukraine.  La multiplication des départs de femmes sous la contrainte a conduit l'Etat à créer un service spécial de lutte contre ce phénomène. 
 
Le problème de la représentation et de la participation paritaire des femmes à la vie politique et sociale du pays ne tient pas à l'insuffisance de normes juridiques mais à l'absence de mécanisme garantissant une représentation égale des hommes et de femmes dans les organes électifs.  Sur les 435 postes de dirigeants et d'adjoints des organes centraux du pouvoir exécutif, 6,7% sont des femmes.  Elles représentent 1% parmi les chefs d'administration publique de districts.  En 1997, les femmes constituaient 71,9% des fonctionnaires et 49,5% des fonctionnaires aux postes de direction.  En 1998, pour la première fois dans l'histoire de l'Ukraine, une femme a été nommée Ambassadeur en Suisse.  Le Ministère des affaires étrangères compte 71 femmes à des postes diplomatiques, soit 21% de tous les diplomates.
 
Les femmes représentent la majorité des diplômés des établissements d'enseignements secondaires et des étudiants d'université.  La proportion de femmes ayant fait des études supérieures est de 20,5% contre 16,8% pour les hommes.  Cependant, les femmes sont encore majoritaires parmi les travailleurs manuels et les employés de bureau.  Dans la fonction publique, 48% des hommes et 18% des femmes occupaient des postes de cadre en 1997. 
 
Lez zones rurales regroupent 16,4 millions d'habitants, dont 8,7 millions de femmes, qui sont la catégorie sociale la moins bien protégée.  Les conditions de travail des femmes sont loin d'être optimales dans la mesure où elles sont exposées à des facteurs de production chimiques et biologiques.  Le nombre de femmes employées dans l'élevage et qui qualifient leur travail de «très pénible» a nettement augmenté.  De plus en plus de femmes ressentent une extrême fatigue due à leur travail.  La crise socioéconomique a par ailleurs conduit à la fermeture d'établissements préscolaires, cantines, boutiques, bains et services en zones rurales.  Depuis quelques années, on a observé une détérioration du niveau des services médicaux destinés à la population rurale en générale, et aux femmes en particulier. 
 
 
 
Présentation par l’Etat partie
 
      Mme VALENTYNA DOVZHENKO, Chef d’Etat du Comité pour la famille et des affaires de la jeunesse, a précisé qu’elle représentait un jeune Etat dont l’histoire n’est vieille que de dix ans.  Cependant, au cours de ces années, l’Ukraine a acquis une expérience incontestable en matière d’édification démocratique et de changement de la société civile qui a été mise au profit de la réalisation de la parité.  Au plan législatif, cela s’est traduit par la mise en place de mécanismes pratiques visant à créer une nouvelle société d’égalité entre les sexes.  Cependant, a nuancé la représentante, l’Ukraine ne parvient pas à mettre en œuvre cette stratégie dans sa totalité car les problèmes de développement économique et social de même que la transition à une économie de marché alourdissent la tâche de l’Etat et l’empêche de garantir pleinement l’égalité entre les hommes et les femmes.  Il y a également des problèmes liés à la nature de la société et aux  stéréotypes véhiculés par plusieurs siècles d’histoire. 
 
Afin de remédier à ces problèmes, l’Ukraine a décidé en 1996 la création d’un organe chargé de résoudre les problèmes liés à l’égalité entre les sexes.  Il existe aujourd’hui le Comité d’Etat pour les affaires de la famille et de la jeunesse qui est chargé de l’élaboration de projets de lois, de décrets ainsi que de la mise en œuvre des décisions du Gouvernement.  Nous sommes convaincus, a poursuivi la représentante, que la garantie des droits sociaux, économiques et politiques ne peut être réalisée que dans le cadre du respect des normes générales.  La base du cadre d’action des politiques en faveur de la parité repose par conséquent sur la Constitution de l’Ukraine qui a été adoptée en juin 1996.  Afin de garantir le contrôle parlementaire de l’application des lois, l’Institut plénipotentiaire du Parlement de l’Ukraine sur les droits de l’homme a été créé en 1997.  Un plan national d’action pour améliorer la situation des femmes et leur rôle dans la société a également été défini.  A la fin de l’année dernière, un Code de la famille prévoyant des droits égaux et des obligations égales entre les femmes et les hommes dans le cadre de la famille a également été adopté.  De même, afin d’améliorer la législation, le Comité d’Etat pour les affaires de la famille et de la jeunesse travaille de concert avec les organisations non gouvernementales de femmes. 
 
La représentante a en outre fait savoir, qu’au cours de ces cinq dernières années, l’activité politique des femmes s’est accrue.  Le mouvement des femmes est devenu une composante importante de la vie politique et sociale du pays et a permis l’augmentation de la représentation des femmes dans la sphère politique.  Cependant, il est plus difficile pour les femmes d’accéder au niveau le plus élevé de représentation politique.  Parallèlement, le taux de représentation des femmes ne dépasse pas 10% dans les conseils de provinces.  De même, dans l’appareil exécutif, bien que le nombre de femmes dépasse le nombre d’hommes, elles n’occupent pas de postes à hautes responsabilités.  Plus de 84% de femmes assument les fonctions les plus basses.  Il n’y a malheureusement pas de nouvelle répartition du pouvoir au profit des femmes et il s’agit à présent non pas de parvenir à des indicatifs quantitatifs mais à une amélioration qualitative de la situation. 
 
 
      La représentante a ajouté qu’à cette fin un projet de loi a été élaboré en 1999 portant sur les «les garanties de l’Etat pour assurer les chances égales des hommes et des femmes».  Les efforts du Gouvernement visent son adoption par le nouveau Parlement.  De façon générale, nous ne partageons pas les dernières mises en garde du Comité formulées lors du dernier examen des rapports de l’Ukraine selon lesquelles la protection de la maternité peut nuire au statut de la femme.  En effet, les femmes en Ukraine prennent elles-mêmes la décision d’en bénéficier.  Elles refusent parfois les avantages sociaux offerts par l’Etat et reprennent leurs activités professionnelles avant la fin du délai qui leur est accordé.
 
Dans le domaine de l’emploi, nous nous appuyons sur le postulat selon lequel les hommes et les femmes doivent bénéficier des mêmes conditions pour la réalisation de leurs droits mais également de chances égales pour tirer parti des résultats du développement.  Nous avons mis en place des mesures de soutien économique pour favoriser l’embauche des femmes et des jeunes filles qui constituent la majorité des personnes frappées par des licenciements du secteur de la production.  Nous avons pris des mesures garantissant que 5% des emplois soient réservés aux femmes ayant des enfants de moins de 6 ans et aux mères célibataires.  Nous sommes préoccupés par les inégalités de rémunération, le salaire des femmes ne représentant que 73% du salaire des hommes alors qu’elles ont un niveau d’instruction plus élevé.  En 2001, les filles constituaient 49% du nombre total de la population lycéenne et elles sont majoritaires dans les établissements universitaires.  Les étudiantes en thèse en 2000 représentaient 48% du total. 
 
      Dans le domaine de la santé, il existe une aide médicale gratuite.  Au cours des dernières années, nous avons assisté à la baisse de la mortalité maternelle qui est de moins de 25 pour 100 000 naissances vivantes.  La situation démographique reste complexe, en raison des conséquences sur la santé de la catastrophe de la centrale de Tchernobyl.  Le nombre de cancers du sein a augmenté passant de 51 pour 1 000 femmes en 1996 à 60 pour 1 000 en l’an 2000.  Il existe un programme de surveillance de la santé reproductive. 
 
Le phénomène de la violence domestique existe.  Nous avons adopté une loi et des mécanismes pour la prévenir et mis en place des réseaux d’institutions spécialisées –centres de refuges et centres médicaux- à l’intention des femmes victimes de ce type de violence.  La traite de jeunes femmes et l’esclavage économique des femmes se développe rapidement dans les pays à économie de transition comme l’Ukraine.  L’Ukraine a adhéré à toute une gamme de traités internationaux pour prévenir la traite des êtres humains.  Le nombre de cas portés à l’intention de la justice a augmenté de plus de 53% entre 1999 et 2001.  En mai dernier, le Gouvernement a adopté un programme intégré qui prévoit une série de mesures sur trois axes: prévention, poursuite des criminels et réinsertion des victimes.  Un centre de réinsertion a commencé de fonctionner cette année.  Un des grands résultats obtenus par l’Ukraine depuis son indépendance a été le maintien de la cohésion sociale et d’une politique ethnonationale.  Nous sommes partie à la convention cadre sur la protection des minorités qui a été intégrée dans la législation nationale.  Nous devons encore parcourir un long chemin sur la voie de l’égalité entre les sexes.  Il nous faut surmonter les obstacles socioéconomique et modifier les comportements stéréotypés.
 
  
Dialogue avec les experts
 
      Mme AYSE FERIDE ACAR, experte de la Turquie, s’est félicitée de l’existence d’un système juridique qui ne contient pas d’éléments fondamentaux de nature discriminatoire.  Cependant, elle a fait remarquer que, si les lois sont très importantes, elles ne suffisent pas.  Les aspects sociaux et économiques doivent être pris en compte dans la modification des comportements.  Les pouvoirs publics doivent donc agir avec détermination et être conscients de ce qu’est la discrimination indirecte et de la différence entre discrimination de droit et discrimination de fait.  Pour ce qui est de l’Ukraine, la cause fondamentale de la discrimination doit être identifiée avec beaucoup de précision, notamment en relation avec des facteurs tels la pauvreté et les stéréotypes. 
 
Mme SJAMSIAH ACHMAD, experte de l’Indonésie, s’est dite préoccupée par le fait que les programmes et les politiques en faveur de la promotion des femmes associent les femmes à la famille.  Les femmes sont en effet toujours des mères et ne sont considérées qu’en relation avec leurs enfants ou la famille.  Dans ce contexte, l’aspect parité risque d’être oublié au profit de la perpétuation des stéréotypes.  Mme FRANÇOISE GASPARD, experte de la France, s’est félicitée de la prise en compte dans le présent rapport des recommandations faites par le Comité mais elle a souhaité savoir comment il a été préparé et rédigé.  Elle a souhaité savoir s’il existe dans chaque département une unité en relation avec le Comité pour la famille et la jeunesse chargée de vérifier que toutes les décisions qui sont prises vont dans le sens de la parité.  Le rapport a-t-il été en outre soumis pour avis aux ONG?  Elle a également demandé si des mesures spéciales sont envisagées pour réduire l’écart entre le niveau de qualification des femmes et leur faible participation aux organes de décision.
 
      Mme HANNA BEATE SCHOPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, a félicité la délégation pour sa présentation tout en reconnaissant les difficultés auxquelles l’Ukraine est confrontée dans tous les domaines depuis sont indépendance.  Il faut que le Gouvernement déploie tous les efforts pour former les juristes, parlementaires et la population sur les nouvelles lois adoptées ou projets de lois.  Il semble que l’égalité de fait est une notion qui est souvent mal comprise et qui est directement liée à la discrimination indirecte.  Elle a demandé, tout comme M. GORAN MELANDER, expert de la Suède, si le Gouvernement prévoit d’affecter des fonds à des programmes de formation.  Elle a souhaité obtenir davantage d’informations sur le Code de la famille.  Elle a aussi souhaité savoir quelles étaient les chances que le Parlement adopte la loi sur l’égalité des chances et quel était le contenu de ce texte.  Dans le cadre du programme de réduction de la pauvreté, les femmes sont-elles particulièrement ciblées?
 
      Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA a également félicité l’Ukraine pour ses efforts déployés pendant cette période de transition difficile.  Elle a observé qu’il existe un fossé entre la loi et la réalité qui se manifeste notamment dans les inégalités d’accès des femmes à l’emploi et à la vie politique.  Le poids des traditions continue de façonner la vie des femmes et des hommes, a-t-elle observé tout en recommandant à l’Etat partie de faire usage de l’article 4.1 et de recourir à des mesures temporaires spéciales pour accélérer l’égalité de facto entre les hommes et les femmes.  Elle a par ailleurs relevé des chiffres contradictoires sur la participation des femmes à la vie politique.  Le rôle des femmes ne changera pas si on ne modifie pas la façon de considérer le rôle des hommes. 
  
Répondant aux questions, Mme VALENTYNA DOVZHENKO a admis l’impact sérieux de la persistance des stéréotypes qui sont eux-mêmes liés au rôle fondamental joué auparavant par les femmes dans la stabilité de la famille.  En ce qui concerne l’écart entre le niveau élevé de formation des femmes et leur faible représentation aux organes du pouvoir, la représentante a indiqué que cette situation est justement le résultat de stéréotypes et qu’en réponse à cela le Gouvernement élabore un projet de loi qui prévoit un code en faveur de la représentation des femmes dans les organes de pouvoir.  Il ne sera cependant pas facile faire passer cette loi car il y a seulement 5% de femmes au Parlement.
 
      Conformément à la loi sur l’emploi, les hommes et les femmes ont un droit égal au travail et les dirigeants d’entreprise qui refusent d’embaucher des femmes enceintes ou qui ont des enfants en bas âge sont responsables administrativement et pénalement.  S’agissant de la protection des femmes contre la violence, une loi a été adoptée en novembre 2001 qui prévoit des recours.  Il existe en effet aujourd’hui la possibilité de poursuivre les responsables d’actes violents.  Il y a eu dans ce contexte 200 affaires examinées par la justice l’an passé. 
 
En réponse à la question concernant la façon dont le rapport a été rédigé, la représentante a précisé que chaque ministère a préparé sa partie et que le Comité s’est ensuite chargé de la coordination.  Il a été en outre examiné par des ONG de femmes.  Elle a ajouté qu’en matière d’éducation des enfants, le Code du mariage et de la famille prévoit l’égalité des responsabilités pour la mère et le père.  Le nouveau Code du mariage stipule en outre que les pères et les mères doivent résoudre ensemble les problèmes de la famille. 
 
      Nous envisageons des mesures pour améliorer la représentation des femmes aux postes de haut niveau.  Pour que les lois soient appliquées, il faut faire un vaste travail d’information ciblant, en premier lieu, les bureaucrates et parlementaires.  Pour la première fois depuis l’indépendance du pays, le budget du Ministère de la famille et de la femme a bénéficié d’une augmentation.  Le projet de loi sur l’égalité des chances englobe tous les aspects de la vie de la société et prévoit les mesures dont il est fait état dans l’article 4 de la Convention. 
 
La représentante a expliqué qu’il est important de stabiliser la situation socioéconomique et d’éliminer la pauvreté.  Le Président de l’Ukraine a signé l’année dernière une stratégie de réduction de la pauvreté qui prévoit au cours des cinq prochaines années, de réduire de 5% la catégorie qui vit en deçà du seuil de pauvreté.  Nul doute qu’il y a plus de femmes dans les catégories pauvres compte tenu du fait notamment que leur salaire représente 73% de celui salaire des hommes.
 
      S’agissant des écarts entre les niveaux d’instruction élevés des femmes et leur faible accès aux postes décisionnels, elle a expliqué que suite à la chute de l’Union soviétique, de nombreuses entreprises qui employaient des femmes ingénieurs ont fermé leurs portes.  Nous avons dû aider ces femmes à se repositionner sur le marché du travail.  Le Ministère de la justice planifie un an à l’avance les cours de formation à l’intention des ministères idoines.  Par des campagnes de sensibilisation, nous tentons de faire comprendre à la population que certaines traditions peuvent être défavorables aux femmes même si nous ne disposons pas de coutumes qui soient directement une source de discrimination à l’égard des femmes.  L’Etat qui arrivera à mettre en place une politique de parité sur la base du respect entre les hommes et les femmes dispose d’un potentiel de développement énorme, a-t-elle insisté.
 
Ouvrant la deuxième série de questions des experts, Mme FRANCES LIVINGSTON RADAY, experte d’Israël, a observé que dans de nombreux pays, la possibilité pour un individu de saisir les tribunaux a permis des avancées significatives.  Elle s’est félicitée de la nouvelle loi sur la traite des femmes tout en relevant les difficultés d’application de cette loi, seules 37 poursuites judiciaires ayant été engagées depuis l’an 2000.  Elle a demandé pourquoi le Gouvernement avait jugé approprié de pénaliser les prostituées au lieu d’engager des poursuites à l’encontre de ceux qui les exploitent. 
 
Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, a demandé quelle était la politique démographique de l’Ukraine, relevant les nombreuses mesures de protection envers les femmes mères ou les femmes enceintes.  Quelles peuvent en être les conséquences négatives sur la situation des femmes?  L’experte a souhaité avoir des précisions sur l’application de la nouvelle loi sur la violence domestique ainsi que davantage de détails sur le fonctionnement des centres de refuge.  Elle a demandé quel avait été le rôle joué par le Gouvernement lors de la campagne de sensibilisation intitulée «16 jours sans violence»?
 
      Mme FUMIKO SAIGA, experte du Japon, a demandé pourquoi le Président a mis son veto au nouveau code civil qui lui avait été soumis.  Mme MAVIVI MYAKAYAKA-MANZINI, experte de l’Afrique du sud, a souhaité savoir si le Gouvernement a l’intention d’adopter une loi de lutte contre la discrimination pour permettre aux femmes de revendiquer leurs droits devant les tribunaux.
 
Répondant au nom de l’Etat partie, Mme mariya pasichnyk, Ministère de la justice, a dit, que le droit des femmes de porter plainte devant un tribunal pour discrimination est garanti par la Constitution.  Elles peuvent également s’adresser à l’Ombudsman.  S’agissant du projet de code civil, le Président de l’Ukraine a fait plusieurs propositions qui sont actuellement examinées au Conseil supérieur.  Elle a également fait savoir que la traite des individus est bien passible de poursuites.
 
      Mme DOVZHENKO, a fait remarquer que de nombreuses femmes acceptent de partir à l’étranger pour améliorer leur situation économique sans se douter qu’elles seront l’objet de traite.  La coopération avec des ONG a permis l’élaboration de programmes plus concrets ainsi que de programmes d’information plus larges.  Ceux qui obligent les femmes à se prostituer sont en outre sujets à la législation pénale et les femmes ont le droit de se tourner vers les organes de la justice pour obtenir que les coupables soient sanctionnés.  Une loi sur la prévention de la violence au sein de la famille prévoit quant à elle la responsabilité pénale des auteurs dans les cas suffisamment graves.  Le Gouvernement étant inquiet de la baisse de la natalité, a élaboré un plan de planification de la famille qui prévoit des soutiens financiers incitatifs.  Elle a ajouté que plus importants que l’adoption de lois sont les efforts pour faire connaître ces textes car ils permettent de faire de la prévention.  Nous avons l’intention de poursuivre nos activités de sensibilisation, a-t-elle affirmé.
 
Un million deux cents mille femmes sont enregistrées dans les centres de chômage.  D’autre part, le nombre de femmes a augmenté aux postes de vice-ministre et de vice-présidente de comités et nous avons atteint la parité aux postes de direction au sein du Gouvernement.  Nous avons pu changer la mentalité des femmes.  En dix ans, elles ont appris à vivre différemment et à se recycler ainsi qu’à s’élever dans la société et dans la sphère politique et publique.
 
Poursuivant les questions, Mme RADAY a demandé si les femmes peuvent saisir les tribunaux en cas de discrimination dans la mesure où le droit pénal ne contient pas d’article pénalisant la discrimination basée sur le sexe.  Elle a par ailleurs relevé que la criminalisation de la prostitution dissuade les prostituées de demander une aide juridique ou autre.
 
Répondant à ces nouvelles questions, Mme DOVZHENKO a expliqué que l’adoption de la loi sur la famille a donné aux femmes le pouvoir de saisir les tribunaux en cas de violation de leurs droits.  Le nouveau Code pénal de l’Ukraine comprend des articles qui prévoient la responsabilité pénale de ceux qui gèrent des lieux de prostitution et des proxénètes.  Des amendes sont prévues pour les hommes et femmes qui tirent un revenu de la prostitution.  Il est vrai que si une femme se prostitue pour nourrir son enfant, il faut alors traduire en justice les responsables et l’Etat doit offrir aux femmes d’autres alternatives de vie.
 
      L’experte de la Turquie, Mme AYSE FERIDE ACAR a observé que l’adoption de mesures temporaires spéciales peut accélérer la participation des femmes à la vie politique.  Elle a demandé pourquoi le Gouvernement n’envisageait pas l’adoption de telles mesures.  Mme IVANKA CORTI, experte de l’Italie, a demandé pourquoi les hommes s’opposent-il à une telle participation, tout en se disant impressionnée par le nombre de partis politiques de femmes.  Dans quelles mesures ces partis contribuent-il à la vie politique du pays et aux campagnes électorales?  Vous disposez également d’un grand nombre d’ONG actives dans le domaine du respect des droits humains des femmes.  Il semble que les femmes sont très actives dans le secteur social alors qu’elles sont absentes des sphères d’activité économique.  Il est important de réévaluer la situation et de mobiliser une certaine attitude mentale des femmes pour qu’elles soient plus actives dans les sphères du pouvoir.  Les dernières élections n’ont pas fait apparaître de grands progrès.  Mme ACHMAD a fait part de son admiration à l’Ukraine pour sa Constitution qui garantit les droits politiques et civils des femmes et accorde un rang de priorité à l’amélioration de leur situation.  Elle s’est dite surprise de constater que le principal problème mentionné dans le rapport ne porte pas sur le manque de normes juridiques mais sur le fait que l’Ukraine ne dispose pas de mécanismes nationaux permettant d’assurer une représentation égale des femmes dans les organes électifs dans tous les secteurs, notamment la justice et la défense.
 En réponse aux questions, Mme DOVZHENKO a précisé que le Code pénal de l’Ukraine prévoit de punir les individus qui exploitent des activités de prostitution pour leur propre bénéfice.  Ils peuvent se voir infliger des amendes ou des peines privatives de liberté.  Il y a eu des tentatives de propositions de lois sur les élections dans les conseils locaux et au Parlement qui auraient introduit un quota de 35% pour les femmes.  Les parlementaires n’ont malheureusement pas été convaincus par ces propositions.  La loi sur les élections au niveau des Conseils locaux prévoit des chances égales pour les hommes et les femmes mais il reste nécessaire de mettre en œuvre un système de quotas.
 
      Mme CORTI a regretté «l’état déplorable» de la santé des femmes en Ukraine.  Les taux de mortalité maternelle restent d’ailleurs trop élevés.  La situation des jeunes femmes en âge de procréer est particulièrement inquiétante.  L’experte a voulu obtenir des informations supplémentaires sur l’état de santé des femmes.  Le nombre d’avortements reste trop élevé et paraît représenter «le moyen de contraception le plus utilisé».  La question de l’alcoolisme mériterait en outre davantage d’attention.  L’experte a également voulu savoir quelles conséquences a

eu la catastrophe de Tchernobyl sur les femmes.  Pour ce qui est des besoins spécifiques des femmes, elle a regretté qu’il n’y ait pas eu de démarche suffisamment soucieuse d’équité entre les sexes.  Comment fonctionne le système d’assurance sociale pour l’ensemble de la population et en particulier pour les femmes âgées?  Que fait l’Ukraine pour s’assurer que ces femmes ne seront pas abandonnées à elles-mêmes?  Comment se fait-il que l’Ukraine ne dispose pas de suffisamment de personnel spécialisé dans les hôpitaux? 
 
      Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana et Présidente du Comité, a également fait part de sa préoccupation quant à l’application de l’article 12 de la Convention sur la santé et plus particulièrement quant au fait que l’avortement est encore utilisé comme le principal moyen de contraception en Ukraine.  Ni le programme d’action du Caire, ni celui de Beijing ou la recommandation 24 du Comité ne recommandent l’avortement comme méthode de contraception.  Il semble que vous avez une interprétation erronée de la contraception.  Vous devriez plutôt identifier les causes qui sont à l’origine des grossesses non désirées.  Il vous faut veiller à ce que la population ait accès à des moyens de contraception bon marché.  Un élément de discrimination sera ainsi supprimé puisque avec les avortements, les femmes subissent des interventions chirurgicales à répétition qui mettent en danger leur santé alors que les hommes n’ont pas besoin de s’y soumettre.  Il s’agit d’une forme de discrimination occulte.  De plus, les avortements étant coûteux, les femmes les plus pauvres subissent des avortements illégaux dans de mauvaises conditions.  Il faut absolument faire comprendre à la population ce qu’est la planification familiale. 
 
Mme FENG CUI, experte de la Chine, a demandé des précisions sur la loi sur les retraites qui est entrée en vigueur récemment et fixe l’âge de la retraite à 55 ans pour les femmes et à 60 ans pour les hommes.  Est-ce que ces dispositions sont contraignantes ou volontaires, a-t-elle demandé?  Les femmes retraitées touchent-elles une retraite complète, en particulier si elles choisissent une retraite anticipée?  Envisagez-vous de modifier cette loi?  Les femmes qui font des études supérieures et ont ensuite des enfants ne pourront en effet pas travailler très longtemps.  Le Gouvernement a la volonté de protéger les femmes mais certaines dispositions vont à l’encontre de l’épanouissement des femmes.
 
      Mme ACHMAD a observé que les femmes rurales, qui représentent 58% de la population rurale, sont les moins bien protégées.  Quels ont été les résultats de la réforme agraire, notamment sur leur état de santé, a-t-elle demandé.  Mme GASPARD a relevé que les femmes ukrainiennes sont plus diplômées que les hommes tout en regrettant le peu de données statistiques qui auraient permis de voir si les filles des zones urbaines et celles des zones rurales et tous les groupes ethniques ont un accès égal à l’université.  Quelle est la répartition des garçons et des filles par filière et le taux de femmes enseignantes au niveau supérieur?  Les universités offrent-elles des programmes d’étude sur les questions relatives aux femmes et sur la problématique homme/femme?  L’âge différencié de la retraite est préoccupant dans la mesure où les femmes vivent plus longtemps que les hommes ce qui signifie que l’Ukraine s’achemine vers la paupérisation des femmes, en particulier des femmes âgées.  L’experte a observé, à l’instar de ses collègues, que le taux élevé d’avortement reflétait un échec de la politique de planification familiale. 
 

      Mme RADAY a estimé qu’il fallait éviter que certaines mesures prises initialement en faveur des femmes n’aient pas finalement l’effet contraire.  Si les congés maternité sont à charge de l’employeur par exemple, ceux-ci hésiteront à embaucher des femmes.  Le rapport et la présentation orale faite ce matin n’indiquent pas que l’Etat soit disposé à prévenir la discrimination.  Il est nécessaire d’éliminer toutes les formes de discrimination que ce soit pour ce qui touche à la maternité sur le lieu du travail mais également pour ce qui est des conditions de travail et de rémunération.  Mme SAIGA a demandé si le Gouvernement a entamé une action pour tenter d’améliorer les conditions de travail des ukrainiennes.  Mme ACAR a voulu des clarifications sur le fait qu’il est parfois catégoriquement interdit d’accepter des femmes à certains postes en Ukraine, ce qui est contraire à la Convention. 
 
      Mme DOVZHENKO a dit partager l’inquiétude des experts face à l’état de la santé des femmes et d’ailleurs des hommes, ajoutant que ceci est le point le plus douloureux de la situation des femmes dans le pays.  Cependant, elle a fait remarquer que c’est seulement grâce aux mesures prises par l’Etat qu’il y a eu une baisse de la mortalité maternelle.  Au cours des cinq dernières années, des centres prénatals ont été institués.  Les femmes enceintes ont droit à des consultations et des médicaments gratuits.  Les victimes de l’accident de Tchernobyl bénéficient en outre une aide spécifique.  On peut également se féliciter de la baisse de la mortalité infantile même si le taux reste trop élevé.  Le Gouvernement a également institué des sections spéciales dans les hôpitaux dotés d’équipements pour prendre soin des enfants qui naissent avec une santé faible.  Le budget de la sphère sociale, de la santé, de l’éducation n’est pas satisfaisant mais il dépend des possibilités économiques.  Il y a cependant eu une augmentation du budget de la santé et de l’éducation au cours des cinq dernières années.  En matière de VIH/sida, l’action du Gouvernement est centrée sur l’information. 
 
La représentant s’est aussi dite inquiète du niveau élevé d’avortement qui n’est cependant pas une méthode de contraception contrairement à la situation il y a 10 ans.  En 2001, le nombre d’avortements était de 408 000 au lieu d’un million il y a 10 ans.  Les femmes sont très informées en ce qui concerne la contraception.  La représentante a exprimé ses inquiétudes face à la tuberculose.  Un ministère spécial a en outre été créé pour remédier à la situation particulière résultant de la catastrophe de Tchernobyl et il existe également des centres de soins spécialisés.  En ce qui concerne les pensions perçues par les femmes, la représentante a indiqué que la loi sur la garantie de la pension prévoit un financement public et privé.  Les femmes et les hommes travaillant dans des conditions nuisibles peuvent prendre leur retraite plus tôt mais cette dernière n’est pas obligatoire. 
 
      Mme DOVZHENKO a expliqué que le congé de maternité est payé par le fonds de protection sociale qui est alimenté par les entreprises.  La nouvelle loi sur l’emploi prévoit une responsabilité administrative pour les entreprises qui renvoient une femme enceinte, une femme élevant un enfant de moins de 6 ans ou un enfant handicapé.  Les femmes utilisent les possibilités de formation mais de façon moindre que les hommes en raison de leurs responsabilités familiales.  Il nous faut trouver des formules, comme celle de la formation à domicile, permettant aux femmes d’en bénéficier.  Nous sommes passés à une économie de marché où plus de 70% des entreprises aujourd’hui appartiennent au secteur privé.  L’Etat passe un accord avec les entreprises privatisées qui contient des obligations comme celle par exemple de consacrer des ressources à l’amélioration des conditions de travail.  Des sanctions sont prévues pour les entreprises qui violent cet accord.  Il y a très peu de femmes au foyer, 90% des femmes étant actives.  La population vieillit et la majorité des individus qui la compose sont des femmes, leur espérance de vie étant supérieure à celle des hommes.  Nous avons augmenté le montant des retraites de 15%.  Parmi les personnes pauvres, on compte beaucoup de femmes âgées seules.  Même si le nombre d’années de cotisation n’est pas atteint, le Gouvernement accorde une allocation de base à tous les retraités. 
 
      Les réformes agraires ont mené à la constitution d’établissements gérés par les intéressés, hommes ou femmes, et qui ont remplacé les kolkhozes et sovkhozes ce qui a permis de parvenir à de bons résultats en terme de récoltes, l’objectif étant de produire une tonne de céréale par habitant.  Malheureusement, les réformes économiques n’ont pas entraîné de réformes sociales au village.  Les conditions de vie des femmes rurales sont encore très difficiles.  Beaucoup de femmes des zones rurales se sont regroupées et bénéficient des structures de crédit.  Nous sommes parvenus à l’élaboration d’un programme avec le Ministère des affaires sociales pour que ces femmes disposent de davantage de possibilités de formation et de développement dans la sphère sociale au village.
 
      Mme KAPALATA a estimé qu’il ne faut s’en tenir à des droits théoriques et Mme FATIMA KWAKU, experte du Nigeria, a demandé s’il existe des codes de la famille différents pour les minorités.  Mme ACAR a pour sa part voulu connaître l’incidence du nouveau Code de la famille sur les droits de propriété et Mme RADAY a demandé si l’action contre la traite ne s’appliquait qu’en Ukraine ou si elle avait un volet transfrontalier. 
 
      Mme DOVZHENKO a rappelé que selon le Code de la famille, les hommes et les femmes ont des droits et obligations égales dans le mariage et la famille, indépendamment de leur appartenance ethnique. 
 
 
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