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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE PROCÈDE À L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DU CAMBODGE

29 Avril 2003



CAT
30ème session
29 avril 2003
Matin





Le Comité contre la torture a examiné, ce matin, le rapport initial présenté par le Cambodge sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
L'examen du rapport cambodgien s'est déroulé en l'absence d'une délégation venue de la capitale. Seul était présent le Premier Secrétaire de la Mission permanente du Cambodge auprès des Nations Unies à Genève, M. Khin Cheam, qui a expliqué qu'en raison de contraintes financières et des préparatifs pour les élections générales dans son pays, aucune délégation compétente n'a été en mesure de venir de la capitale pour participer à cette importante réunion. Néanmoins, le rapport initial présenté par le Cambodge reflète clairement la situation des droits de l'homme dans le pays, a-t-il assuré. Il a indiqué que les recommandations du Comité sur ce rapport seront transmises au ministère concerné.
Le Président du Comité, M. Peter Thomas Burns, qui est le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport cambodgien, a notamment souligné que les informations reçues par le Comité indiquent notamment que, lors d'un procès pénal, l'accent est fortement mis sur les aveux qui semblent être l'élément de preuve crucial. Ceci explique peut-être les allégations de brutalité endémique portées à l'encontre de la police dans ses contacts avec le public, a-t-il suggéré. M. Burns a ajouté qu'il semble que le Cambodge ne dispose pas d'un pouvoir judiciaire indépendant. Il a en outre regretté qu'il n'existe pas au Cambodge d'autorité indépendante chargée de recevoir les plaintes déposées contre la police.
Le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Cambodge, M. Yu Mengja, a pour sa part rappelé que de nombreux cas de torture semblent encore se produire dans le pays et s'est enquis des mesures qui sont envisagées pour remédier à cette situation. Il a par ailleurs dénoncé l'impunité chronique et l'absence d'obligation de rendre des comptes qui prévalent au Cambodge.
Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés des expulsions des minorités montagnardes des zones frontalières.
Le 12 mai à 15 heures, le Comité présentera ses conclusions provisoires sur le rapport initial du Cambodge.
En fin de séance, le Comité a brièvement débattu des propositions de réforme du système des organes créés en vertu de traités internationaux relatifs aux droits de l'homme qui sont contenues dans le rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur le renforcement des Nations Unies.
Le Comité poursuivra cet après-midi, à 15 heures, sa discussion sur les propositions du Secrétaire général en matière de réforme. Il entamera demain matin, à 10 heures, l'examen du deuxième rapport périodique de l'Azerbaïdjan (CAT/C/59/Add.1).

Présentation du rapport initial du Cambodge
M. KHIN CHEAM, Premier Secrétaire de la Mission permanente du Cambodge auprès des Nations Unies à Genève, a expliqué qu'en raison de contraintes financières et des préparatifs pour les élections générales dans son pays, aucune délégation compétente n'a été en mesure de venir de la capitale pour participer à cette importante réunion. Néanmoins, le rapport initial présenté par le Cambodge reflète clairement la situation des droits de l'homme dans le pays, a-t-il assuré. Le Cambodge reconnaît et respecte les normes et dispositions des instruments de droits de l'homme, a déclaré M. Khin Cheam, qui a ajouté, qu'il n'y a pas dans le monde de pays parfait pour ce qui est de la mise en œuvre des dispositions d'un instrument des droits de l'homme. Aussi, le Comité est-il invité à faire ses recommandations concernant le présent rapport, lesquelles seront transmises au ministère concerné au Cambodge.
Le rapport initial du Cambodge (CAT/C/21/Add.5) rappelle que, sous le régime des Khmers rouges, des milliers de personnes ont été torturées et tuées et que les restes de plusieurs millions de personnes torturées ont été retrouvés dans des charniers en plusieurs endroits du Cambodge. Après les Accords de paix de Paris du 23 octobre 1991, poursuit-il, le Cambodge a été réunifié et a commencé à se reconstruire sous un régime politique de démocratie libérale pluraliste. La Constitution de 1993 garantit et protège toutes les formes de liberté et vise à empêcher tout acte de torture contre tout individu. La loi interdit toute violence physique contre tout individu; elle protège la vie, l'honneur et la dignité des citoyens; la poursuite, l'arrestation, la garde à vue ou la détention d'un individu ne pourront être effectués que conformément aux dispositions de la loi; l'aveu obtenu par la contrainte physique ou morale ne peut pas être considéré comme une preuve de culpabilité; le bénéfice du doute profite à l'accusé; tout accusé est présumé innocent jusqu'au verdict final du tribunal; tout individu a le droit de se défendre en justice. En outre, le Ministre de la justice a fait distribuer une circulaire donnant aux procureurs provinciaux et municipaux l'instruction d'inspecter les prisons et les lieux de détention à la lumière des dispositions de la Convention. L'auteur d'un acte de torture encourt la peine prévue par la loi et est tenu d'indemniser la victime.
Malgré la protection contre la torture garantie par la Constitution de 1993 et l'interdiction faite par la loi, qui réprime les auteurs de tels actes, des cas de torture se produisent toujours, reconnaît le rapport. La torture est une pratique de l'ombre et il est très difficile de poursuivre les responsables et l'insuffisance des éléments de preuve n'a pas permis de punir les coupables, , affirme le rapport. Quand la victime de torture était en état d'arrestation ou en détention, elle n'a pas porté plainte parce qu'elle avait peur des représailles; les victimes ont aussi du mal à donner des informations précises au tribunal. Le rapport indique en outre qu'il n'existe pas encore de loi fixant la définition de la torture, de sorte que le Royaume du Cambodge utilise le terme «torture» dans le sens de la Convention. D'autre part, il n'existe pas au Cambodge de loi précise déterminant si les actes de torture sont des infractions pénales ou correctionnelles. Pour déterminer la peine à appliquer, le tribunal se fonde sur la gravité de l'acte commis et sur ses conséquences. Même s'il n'existe pas encore de dispositions punissant expressément la torture, il n'est pas possible que l'auteur de tels actes échappe à la peine.

Examen du rapport
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport cambodgien, M. Peter Thomas Burns, également Président du Comité, a notamment souhaité savoir comment les traités internationaux sont incorporés dans le droit interne du Cambodge, ce qui est d'autant plus important que, selon ce qu'indique le rapport, il n'existe pas de définition de la torture dans le pays. M. Burns a rappelé que le rapport du Représentant spécial du Secrétaire général pour les droits de l'homme au Cambodge, en date de décembre 2002, soulève un certain nombre de préoccupations s'agissant du système de justice pénale, en particulier pour ce qui a trait à la torture. Aussi, M. Burns a-t-il souhaité savoir si le Cambodge dispose d'un pouvoir judiciaire indépendant. La réponse semble être négative, a-t-il noté. Le Président du Comité s'est en outre enquis des modes de désignation des juges au Cambodge. Les informations reçues par le Comité indiquent que lors d'un procès pénal, l'accent est fortement mis sur les aveux qui semblent être l'élément de preuve crucial, s'est inquiété M. Burns. Ceci explique peut-être les allégations de brutalité endémique portées contre la police dans ses contacts avec le public, a-t-il ajouté.
M. Burns a relevé qu'il est abondamment fait recours au Cambodge aux dispositions de la loi sur la diffamation au pénal. Il s'agit là d'une disposition tout à fait odieuse dans un code pénal, a estimé le Président du Comité. Il est généralement fait recours à de telles dispositions pour faire cesser toute poursuite éventuelle contre la police lorsqu'elle fait l'objet d'allégations de brutalités. M. Burns a donc souhaité savoir si les autorités cambodgiennes étaient en mesure de fournir des statistiques sur l'utilisation de cette loi. Il n'existe pas au Cambodge d'autorité indépendante chargée de recevoir les plaintes déposées contre la police, pas plus qu'il n'existe d'ombudsman politique, a par ailleurs regretté M. Burns.
M. Burns a jugé élevé le nombre de personnes expulsées du Cambodge. Il faut espérer que le risque de voir ces personnes soumises à la torture ou à tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant a été dûment pris en compte avant de prendre une décision quant à leur expulsion du pays, en particulier pour ce qui est des membres de Falun Gong expulsés vers la Chine. Relevant que la minorité montagnarde de la zone frontalière entre le Cambodge et la Thaïlande est souvent exposée à des risques d'expulsion, M. Burns a exprimé l'espoir qu'il n'y a pas d'expulsion massive dans ce contexte mais bien des expulsions individuelles, conformément aux dispositions de la Convention sur les réfugiés et de l'article 3 de la Convention contre la torture. Le Président du Comité a par ailleurs souhaité savoir s'il est vrai que le chef des gardes de la prison de Batambang continue aujourd'hui de travailler dans cette prison et aurait même eu une promotion alors qu'il a été reconnu coupable d'avoir torturé un prisonnier et a été condamné pour cela à une peine, relativement légère, d'un an de prison.
Au Cambodge, la plupart des actes de torture sont commis dans les prisons et pendant les 48 premières heures de la détention aux mains de la police, a fait observer M. Burns. Faisant observer que la loi cambodgienne permet à la police de prolonger, avec l'accord du procureur, le délai initial de 48 heures de garde à vue et donc la mise au secret qui l'accompagne, M. Burns a souhaité savoir s'il existe au Cambodge une procédure similaire à l'habeas corpus permettant de faire appel à un tribunal de rang supérieur pour lui demander de se prononcer sur la légalité de la détention.
Le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Cambodge, M. Yu Mengja, a pour sa part félicité le pays pour les efforts qu'il déploie afin de mettre en place une société moderne. Le Cambodge semble avoir bénéficié, plus que d'autres pays même, de l'assitance et des compétences de nombreuses institutions internationales. Il n'en demeure pas moins que les besoins restent énormes, notamment eu égard au manque de magistrats dans le pays.
M. Yu Mengja a rappelé que de nombreux cas de torture semblent encore se produire dans le pays et s'est enquis des mesures qui sont envisagées pour remédier à cette situation. Il semble en effet que les forces de police ont souvent recours à la coercition et à la force pour obtenir des aveux durant le délai légal de garde à vue. La détention avant jugement peut durer très longtemps et dépasse souvent les six mois, a par ailleurs déploré M. Yu Mengja. Relevant que le Cambodge œuvre actuellement à la préparation d'un nouveau code pénal et d'un nouveau code de procédure pénale, il s'est enquis des caractéristiques de ces nouveaux codes. Le co-rapporteur a par ailleurs dénoncé l'impunité chronique et l'absence d'obligation de rendre des comptes qui prévalent au Cambodge.
Un autre membre du Comité s'est inquiété des modalités d'expulsion sans autre forme de procès appliquées aux minorités montagnardes à la frontière entre le Cambodge et le Vietnam. Plusieurs experts ont mis l'accent sur l'importance pour le pays d'assurer une bonne application de la justice.
Un expert a fait état de rapports d'organisations non gouvernementales et de préoccupations du Comité des droits de l'homme selon lesquels les femmes emprisonnées au Cambodge sont exposées à des risques de viol de la part du personnel pénitentiaire.
Reprenant la parole en fin de séance, M. Peter Thomas Burns a indiqué que ce qui le préoccupe le plus dans le contexte du Cambodge, c'est l'impunité qui prévaut dans le pays. En effet, pas un seul khmer rouge n'a été poursuivi pour les crimes commis pendant la période où les khmers rouges étaient au pouvoir, a-t-il notamment rappelé.



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