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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ADOPTE SES OBSERVATIONS FINALES SUR LE RAPPORT DE LA COLOMBIE

20 Novembre 2003

20.11.03
Le Comité contre la torture a adopté ce matin ses observations finales et recommandations sur le troisième rapport périodique de la Colombie relatif à la mise en œuvre de la Convention contre la torture.
Dans ses observations, le Comité prend note avec satisfaction que la Colombie a adopté plusieurs textes législatifs présentant de l'intérêt dans l'optique de la prévention et de la répression des actes de torture et des mauvais traitements. Il accueille également avec satisfaction la déclaration de la représentante de l'État partie selon laquelle il n'y a pas eu et il n'y aura pas d'amnistie ou de pardon pour les délits de torture dans l'État partie. Il prend aussi note avec satisfaction du resserrement de la collaboration entre le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme en Colombie et le Gouvernement colombien.
Le Comité réitère toutefois sa préoccupation face au grand nombre d'actes de torture et de mauvais traitements qui seraient commis de manière généralisée et systématique par les forces et corps de sécurité de l'État en Colombie. Il s'inquiète également du grand nombre de disparitions forcées et d'exécutions arbitraires et constate avec inquiétude que différentes mesures adoptées, ou en voie d'adoption par l'État en matière de lutte contre le terrorisme et contre les groupes armés illégaux, pourraient favoriser la pratique de la torture. Le Comité est également préoccupé par le climat d'impunité entourant les violations des droits de l'homme commises par les forces et corps de sécurité de l'État.
Le Comité recommande à la Colombie de prendre des mesures énergiques en vue de faire cesser l'impunité des responsables présumés d'actes de torture et de mauvais traitements. Il lui recommande en outre de veiller à ce que toutes les personnes, en particulier les agents de l'État, qui parrainent, planifient, fomentent ou financent les opérations de groupes armés illégaux responsables d'actes de torture, ou y participent de toute autre manière, soient identifiées, arrêtées, suspendues de leurs fonctions et traduites en justice; de reconsidérer le projet de réforme de la justice dans un souci de respect et de promotion du rôle revenant à la Cour constitutionnelle dans la défense de l'État de droit.
Le Comité reprendra ses travaux cet après-midi à partir de 15 heures pour adopter ses observations finales et recommandations sur les rapports du Maroc, de la Lettonie et du Yémen.
Observations finales et recommandations sur le rapport de la Colombie
Le Comité prend note avec satisfaction que la Colombie a adopté plusieurs textes législatifs présentant de l'intérêt dans l'optique de la prévention et de la répression des actes de torture et des mauvais traitements, en particulier le nouveau Code pénal qui incrimine les délits de torture, de génocide, de disparition forcée et de déplacement forcé et qui dispose que le devoir d'obéissance ne peut être considéré comme exonératoire de responsabilité pour de tels délits; le nouveau Code pénal militaire qui exclut du champ de compétence de la juridiction pénale militaire les délits de torture, de génocide et de disparition forcée, et précise le principe de devoir d'obéissance; la loi interdisant le recrutement de mineurs de 18 ans dans les forces armées; et le nouveau Code de procédure pénale en vertu duquel les preuves obtenues de façon illégale ne sont pas recevables.
Le Comité accueille également avec satisfaction la déclaration de la représentante de l'État partie selon laquelle il n'y a pas eu et il n'y aura pas d'amnistie ou de pardon pour les délits de torture dans l'État partie. Le Comité prend note avec satisfaction du resserrement de la collaboration entre le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme en Colombie et le Gouvernement colombien.
Par ailleurs, le Comité prend note des explications fournies par la délégation au sujet des difficultés que la complexité de la situation régnant actuellement dans le pays suscite sur le plan du respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Il réaffirme néanmoins que, conformément à l'article 2 de la Convention, aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, ne peut être invoquée pour justifier la torture.
Le Comité réitère sa préoccupation face au grand nombre d'actes de torture et de mauvais traitements qui seraient commis de manière généralisée et systématique par les forces et corps de sécurité de l'État en Colombie, tant dans le cadre d'opérations armées qu'en dehors. Il s'inquiète également du grand nombre de disparitions forcées et d'exécutions arbitraires. Il constate en outre avec inquiétude que différentes mesures adoptées, ou en voie d'adoption par l'État en matière de lutte contre le terrorisme et contre les groupes armés illégaux, pourraient favoriser la pratique de la torture. À ce sujet, le Comité est particulièrement préoccupé par le recrutement de «paysans soldats» à temps partiel, qui participent à des opérations armées contre la guérilla; par la mise en place d'un réseau d'informateurs civils rémunérés qui investit ces derniers d'un rôle direct dans le conflit; par le projet de loi de réforme constitutionnelle qui prévoit d'attribuer des pouvoirs de police judiciaire aux forces armées et de les autoriser à détenir et interroger, sans contrôle judiciaire, des individus pendant une période pouvant en principe aller jusqu'à 36 heures.
Le Comité est également préoccupé par le climat d'impunité entourant les violations des droits de l'homme commises par les forces et corps de sécurité de l'État et, en particulier, l'absence d'enquêtes rapides, impartiales et exhaustives sur les nombreux actes de torture et autres mauvais traitements et l'absence de réparation ou d'indemnisation adéquate pour les victimes; par le projet de loi sur «l'alternative pénale», qui, s'il est approuvé, accorderait le bénéfice d'une suspension conditionnelle de peine aux membres des groupes armés qui déposeraient volontairement les armes, même ceux ayant commis des actes de torture et autres infractions graves au droit international humanitaire; par les allégations selon lesquelles des agents de l'État toléreraient, appuieraient ou admettraient les activités de membres des groupes paramilitaires appelés Groupes d'autodéfense − coupables d'un grand nombre d'affaires de torture et de mauvais traitements. Il est aussi préoccupé par les allégations relatives à la démission forcée de certains fonctionnaires du Service des droits de l'homme de la Fiscalía General de la Nación (Ministerio Fiscal), ainsi qu'à des menaces reçues par certains membres de ce service en relation avec leurs enquêtes concernant des affaires de violation des droits de l'homme; par le projet de réforme de la justice qui, selon certaines indications, prévoirait des restrictions constitutionnelles à l'exercice de l'action en protection (amparo) et la réduction des compétences de la Cour constitutionnelle, en particulier en matière de contrôle des déclarations d'état d'exception.
Le Comité est par ailleurs préoccupé par les allégations relatives à l'insuffisance de la protection contre le viol et autres formes de violence sexuelle ainsi que par le fait que le nouveau Code pénal militaire n'exclut pas expressément du champ de compétences des juridictions militaires les délits à caractère sexuel. Il est en outre préoccupé par les allégations selon lesquelles les tribunaux militaires continueraient à mener des enquêtes sur des violations des droits de l'homme dans lesquelles seraient impliqués des membres de la force publique; par les nombreuses informations faisant état d'agressions à l'encontre de défenseurs des droits de l'homme; par le grand nombre de cas de déplacement forcé de groupes de population qu'entraînent les opérations armées contre les groupes illégaux; et par la surpopulation et les mauvaises conditions matérielles régnant dans les établissements pénitentiaires, qui pourraient s'apparenter à des traitements inhumains et dégradants.
Le Comité recommande à la Colombie de prendre des mesures énergiques en vue de faire cesser l'impunité des responsables présumés d'actes de torture et de mauvais traitements. Il recommande en particulier de réexaminer la question de l'adoption du projet de loi sur l'alternative pénale et de reconsidérer l'adoption des mesures proposées susceptibles de faciliter la commission d'actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants en facilitant l'accomplissement par des particuliers d'actes pour le compte de l'État dans le cadre des opérations militaires et d'autres opérations menées contre les groupes armés illégaux. De même, il lui recommande de reconsidérer l'adoption des mesures tendant à accorder de manière générale à des organes militaires des pouvoirs de police judiciaire les habilitant à détenir des suspects pendant des périodes prolongées sans contrôle judiciaire.
Le Comité recommande en outre à la Colombie de veiller à ce que toutes les personnes, en particulier les agents de l'État, qui parrainent, planifient, fomentent ou financent les opérations de groupes armés illégaux responsables d'actes de torture, ou y participent de toutes autres manières, soient identifiées, arrêtées, suspendues de leurs fonctions et traduites en justice; de reconsidérer le projet de réforme de la justice dans un souci de respect et de promotion du rôle revenant à la Cour constitutionnelle dans la défense de l'État de droit; de mener des enquêtes en vue de poursuivre et punir les responsables de viols et autres formes de violences sexuelles, y compris les affaires de ce type s'étant produites dans le cadre d'opérations contre des groupes armés illégaux; de veiller, dans les affaires de violation du droit à la vie, à faire rechercher les traces de recours à la torture, en particulier en cas de violences sexuelles, que pourrait présenter la victime. Ces données devraient figurer dans les rapports de médecine légale afin que l'on puisse enquêter non seulement sur l'homicide mais aussi sur les faits de tortures. À cet égard, il recommande de dispenser aux médecins la formation professionnelle nécessaire pour leur donner les moyens de détecter les cas de torture et de toutes autres catégories de mauvais traitements.
Le Comité recommande également de respecter et faire respecter efficacement les dispositions du Code pénal militaire excluant le délit de torture du champ de compétence de la juridiction pénale militaire; d'adopter des mesures efficaces visant à protéger les défenseurs des droits de l'homme contre le harcèlement, les menaces et autres agressions et d'inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur les décisions de justice prises dans ce sens. Il recommande par ailleurs à la Colombie d'adopter des mesures efficaces pour améliorer les conditions matérielles dans les établissements de détention, de remédier à leur surpeuplement actuel et de veiller à ce que les personnes soumises à une forme quelconque d'arrestation, de détention ou d'emprisonnement soient traitées conformément aux normes internationales. Il lui recommande en outre d'inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur la norme en vigueur dans l'ordre juridique interne garantissant le non-refoulement d'une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.

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