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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE POURSUIT L'EXAMEN DU RAPPORT DU TOGO

11 Mai 2006

11 mai 2006

Il entend les réponses de la délégation togolaise aux questions du Comité


Le Comité contre la torture a achevé, cet après-midi, l'examen du rapport initial du Togo en entendant les réponses apportées par la délégation de ce pays aux questions que lui avaient posées hier matin les experts.

Dirigée par Mme Massan Loretta Acouetey, Ministre des droits de l'homme, de la démocratie et de la réconciliation, la délégation togolaise a notamment souligné que la Commission nationale de modernisation de la législation intègrera les dispositions de la Convention dans le droit positif interne du Togo, notamment pour ce qui a trait à la définition et à la répression de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En ce qui concerne une circulaire du Premier Ministre sur l'abandon de toute poursuite dans le contexte des événements survenus après les élections d'avril 2005, la délégation a expliqué qu'elle vise essentiellement les poursuites engagées contre les personnes privées qui se sont retrouvées dans les pays voisins. Cette circulaire, qui n'est pas une forme d'amnistie, a été prise à la demande du Haut Commissariat pour les réfugiés qui en a fait une condition sine qua non pour l'accord tripartite devant aboutir au retour des réfugiés au pays, a rappelé la délégation.

La délégation a rappelé que les châtiments corporels sont interdits depuis 1975 dans les établissements scolaires. «Il est vrai qu'il existe encore des rites de veuvage avilissants dans certaines parties du pays», a reconnu la délégation, avant d'indiquer qu'un Comité interministériel a recommandé la suppression de ces pratiques.

En réponse à une question soulevée par un expert hier matin, la délégation a assuré que le Gouvernement togolais n'a pas de milice et n'en tolère aucune. Le Gouvernement a prohibé les détentions au secret et il n'y a donc plus de lieu de détention au secret au Togo, a par ailleurs assuré la délégation.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Togo avant de les rendre publiques à la fin de la session, le vendredi 19 mai 2006.


Demain matin, à 10 heures, le Comité examinera en séance publique un certain nombre de questions soulevées en juin 2005 lors de la dernière réunion des présidents d'organes de traités relatifs aux droits de l'homme.


Réponses de la délégation

Dirigée par la Ministre des droits de l'homme, de la démocratie et de la réconciliation, Mme Massan Loretta Acouetey, la délégation togolaise a indiqué que lorsqu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, ce sont les dispositions de l'article 139 de la Constitution qui s'appliquent. Selon ce texte, l'autorisation de ratifier ou d'approuver cet engagement international ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution.

S'agissant de la définition de la torture, la délégation a rappelé que la Commission nationale de modernisation de la législation, créée dans le cadre du Programme national de modernisation de la justice, intègrera les dispositions de la Convention dans le droit positif interne du Togo, notamment pour ce qui a trait à la définition et à la répression de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

En ce qui concerne la question de la remise d'un extradé «de police à police» en dehors de toute procédure judiciaire, la délégation a dit qu' «il est vrai que cette pratique ne protège pas suffisamment la personne à extrader». Il convient néanmoins de relever que les accords quadripartites qui instituent cette pratique datent de 1984 et que la Constitution de 1992 règle la question de l'extradition en son article 23 en insistant sur la nécessité de permettre à la personne à extrader de présenter ses moyens de défense devant une instance judiciaire. L'article 23 de la Constitution protégeant davantage les droits de l'homme, c'est donc lui qui prévaut, a indiqué la délégation.

La délégation a fait savoir qu'en ce qui concerne le cas de l'ancien Président Ange-Félix Patassé, la position du Togo sera précisée au Comité dès le retour de la délégation au pays.

Le Togo étant partie à la Convention contre la torture, il n'accèdera jamais à une demande d'extradition, même concernant un auteur d'actes de torture, lorsqu'il est avéré que cette personne subira à son tour des tortures, a indiqué la délégation. Toutefois, a-t-elle précisé, pour éviter l'impunité, s'il ne peut poursuivre la personne, le Togo utilisera le principe de la compétence triangulaire et l'extradera vers un pays dont les juridictions ont une compétence universelle.

S'agissant des événements survenus après les élections d'avril 2005, la délégation a rappelé qu'à la suite de ces événements, le Gouvernement a créé une commission spéciale d'enquête indépendante d'établir les faits, d'en déterminer les auteurs et les victimes. Cette commission a déposé son rapport. La délégation a en outre souligné que le Gouvernement avait reçu deux missions internationales d'établissement des faits: celle des Nations Unies et celle de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples. La première a déjà rendu son rapport et le Gouvernement togolais attend le rapport de la seconde, a indiqué la délégation. Elle a précisé que le Gouvernement a inscrit l'examen des conclusions de ces rapports à l'ordre du jour du dialogue national qui est ouvert dans le pays. «Il appartiendra à ce dialogue de définir l'orientation à donner pour la résolution des problèmes liés à cette phase de notre histoire», a déclaré la délégation.

En ce qui concerne la circulaire du Premier Ministre sur l'abandon de toute poursuite dans le contexte de ces événements, la délégation a expliqué qu'elle vise essentiellement les poursuites engagées ou à engager contre les personnes privées qui se sont retrouvées dans les pays voisins. Il convient de souligner que cette circulaire, qui n'est pas une forme d'amnistie, a été prise à la demande du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) qui en a fait une condition sine qua non pour l'accord tripartite devant aboutir au retour des réfugiés au pays, a rappelé la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que la loi de 2005 portant prévention et répression du trafic des enfants a prévu dans ses dispositions la création d'une commission de lutte contre le trafic d'enfants. Afin de renforcer cette lutte, a poursuivi la délégation, le Gouvernement examine un avant-projet de loi portant création d'une commission nationale de lutte contre le trafic de personnes.

S'agissant du droit du détenu à l'accès aux soins médicaux, la délégation a souligné qu'il y a lieu de distinguer entre le droit à l'examen médical qui s'exerce dès la période de garde à vue et le droit aux soins médicaux qui sont dispensés durant les périodes de détention préventive ou d'exécution de la peine. Dans le premier cas, la personne gardée à vue doit demander l'examen médical, un membre de sa famille pouvant aussi le faire pour elle, alors que dans le second cas, elle n'a pas à demander les soins, lesquels doivent lui être prodigués dès le moment où elle est malade. «Il faut cependant reconnaître que dans un cas comme dans l'autre, il y a des insuffisances auxquelles la Commission nationale de modernisation de la législation doit trouver des solutions», a reconnu la délégation.

La délégation a par ailleurs précisé que la détention préventive est régie par les articles 112 à 115 du Code de procédure pénale de 1983. Il s'agit d'une mesure exceptionnelle, a souligné la délégation. Lorsqu'elle est requise, elle ne saurait dépasser dix jours pour les délinquants primaires dont la peine encourue est inférieure à deux ans de prison, ni plus de la moitié du maximum de la peine encourue si celle-ci est supérieure à deux ans et qu'une information est ouverte. Il faut reconnaître que dans la pratique, ces délais ne sont pas toujours respectés, a admis la délégation. C'est pour trouver une solution à ces détentions prolongées que le Gouvernement examine la création de la fonction de juge d'application des peines, qui aura aussi pour mission de contrôler la légalité des détentions, a fait valoir la délégation.

Conformément aux «22 engagements pris par le Togo avec l'Union européenne», aucune restriction n'est imposée aux visites dans les lieux de détention, a d'autre part souligné la délégation. Toute organisation non gouvernementale œuvrant à la protection et à la promotion des droits de l'homme en général et des personnes détenues en particulier peut, lorsqu'elle en fait la demande, visiter tout lieu de détention de son choix.

Au sens de l'article premier de la Convention, le Togo n'a pas connu de décision de justice sur les réparations des dommages causés par un acte de torture, a admis la délégation. «L'incorporation prochaine de la définition de la torture ainsi que son incrimination donnera lieu, lorsqu'une infraction de torture est commise, à de telles décisions», a-t-elle toutefois estimé.

La délégation a rappelé que l'Ordonnance du 7 mai 1975 portant réforme de l'enseignement scolaire interdit les châtiments corporels dans les établissements scolaires.

«Il est vrai qu'il existe encore des rites de veuvage avilissants dans certaines parties du pays», a reconnu la délégation. Dans les conclusions de ses travaux, le Comité interministériel de relecture et de réécriture de certaines dispositions du Code des personnes et de la famille a recommandé la suppression de ces pratiques, a-t-elle indiqué.

S'agissant de la surveillance des prisons, la délégation a indiqué qu'elle est assurée par un corps paramilitaire appelé «gardiens de préfecture». Ce corps ne comporte pas de personnel féminin, de sorte que les détenues de sexe féminin sont gardées par des hommes. Pour résoudre ce problème, un recrutement de femmes gardiennes de prison est prévu, dans le cadre général de la création d'un corps civil de gardiens de prison.

La justice militaire est certes prévue par une loi de 1981 portant code de justice militaire; mais cette juridiction n'a jamais été opérationnelle, a par ailleurs indiqué la délégation.

En réponse à une question soulevée par un expert hier matin, la délégation a assuré que le Gouvernement togolais n'a pas de milice et n'en tolère aucune. Il faut cependant reconnaître que lors de leurs activités politiques, des partis politiques font appel à leurs militants pour assurer la sécurité de leurs leaders.

Le siège de la Ligue togolaise des droits de l'homme n'a jamais été attaqué par une quelconque milice, a assuré la délégation. Ce qui s'est produit en mai 2005, c'est que la Ligue a convié le public à la présentation de son rapport et que, suite à la contestation de certains participants quant à la méthodologie et au contenu du rapport, une altercation est intervenue, a-t-elle affirmé.

La délégation a indiqué que Mme Hina Jilani, Représentante spéciale pour les défenseurs des droits de l'homme, a été invitée par le Gouvernement togolais mais n'a pas répondu à cette invitation. Le Gouvernement attend toujours sa réponse, a précisé la délégation.

Le Gouvernement a prohibé les détentions au secret et il n'y a donc plus de lieu de détention au secret au Togo, a par ailleurs assuré la délégation.

En ce qui concerne la garde à vue, la délégation a indiqué qu'elle ne peut légalement dépasser les 8 heures.


Remarques et renseignements complémentaires

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Togo, M. Guibril Camara, a indiqué attendre avec beaucoup d'intérêt les réponses écrites qui ont été promises par la délégation.

Le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport togolais, M. Fernando Mariño Menéndez, s'est fait l'écho de ce qu'il a perçu comme étant une situation de découragement des organisations non gouvernementales quant à leur participation aux tâches gouvernementales visant à améliorer les conditions dans les lieux de détention. Les ONG pourront-elles jouer un rôle en matière de visites dans les lieux de détention, a-t-il demandé? Il semblerait qu'il n'y ait pas de norme spécifique s'agissant de la recevabilité ou non des aveux obtenus sous la torture, a par ailleurs relevé l'expert.

Un autre membre du Comité s'est enquis de la situation des réfugiés au Togo à l'heure actuelle. Comment sont assurées les conditions de sécurité de ces personnes, s'agissant plus particulièrement des plus vulnérables d'entre elles - femmes, enfants et personnes âgées ?

Il est vrai que les textes togolais ne stipulent pas expressément que les déclarations obtenues sous la torture sont nulles et non avenues, a admis la délégation. Mais tout magistrat qui, lors d'une procédure d'instruction ou de jugement, vient à être convaincu par la victime qu'elle a été soumise à la torture à des fins d'extorsion d'une déclaration, est tenu de ne tenir compte que des déclarations faites à la barre.

S'agissant des questions d'asile, la délégation a indiqué que c'est la Commission nationale des réfugiés qui procède à l'examen des dossiers et détermine si les demandeurs sont éligibles. Des associations caritatives aident les requérants d'asile à s'insérer dans la société togolaise, notamment en assurant l'éducation des enfants demandeurs d'asile et en fournissant, le cas échéant, une assistance judiciaire à tout requérant qui en aurait besoin.
Le Gouvernement actuel est déterminé à lutter contre l'impunité et cette question est inscrite à l'ordre du jour du dialogue national qui tient actuellement ses assises dans le pays, a souligné la délégation.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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