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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE CLÔT LES TRAVAUX DE SA TRENTE-SIXIÈME SESSION

19 Mai 2006

19 mai 2006

Il présente ses observations finales sur le Pérou, la Géorgie, le Guatemala, les États-Unis, le Qatar, le Togo et la République de Corée



Le Comité contre la torture a clos, ce matin, les travaux de sa trente-sixième session, qui se tenait au Palais des Nations à Genève depuis le 1er mai dernier. Le Comité a rendu publiques aujourd'hui ses observations finales sur les rapports examinés au cours de la session et présentés par le Pérou, la Géorgie, le Guatemala, les États-Unis, le Qatar, le Togo et la République de Corée.

En ce qui concerne le Pérou, le Comité félicite le pays pour les progrès importants qu'il a accomplis ces cinq dernières années et prend note de la diminution du nombre de plaintes soumises au bureau du Défenseur du peuple pour actes de torture imputés à la police entre 1999 et 2004. Il juge toutefois préoccupant que des plaintes continuent d'être portées contre des membres de la police nationale et des forces armées et contre des agents du système pénitentiaire. Il juge également préoccupante la persistance de plaintes dénonçant des tortures et des traitements cruels subis par les appelés effectuant leur service militaire. Le Comité reste préoccupé par les retards excessifs avec lesquels les procès sont menés et regrette que l'application de la compétence de la justice pénale militaire ne soit pas conforme aux obligations internationales contractées par le Pérou dans le domaine des droits de l'homme.

S'agissant de la Géorgie, le Comité note avec satisfaction les efforts en cours dans le pays afin de réformer la législation, les politiques et les procédures, de manière à assurer une meilleure protection des droits de l'homme. Il reste toutefois préoccupé par le fait que l'impunité et l'intimidation persistent en Géorgie, en particulier s'agissant du recours excessif à la force, y compris la torture, de la part des agents responsables de l'application des lois et ce, tout spécialement, avant et pendant l'arrestation, durant les émeutes en prison et dans le cadre de la lutte contre le crime organisé. La Géorgie devrait donc accorder une plus grande priorité aux efforts visant à promouvoir une culture des droits de l'homme.

Le Comité note avec satisfaction une amélioration de la situation des droits de l'homme au Guatemala. Le pays devrait toutefois prendre des mesures effectives pour abroger toutes les dispositions autorisant l'armée à intervenir dans les activités de sécurité publique interne et de prévention de la criminalité. Le pays devrait en outre modifier sa législation de façon à énoncer explicitement que l'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique ne peut pas être invoqué pour justifier la torture. Le Comité est en outre préoccupé par l'impunité qui demeure pour la plupart des violations des droits de l'homme commises pendant le conflit armé interne, ainsi que par les nombreuses allégations concernant la «purification sociale» et les meurtres d'enfants vivant dans la rue et dans les quartiers marginalisés.

Le Comité se félicite de l'adoption par les États-Unis de la loi sur l'élimination du viol en prison et des normes de détention nationales. Il réitère cependant sa recommandation selon laquelle ce pays devrait adopter un crime fédéral de torture compatible avec l'article premier de la Convention. En outre, les États-Unis devraient reconnaître et garantir que la Convention s'applique à tout moment, que ce soit en temps de paix, de guerre ou de conflit armé, sur tout territoire relevant de leur juridiction. Le Comité se dit préoccupé par les allégations selon lesquelles les États-Unis ont établi des centres de détention secrets qui ne sont pas accessibles au CICR. Il se dit préoccupé par les informations faisant état de l'implication des États-Unis dans des disparitions forcées. Le Comité affirme que les États-Unis devraient cesser de détenir qui que ce soit à «Guantanamo Bay» et devraient fermer ce centre de détention.

S'agissant du Qatar, le Comité reconnaît les importants efforts que le pays déploie pour réformer son système juridique et institutionnel et prend note des mesures prises par le Qatar pour lutter contre le trafic de personnes. Le Qatar devrait néanmoins adopter une définition de la torture dans son droit pénal interne qui soit conforme à l'article premier de la Convention. Le Qatar devrait en outre revoir les dispositions du Code pénal qui autorisent le recours à la flagellation et à la lapidation. Le Qatar devrait d'autre part prendre des mesures afin de prévenir la violence contre les travailleurs migrants. Le Comité relève qu'il n'existe pas au Qatar de loi spécifique protégeant les femmes contre la violence domestique.

En ce qui concerne le Togo, le Comité se réjouit de la volonté du pays de moderniser son appareil judiciaire et accueille avec satisfaction la création de l'Inspection générale des services de sécurité. Il reste néanmoins préoccupé par l'absence de dispositions dans le Code pénal en vigueur définissant explicitement la torture et la criminalisant. Il est demandé au Togo de s'assurer que le personnel militaire ne soit en aucun cas associé à l'arrestation et à la détention de civils. Le Comité affirme en outre que le Togo devrait prendre les mesures nécessaires afin de transférer l'ancien Président de la République centrafricaine M. Ange-Félix Patassé devant la Cour pénale internationale.

Le Comité se réjouit des progrès significatifs enregistrés par la République de Corée afin d'assurer une meilleure protection des droits de l'homme depuis la présentation du rapport initial. Il reste toutefois préoccupé par le fait que le pays n'a toujours pas incorporé dans sa législation pénale de définition spécifique du crime de torture. Il reste également préoccupé par les allégations continues d'actes de torture et d'intimidation imputables à des agents responsables de l'application des lois. Le pays devrait notamment prendre des mesures effectives afin d'assurer le respect des garanties juridiques fondamentales applicables aux personnes détenues par la police. Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de suicides et autres morts soudaines dans les lieux de détention, ainsi que par le nombre de suicides dans l'armée.

Au cours de cette session, le Comité a par ailleurs examiné à huis clos 16 plaintes déposées en vertu de l'article 22 de la Convention. Le Comité n'a relevé de violation de la Convention que dans une des trois communications qui ont été examinées quant au fond durant cette session. Il s'agit de celle, contre le Sénégal, émanant de plaignants de nationalité tchadienne qui disent avoir été victimes d'actes de torture commis par des agents de l'État tchadien qui étaient sous les ordres de l'ancien président Hissène Habré, lequel réside actuellement au Sénégal. Le Comité considère notamment qu'en refusant de faire suite à la demande d'extradition de M. Habré formulée par la Belgique, le Sénégal a manqué à ses obligations en vertu de la Convention. La décision concernant cette communication figure au document CAT/C/36/D/181/2001 (il sera disponible sur le site internet du Haut Commissariat à l'adresse suivante:
http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/FramePage/TypeJurisprudence?OpenDocument&Start=1&Count=15&Expand=1)

À l'ouverture de sa session, le 1er mai, le Comité a élu par acclamation le Chypriote Andreas Mavrommatis à sa présidence. MM. Claudio Grossman, Guibril Camara et Alexander Kovalev ont été élus vice-présidents et Mme Felice Gaer, Rapporteuse du Comité. L'ensemble du bureau est élu pour deux ans.

Lors de sa prochaine session, qui se tiendra à Genève du 6 au 24 novembre 2006, le Comité doit examiner les rapports des États parties suivants: Burundi, Guyana, Hongrie, Mexique, Fédération de Russie, Afrique du Sud, Tadjikistan. La situation aux Seychelles sera examinée en l'absence de rapport.


Observations finales

Le Comité contre la torture a adopté des conclusions et recommandations sur les sept pays dont les rapports ont été examinés au cours de la session, à savoir le Pérou, la Géorgie, le Guatemala, les États-Unis, le Qatar, le Togo et la République de Corée.

Le Comité félicite le Pérou pour les progrès importants qu'il a accomplis ces cinq dernières années. En particulier, il salue le travail de la Commission vérité et réconciliation et le rapport qu'elle a soumis en 2003, mais regrette que ses recommandations n'aient pas été suffisamment appliquées, spécialement en faveur des groupes vulnérables. Le Comité prend en outre compte de l'augmentation du nombre d'enquêtes menées sur des plaintes pour actes de torture. Il accueille avec satisfaction la reconnaissance par le Tribunal constitutionnel du droit à la vérité en tant que droit fondamental dans les cas de disparition forcée, ainsi que la création d'un sous-système pénal spécialisé pour les actions contre la torture. Le Comité se félicite que le Pérou ait fait, en 2002, les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention contre la torture. Le Comité prend note de la diminution du nombre de plaintes soumises au bureau du Défenseur du peuple pour actes de torture imputés à la police pendant la période allant de 1999 à 2004. Cependant, le Comité juge préoccupant que des plaintes continuent d'être portées contre des membres de la police nationale et des forces armées et contre des agents du système pénitentiaire. Il juge également préoccupante la persistance des plaintes dénonçant des tortures et des traitements cruels subis par les appelés qui effectuent leur service militaire. Aussi, le Pérou devrait-il adopter des mesures efficaces pour empêcher totalement la pratique de la torture sur tout le territoire placé sous sa juridiction. Le Comité recommande notamment la mise en place d'un registre national de toutes les plaintes déposées par des personnes qui se déclarent victimes de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants.

Le Comité encourage par ailleurs le Pérou à limiter la proclamation de l'état d'urgence aux situations dans lesquelles cette mesure est absolument nécessaire et à respecter scrupuleusement pendant les périodes d'état d'urgence les obligations qui lui incombent en matière de droits de l'homme. D'autre part, le Comité reconnaît que le Pérou a progressé en abrogeant les lois d'amnistie et en traduisant devant les tribunaux pénaux quelques officiers de l'armée et hauts responsables de la police pour des actes de torture, mais il reste préoccupé par les retards excessifs avec lesquels les procès sont menés et regrette que l'application de la compétence de la justice pénale militaire ne soit pas conforme aux obligations internationales contractées par le Pérou dans le domaine des droits de l'homme. Le Pérou devrait faire en sorte qu'une enquête impartiale et approfondie soit menée immédiatement sur toutes les allégations d'actes de torture et de mauvais traitements ainsi que de disparitions, imputés à des agents de l'État. Le Comité est en outre préoccupé que des plaintes pour torture et mauvais traitements dans les lieux de détention provisoire et dans les établissements pénitentiaires continuent d'être reçues. Il s'inquiète du surpeuplement et de l'entassement qui règnent dans les prisons ainsi que de l'absence de professionnels médicaux et d'avocats commis d'office pour assurer la défense. Le Comité affirme par ailleurs que le Pérou doit fermer la prison de Yanamayo et garantir que les installations pénitentiaires civiles soient placées sous autorité civile et non pas militaire. Il faut en outre que le Pérou adopte des mesures efficaces afin que toutes les personnes qui dénoncent des actes de torture ou des mauvais traitements soient protégées contre toute intimidation et contre le risque de représailles pour avoir fait de telles dénonciations. Le Comité se dit en outre préoccupé par les plaintes faisant état de stérilisation involontaire de femmes. La législation actuelle limite fortement l'accès à l'interruption volontaire de grossesse, même en cas de viol, ce qui se traduit par de graves dommages incluant le décès de femmes, relève en outre le Comité.

Dans ses observations finales sur le rapport de la Géorgie, le Comité note que, suite à son accession à l'indépendance en 1991, le pays a continué de faire face à un conflit interne sur une partie de son territoire. En particulier, la situation dans les républiques autoproclamées autonomes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud est un sujet de grave préoccupation. Pour autant, le Comité tient à rappeler qu'aucune circonstance exceptionnelle ne saurait être invoquée au regard de l'interdiction absolue de la torture. Le Comité se félicite que la Géorgie ait accédé en 2005 au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et qu'elle ait fait les déclarations prévues au titre des articles 21 et 22 de la Convention. Il note en outre avec satisfaction les efforts en cours dans le pays afin de réformer la législation, les politiques et les procédures, de manière à assurer une meilleure protection des droits de l'homme, . Il se félicite notamment de la révision du Code de procédure pénale qui met la législation géorgienne en conformité avec les normes internationales relatives à la définition de la torture; de l'élaboration d'un Plan d'action contre la torture; ainsi que de la signature d'un mémorandum qui permet à l'Ombudsman d'autoriser des groupes de surveillance, tels des représentants d'ONG, à entreprendre des visites inopinées dans tout lieu de détention placé sous la responsabilité du Ministère des affaires intérieures.

Le Comité reste préoccupé que l'impunité et l'intimidation persistent en Géorgie, en particulier s'agissant du recours excessif à la force, y compris la torture, de la part des agents responsables de l'application des lois et ce, tout spécialement, avant et pendant l'arrestation, durant les émeutes en prison et dans le cadre de la lutte contre le crime organisé. Se disant préoccupé au sujet du recours aux assurances diplomatiques pour traiter des demandes de refoulement, d'extradition et d'expulsion de personnes accusées d'activités criminelles, le Comité affirme que le pays devrait examiner chaque cas sur une base individuelle et ne recourir à la pratique des assurances diplomatiques qu'avec beaucoup de prudence. Il se dit par ailleurs préoccupé par le nombre relativement faible de condamnations et de mesures disciplinaires prononcées à l'encontre d'agents responsables de l'application des lois au regard des nombreuses allégations de torture et autres actes cruels, inhumains ou dégradants. Il est recommandé à la Géorgie d'examiner rapidement et en profondeur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements. Le Comité se dit préoccupé par le grand nombre de plaintes reçues de la part de détenus ainsi que par les informations selon lesquelles des agents responsables de l'application des lois portent des masques durant des raids et ne portent aucun badge d'identification, ce qui rend impossible leur identification s'ils devaient faire l'objet d'une plainte pour torture ou mauvais traitement déposée par un détenu. Le Comité est en outre particulièrement préoccupé par le grand nombre de décès soudains en détention et par l'absence d'informations précises s'agissant des causes de décès dans chacun de ces cas. Préoccupé par les mauvaises conditions de détention dans de nombreux établissements pénitentiaires ainsi que par la surpopulation qui caractérise nombre de centres de détention temporaires, le Comité affirme que la Géorgie devrait réduire encore davantage la période de détention avant jugement. Il estime aussi que le pays devrait envisager l'adoption d'une législation spécifique en matière d'indemnisation, de réparation et de restitution.

Le Comité note avec satisfaction les efforts que le Guatemala a entrepris pour réformer son système judiciaire. Il se félicite que le Guatemala ait fait en 2003 la déclaration prévue à l'article 22 de la Convention. Il se plaît en outre à signaler qu'en avril dernier, le pays a remis au bureau du Secrétaire général une proposition relative à la création d'une commission d'enquête sur les groupes illégaux et les appareils clandestins de sécurité. Le Comité note avec satisfaction une amélioration de la situation des droits de l'homme dans le pays, qui se traduit par le fait qu'actuellement, il n'y a pas de disparitions forcées en tant que politique de l'État et que ne sont plus reçues d'informations faisant état de l'existence de centres de détention secrets. Le Comité réitère néanmoins sa préoccupation s'agissant du fait que la définition de l'infraction de torture figurant dans le Code pénal guatémaltèque n'a toujours pas été rendue entièrement conforme aux dispositions de la Convention. De l'avis du Comité, le Guatemala devrait prendre des mesures effectives pour renforcer la police nationale civile et abroger toutes les dispositions autorisant l'armée à intervenir dans les activités de sécurité publique interne et de prévention de la criminalité. Le Comité se dit préoccupé par les allégations qui font état d'une augmentation des actes de harcèlement et de persécution, notamment des menaces, des assassinats et d'autres violations des droits de l'homme, dont sont victimes les défenseurs des droits de l'homme et s'inquiète de l'impunité dans laquelle ces actes demeurent. Le Guatemala devrait modifier sa législation de façon à énoncer explicitement que l'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique ne peut pas être invoqué pour justifier la torture. Exprimant sa préoccupation face au projet de loi qui prévoit que les tribunaux militaires auront juridiction pour juger un personnel militaire accusé de délits de droit commun, le Comité affirme que le Guatemala devrait amender ce projet de loi afin de limiter la juridiction des tribunaux militaires au jugement du personnel militaire accusé des seuls délits de fonction militaire.

Le Comité est préoccupé par l'impunité qui demeure pour la plupart des violations des droits de l'homme commises pendant le conflit armé interne, plus de 600 massacres reconnus comme tels par la Commission de clarification historique n'ayant toujours pas fait l'objet d'enquêtes. Le Comité note avec préoccupation que l'application de la loi de 1996 sur la réconciliation nationale fait obstacle à une enquête effective sur l'affaire du massacre de Las Dos Erres de 1982, enquête qui est paralysée en raison de mesures dilatoires sans justification juridique. Le Guatemala devrait appliquer strictement la loi de réconciliation nationale, qui exclut explicitement les actes de torture et autres violations graves des droits de l'homme du champ d'application de l'amnistie. Le Comité est préoccupé par les nombreuses allégations concernant: la «purification sociale» et les meurtres d'enfants vivant dans la rue et dans les quartiers marginalisés, qui s'accompagnent souvent d'actes de torture et de mauvais traitements, ainsi que l'absence d'enquête poussée sur ces faits; l'augmentation des meurtres violents de femmes, souvent commis avec des violences sexuelles, des mutilations et des tortures; ainsi que les lynchages. Il s'inquiète de l'existence une disposition du Code pénal, actuellement examinée par la Cour constitutionnelle, qui dispense de peine le violeur qui épouse sa victime. Le Comité est préoccupé par le pourcentage élevé de personnes emprisonnées qui sont en détention avant jugement, lesquelles, selon le Guatemala, représentent la moitié des détenus. Aussi, le pays devrait-il intensifier ses efforts pour adopter des mesures efficaces en vue de réduire le nombre de personnes en situation de détention préventive. Enfin, le Comité fait part de sa préoccupation face à l'augmentation du nombre de délits passibles de la peine de mort: douze personnes sont condamnées à mort pour des crimes auxquels a été élargie la peine de mort durant la période pendant laquelle le Guatemala, conformément au droit international, était juridiquement tenu de ne pas augmenter le nombre de délits passibles de cette peine. La non-annulation de ces sentences constitue une forme de traitement ou de peine cruel et inhumain.

Dans ses observations finales sur le deuxième rapport périodique des États-Unis, le Comité se félicite de la déclaration de l'État partie selon laquelle il est interdit à tous les agents des États-Unis, quelle que soit l'agence à laquelle ils appartiennent, de se livrer à la torture et à des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, à tout moment et en tous lieux. Le Comité se félicite en outre de la clarification fournie par les États-Unis selon laquelle la déclaration faite par le Président des États-Unis lors de la signature de la loi sur le traitement des détenus, en décembre 2005, ne doit pas être interprétée comme une dérogation, par le Président, à l'interdiction absolue de la torture. Le Comité se félicite en outre de l'adoption de la loi sur l'élimination du viol en prison, ainsi que de l'adoption de normes de détention nationales. Par ailleurs, le Comité prend note de l'intention du pays d'adopter un nouveau manuel opérationnel de l'armée sur les interrogatoires de renseignement qui assure que les techniques d'interrogatoires soient pleinement conformes à la Convention. Le Comité réitère cependant sa recommandation selon laquelle les États-Unis devraient adopter un crime fédéral de torture compatible avec l'article premier de la Convention et qui devrait inclure des peines appropriées. Les États-Unis devraient en outre s'assurer que les actes de torture psychologique ne soient pas limités à la «souffrance mentale prolongée», comme l'a indiqué le pays dans ses commentaires déposés lors de sa ratification de la Convention. En outre, les États-Unis devraient reconnaître et garantir que la Convention s'applique à tout moment, que ce soit en temps de paix, de guerre ou de conflit armé, sur tout territoire relevant de leur juridiction et que l'application des dispositions de la Convention est sans préjudice des dispositions de tout autre instrument international. Faisant observer qu'un certain nombre de dispositions de la Convention sont formulées comme s'appliquant au territoire placé sous la juridiction de l'État partie, le Comité rappelle que cela inclut toutes les zones placées sous le contrôle effectif de facto de l'État partie, quelle que soit l'autorité - civile ou militaire - qui exerce ce contrôle. Relevant que les États-Unis n'enregistrent pas toujours les personnes détenues dans des territoires placés sous sa juridiction en dehors des États-Unis, les privant d'une garantie effective contre des actes de torture, le Comité affirme que le pays devrait enregistrer toutes les personnes qu'il détient dans tout territoire placé sous sa juridiction.

Le Comité se dit préoccupé par les allégations selon lesquelles les États-Unis ont établi des centres de détention secrets qui ne sont pas accessibles au Comité international de la Croix-Rouge. À cet égard, il juge regrettable la politique du «sans commentaire» adoptée par les États-Unis s'agissant de l'existence de tels centres secrets ainsi que de leurs activités de renseignement. Les États-Unis devraient s'assurer que personne n'est détenu dans aucun lieu de détention secret placé sous leur contrôle effectif de facto. Détenir des personnes dans de telles conditions constitue en soi une violation de la Convention, souligne le Comité. Les États-Unis devraient publiquement condamner toute politique de détention au secret. Le Comité rappelle en outre que les activités de renseignement sont des actes de l'État partie qui engagent pleinement sa responsabilité. Le Comité se dit par ailleurs préoccupé par les informations faisant état de l'implication des États-Unis dans des disparitions forcées et regrette à cet égard le point de vue exprimé par le pays selon lequel de tels actes ne constituent pas une forme de torture. Le Comité affirme que les États-Unis devraient adopter des dispositions juridiques claires visant à appliquer le principe de l'interdiction absolue de la torture, dans son droit interne et sans aucune dérogation possible. Il exprime en outre sa préoccupation face au point de vue des États-Unis selon lequel l'obligation de non-refoulement ne s'applique pas aux personnes détenues en dehors de leur territoire. Est jugée préoccupante la pratique des États-Unis consistant à livrer des suspects, sans procédure judiciaire, à des pays où ils sont exposés à un risque réel de torture. Le Comité est aussi préoccupé face à l'utilisation, par les États-Unis, des «assurances diplomatiques», et le pays est prié de fournir au Comité des informations détaillées sur tous les cas pour lesquels, depuis le 11 septembre 2001, des «assurances diplomatiques» ont été données. Notant que détenir indéfiniment des personnes sans charge constitue en soi une violation de la Convention, le Comité affirme que les États-Unis devraient cesser de détenir qui que ce soit à «Guantanamo Bay» et devraient fermer ce centre de détention, permettre aux détenus d'avoir accès à une procédure judiciaire ou les libérer dès que possible, en s'assurant qu'ils ne sont pas renvoyés vers un pays où ils sont confrontés à un risque réel d'être torturés. Le Comité se dit par ailleurs préoccupé par les informations fiables faisant état d'actes de torture ou de traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants commis par des membres du personnel militaire et civil des États-Unis en Afghanistan et en Iraq; il est également préoccupé par la clémence des sentences prononcées s'agissant de nombre de ces cas. Il est en outre préoccupé par le fait que les détenus en Afghanistan et en Iraq placés sous le contrôle du Département de la défense des États-Unis voient leur statut déterminé et examiné par un processus administratif émanant de ce Département.

Les États-Unis devraient, de l'avis du Comité, revoir leurs méthodes d'exécution, en particulier en ce qui concerne l'injection létale, afin de prévenir toute souffrance ou douleur sévère. Le Comité est aussi préoccupé par les informations fiables faisant état de violences sexuelles à l'encontre des détenus; par le traitement des femmes détenues; par le grand nombre d'enfants condamnés à perpétuité; par l'usage extensif d'instruments d'électrochoc par le personnel chargé de l'application des lois, et qui a provoqué plusieurs décès; ainsi que par les informations faisant état de brutalités et d'usage excessif de la force de la part du personnel chargé de l'application des lois et par les nombreuses allégations de mauvais traitements à l'encontre de groupes vulnérables tels que les minorités raciales, les migrants et de personnes en raison de leur orientation sexuelle.

Dans ses observations finales sur le rapport initial du Qatar, le Comité reconnaît les importants efforts que le pays déploie pour réformer son système juridique et institutionnel. Il se félicite de l'adoption d'une nouvelle Constitution, entrée en vigueur en juin 2005, qui inclut des garanties en matière de droits de l'homme, notamment celle qu'aucune personne ne peut être soumise à la torture ou à un traitement dégradant. Le Comité prend également note des mesures prises par le Qatar pour lutter contre le trafic de personnes, en particulier s'agissant de la loi de 2005 interdisant le trafic d'enfants en rapport avec les courses de chameaux. Relevant le caractère large et imprécis de la réserve que le pays a émise à l'égard de la Convention, le Comité lui recommande d'envisager de l'examiner en vue de la retirer. Le Qatar devrait en outre adopter une définition de la torture dans son droit pénal interne qui soit conforme à l'article premier de la Convention. Relevant que nombre de juges sont ressortissants de pays tiers et que les permis de résidence pour ces juges étrangers sont octroyés par des autorités civiles qatariennes, le Comité estime que le Qatar devrait prendre des mesures effectives afin d'assurer pleinement l'indépendance du judiciaire. Le Comité relève en outre que le Code pénal autorise des punitions comme la flagellation ou la lapidation; aussi, le Qatar devrait-il revoir les dispositions du Code pénal qui autorisent le recours à de telles pratiques.

Le Qatar devrait par ailleurs assurer le respect, dans la loi et dans la pratique, de l'obligation énoncée à l'article 3 de la Convention selon laquelle aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. Différents régimes sont applicables au Qatar, dans la loi et dans la pratique, aux nationaux et aux étrangers, s'agissant de leur droit de ne pas être exposés à une conduite violant les dispositions de la Convention – y compris leur droit de porter plainte contre une telle conduite, relève le Comité; aussi, le Qatar devrait-il s'assurer que la Convention et les protections y afférentes sont applicables à tous les actes qui constituent une violation de la Convention et qui se produisent sous sa juridiction, de quoi il découle que tous les individus bénéficient, sans discrimination, des droits énoncés dans cet instrument. Le Qatar devrait par ailleurs s'assurer, dans la loi et dans la pratique, que toutes les personnes détenues ou placées en garde à vue ont un accès rapide à un avocat et à un médecin indépendant et qu'elles ont droit d'informer un proche de leur détention. Des efforts devraient en outre être faits afin d'assurer que les activités du Comité national des droits de l'homme sont pleinement conformes aux Principes de Paris régissant les institutions nationales de droits de l'homme. Le Qatar devrait en outre assurer que toutes les personnes qui ont été victimes d'actes de torture se voient offrir une compensation juste et adéquate. Le Qatar devrait d'autre part prendre des mesures afin de prévenir la violence contre les travailleurs migrants. Le Comité relève par ailleurs qu'il n'existe pas au Qatar de loi spécifique protégeant les femmes contre la violence domestique.


S'agissant du rapport du Togo, le Comité se réjouit de la volonté du pays de moderniser son appareil judiciaire, à travers son Programme national de modernisation de la justice, ainsi que de la création d'une Commission nationale de modernisation de la législation. Il accueille en outre avec satisfaction la création en 2005 de l'Inspection générale des services de sécurité, chargée de veiller aux conditions de garde à vue, ainsi qu'au respect de la durée de celle-ci. Il accueille également avec satisfaction la signature d'une convention, en mars dernier, avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) lui donnant accès aux lieux de détention. Le Comité se félicite par ailleurs de l'adoption en 1998 d'une loi prohibant les mutilations génitales féminines. Il reste néanmoins préoccupé par l'absence de dispositions dans le Code pénal en vigueur définissant explicitement la torture et la criminalisant. Aussi, le Comité affirme-t-il que le Togo devrait prendre des mesures urgentes afin d'intégrer dans son Code pénal une définition de la torture conforme à l'article premier de la Convention, ainsi que des dispositions incriminant les actes de torture et les sanctionnant de manière appropriée. D'autre part, le Comité constate avec préoccupation, d'une part, que les dispositions du Code de procédure pénale relatives à la garde à vue ne prévoient ni la notification des droits, ni la présence d'un avocat, et d'autre part, que l'examen médical de la personne gardée à vue est simplement facultatif et n'est possible que sur sa demande ou celle d'un membre de sa famille, après accord du Parquet. Par ailleurs, le délai de 48 heures pour la garde à vue serait peu respecté en pratique, et certaines personnes, y compris des enfants, seraient détenues sans inculpation ou en attente d'un jugement pendant plusieurs années. Le Comité est préoccupé par les allégations qu'il a reçues, en particulier après les élections d'avril 2005, faisant état d'une pratique généralisée de la torture, de disparitions forcées, d'arrestations arbitraires et de détention au secret, ainsi que de viols fréquents de femmes par le personnel militaire, ainsi que de l'imputé apparente dont bénéficient les auteurs de ces actes.

Il est demandé au Togo de s'assurer que le personnel militaire ne soit en aucun cas associé à l'arrestation et à la détention de civils. Il lui est également demandé de prendre des mesures urgentes pour que tout lieu de détention soit sous autorité judiciaire et pour empêcher ses agents de procéder à des détentions arbitraires et de pratiquer la torture. Le Togo devrait en outre prendre les mesures législatives, et toute autre mesure nécessaire, interdisant l'expulsion, le refoulement ou l'extradition d'une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. Il est aussi recommandé au Togo de prendre les mesures nécessaires afin de réviser les termes des accords sous-régionaux que le pays a signés avec des États avoisinants, de manière à garantir que le renvoi d'une personne condamnée vers un des États signataires se fasse dans le cadre d'une procédure judiciaire. Le Comité est par ailleurs préoccupé par le fait que selon la législation togolaise, la torture ne constitue pas un acte pouvant donner lieu à l'extradition, compte tenu du fait qu'elle n'est pas définie dans le Code pénal. Le Togo devrait en outre prendre les mesures nécessaires pour réviser les termes des accords empêchant le transfert de ressortissants de certains États se trouvant sur le territoire togolais vers la Cour pénale internationale. Faisant part de sa préoccupation face à la présence sur le territoire togolais de l'ancien Président de la République centrafricaine M. Ange-Félix Patassé, compte tenu du fait que la Cour de cassation centrafricaine a renvoyé son cas devant la Cour pénale internationale, le Comité affirme que le Togo devrait prendre les mesures nécessaires pour transférer M. Patassé devant la Cour pénale internationale. Le Comité a par ailleurs noté les conditions de détention préoccupantes qui règnent au Togo, en particulier dans les prisons de Lomé et de Kara. Il est en outre vivement préoccupé par la violence sexuelle généralisée contre les femmes, y compris dans les lieux de détention. Le Comité est préoccupé par l'absence de surveillance systématique efficace de tous les lieux de détention. Il est également préoccupé par l'absence, dans le Code de procédure pénale, de dispositions prescrivant la nullité des déclarations obtenues sous l'effet de la torture. En outre, il a pris note avec préoccupation des représailles, des actes graves d'intimidation et des menaces dont feraient l'objet les défenseurs des droits de l'homme. Sont également jugées préoccupantes la persistance du trafic des enfants au Togo, en particulier dans le Nord et le centre du pays, et la persistance de la pratique des mutilations génitales féminines dans certaines régions du pays.

Le Comité se réjouit des progrès significatifs enregistrés par la République de Corée lafin d'assurer une meilleure protection des droits de l'homme depuis la présentation du rapport initial. Il prend également note des efforts actuellement déployés par le pays pour revoir sa législation et prendre d'autres mesures nécessaires de manière à donner effet aux recommandations du Comité et améliorer la mise en œuvre de la Convention. En témoignent notamment les mesures de libération et de pardon en faveur des individus anciennement condamnés en vertu de la Loi sur la sécurité nationale; les mesures visant à enquêter et à fournir des recours pour les violations passées de droits de l'homme; la création, en 2001, de la Commission nationale des droits de l'homme; ainsi que les mesures visant à assurer le respect des garanties juridiques fondamentales des personnes détenues par la police. Néanmoins, le Comité reste préoccupé par le fait que la République de Corée n'a toujours pas incorporé dans sa législation pénale de définition spécifique du crime de torture. Le Comité note avec préoccupation que l'article 125 du Code pénal relatif à la violence et aux actes cruels ne s'applique qu'aux seules personnes qui font l'objet de procédures d'enquête ou de jugement. En outre, la République de Corée devrait continuer de revoir sa Loi sur la sécurité nationale afin d'en assurer la pleine conformité avec la Convention et afin de s'assurer que les arrestations et les détentions en vertu de cette loi n'augmentent pas les risques de violations des droits de l'homme.

Par ailleurs, le Comité reste préoccupé par les allégations continues d'actes de torture et d'intimidation imputables à des agents responsables de l'application des lois, en particulier en rapport avec le recours excessif à la force et d'autres formes de mauvais traitements, pendant l'arrestation et l'enquête et dans les centres de détention ainsi que dans les établissements correctionnels. La République de Corée devrait accorder une plus haute priorité aux efforts visant à promouvoir une culture de la paix, en s'assurant qu'une politique de tolérance zéro soit mise en œuvre pour tous les personnels en charge de l'application des lois ainsi que pour les personnels des centres de détention et des établissements correctionnels. Au vu du nombre d'allégations de torture et/ou d'autres actes de traitement cruel, inhumain ou dégradant, et au vu du nombre de plaintes pour violations des droits de l'homme en général, le Comité se dit préoccupé par le taux relativement faible d'inculpations, de condamnations et de mesures disciplinaires imposées à ces agents. La République de Corée devrait-elle prendre des mesures effectives afin d'assurer le respect des garanties juridiques fondamentales applicables aux personnes détenues par la police. À cet égard, le Comité recommande l'adoption des amendements pertinents à la loi sur la procédure pénale actuellement à l'examen de l'Assemblée nationale et garantissant le droit à un avocat durant les interrogatoires et durant les enquêtes. Le Comité se dit préoccupé par les informations faisant état d'un recours excessif à la procédure d'arrestation d'urgence en vertu de laquelle une personne peut être détenue sans mandat d'arrêt pour une période maximale de 48 heures. Est aussi jugée préoccupante l'absence de toute protection juridique adéquate assurant aux individus, en particulier les requérants d'asile, qu'ils ne seront pas expulsés ou renvoyés vers des endroits où ils pourraient être soumis à la torture. Le Comité se dit également préoccupé par le nombre de personnes placées dans des cellules dites de substitution (dans les commissariats de police), qui seraient surpeuplées et en mauvais état. Préoccupé par le nombre élevé de suicides et autres morts soudaines dans les lieux de détention, le Comité affirme que la République de Corée devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et réduire le nombre de décès dans les lieux de détention. Il est également préoccupé par le nombre de suicides dans l'armée. Préoccupé par les informations indiquant que les procès pénaux se fient beaucoup sur les résultats de l'enquête, encourageant souvent les enquêteurs à obtenir des aveux des suspects, le Comité affirme que la République de Corée devrait assurer que les déclarations faites sous la torture ne peuvent être invoquées comme élément de preuve dans une quelconque procédure.

Composition du Comité

Le Comité est un organe de dix experts siégeant à titre personnel. Il est actuellement composé des experts suivants: M. Essadia Belmir (Maroc), M. Guibril Camara (Sénégal), Mme Felice Gaer (États-Unis), M. Claudio Grossman (Chili), M. Fernándo Mariño Menéndez (Espagne), M. Andreas Mavrommatis (Chypre), M. Julio Prado Vallejo (Équateur), Mme Nora Sveaass (Norvège), M. Xuexian Wang (Chine) et M. Alexander Kovalev (Fédération de Russie).

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