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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU GUATEMALA

04 Mai 2006

4 mai 2006

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport du Guatemala sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Carlos Ramiro Martínez, Représentant permanent du Guatemala auprès des Nations Unies à Genève, a notamment souligné qu'en avril 2006, une nouvelle proposition a été présentée au bureau du Secrétaire général des Nations Unies en vue de l'établissement d'une Commission d'enquête sur les groupes illégaux et les appareils de sécurité clandestins au Guatemala. Le Représentant permanent a par ailleurs fait part du Plan de politique de poursuite pénale récemment approuvé par le Ministère public, qui spécifie notamment que les délits d'exécution extrajudiciaire, de torture, de disparition forcée et de génocide constituent des délits graves.

La délégation guatémaltèque était également composée de M. Edgar Lorenzo Escóbar, Vice-Ministre de la défense nationale; de Mme Ilse Álvarez Ortiz, Vice-Ministre de la gouvernance; ainsi que de représentants du Ministère public, de la Cour suprême, de la Police nationale, de la Direction du système pénitentiaire, de l'Institut de défense publique pénale, de la Commission présidentielle des droits de l'homme et de la Mission permanente du Guatemala auprès des Nations Unies à Genève. La délégation a notamment rappelé que l'État s'était désengagé du contrôle de la population carcérale en transférant ce contrôle aux «comités pour l'ordre et la discipline» - organes constitués de détenus et chargés de maintenir la paix et l'harmonie dans les prisons. Mais la lutte que mène actuellement le Gouvernement contre le crime organisé s'est étendue aux prisons, et l'administration pénitentiaire actuelle a engagé une lutte frontale pour reprendre le contrôle administratif des prisons et des personnes privées de liberté afin d'être en mesure de garantir le respect des droits individuels et collectifs.

Le membre du Comité chargé de l'examen du rapport du Guatemala, M. Claudio Grossman, a fait état d'informations émanant d'organisations non gouvernementales selon lesquelles les agressions dont sont victimes des défenseurs de droits de l'homme restent impunies. Il s'est en outre inquiété du fait que les assassinats de femmes ont augmenté ces dernières années. Il s'est également inquiété des centaines d'assassinats de jeunes enregistrés au Guatemala. M. Grossman s'est en outre enquis des conditions de détention des personnes condamnées à mort. Il a d'autre part préconisé l'adoption rapide de la loi sur le régime pénitentiaire.

Déclarant que de nos jours, les jeunes sont précoces et se forment très tôt en bandes, le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport guatémaltèque, M. Alexander Kovalev, a estimé qu'il serait peut-être judicieux pour le Guatemala de revoir sa législation pénale en vue de fixer un âge de responsabilité pénale plus précoce.

Le Comité entendra vendredi après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation guatémaltèque aux questions soulevées ce matin par les experts. Cet après-midi, à 15 heures, il entendra les réponses de la délégation géorgienne aux questions qui lui ont été posées par les experts hier matin.


Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. CARLOS RAMIRO MARTÍNEZ, Représentant permanent du Guatemala auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que conformément aux engagements qu'il a pris en vertu des Accords de paix, le Guatemala déploie des efforts afin de renforcer l'état de droit et de promouvoir la réforme du système d'administration de la justice. Nous devons reconnaître que les dix années qui ont suivi les Accords de paix n'ont pas été faciles, a-t-il poursuivi, la réalité indiquant en effet qu'il reste encore au pays certaines tâches à accomplir pour atteindre les objectifs qu'il s'est fixés. Quoi qu'il en soit, il existe une volonté politique réelle de la part des différents acteurs concernés.

M. Ramiro Martínez a mis l'accent sur l'importance de la relance des Accords de paix en février 2004, suivie d'une loi-cadre desdits accords approuvée en août 2005. En septembre 2005, a également rappelé le Représentant permanent, un bureau du Haut Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies a été installé dans le pays sur demande du Gouvernement guatémaltèque. En avril 2006, a-t-il poursuivi, une nouvelle proposition a été présentée au bureau du Secrétaire général des Nations Unies en vue de l'établissement d'une Commission d'enquête sur les groupes illégaux et les appareils clandestins de sécurité au Guatemala. À en outre été élaborée une proposition visant l'établissement d'un Plan national de recherche des personnes disparues durant le conflit. Suite à la préoccupation suscitée par le développement des bandes de jeunes, une politique publique de prévention de la violence juvénile est en cours d'élaboration, parallèlement à l'exécution d'un Programme national de culture de la paix.

Le représentant guatémaltèque a par ailleurs fait part du Plan de politique de poursuite pénale récemment approuvé par le Ministère public. Dans le cadre de ce plan, une dizaine d'instructions générales ont été adoptées, parmi lesquelles celle régissant l'utilisation des moyens de coercition personnelle et spécifiant que les délits d'exécution extrajudiciaire, de torture, de disparition forcée et de génocide – entre autres – constituent des délits graves. Une autre instruction contient une série de directives générales pour l'application du Manuel de procédures pour les enquêtes de médecine légale.

En ce qui concerne le système pénitentiaire, M. Ramiro Martínez a souligné que d'importants changements sont intervenus, s'agissant en particulier des conditions de détention des personnes privées de liberté et de la sécurité dans les centres de détention.

Répondant aux questions écrites adressées aux autorités guatémaltèque par le Comité, la délégation a notamment indiqué que le Congrès de la République est saisi de la proposition visant à réviser l'article 201 bis du Code pénal qui qualifie la torture, en vue de rendre cet article plus conforme aux dispositions de la Convention.
La délégation a par ailleurs souligné que selon la Constitution guatémaltèque, une personne ne saurait être obligée d'obéir à des ordres qui sont contraires à la législation; ainsi, un ordre ne peut pas être invoqué comme motif pour justifier la commission d'un acte de torture.

En ce qui concerne les questions relatives à l'asile, la délégation a précisé que la Direction des migrations ne saurait garantir l'accès à un recours pour un requérant d'asile car cela relève de la compétence de la Cour suprême de justice. il convient de souligner que personne au Guatemala n'a été expulsé avant que les recours nécessaires n'aient été épuisés. D'après les statistiques de 2002, il y a eu cette année-là 11 demandes de statut de réfugiés; ce chiffre s'établissait ensuite à 28 en 2005 et à 16 en 2006, a précisé la délégation.

Interrogée sur le nombre de plaintes ou de demandes d'aide qui ont été présentées au Bureau des droits de l'homme de la police nationale civile et au Bureau d'aide aux victimes depuis leur création, la délégation a indiqué qu'aucune plainte n'a été reçue par ces bureaux pour des cas de torture.

Priée de fournir des informations sur les directives prévues dans le cadre du «Plan Antimaras» (Plan de lutte contre les bandes de jeunes), la délégation a notamment souligné qu'à l'heure actuelle, le fait d'appartenir à une telle bande (mara) n'est pas considéré comme un délit. Néanmoins, la police dispose d'un bureau spécialisé chargé de déterminer si tel ou tel groupe est lié ou non à des activités criminelles, a précisé la délégation.

En ce qui concerne les sévices à l'égard des filles et des garçons et les cas de violence familiale, la délégation a indiqué que le Guatemala s'est doté d'un Bureau spécialisé dans l'aide aux victimes, qui est chargé d'apporter un soutien psychologique.

L'institution pénitentiaire veille au respect des droits des personnes privées de liberté, a par ailleurs assuré la délégation. Elle a fait part de la mise au point d'un projet visant à assurer la réinsertion de toutes les personnes privées de liberté, axé sur l'éducation, la formation, le travail productif et les loisirs.

La délégation a indiqué ne pas disposer de statistiques sur le pourcentage de personnes privées de liberté sans qu'aucune charge n'ait encore été retenue à leur encontre.

La délégation a par ailleurs souligné que l'État s'était désengagé du contrôle de la population carcérale de la grande majorité des centres pénitentiaires en transférant ce contrôle aux «comités pour l'ordre et la discipline» - que l'on peut décrire comme des organes constitués de détenus et chargés de maintenir la paix et l'harmonie dans les prisons. Mais la lutte que mène actuellement le Gouvernement contre le crime organisé s'est étendue de la rue aux prisons; aussi, l'administration pénitentiaire actuelle a engagé une lutte frontale pour reprendre le contrôle administratif des prisons et des personnes privées de liberté et être ainsi en mesure de garantir le respect des droits individuels et collectifs. La méthode consiste essentiellement à séparer les membres des «comités pour l'ordre et la discipline» de manière à abolir ces groupes et à restituer immédiatement l'autorité aux directeurs de chacun des centres pénitentiaires. La délégation a insisté sur la lutte engagée par le Gouvernement pour reprendre le contrôle des prisons en soulignant que ces dernières se trouvent souvent sous le contrôle du crime organisé qui, par le biais des «comités pour l'ordre et la discipline», a été le principal responsable de l'exploitation, de la ségrégation et de l'exclusion des détenus. Tant que l'État guatémaltèque n'assumera pas le contrôle total des centres de détention, il ne sera pas possible de garantir le respect total des droits individuels des personnes privées de liberté, a souligné la délégation. Elle a précisé que de nouveaux protocoles de sécurité ont été adoptés pour chacun des centres de détention afin de surveiller tout ce qui y entre.

La délégation a affirmé que la situation des mineurs incarcérés s'est améliorée ces derniers mois au Guatemala, puisque a été promue la séparation des détenus en fonction de l'âge.

S'agissant des cas récents de lynchage, qui se sont produits au Guatemala, la délégation a indiqué que le Code pénal ne prévoit pas expressément le délit de lynchage, un tel acte pouvant néanmoins être poursuivi en tombant sous le coup du délit de blessure, de lésion grave voire d'assassinat. Étant donné que le lynchage n'est pas expressément prévu par le Code pénal, il n'est pas possible de fournir de statistiques sur le nombre de cas de lynchage qui pourraient s'être produits au Guatemala, a souligné la délégation.

En ce qui concerne la garde à vue (qualifiée de prison préventive au Guatemala), la délégation a indiqué que sa durée, selon le Code de procédure pénale, peut aller jusqu'à trois mois. Malheureusement, il y a beaucoup de problèmes au Guatemala en matière d'abus du recours au placement en garde à vue, a admis la délégation. Elle a indiqué que le nombre de personnes placées en garde à vue représente la moitié environ des quelque 8000 personnes détenues dans les prisons du pays.

Le quatrième rapport périodique du Guatemala (CAT/C/74/Add.1) souligne que dans le domaine de la démilitarisation et du renforcement du pouvoir civil, des progrès ont été accomplis vers la professionnalisation et le renforcement de la police nationale civile; les objectifs définis dans les accords de paix ont été dépassés en ce qui concerne la réduction des effectifs et du budget de l'armée. Dans le domaine de la lutte contre l'impunité et du renforcement de la justice, poursuit le rapport, «nous ne saurions sous-estimer la volonté politique du Gouvernement actuel et les mesures qu'il a prises en vue de la création, actuellement en cours, de la Commission d'enquête sur les groupes illégaux et les appareils clandestins de sécurité».

Une fois qu'auront pris effet les mesures adoptées pour renforcer les forces de sécurité civiles, celles-ci pourront se passer du soutien que leur fournit l'armée, conformément à la loi, en cas de nécessité ou d'urgence, pour assurer le maintien de l'ordre et de la sécurité publique, indique par ailleurs le rapport. À l'heure actuelle, le Ministère de l'intérieur examine une proposition tendant à créer une inspection générale à laquelle seraient subordonnés tous les organes de contrôle interne qui existent déjà au sein de la police nationale civile. Bien que, par le passé, de nombreuses enquêtes parallèles ou illégales concernant des affaires relevant des autorités civiles chargées de l'administration de la justice ont été signalées, au cours des quatre dernières années, on n'a identifié aucun cas concret d'activités de ce type menées par des institutions telles que l'état-major présidentiel (totalement dissout en octobre 2003). Le rapport indique d'autre part que la Commission présidentielle des droits de l'homme a établi en son sein une unité pour le suivi et la recherche des disparus chargée de recevoir les requêtes et les informations émanant des familles et des organisations nationales et internationales qui souhaitent retrouver des proches ou des personnes disparues lors du conflit armé, ou pour d'autres raisons indépendantes de ce conflit. La Constitution guatémaltèque affirme la prééminence des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme sur le droit interne. La peine de mort reste en vigueur au Guatemala, même si aucun condamné n'a été exécuté ces quatre dernières années, précise en outre le rapport. D'après la Mission de vérification des Nations Unies au Guatemala (MINUGUA), 87 personnes ont été condamnées à mort au cours des quatre dernières années (1999-2002) et cinq d'entre elles ont été exécutées.
La Police nationale civile a indiqué avoir reçu pour examen un total de 14 plaintes pour torture durant la période 1999-2002, poursuit le rapport. Pendant la même période, le bureau du Procureur aux droits de l'homme avait reçu et traité 10 plaintes pour torture, 376 pour viol de l'intégrité physique et psychologique, 138 pour atteinte à la dignité, 1273 pour abus d'autorité, 25 pour disparitions forcées et 4 pour traitements cruels, inhumains ou dégradants. De même, la MINUGUA, dans ses rapports sur la situation des droits de l'homme au Guatemala, a signalé avoir reçu, au cours des quatre dernières années, 86 plaintes ayant trait à la torture, 244 à des mauvais traitements, 199 à des traitements cruels, inhumains ou dégradants et 62 à un usage excessif de la force. Toutes ces plaintes ont été vérifiées et contrôlées par la Mission. Dans un document daté de mars 2003 portant sur la situation au Guatemala au regard de la torture, le bureau de conseils relatifs aux droits de l'homme de la MINUGUA estime que la Police nationale civile est l'organe qui commet le plus de violations du droit à l'intégrité.


Examen du rapport

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Guatemala, M. CLAUDIO GROSSMAN, a tout d'abord rappelé que l'objectif du dialogue avec le Guatemala est d'améliorer les choses et de permettre la réalisation des objectifs fixés par les Accords de paix. S'agissant de la lutte contre l'impunité et du renforcement de la justice, M. Grossman a fait état d'informations émanant d'organisations non gouvernementales selon lesquelles les agressions dont sont victimes des défenseurs de droits de l'homme restent impunies.

M. Grossman s'est réjoui de la déclaration faite par le Guatemala en septembre 2003, par laquelle ce pays a reconnu la compétence du Comité pour traiter de plaintes individuelles.

L'expert s'est inquiété du fait que les assassinats de femmes ont augmenté ces dernières années. Il s'est également inquiété des centaines d'assassinats de jeunes enregistrés au Guatemala.

Sur les 87 personnes condamnées à mort entre 1999 et 2002, combien prétendent avoir été victimes d'une condamnation à mort par élargissement des notions prévues par les instruments internationaux, a par ailleurs demandé M. Grossman ? Dans quelle situation se trouvent les personnes condamnées à mort; quelles sont leurs conditions de détention, a également demandé l'expert ?

M. Grossman a d'autre part préconisé l'adoption rapide de la loi sur le régime pénitentiaire. Il a en outre souligné que la longueur de la période de détention avant procès est propice à la commission d'actes de torture.

Relevant que certaines sources ont fait état d'activités de purification sociale menées au Guatemala, tout en précisant qu'il ne s'agit pas d'une politique de l'État, M. Grossman a souhaité savoir quelle suite a été donnée aux nombreuses plaintes – notamment pour viol ou assassinat – qui, pour ne parler que de la seule année 2005, ont impliqué plus de 200 agents de l'État. Combien de ces agents ont-ils été condamnés au pénal ?

Déclarant que de nos jours, les jeunes sont précoces et se forment très tôt en bandes – phénomène qui n'est pas propre au Guatemala – le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport guatémaltèque, M. ALEXANDER KOVALEV, a estimé qu'il serait peut-être judicieux pour le Guatemala de revoir sa législation pénale en vue de fixer un âge de responsabilité pénale plus précoce.

Relevant que la Constitution prévoit la primauté du droit international, M. Kovalev a demandé pourquoi, alors, le Guatemala n'a-t-il pas encore ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale qu'il a pourtant signé.

Un autre membre du Comité a souhaité connaître la raison pour laquelle tant d'affaires ne font pas l'objet d'enquête et n'aboutissent pas à un procès. La violence sexuelle contre les femmes semble être fréquente dans les postes de police, a en outre fait observer cet expert.

Un autre expert a souhaité en savoir davantage sur la législation régissant le port d'armes au Guatemala. Cet expert s'est par ailleurs inquiété des expulsions forcées privant les personnes de leur logement.

Le Président du Comité, M. Andreas Mavrommatis, a salué les efforts considérables déployés par le Guatemala pour améliorer la situation dans le pays et la franchise avec laquelle les autorités reconnaissent les insuffisances. Évoquant le problème des enfants des rues que connaît le Guatemala, il a souhaité savoir quels efforts le pays déployait pour lutter contre les assassinats d'enfants organisés par des «brutes».
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