Skip to main content

Communiqués de presse

Le Comité des Droits de l'Homme examine le rapport du Brésil

27 Octobre 2005



Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le deuxième rapport périodique présenté par le Brésil sur la mise en œuvre par ce pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

La Présidente du Comité, Mme Christine Chanet, a présenté des observations préliminaires dans lesquelles elle a notamment souligné que des préoccupations persistent en ce qui concerne la situation au Brésil, qui se regroupent autour du thème clef de l'impunité. Pour vaincre l'impunité, il faut aller plus loin que la prévention et la fédéralisation, a-t-elle souligné. Elle a par ailleurs souligné le défaut d'organisation et les retards dans le système de justice pénale qui aboutissent à des détentions arbitraires. Il semble qu'il n'y ait pas beaucoup d'évolution s'agissant du droit à la terre, a également relevé la Présidente.

Le Comité adoptera ultérieurement des observations finales concernant le Brésil, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le jeudi 3 novembre prochain.

Présentant le rapport de son pays, M. Mario Mamede, Sous-Secrétaire aux droits de l'homme auprès de la Présidence du Brésil, a fait part du progrès institutionnel que constitue la récente approbation d'un mécanisme juridique permettant de considérer les violations graves des droits de l'homme comme des crimes fédéraux. M. Mamede a par ailleurs indiqué que 17 universités brésiliennes fonctionnent sur la base d'une politique de quotas pour étudiants afro-descendants. Le taux de Noirs entrant à l'Université de Brasilia atteint aujourd'hui 22% contre 2% il y a deux ans, a-t-il précisé. La politique mise en œuvre par le Brésil pour combattre le travail forcé est aujourd'hui considérée dans le monde comme une référence, a en outre fait valoir le représentant. Le Gouvernement est pleinement conscient des lacunes du système pénitentiaire et ne ménage aucun effort pour surmonter les problèmes existants, que ce soit à travers la construction ou la rénovation d'établissements pénaux ou encore à travers la promotion de la formation des détenus et la promotion de l'assistance sanitaire. M. Mamede a en outre souligné que l'article 231 de la Constitution fédérale reconnaît aux communautés autochtones leur organisation sociale, leurs coutumes, leurs langues, leurs croyances et leurs traditions propres, ainsi que leurs droits sur les terres qu'ils occupent traditionnellement. Les terres autochtones traditionnelles couvrent actuellement près de 12% du territoire national.

La délégation brésilienne était également composée du Représentant permanent du Brésil auprès des Nations Unies à Genève, M. Clodoaldo Hugueney; de représentants des Ministères de l'éducation, de la culture, du travail, de la justice et des affaires étrangères; de représentants du Secrétariat spécial pour la promotion de l'égalité raciale, du Secrétariat spécial pour les droits de l'homme, du bureau du Procureur général, et de la Fondation nationale pour les peuples autochtones. Elle a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité en ce qui concerne, notamment, les consultations menées avec les communautés autochtones s'agissant de l'utilisation des terres qui les concernent; la violence contre les femmes; les cas de stérilisation de femmes; la violence policière; la situation de la communauté afro-brésilienne; l'homophobie; le maintien sdu secret concernant des documents militaires portant sur la période 1964-1984; le travail forcé; les conditions de détention.


Le Comité reprendra ses travaux à l'occasion de sa séance de clôture, le jeudi 3 novembre à 15 heures. Il rendra publiques à cette occasion ses observations finales sur les rapports des quatre pays examinés au cours de la session.


Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. MARIO MAMEDE, Sous-Secrétaire aux droits de l'homme auprès de la Présidence de la République du Brésil, a fait observer que le Gouvernement brésilien actuel s'est efforcé de présenter un rapport objectif, franc et même autocritique concernant la situation des droits civils et politiques au Brésil. Élaboré par un consultant indépendant jouissant d'une totale liberté de rédaction, ce rapport a été mis à disposition du public pour consultation et a été modifié suite à un certain nombre de suggestions, a souligné M. Mamede.

La récente approbation d'un mécanisme juridique qualifiant les violations graves des droits de l'homme comme des crimes fédéraux constitue une nouvelle étape importante et un progrès institutionnel, a poursuivi le Sous-Secrétaire aux droits de l'homme. Il a par ailleurs indiqué qu'entre 2000 et 2005, le budget du Secrétariat aux droits de l'homme est passé de quelque 36 millions de réaux à 119 millions de réaux. Faisant observer que, selon une étude menée en 2002, près d'un million d'enfants chaque année n'obtenaient pas de certificat de naissance ni ne faisaient l'objet d'un enregistrement civil, M. Mamede a attiré l'attention sur la campagne d'enregistrement civil, lancée en octobre 2003, qui a permis de réduire considérablement le taux de sous-enregistrement. En 2003, a poursuivi M. Mamede, a été lancé le Plan national d'éducation aux droits de l'homme. Les guichets juridiques constituent une autre initiative importante, a-t-il indiqué; ces guichets informent et orientent les usagers en leur fournissant des conseils juridiques et une documentation civique de base. Ces deux dernières années, plus de 400 000 personnes des communautés rurales et autochtones, des communautés exposées au risque du travail forcé et des communautés à faible revenu ont bénéficié de ces services, a précisé M. Mamede. Ont en outre été menées des activités visant à prévenir les situations de violence et de mauvais traitements à l'égard des personnes âgées, à identifier ces situations et à agir pour leur apporter une solution. Quant à ce qui est d'assurer les droits des personnes ayant des besoins spéciaux, le Brésil est classé parmi les cinq pays les plus inclusifs des Amériques selon un rapport datant de 2003 consacré aux droits des personnes handicapées, a fait valoir le Sous-Secrétaire aux droits de l'homme.

En ce qui concerne la lutte contre la discrimination, M. Mamede a rappelé qu'en mai 2004, avait été lancé au Brésil le programme national de lutte contre la violence et la discrimination à l'encontre des gays, lesbiennes, travestis, transsexuels et bisexuels. Il existe également un «programme Afro-Attitude» qui apporte un soutien aux étudiants à l'université par le biais de programmes d'action affirmative; ce programme inclut des bourses universitaires et scientifiques pour les élèves noirs des universités publiques. Actuellement, 17 universités brésiliennes fonctionnent sur la base d'une politique de quotas pour étudiants afro-descendants. Le taux de Noirs entrant à l'Université de Brasilia atteint aujourd'hui 22% contre 2% il y a deux ans.

La politique mise en œuvre par le Brésil pour combattre le travail forcé est aujourd'hui considérée dans le monde comme une référence, a par ailleurs souligné M. Mamede. Actuellement, 548 procédures d'enquête sont engagées par les services compétents et ceux-ci sont saisis de 135 actions collectives demandant une compensation pour des employés soumis à ce type d'esclavage, a précisé le Sous-Secrétaire aux droits de l'homme. Créée en août 2003, la Commission nationale pour l'éradication du travail forcé a pour fonction principale de surveiller le Plan national pour l'éradication de ce type de travail, lancé par le Président Lula. Selon les données disponibles, entre 1995 et 2005, ce sont au total 1350 exploitations agricoles qui ont été inspectées, ce qui a permis de libérer quelque 16 743 travailleurs qui se trouvaient dans une situation assimilable à du travail forcé. M. Mamede a par ailleurs indiqué que le pays dispose d'un programme d'éradication du travail des enfants qui s'occupe actuellement de 931 000 enfants et adolescents qui avaient auparavant pour habitude de travailler et de ne pas aller à l'école. Le Gouvernement a mis en place un programme d'allocations familiales qui a bénéficié à 6,6 millions de familles ayant des enfants âgés de 6 à 15 ans; cette allocation est destinée aux familles dont les enfants suivent l'école avec une assiduité d'au moins 85%.

En ce qui concerne la politique pénitentiaire, M. Mamede a indiqué qu'au Brésil, où l'exécution des peines relève de la responsabilité fédérale, le Gouvernement, pleinement conscient des lacunes du système, ne ménage aucun effort pour surmonter les problèmes existants, que ce soit à travers la construction ou la rénovation d'établissements pénaux, par le biais de la construction de cinq nouveaux établissements fédéraux de haute sécurité ou encore à travers la promotion de la formation des détenus et la promotion de l'assistance sanitaire.

Les États de la Fédération n'assurant pas, pour l'heure, de contrôle systématique des cas de décès résultant de l'action policière, l'information à ce sujet est en train d'être systématisée, a par ailleurs indiqué M. Mamede. Le Gouvernement brésilien est en train d'élaborer un plan national de prévention et de lutte contre la torture, qui devrait être lancé prochainement.

M. Mamede a rappelé que l'article 231 de la Constitution fédérale reconnaît aux communautés autochtones leur organisation sociale, leurs coutumes, leurs langues, leurs croyances et leurs traditions propres, ainsi que leurs droits sur les terres qu'ils occupent traditionnellement. Jusqu'ici, l'État brésilien a déclaré comme étant traditionnelles 420 terres autochtones couvrant près de 104 millions d'hectares, soit près de 12% du territoire national. En dehors de cette reconnaissance formelle, sont garanties aux communautés autochtones la possession permanente et la jouissance exclusive des richesses naturelles de leurs terres, a-t-il précisé.

Le conflit agraire est une autre question de grande importance dans le contexte brésilien, a rappelé M. Mamede. Le nombre de meurtres résultant de conflits agraires est passé de 43 en 2003 à 15 en 2004 et 12 pour l'année 2005 (jusqu'au mois de septembre). En outre, plusieurs dizaines de personnes ont été formées comme médiateurs de conflits sociaux, a ajouté le Sous-Secrétaire aux droits de l'homme.

Le deuxième rapport périodique du Brésil (CRC/C/BRA/2004/2), qui porte sur la période 1994-2004, fait valoir d'importantes réalisations intervenues durant ces années et au nombre desquelles figurent notamment l'établissement du Secrétariat spécial pour les droits de l'homme; l'approbation de la loi reconnaissant officiellement le décès des personnes disparues par suite de leurs activités politiques durant la dictature militaire et demandant l'indemnisation des familles des victimes; l'approbation de la loi portant création des juridictions spéciales civiles et pénales pour permettre un plus large accès au système judiciaire; l'approbation de la loi attribuant non plus à la justice militaire mais aux tribunaux de droit commun la compétence de juger les homicides volontaires commis par des membres de la police militaire; l'approbation de la loi de 1997 qui fait de la torture une infraction; l'approbation de la loi interdisant la détention illicite d'armes; l'institution, dans différents États, de bureaux de médiateurs de la police, chargés en toute indépendance de recueillir toute plainte mettant en cause les membres des forces de sécurité; ainsi que l'approbation de l'amendement constitutionnel portant à 16 ans l'âge minimum d'admission à l'emploi. Instruire et sanctionner une grande partie des violations des droits de l'homme relèvent des États, même si la Constitution oblige l'Union à intervenir pour préserver les droits de la personne humaine, ajoute le rapport.

Le rapport souligne que selon la Constitution, seul le Congrès national peut autoriser l'exploitation des ressources hydriques et des richesses minérales en terres indiennes, après consultation des collectivités concernées, qui ont droit à une participation aux résultats de l'exploitation. Un décret de 2003 réglemente les procédures permettant de découvrir, recenser, délimiter, démarquer et concéder les terres occupées par les communautés d'esclaves fugitifs (quilombos) qui y résident encore. Malgré l'abondante législation au Brésil garante du respect des principes d'égalité et de légalité, les pratiques discriminatoires et nuisibles visant essentiellement la population noire persistent, indique par ailleurs le rapport. Sur dix personnes qui vivent dans la pauvreté, près de sept sont de race noire, précise-t-il. Rappelant que la population autochtone au Brésil est composée de quelque 410 000 Indiens, il souligne que le Gouvernement fédéral a fixé pour principal objectif d'achever la délimitation de toutes les terres indiennes au Brésil d'ici 2006. Le Gouvernement a également l'intention d'élaborer une nouvelle loi nationale sur le statut des Indiens, pour remplacer la législation nationale en vigueur depuis plus de 30 ans.

Il arrive que, tout en étant conscients que leurs droits ont été bafoués, les plus défavorisés ne puissent accéder aux tribunaux, faute des moyens nécessaires pour engager un conseiller ou du fait du manque d'avocats disposés à les représenter gratuitement. Les services de l'avocat public sont chargés d'assurer la représentation gratuite, à l'échelon respectivement de l'Union et de chacun des États. Leur efficacité est toutefois limitée par manque d'autonomie financière et budgétaire, et ils n'ont pas encore été mis en place dans certains États. Le manque relatif de confiance dans les services de police, la lenteur du système judiciaire, le nombre élevé d'impunités constatées et la crainte de représailles poussent nombre de victimes à préférer ne pas porter plainte auprès des autorités compétentes, indique le rapport. Aux fins de garantir à tous les citoyens un accès au système judiciaire, le Gouvernement fédéral a, depuis 1996, contribué à mettre sur pied des consultations juridiques. Situées pour la plupart au sein de populations à bas revenus, ou dans des secteurs peu accessibles aux services publics, ces consultations, tenues en partenariat avec un certain nombre d'ONG, fournissent gratuitement des conseils juridiques et des services de médiation. La violence domestique, phénomène à la fois bien ancré et urgent dans le pays, pose de grandes difficultés, poursuit le rapport. L'exploitation sexuelle des jeunes femmes demeure un problème préoccupant au Brésil, qui a atteint des seuils alarmants dans certains États et suppose, parfois, la participation ou le consentement implicite des autorités. En général, les femmes continuent de recevoir une moindre rémunération que les hommes pour la même fonction, ajoute le rapport.

Le rapport indique par ailleurs que le taux annuel de meurtres au Brésil est aujourd'hui de 27 pour 100 000 habitants. Dans les centres métropolitains, où le problème est plus alarmant, ce sont les jeunes défavorisés, entre 15 et 24 ans, qui sont les principales victimes. Cette situation tragique a provoqué des changements démographiques dans certaines régions, comparables à ceux constatés en temps de guerre; la question de la sécurité publique est aujourd'hui l'une des préoccupations majeures de la nation. Les violences policières, notamment celles qui entraînent la mort des victimes, demeurent une grande préoccupation, souligne également le rapport, précisant que la plupart des victimes sont des suspects, des prisonniers, des enfants et adolescents à problèmes, ainsi que des paysans et chefs de syndicats ruraux. Dans l'État de Rio de Janeiro, le nombre de morts dû aux interventions des forces de police est passé de 300 cas en 1997 à 1195 cas en 2003. Les victimes, issues de milieux pauvres, sont en majorité jeunes et noires. L'un des problèmes majeurs concernant les violences policières est posé par la «loi du silence», selon laquelle les témoins oculaires refusent de donner les détails d'un incident, par crainte de représailles. Il est donc essentiel, pour aborder ce problème, d'établir un système efficace de protection des témoins qui ont subi des menaces. Le premier programme créé en ce sens au Brésil l'a été à la fin des années 90 à Pernambuco. Aujourd'hui, outre le programme proprement fédéral, 16 de ces programmes sont appliqués à l'échelon des États en partenariat avec le Gouvernement fédéral, responsable en matière de violences policières dans les autres États. Mais ces programmes manquent des crédits appropriés nécessaires à leur extension, précise le rapport. Après avoir rappelé l'adoption, en 1997, de la loi fixant les peines applicables pour les actes de torture (de deux à huit ans d'emprisonnement), le rapport souligne que, malgré les progrès réalisés depuis la promulgation de cette loi, la torture persiste dans les locaux de la police et des prisons.

Selon les données de 2003, poursuit le rapport, le système pénitentiaire compte environ 308 000 prisonniers, dont 139 000 en régime cellulaire, 31 000 en régime de semi-détention, 67 000 en détention préventive et 2500 sous mandat d'arrêt. De cet effectif, 240 000 sont détenus dans le système carcéral, d'où un manque de 60 000 places, alors que 68 000 sont placés dans les locaux de la sûreté publique. La population carcérale est formée à 96% d'hommes. De nombreux détenus demeurent incarcérés après avoir purgé leur peine, ajoute le rapport. C'est le résultat du surpeuplement carcéral joint à l'engorgement du système judiciaire, qui souvent retarde l'adoption de l'ordre indispensable de levée d'écrou. Toutefois, la Constitution fédérale oblige l'État à indemniser celui qui a été condamné par erreur judiciaire, de même que celui qui est resté emprisonné au-delà du temps fixé par sa sentence. Aujourd'hui, ajoute le rapport, les conditions carcérales sont très loin de satisfaire aux critères des droits de l'homme. Des milliers de prisonniers purgent leur peine dans les cellules des postes de police dont les conditions sont désastreuses. Selon les données de l'enquête nationale sur la famille, en 2001, 2 232 974 enfants et adolescents, âgés de 5 à 14 ans, étaient occupés à un travail, ce qui atteste une réduction de 45,46% en dix ans.


Examen du rapport

En ce qui concerne le droit à l'autodétermination, s'agissant plus particulièrement des consultations menées avec les communautés autochtones sur l'utilisation des terres qui les concernent, la délégation a rappelé que jusqu'ici, l'État brésilien a déclaré comme étant traditionnelles 420 terres autochtones couvrant près de 104 millions d'hectares, soit près de 12% du territoire national. En dehors de cette reconnaissance formelle, sont garanties aux communautés autochtones la possession permanente et la jouissance exclusive des richesses naturelles de leurs terres, a précisé la délégation. Elle a toutefois reconnu l'existence de pratiques illégales d'exploitation de ressources minières par des personnes non autochtones sur certaines terres autochtones, soulignant que plusieurs institutions luttent contre ces pratiques.

Il existe au Brésil 2332 écoles autochtones assurant une éducation à quelque 150 000 élèves autochtones, a par ailleurs fait valoir la délégation. L'éducation de base des autochtones est du ressort des États de la Fédération, a-t-elle précisé. Le Ministère de la santé, par le biais de la Fondation nationale de la santé, est l'institution responsable en matière d'accès des autochtones aux soins de santé, a-t-elle ajouté.

Un membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur les efforts déployés ces dernières années afin de mieux connaître les points de vues des communautés autochtones et leurs besoins.

Interrogée sur les mesures prises pour prévenir les expulsions forcées des populations autochtones de leurs terres qui, selon les informations dont dispose le Comité, se poursuivent, la délégation a souligné que l'article 231 de la Constitution fédérale interdit expressément de telles expulsions.

Un membre du Comité s'est inquiété des menaces dont des Indiens font l'objet dans certains États, notamment au Mato Grosso, de la part de compagnies minières. Un autre expert s'est inquiété des violences perpétrées à l'encontre de la communauté afro-brésilienne.


La délégation a attiré l'attention sur l'existence d'un programme baptisé «École ouverte» qui concerne 1200 écoles des régions périphériques des grandes métropoles brésiliennes; ces écoles restent ouvertes durant les week-ends et peuvent ainsi servir de lieu d'éducation et de formation alternatives. Faisant observer que la culture hip-hop est très en vogue auprès des communautés afro-brésiliennes, la délégation a fait part de l'existence d'un programme de sensibilisation et de lutte contre l'exclusion mis en place dans les favelas en s'appuyant sur cette culture.

Des groupes ont surgi qui prônent l'intolérance raciale et la xénophobie et prennent également pour cibles les homosexuels par des actions violentes impliquant parfois des policiers. Face à ce problème réel, des mouvements s'efforcent de sensibiliser la presse à cette question. Les autorités, quant à elle, appliquent une politique de tolérance zéro à l'égard de ces groupes, a précisé la délégation.

Le Comité ayant souhaité savoir si le Brésil avait envisagé de créer un mécanisme chargé de s'occuper des questions non réglées depuis la période de la dictature militaire, une commission vérité et réconciliation par exemple, la délégation a indiqué que le Brésil ne possède pas d'institution portant ce nom mais deux mécanismes de réparation ont été créés pour venir en aide aux personnes affectées négativement par la dictature militaire: la Commission spéciale pour les dissidents politiques disparus et morts et la Commission d'amnistie. La délégation a par ailleurs fait part de l'existence d'un projet de recherche de tous les documents, officiels ou non, concernant cette période de l'histoire brésilienne, afin de créer un musée de la mémoire.

Un expert s'est enquis des raisons pour lesquelles des documents militaires portant sur la période 1964-1984 - qui sont gardés secrets en vertu du décret présidentiel 4553 - n'avaient toujours pas été rendus publics.

La délégation a assuré que le Gouvernement actuel n'a jamais cherché à s'opposer à l'ouverture des archives concernant cette période. Il existe néanmoins dans ce domaine des problèmes de nature opérationnelle liés, en particulier, au départ de deux ministres qui faisaient partie de la Commission d'ouverture des archives et qui ont choisi de la quitter.

En ce qui concerne le principe de non-discrimination et l'égalité entre hommes et femmes, la délégation a notamment fait part de l'existence de projets de loi visant à réserver aux femmes un quota de 20% des postes dans les tribunaux supérieurs et dans l'administration directe.

La délégation a par ailleurs admis l'existence d'un problème de longue date s'agissant du manque de données sur la violence faite aux femmes au Brésil. Cette lacune est due à plusieurs facteurs, au nombre desquels figurent la crainte et la soumission des victimes. En outre, les policiers sont mal formés lorsqu'ils sont confrontés à des femmes victimes de violence; ils ne parviennent pas à prendre correctement leurs dépositions. Un projet de loi sur la violence contre les femmes, émanant à l'origine de la société civile, est actuellement à l'étude, a précisé la délégation, ajoutant qu'elle pensait avoir au mois de novembre de bonnes nouvelles à propos de ce projet.

Au Brésil, la violence à l'encontre des femmes est un problème urgent qu'il convient d'aborder, mais peu de moyens ont jusqu'ici été consacrés à la lutte contre ce phénomène, a relevé un membre du Comité, tout en se félicitant qu'un projet de loi portant sur cette question soit actuellement à l'étude.

La délégation a par ailleurs rappelé qu'une loi de 2004 oblige les personnels de santé à rapporter les cas de violence familiale.

La stérilisation des femmes est une question grave, a souligné un membre du Comité, relevant que, pour des raisons d'emploi ou pour des raisons démographiques, il arrive que des femmes soient amenées à être stérilisées. Quel est l'ampleur de ce phénomène et quelles mesures sont-elles prises pour éradiquer ce fléau, a demandé l'expert? La délégation a assuré qu'il n'y a pas, au Brésil, de politique d'État visant à stériliser les femmes à des fins de contrôle démographique. Il s'agit même d'une pratique interdite et punie par la législation pénale, a précisé la délégation, avant d'ajouter qu'il existe des cas ponctuels et individuels de telles pratiques qui sont punis par l'État.

Un membre du Comité s'est inquiété de l'engorgement de la justice au Brésil ainsi que du faible taux de poursuites engagées contre les homicides perpétrés dans les communautés rurales.

Un autre expert ayant déploré l'absence de présence fédérale dans les provinces, à de nombreux niveaux, notamment au niveau des procureurs, la délégation a assuré qu'il existe des procureurs généraux dans tous les États brésiliens.

Priée d'expliquer l'augmentation du nombre des décès dus à l'intervention de la police qui est enregistrée dans certains États et d'indiquer les mesures prises pour enseigner aux fonctionnaires de police leurs obligations en matière de droits de l'homme, la délégation a déclaré que dans ce domaine, il faut procéder à une «révolution culturelle» au sein de la police. En la matière, il existe en effet dans les rangs de la police une sous-culture qui n'est pas du tout celle que le policier s'est vu inculquer à l'académie de formation des policiers. Il faut donc éduquer les nouveaux policiers et rééduquer les anciens, a affirmé la délégation, qui a ajouté que des cours de droits de l'homme sont dispensés aux policiers. La délégation s'est dite convaincue que toutes les violences policières proviennent d'une mauvaise formation de la police. Elle a notamment fait part de l'organisation, au mois de décembre, d'une «Semaine des droits de l'homme» qui durera en réalité deux semaines et à laquelle participeront près de 600 policiers.

Il existe des cas de travail forcé d'Indiens dans les plantations de canne à sucre de l'État de São Paolo, mais en règle générale, la plupart des personnes soumises à ces pratiques à travers le pays sont de sexe masculin et proviennent des États du nord-est du Brésil, a indiqué la délégation. Le Brésil a reconnu depuis 1995 l'existence du travail forcé sur son territoire, a rappelé la délégation.

Le Comité ayant fait état d'informations selon lesquelles les exécutions extrajudiciaires perpétrées par des policiers le sont le plus souvent sous couvert d'opérations licites, les institutions médico-légales n'ayant ni l'indépendance ni les ressources nécessaires pour enquêter convenablement, la délégation a indiqué que l'État brésilien reconnaît l'importance de l'autonomie scientifique des expertises médico-légales et ne saurait intervenir dans le processus de ces expertises.

Priée d'expliquer l'augmentation récente des morts violentes chez les animateurs ruraux, la délégation a affirmé que le nombre de décès d'animateurs ruraux est passé de 42 en 2003 à 16 en 2004 et à 12, jusqu'ici, pour l'année 2005.

S'agissant des conditions carcérales, la délégation a reconnu que le Brésil est confronté à de très graves problèmes dans ce domaine. Elle a expliqué que le durcissement de la loi applicable aux petits crimes avait notablement accru la population carcérale. Aussi, convient-il maintenant de se pencher sur des peines alternatives. Au total, ce sont 4000 prisonniers qui entrent chaque mois dans les prisons du pays, a précisé la délégation, insistant sur la difficulté qu'il y a à gérer cette population carcérale.

Un membre du Comité s'est inquiété des mauvais traitements infligés aux détenus, en particulier aux jeunes détenus.

La délégation a rappelé que la Constitution prévoit que l'État indemnise les personnes qui ont subi une détention arbitraire prolongée; cette indemnisation ne peut néanmoins se faire que sur initiative de la personne lésée.

La corruption existe certes au Brésil, mais il serait exagéré de dire que tous les secteurs du judiciaire et de la sécurité sont touchés par ce phénomène, a assuré la délégation. Les juges, par rapport à d'autres fonctionnaires, sont plutôt bien payés au Brésil, a-t-elle en outre souligné.


Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires sur le rapport brésilien, la Présidente du Comité, MME CHRISTINE CHANET, a félicité la délégation pour l'esprit d'ouverture dont elle a fait preuve ainsi que pour tous les efforts qu'elle a déployés afin de répondre aux questions des experts. Mme Chanet a toutefois regretté que le rapport ait été présenté tardivement, couvrant ainsi une très large période, et qu'il ne soit en outre pas précisément ciblé sur le Pacte. Elle a par ailleurs indiqué avoir des difficultés à saisir le degré de maîtrise de l'État fédéral sur les différents États composant le Brésil. La lutte contre l'homophobie témoigne de la volonté du pays d'agir dans ce domaine, a par ailleurs relevé Mme Chanet.

Parmi les préoccupations persistantes, figurent celles que l'on pourrait regrouper autour du thème clef de l'impunité, a poursuivi la Présidente du Comité. Pour vaincre l'impunité, il faut aller plus loin que la prévention et la fédéralisation, a-t-elle souligné. Mme Chanet a regretté que la délégation n'en ait pas dit davantage au sujet des tribunaux militaires afin de pouvoir évaluer s'ils répondent aux dispositions du Pacte, s'agissant notamment de l'article 14 relatif au droit à un procès équitable. Comment un État peut-il oublier quelqu'un au fond d'une prison, a par ailleurs demandé Mme Chanet? Il y a là un défaut d'organisation qui se traduit par des détentions arbitraires.

En ce qui concerne la question agraire, il semble qu'il n'y ait pas beaucoup d'évolution s'agissant du droit à la terre, a également déclaré Mme Chanet. Il n'en demeure pas moins que le Comité prend note du fait que la violence se rapportant à des conflits agraires est en diminution depuis un ou deux ans, a-t-elle ajouté.

* *** *
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

Mots-clés

VOIR CETTE PAGE EN :