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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU QATAR

09 Mai 2006

9 mai 2006

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport du Qatar sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Seif Mokadem Al-Boainain, Vice-Ministre des affaires étrangères du Qatar, a réaffirmé l'importance croissante que son pays accorde à la question de la promotion et de la protection des droits de l'homme, y compris au droit de ne pas être soumis à la torture ni à d'autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Rappelant que la nouvelle Constitution est entrée en vigueur le 9 juin 2005, il a souligné que parmi les droits et libertés fondamentaux qu'elle garantit figure l'interdiction de la torture. En vertu du Code de procédure pénale, a-t-il ajouté, les personnes arrêtées et détenues doivent être traitées d'une manière qui respecte leur dignité humaine et ne doivent pas être soumise à une souffrance physique ou mentale. Le Code prévoit en outre explicitement que des aveux obtenus sous la torture ne sont pas admissibles dans une procédure en justice. Le Code pénal pénalise la torture sous toutes ses formes dans ses articles se rapportant à l'abus de fonction et à l'abus de pouvoir de la part des agents de l'État, a poursuivi M. Al-Boainain. Il a toutefois reconnu un certain nombre d'obstacles et de défis auxquels est confronté le pays pour assurer la mise en œuvre des dispositions de la Convention, du fait notamment du développement relativement récent des lois et des institutions dans le pays.

La délégation qatarienne était également composée du Représentant permanent du Qatar auprès des Nations Unies à Genève, M. Nasser Bin Rashed Al-Nuaimi, et d'autres représentants du Ministère des affaires étrangères, ainsi que des Ministères de l'intérieur, de la justice, et des services civils et du logement.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport qatarien, Mme Felice Gaer, a relevé que l'interdiction de la torture dans le pays semble se rapporter aux seuls actes se déroulant dans les lieux de détention, alors que la torture peut se produire dans d'autres circonstances. La législation autorise-t-elle la détention de délinquants mineurs avec des adultes, a par ailleurs demandé Mme Gaer? Est-il vrai que les homosexuels seraient expulsés du pays et qu'ils peuvent être sanctionnés par la lapidation, s'est-elle également interrogée? Mme Gaer s'est en outre enquise de la protection juridique applicable aux non-citoyens qui se trouvent sur le territoire qatarien. Elle a demandé où en était le projet visant à interdire les peines de travaux forcés et de flagellation.

Le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport qatarien, M. Xuexian Wang, s'est notamment enquis des possibilités d'accès à un avocat et de droit de recours, ainsi que des modalités de surveillance judiciaire dans le contexte des détentions prolongées relevant de la loi contre le terrorisme.


Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation qatarienne aux questions des experts. Demain matin, à 10 heures, il entamera l'examen du rapport initial du Togo (CAT/C/5/Add.33).


Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. SEIF MOKADEM AL-BOAINAIN, Vice-Ministre des affaires étrangères du Qatar, a réaffirmé l'importance croissante que son pays accorde à la question de la promotion et de la protection des droits de l'homme, y compris le droit de ne pas être soumis à la torture ni à d'autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Rappelant que la nouvelle Constitution est entrée en vigueur le 9 juin 2005, il a souligné que parmi les droits et libertés fondamentaux qu'elle garantit figurent l'égalité de tous devant la loi; l'interdiction de la discrimination; la liberté personnelle; l'interdiction de la torture; la liberté de la presse, la liberté d'expression et la liberté d'opinion; le droit de créer des associations; la liberté de culte; le droit à l'emploi; le droit à l'éducation; ou encore le droit de réunion des citoyens. M. Al-Boainain a ajouté que les droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution ont été renforcés par l'adoption d'un certain nombre d'autres textes tels que le Code pénal, le Code de procédure pénale, le droit du travail et la Loi sur les associations et institutions privées.

En vertu de l'article 36 de la Constitution, a poursuivi le Vice-Ministre, la liberté personnelle est garantie et une personne ne peut être arrêtée ni détenue, ni voir sa liberté de résidence et de mouvement restreinte, sauf en vertu des dispositions de la loi; en outre, personne ne peut être soumis à la torture ou à un quelconque traitement dégradant, la torture devant être considérée comme un crime punissable en vertu de la loi. L'article 36 de la Constitution prévoit une garantie constitutionnelle au droit de ne pas être soumis à la torture ou à un quelconque traitement dégradant, en assurant que ce droit ne saurait être entravé, révoqué ni suspendu. M. Al-Boainain a par ailleurs indiqué que selon le Code de procédure pénale, les personnes arrêtées et détenues doivent être traitées d'une manière qui respecte leur dignité humaine et ne doivent pas être soumise à une souffrance physique ou mentale. De plus, a-t-il ajouté, ce même Code prévoit explicitement que des aveux obtenus sous la torture ne sont pas admissibles dans une procédure en justice. Le Code pénal qatarien pénalise la torture sous toutes ses formes dans ses articles 159-164 qui ont trait à l'abus de fonction et à l'abus de pouvoir de la part des agents de l'État, a poursuivi M. Al-Boainain.

M. Al-Boainain a par ailleurs souligné que les dispositions de la Convention ont force de loi. Le cadre législatif visant l'interdiction de la torture et la pénalisation de ce crime a été renforcé par un cadre procédural à travers la législation se rapportant au pouvoir judiciaire, au procureur, à la police, aux prisons ainsi qu'à travers la Commission nationale des droits de l'homme. Ainsi, plusieurs garanties sont-elles prévues, notamment en ce qui concerne la supervision judiciaire des procédures d'arrestation et de détention; le droit du détenu d'avoir accès à un avocat au moment de son arrestation et le droit de l'avocat de participer à toutes les étapes de l'enquête; l'inspection et le contrôle des prisons et des autres lieux de détention; ainsi que la réception et le traitement des plaintes des détenus.

Le Vice-Ministre a par ailleurs reconnu que, dans le cadre des efforts qu'il déploie pour assurer la mise en œuvre des dispositions de la Convention, le Qatar est confronté à un certain nombre d'obstacles et de défis. Ces difficultés sont en particulier dues au fait que le développement des lois et des institutions est relativement nouveau dans ce pays. Il est prévu que le Centre des droits de l'homme pour l'Asie du Sud-Ouest et la région arabe de Doha, créé par l'Assemblée générale des Nations Unies lors de sa soixantième session, aide à faire face à ces difficultés et à ces défis. Ce centre devrait être opérationnel à compter de la fin de cette année, a précisé M. Al-Boainain.


Le rapport initial du Qatar (CAT/C/58/Add.1) rappelle qu'à la suite de l'adhésion du pays à la Convention, celle-ci a acquis force de loi, de sorte qu'elle peut être invoquée devant les tribunaux dans tout cas de violation de ses dispositions. Il souligne que le ministère public est tenu par la loi d'enquêter sur les actes de torture commis par des agents de la fonction publique et d'engager des poursuites contre les coupables. Au Qatar, le ministère public est un organe judiciaire indépendant présidé par le Procureur général et composé d'un ou plusieurs procureurs principaux et d'un nombre suffisant d'autres magistrats. Les membres du ministère public exercent leurs fonctions sous la supervision de leurs supérieurs hiérarchiques. Ils ne peuvent être tenus responsables des conséquences des activités qu'ils mènent dans le cadre de leurs attributions. Au Qatar, poursuit le rapport, le pouvoir judiciaire est indépendant. Le Conseil supérieur de la magistrature met tout en œuvre pour garantir cette indépendance.

La loi sur les prisons de 1995 souligne combien il importe de réformer et de réadapter les détenus et de s'efforcer de faire d'eux des membres utiles de la société en les traitant humainement afin de leur inculquer le sens des responsabilités envers eux-mêmes et envers leur communauté. Chaque établissement pénitentiaire tient notamment à jour les documents suivants: un dossier général sur les détenus; un journal dans lequel sont consignés notamment un compte rendu quotidien des accidents dont des détenus ont été victimes; un registre des emplois exercés par les détenus; un registre des sanctions; un registre des plaintes et des requêtes des détenus. Les détenus sont divisés en quatre catégories, précise le rapport: la catégorie A comprend les personnes en détention préventive, les personnes condamnées à une peine d'emprisonnement de courte durée, les personnes emprisonnées pour non-remboursement de leur dette, les personnes emprisonnées pour non-paiement de pension alimentaire, de dettes civiles ou de dommages-intérêts pour dommages corporels (diyah); la catégorie B comprend les personnes condamnées à une peine d'emprisonnement avec travaux forcés ou de flagellation - les autorités envisagent de modifier la loi sur les prisons en vue d'abolir les peines de travaux forcés et de flagellation conformément au nouveau Code pénal; la catégorie C comprend les personnes condamnées à mort; la catégorie D comprend les personnes en détention préventive en liaison avec des infractions politiques et les personnes reconnues coupables d'infractions politiques.

En ce qui concerne les recours offerts à toute personne qui se déclare victime de torture ou de toute autre forme de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Constitution et les lois en vigueur disposent que, quiconque affirme que l'un quelconque des droits qui lui sont garantis par la Constitution ou les lois en vigueur a été violé peut demander réparation devant les tribunaux selon leurs domaines respectifs de compétence. Le Code de procédure pénale de 2004 définit les modalités et les conditions d'ouverture d'une action pénale. Il énonce également toutes les garanties légales du droit de demander réparation. Quiconque affirme que l'un quelconque des droits qui lui sont garantis par la loi a été violé est en droit de porter la question à l'attention de l'Émir lui-même étant donné que le Cabinet et le Conseil de l'Émir sont accessibles à tous les citoyens. La Commission nationale des droits de l'homme, créée en 2002, œuvre à la protection des droits et des libertés de l'homme aux fins suivantes: 1tteindre les objectifs fixés dans les conventions et les pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels l'État est partie; enquêter sur les atteintes aux droits et aux libertés de l'homme et recommander des moyens appropriés pour y remédier et empêcher qu'elles ne se reproduisent dans l'avenir; faire mieux connaître les droits et les libertés de l'homme. Selon le Code de procédure pénale, aucune valeur ne peut être accordée à des aveux obtenus par la torture. La charia islamique interdit totalement les actes de torture et autres formes de mauvais traitements étant donné que de tels actes constituent une offense à la dignité humaine que la religion ordonne de respecter et de protéger, poursuit le rapport. Les autorités étudient actuellement la possibilité d'incorporer dans le droit interne l'article de la Convention selon lequel aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.


Examen du rapport

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Qatar, MME FELICE GAER, a pris note des nombreux changements et réformes en cours dans le pays et a exprimé l'espoir que l'examen du rapport fournira l'occasion de préciser dans quelle mesure ces changements ont un impact sur la mise en œuvre de la Convention. Relevant que lors de son accession à la Convention, le Qatar a émis une réserve en faisant une référence générale au droit national sans en préciser le contenu, elle a souhaité recevoir des précisions quant à la portée de l'engagement du Qatar de s'acquitter de ses obligations en vertu de la Convention.

Mme Gaer a pris note avec satisfaction de la création, en 2002, de la Commission nationale des droits de l'homme. Elle s'est enquise du processus de sélection des membres de cette commission et a souhaité connaître les garanties permettant d'assurer que différents groupes, tels que les femmes, puissent y participer.

En ce qui concerne la définition de la torture, Mme Gaer a relevé que le Code pénal n'interdit pas spécifiquement cette pratique. En effet, la torture n'y est pas définie. Le Code pénal interdit la cruauté de la part des agents de l'État, ce qui reste une notion difficile à appréhender, a-t-elle poursuivi. Il semble qu'au Qatar, l'interdiction de la torture se rapporte aux seuls actes se déroulant dans les lieux de détention, alors que la torture peut se produire dans d'autres circonstances, notamment pendant l'arrestation d'une personne, a ajouté Mme Gaer.

L'experte a par ailleurs souhaité savoir dans quelle mesure les personnes arrêtées et détenues ont accès à un avocat, à un médecin et à un proche. Il semble qu'il existe une exception à l'interdiction d'interroger un détenu en l'absence de son avocat, a poursuivi Mme Gaer; aussi, a-t-elle souhaité savoir à quelles circonstances particulières cette exception s'applique ainsi que la fréquence avec laquelle elle s'applique.

Mme Gaer a par ailleurs demandé des statistiques sur le nombre de prisonniers éventuellement décédés en détention. D'après certaines organisations non gouvernementales, a-t-elle indiqué, il semblerait qu'aucune ONG ni instance internationale ne se soit rendu dans les prisons qatariennes cette année. La législation qatarienne autorise-t-elle la détention de délinquants mineurs avec des adultes, a par ailleurs demandé Mme Gaer? Elle a souhaité en savoir davantage sur les mesures prises pour prévenir la violence sexuelle entre prisonniers.

Mme Gaer a par ailleurs indiqué avoir reçu des informations selon lesquelles les personnes soupçonnées d'homosexualité seraient soumises à des examens rectaux dans les commissariats. Est-il vrai que les homosexuels seraient expulsés du pays? Est-il vrai que les homosexuels peuvent être sanctionnés par la lapidation? Encourent-ils la peine de mort au Qatar?

Combien de personnes ont-elles été reconnues coupables d'actes de torture depuis l'entrée en vigueur de la Convention, s'est en outre enquise Mme Gaer? Qu'est-il advenu des personnes victimes de ces actes, a-t-elle demandé?

Mme Gaer a souhaité en savoir davantage sur les cas des 21 personnes condamnées à mort en 2001 suite à la tentative de coup d'État de 1996.

Mme Gaer s'est également inquiétée des peines de prison prévues pour un certain nombre de faits considérés comme délictuels en vertu de la législation qatarienne, tels que la pratique de l'avortement ou le non-paiement de dette.

L'experte s'est en outre enquise de la protection juridique applicable aux non-citoyens qui se trouvent sur le territoire qatarien.

Y a-t-il eu une évolution en ce qui concerne l'interdiction - envisagée dans le rapport - des peines de travaux forcés et de flagellation, a demandé Mme Gaer? Un mineur de 15 ans peut-il être soumis à une peine de flagellation?

Rappelant les préoccupations qu'avait suscitées l'utilisation de très jeunes garçons comme jockeys pour chameaux, Mme Gaer s'est réjouie que les choses semblent avoir changé dans ce domaine depuis qu'il a été décidé d'utiliser des robots mécaniques pour les remplacer. Ce fut néanmoins un grave problème en matière de traite de personnes, a rappelé l'experte. Aussi, s'est-elle enquise de la manière dont les victimes de cette pratique antérieure ont été traitées. Les enfants concernés ont-ils pu rentrer dans leur pays et qu'a-t-il été fait pour aider ces jeunes garçons et leurs familles? De quels moyens de recours disposent ces enfants pour déposer plainte?

Mme Gaer a par ailleurs noté le nombre élevé de plaintes émanant de travailleurs étrangers au Qatar, surtout des femmes, qui se plaignent d'actes de violence et de ne pas avoir le droit de voyager ni de quitter leur lieu d'emploi. Les travailleurs domestiques étrangers présents au Qatar ont-ils le droit de se plaindre et, si c'est le cas, combien de plaintes ont-elles été déposées, a demandé Mme Gaer?

Le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Qatar, M. XUEXIAN WANG, s'est enquis des possibilités d'accès à un avocat et de droit de recours, ainsi que des modalités de surveillance judiciaire dans le contexte des détentions prolongées relevant de la loi contre le terrorisme.

L'expert a fait état d'allégations selon lesquelles la police qatarienne ne considèrerait que la violence contre les femmes, notamment au sein de la famille, ne constitue pas un crime au pénal.

Dans quelle mesure la charia (loi islamique) est-elle incorporée dans la Constitution, a demandé un autre expert? Cette loi s'applique-t-elle à toutes les personnes se trouvant sur le territoire qatarien ou seulement aux musulmans?

La loi prévoit-elle l'obligation de tenir un registre des personnes détenues en vertu de la loi antiterroriste, a demandé un autre membre du Comité?

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